Hugues a écrit:PS: Et Dervi, tu verras que tu en as une maintenant sur place.
Ouf, merci pour le suivi

C'est dans mon cinoche habituel.
Modérateurs: Garion, Silverwitch
Hugues a écrit:PS: Et Dervi, tu verras que tu en as une maintenant sur place.
Mille fois annoncé, mille fois repoussé, le film de Terrence Malick est un opéra cosmique.
Quelques chutes utilisées dans The Tree of life avaient pu donner un avant-goût de ce que réserve Voyage of Time. À la première vision, on a l’impression d’un de ces trips immersifs qui rappellent certains passages de 2001 – L’Odyssée de l’espace, ou encore les films psychédéliques de Ron Fricke qui interrogent les rapports entre l’homme et l’éternité. Mais, derrière la séduction immédiate des séquences d’une beauté fascinante et propice au lâcher-prise, une logique rigoureuse ordonne la chronologie d’une narration qui n’ambitionne rien moins que de raconter la création du monde, sous toutes ses formes, minérale, végétale, animale, et l’évolution des différentes formes de vie, depuis les bactéries jusqu’aux espèces les plus évoluées.
Un artiste visionnaire
À l’appui de ce travail, Malick s’est entouré d’une équipe de scientifiques (historiens, astronomes, biologistes, anthropologues, zoologues, géographes, physiciens, chimistes...) pour choisir, compiler et valider l’exactitude des phénomènes naturels représentés en prises de vues réelles, en images de synthèse ou à l’aide d’effets visuels. Le commentaire en voix off, dit par Cate Blanchett, relève de l’affectif beaucoup plus que de l’informatif. Si le résultat est admirable, c’est parce qu’il permet de contempler la non moins admirable – et parfois terrifiante – puissance de la nature, restituée ici avec l’intelligence et la sensibilité d’une équipe dirigée par un artiste visionnaire.
Liberation a écrit:MALICK, «VOYAGE» AU BOUT DE L’INOUÏ
Par Julien Gester
— 2 mai 2017 à 20:16
Tout fout le camp en royaume malickien : l’auteur des Moissons du ciel et de la Ligne rouge ne vit plus tout à fait reclus, commet un film chaque année (et non plus tous les quinze à vingt ans), et les derniers déconcertent violemment, au point qu’il fut jugé plus sage, ou stratégique, d’événementialiser Voyage of Time en résumant sa sortie française à un seul soir : il sera projeté jeudi simultanément dans une centaine de salles.
Le projet travaille pourtant Malick depuis des décennies. Il retrace, en une heure et demie, rien moins que la genèse de notre univers, à grands traits et grands frais (sans que l’on parvienne, souvent, à distinguer ce qui y relève de l’imagerie scientifique ou du délire d’une iconographie numérico-spectaculaire un peu baba). A ce qui ressemble fort au prototype le plus ouvragé, dispendieux et long de l’histoire de l’économiseur d’écran, se mêlent éparsement les images sans qualité de l’humanité comme elle va (mal). Des visions contemporaines puisées on ne sait où, dont le dénuement plastique tranche singulièrement avec la somptuosité que le cinéaste insuffle aux manifestations diverses de la nature (copulations de matières sidérales, nuées aquatiques, éruptions volcaniques, comme si on y était).
Le tout, entre deux envolées musicales particulièrement enflées, se trouve surplombé des complaintes pleines de la solennité pieuse d’une voix off signée Cate Blanchett, s’adressant au divin à l’origine du dessein universel par le nom de «Mère». On assiste là, mi-assommé mi-médusé par tant de pompe grandiose, à une radicalisation pure et simple de la béatitude panthéiste du cinéaste, et de son inclination pour la contemplation éperdue de l’invisible, dans un film auquel on soupçonne que seuls le Futuroscope et lui auraient jamais osé rêver.
Les Irocks a écrit:Voyage of Time : au fil de la vie
28/04/2017 | 19h02
Un documentaire sur l’origine de la vie en forme de ballet cosmique. Du Malick hardcore, dont le jusqu’au-boutisme ne manque pas de panache.
Voyage of Time arrive à un moment crucial pour Malick : sa légende est à un fil de s’effondrer. Après une série de déceptions marquées par le gimmick, sous le feu de moqueries persistantes et d’une critique en berne, Terrence n’a plus toute son aura.
Mais ce docu sur les origines de la vie, de la Terre, du cosmos, bref du grand tout (on a entendu : “c’est Tree of Life sans le scénario”) ne vient pas colmater ces fissures. Au contraire, il semble là pour faire le tri une bonne fois pour toutes, consommer le divorce entre les fans de Malick première manière et les inconditionnels qui l’ont suivi jusqu’au bout de son néocinéma panthéiste et élégiaque. Et même frapper du poing sur la table, clamer ce mysticisme pour lequel on voudrait le lâcher.
