Nuvo a écrit:Il n'y a vraiment que sur ce forum qu'on peut entendre parler de la bataille de Bouvines
J'en ai moi-même entendu parler par l'intermédiaire d'une vidéo de "Grand François" il y a des années, postée par Seb Musset.
Grand François disait qu'à Bouvines il ne s'était rien passé... qu'il fallait lire le livre de Georges Dyby "Le dimanche de Bouvines" pour s'en persuader.
Que l'histoire c'est avant tout du mensonge... des images d'Epinal pour monter en épingle une mythologie nationale (Et là Silver tu vas hurler
on a déjà eu le débat sur Valmy, la réalité de la bataille et son impact réel dans la mémoire nationale)
Si l'Histoire est un mensonge, la
déconstruction de l'histoire officielle est également un mensonge. Pour l'écrire autrement, pourquoi veux-tu que seul Georges Duby échappe à l'idéologie ? L'école moderne de l'histoire trahit sa méfiance à l'égard des grands évènements et des grands hommes, et l'histoire récente peut se lire comme une
réaction visant à déconstruire des
récits mythiques. Or cette nouvelle histoire est un récit comme les autres. À ce titre, je suis méfiante: s'il est souhaitable d'éviter d'enseigner un roman national, nous devons continuer à nous inspirer d'un récit national, dans lequel les ombres de l'histoire de France mettent également en valeur ses lumières, ainsi nous pourrons éclaircir le présent aux lumières du passé pour identifier un principe français.
Nuvo a écrit:J'ai ensuite appris que cette bataille entre Philippe-Auguste et Otto IV avait été sortie des oubliettes par la IIIe République car elle constituait une grande victoire de la France sur le Saint-Empire Romain Germanique. Ca servait la propagande de l'école pour que chaque petit français ait envie de reprendre l'Alsace-Moselle aux Boschs.
Et puis patatra en 1945 : réconciliation oblige, Bouvines retourne aux oubliettes.
Tu vois, tu as tout dit ! Dans un cas comme dans l'autre, l'histoire est ordonnée dans le sens que nous voulons bien lui donner, c'est un récit téléologique. Quand nous voulons sortir la France de l'esprit des Français, l'histoire est revue et corrigée par un procès permanent fait au passé: pas de grands hommes, pas de grands évènements. En revanche, hier le roman national masquait une entreprise nationaliste, insuffler l'esprit de revanche et de sacrifice dans l'âme des petits français.
On peut inventer une histoire plus complexe, comparative, donnant toute sa place aussi bien aux évènements, aux grands récits, aux grands hommes et à la continuité historique qu'une histoire des lieux, des mentalités et des transformations sociales. L'histoire sera toujours écartelée entre sa visée scientifique et sa visée politique, faire France.
Ainsi Bouvines est à la fois un évènement politique daté qui permet de comprendre des concepts politiques, d'articuler les concepts de souveraineté et de suzeraineté, d'envisager la place de l'État dans la France naissante au regard de la féodalité traditionnelle, et une question plus idéologique qui met en miroir deux batailles séparées de sept cents ans:
Sur le monument aux morts édifié en 1934 du village de Bouvines, on lit cette phrase (sur la droite):
"la bataille de la Marne, c'est Bouvines renouvelé à sept cents ans de distance". On peut lire cette phrase comme la marque du nationalisme, de l'histoire capturée par le roman national, ou comprendre que le passé inspire le présent. L'histoire peut remettre tout à sa place, Bouvines, l'historiographie de cette bataille, mais elle ne pourra s'affranchir de la relation de continuité qui est la marque de l'histoire et le signe d'une nation. Je lis Bouvines comme un signe de la résistance à l'impérialisme, comme le témoignage d'une continuité vivante.