Un pur programme de contemplation méditative
Le résultat est donc beau par son absolutisme. Un pur programme de contemplation méditative, rythmé par la voix angélique de Cate Blanchett, qui scande des mantras dont il faut d’ailleurs clarifier la portée. Non pas de la dissertation mais de la poésie, parsemant le film d’une musique verbale dont l’effet synesthétique devrait suffire à balayer les procès en philosophie de comptoir.
Pour le reste, c’est évidemment moins facile. Malick ne transige pas, c’est à la fois son honneur et son embarras. Les dinosaures en images de synthèse, le ballet cosmique façon économiseur d’écran (dont on peut s’amuser, mais qui reste mû par une volonté d’étrangeté et de profondeur visuelle bien au-delà du petit délire planétarium), tout est là.
Mais à un état de maîtrise, de certitude du geste, qui poussent à croire que le ridicule dont Malick n’a pas peur de se couvrir, les bâillements qu’il se fiche de susciter, tout cela contribue aussi à la hauteur de vue de ses films, leur incongruité majestueuse. On l’a perdu ? Peut-être, mais là où il est désormais, il n’est pas interdit de le trouver encore assez épatant.
Trois Couleurs a écrit:Voyage of Time : la Big Bang Theory de Terrence Malick
Voilà près de 40 ans que Terrence Malick travaillait sur ce vaste documentaire retraçant l’histoire de l’univers. Un projet pour le moins ambitieux.
Au fil des années, le cinéaste et son équipe ont parcouru la planète pour filmer animaux, océans, forêts, déserts, canyons, chutes d’eau et geysers. En 2003, un caméraman laissait même ses bottes fondre à Hawaï pour saisir au plus près la formation de roches à partir d’une éruption volcanique. Le résultat est une expérience esthétique aux images stupéfiantes et dont on se demande à chaque instant comment elles ont pu être réalisées. Car outre ses plans de grands espaces naturels, Malick met en scène le Big Bang, l’origine des premiers organismes unicellulaires ou la disparition des dinosaures. Rien que ça. Il filme ainsi la création, la destruction, l’éphémère et l’éternel, la naissance et la mort. Et mêle le microscopique à l’infiniment grand dans une symphonie panthéiste qui questionne la place de l’Homme dans l’univers. Bien qu’encombré par un commentaire incantatoire récité par Cate Blanchett, Voyage of Time : Au fil de la vie est une chronique contemplative d’une beauté visuelle rare. Un Tree of Life libéré de toute contrainte narrative qui plaira autant aux amateurs des derniers films de Malick qu’il sera détesté par tous ses détracteurs.
Marie-Noëlle Tranchant - Le Figaro a écrit:Passage de la comète Terrence Malick
DOCUMENTAIRE Son luxueux « Voyage of Time. Au fil de la vie » sera dans certaines salles jeudi soir, en projection unique.
Est-ce un événement ou le contraire d’un événement, ce que les professionnels de la distribution appellent « une sortie technique », façon d’enterrer un film en le programmant dans quelques salles d’où il sera vite retiré, avant une éventuelle diffusion télévisée, puis en VOD et DVD ? Le documentaire de Terrence Malick Voyage of Time. Au fil de la vie est annoncé « en diffusion unique dans toute la France jeudi 4 mai à 20 heures ». À Paris, il passera dans quatre salles, dont le Max Linder Panorama, dans sa version classique (il existe aussi au format Imax).
Présenté à la Mostra de Venise 2015, Voyage of Time. Au fil de la vie est un hymne à l’Univers qui mêle science et poésie, pour s’interroger sur la place de l’homme dans le cosmos. Terrence Malick évoque la genèse du monde et s’inquiète de ce que nous en avons fait. Le film s’ouvre sur des images de laissés-pour-compte fouillant les poubelles, avant de mettre en scène le grand opéra des origines. De l’obscur chaos initial sortent des magmas de feu, explosions de matière en fusion, tournoiements de planètes incandescentes, fleuves de lave, énormes nuages de fumée. Puis vient l’éclair, l’orage, le déluge. Voici l’eau, en trombes et cataractes, la séparation de la terre et de la mer, l’océan. Et bientôt, le règne du vivant, les jeux des animaux, le travail des hommes. Visions superbes, composées parfois comme des tableaux abstraits, et accompagnées de musiques solennelles, de Mahler, Bach, Arvo Pärt, notamment, qui leur donnent une dimension d’oratorio. Mais le film est un peu plombé par son commentaire, sorte de lancinant poème à la Terre mère, aux invocations un brin sentencieuses, et dit par Cate Blanchett sur un ton de récitation solennelle.
Un passionné de sciences
Dans ses grands films de fiction, des Moissons du ciel à Tree of Life, en passant par La Ligne rouge, Terrence Malick a toujours eu ce sens du lyrisme cosmique, plaçant l’inquiétude existentielle de ses personnages dans l’immensité du monde. Son mouvement profond rejoint la grande inspiration des psaumes, qui mesurent la fragilité de l’homme à la splendeur infinie de la création divine. Voyage of Time. Au fil de la vie se situe dans cette ligne, avec l’aspect plus impersonnel du documentaire. Le film a un côté très National Geographic – qui n’est pas par hasard un des nombreux producteurs de ce luxueux opéra naturel, à l’atmosphère new age.
Passionné par les sciences, Malick s’est entouré d’une pléiade de spécialistes, astrophysiciens, géologues, paléontologues, chimistes, biologistes, et a convoqué les techniques de l’image les plus en pointe pour créer « une expérience sensorielle de nos connaissances scientifiques ». Mais cette simulation de laboratoire ne va pas sans artifice. Depuis, l’étonnant cinéaste est revenu à la fiction pour tourner Song to Song, avec Ryan Gosling, Michael Fassbender et Rooney Mara, que l’on découvrira le 7 juin.
LeJDD.fr a écrit:Pour voir le documentaire de Terrence Malick, c'est jeudi 20h
14h00 , le 3 mai 2017
Le film onirique du réalisateur américain Terrence Malick ne sera projeté qu'une seule fois!
Deux Terrence Malick à l'affiche en deux mois, c'est presque l'overdose pour un réalisateur d'habitude aussi peu prolifique. Le drame musical Song to Song est depuis longtemps très attendu, en juillet, avec un casting de haut vol : Ryan Gosling, Michael Fassbender et Rooney Mara. Plus surprenante est la sortie événementielle de Voyage of Time, un ovni documentaire. D'abord parce qu'il ne sortira au cinéma que pour une séance aussi unique que l'œuvre de son auteur : jeudi 4 mai à 20 heures! Ensuite parce qu'il propose deux versions : une courte (44 minutes) calibrée pour les écrans Imax et narrée par Brad Pitt, une longue (1 h 30) pour les salles traditionnelles racontée par Cate Blanchett.
Le réalisateur américain travaille depuis trente ans sur ce projet, étudiant l'astronomie, la biologie et la philosophie pour retracer l'histoire de notre planète et s'interroger sur le sens de notre passage ici-bas. Cet hymne à la nature, affranchi des contraintes d'espace et de temps, montre la lave en fusion d'un volcan, un iceberg dérivant en silence, un ballet aquatique de méduses, des nébuleuses éblouissantes… Son équipe a parcouru les continents pour rapporter des images d'une société contemporaine où règnent la précarité, le chagrin mais aussi l'espoir. Il a récupéré des plans tournés avec des Aborigènes datant des années 1970. Ce regard plein d'humanité et de lucidité enveloppe le film d'une puissance émotionnelle indéniable. Chaque plan foudroie par sa beauté. On ne résiste pas à cette promenade en apesanteur aux effets presque thérapeutiques.
Habiter l'énigme, toucher le monde
Par Jean-Christophe Ferrari
Cela fait bien longtemps que nous avons perdu le sentiment d'habiter le monde. C'est-à-dire de nous inscrire dans un tout qui nous dépasserait tout en nous prolongeant. De séjourner dans un univers avec lequel nous tisserions tout un réseau de liens, d'affinités, d'accords ; un univers avec lequel nous entretiendrions un dialogue éloquent ou silencieux. De demeurer en un lieu qui retentirait avec les autres lieux, qui consonnerait avec la terre, le ciel, les astres (il s'agit évidemment ici de tout autre chose que des rets de la communication et de la "connexion" généralisées); le monde n'étant pas qu'un contenant qui contiendrait tous les faits physiques et spirituels, mais une dimension même de notre être, une extase, une ouverture (nous sommes "au monde", et non pas "dans le monde"). Mais voilà, cela fait bien longtemps que nous avons perdu le sentiment d'habiter le monde. Ce douloureux contstat, c'est sans doute le philosophe allemand Martin Heidegger [...] qui l'a le plus magistralement établi et commenté. Ce douloureux constat, on en retrouve l'écho chez certains poètes [...]. Ce douloureux constat, enfin, inspire la mélancolie poignante et extatique du cinéma de Terrence Malick qui [...] n'aura cessé, selon des modalités esthétiques différentes, d'interroger la place de l'homme dans une nature avec laquelle il tente obstinément de faire un, alors même qu'elle l'exclut et le condamne à la prison de la conscience solitaire.
[...]
Comment rejoindre le monde, le toucher? Voyage of Time répond par un acte de foi : en me liant à lui, comme la feuille sur la branche, la branche sur l'arbre. En essayant de m'inscrire dans un tout. Mais nous anticipons déjà, car nous savons - nous le savons en partie grâce au cinéma de Malick - que l'unité des choses ne nous apparaît que pour aussitôt disparaître, qu'elle se dévoile pour aussitôt se retirer. On ne peut donc habiter le monde qu'en habitant la question de son énigme. Voilà pourquoi Voyage of Time nous invite à une introspection stupéfaite, douloureuse et émerveillée à la fois. Toi qui est si pleine de joie, pourquoi pas toujours, pourquoi si peu ?
C'est que le point de vue de Malick n'a rien de surplombant ni de pédagogique : bien que le réalisateur se soit entouré d'une équipe de physiciens et de naturalistes réputés, le film (qui n'évoque que de très loin un "documentaire scientifique") ne prétend en aucun cas représenter la création de l'univers et l'évolution de la vie, mais s'essaie bien plutôt, [...], à mimer le mouvement de la conscience faisant retour vers son origine.
heow a écrit:C'est déjà plus difficile de te voir dans le noir.
DCP a écrit:Et sinon, le film ?
Hugues a écrit:Mother.
You walked with me then.
In the silence.
Before there was a world.
Before night or day.
Alone in the stillness.
When nothing was.
- Film-poème infiniment décevant et accomplissement prodigieux. (Et l'inverse)
Peut-être perçoit-on parfois son incomplétude, ce qu'il aurait pu être et n'est pas, où il aurait pu aller et ne va pas. Tout ce qu'il élude par faute d'un ultimatum de production décidé contractuellement en 2014 quand le film fut pleinement financé, à la 6e des 8 années de montage et 35 ou 40 ans de tournage épars au gré des occasions (Et par faute qu'il n'est qu'un film).
Ou la manière, les traverses, pour la faire oublier.
Mais sans doute, tout ça n'apparaît qu'à l'oeil trop analytique, trop exercé.
Pas au regard qui s'abandonne au film... Au deuxième regard donc si il n'est pas là au premier.
Mais surtout, c'est au long du voyage poétique une terrassante réflexion sur la nature même d'être, l'essence d'être. D'ex-ister. Son implication et son pourquoi.
Une réflexion qui tient en une interrogation aussi naïve en apparence que ses implications sont vertigineuses:
« What do I love when I love you ? »
Et soudainement, une autre fois, des séquences dans l'oeuvres passées du cinéaste trouvent sens. Tout était déjà là.
Il faudra, de cette phrase là, qui résume en elle toute la réflexion du film reparler. En partager l'exégèse. En temps voulu.
A cet instant, nous sommes en France, une vieille femme porte respect à un être qui n'est pourtant plus en nettoyant sa tombe, en replaçant ses fleurs. Déjà la réponse à toute l'interrogation du film est là, blottie, cachée dans ce plan.
Et soudainement, une autre fois, des séquences dans l'oeuvres passées du cinéaste trouvent sens. Tout était déjà là.
Hugues a écrit:Car c'en sont.
Ouais_supère a écrit:Il n'empêche, combien sommes-nous ici à avoir été voir ce film ?
Et n'était Hugues, un jour, ici, combien aurions-nous été ?
Une bonne poignée de gens d'ici s'est trouvée unie, loin ou proche, par ton entremise, Hugues, et a partagé une réflexion en un même lieu.
C'est ta victoire, Hugues, ami, j'espère que tu la savoures un peu au moins.
Dervi a écrit:En citant Nicolas Boileau, "ce qui se conçoit bien s'énonce clairement"
Voyage of Time : la question toujours sans réponse ?
Par Alexandre Mathis, le 10-05-2017
Analyses et critiques ?
Comment se fait-il qu’on puisse être ému devant le vol de ptérodactyles, devant le cadavre d’un éléphant, devant un poisson dévoré par un phoque, par la simple image d’une petite fille qui marche ou par le premier pas d’un être vivant sur la terre ferme ? En ce rendant compte que la vie est un miracle, comme le titrait jadis Emir Kusturica. Voyage of Time est ce poème au miracle de la vie. Terrence Malick fantasme de filmer la Création (de l’Univers et de la vie) depuis plus de trente ans. Son projet « Z » existe depuis les années 1980 et The Tree of Life n’était qu’un premier témoignage du gigantisme du projet. Il prend aujourd’hui la forme de ce documentaire d’une heure trente. Soit quatre-vingt dix minutes à filmer l’espace et les moindres soubresauts de vies. Un supplice pour ceux qui auraient abhorré les parties cosmiques de Tree of Life, un délice pour les autres. Car raconter l’Histoire de l’Univers et de notre planète en ces quelques minutes revient à réduire des milliards d’années en un précipité de quelques moments choisis.
Voyage of Time s’aventure au confins du cosmos avec la sensation que la caméra caresse pudiquement les planètes. Elle est là, comme un témoin qui se ferait tout petit face à ces événements monumentaux. Malick reconstitue pêle-mêle le Big-Bang, les premières explosions de volcans, les premiers amphibiens ou encore la vie des premiers hommes au contact du feu et des grottes. Le film suit d’ailleurs un schéma assez linéaire, allant de l’explosion originelle jusqu’aux villes ultra-connectées d’aujourd’hui. Seules ruptures dans ce programme, de nombreux instants de vie contemporains filmés par des inconnus à l’aide de téléphones : ici une bergère en France, là un mariage Juif, là-bas une manifestation en Égypte. Rituels, moments de communions, sacrifices d’animaux, ces éclairs de vie à priori opaques saisissent ce qui unit les Hommes. Ces séquences dépassent l’émerveillement scientifique.
La vie se constitue selon cinq étapes : naître, grandir, se nourrir, se reproduire et mourir. Voyage of Time pourrait se résumer à filmer ces cinq étapes à toutes les périodes de l’Univers. Les molécules, les humains, les mammifères naissent, grandissent, se multiplient, (se) mangent, et meurent. On assiste à la naissance de l’Univers et son expansion. Sa mort viendra. Pour tout être vivant, la mort guette car il est aussi mis en danger par ses congénères. « Quelle est cette guerre au milieu de la Nature ? », entendait-on dans l’ouverture ô combien darwiniste de La Ligne Rouge. Le film montrait la lutte entre les espèces mais aussi la lutte à l’intérieur d’une même espèce (aussi bien les Hommes que les plantes entre-elles).
Seulement, la vie ne se résume pas à cela. La plus belle (et injustement moquée) scène de The Tree of Life montrait un dinosaure bipède et carnivore se prendre de pitié pour un herbivore. Le bipède posait sa patte sur la tête de sa victime, prêt à le dévorer avant de finalement lui laisser la vie sauve. En filmant cela, Malick montrait comment la conscience se trouvait déjà chez des reptiles, créatures habituellement vu par l’Homme comme monstrueuses. Dans Voyage of Time, il y a même une scène d’amour maternel entre un bébé dinosaure et sa mère. L’amour n’est définitivement pas l’apanage de l’Homme. Le scéanario de The Tree of life confirme cette interprétation : « Chez les dinosaures, on découvre les premiers signes de l’amour maternel, et les créatures apprennent à prendre soin l’un de l’autre.» Il est amusant de se dire que ce grand cinéaste chrétien vient de sortir, avec Voyage of Time, le film le plus anti-créationniste de l’Histoire du cinéma.
Témoigner du visible
Malick filme avec dévotion tout ce qu’il peut voir et se pose l’éternelle question : qu’y avait-il avant ?
Par la perfection du montage, Malick alterne l’infiniment grand et l’infiniment petit avec fluidité. Entre l’œil et la planète, la sidération est la même. A ce titre, Voyage of Time ne se vit pas vraiment comme un documentaire, mais plutôt comme un poème à tel point qu’on ne sait plus trop ce qui est de l’ordre du passé, du présent ou du fantasme. Cette seiche qui nous regarde : animal réel ou image de synthèse ? Et cette méduse au déplacement gracieux, animal antique ou contemporain ? Ces volcans en éruptions façonnent-il la planète il y a 4 milliards d’années ou grondent-ils de nos jours ? Il y a une sorte de privilège – reconstitué – à se trouver là à l’origine de la vie. Malick filme avec dévotion tout ce qu’il peut voir et se pose l’éternelle question : qu’y avait-il avant ? Avant que la lumière et la matière n’apparaissent, existait-il quelque chose ? Avant que la vie ne prenne forme tel que nous la connaissons, en existait-il une autre ? Comment la roche et les fournaises en sont-elles arrivées là ? Par le concours de nombreux scientifiques, le réalisateur tente d’offrir des images les plus plausibles de ce qui est connu, mais on devine sa frustration de ne pouvoir aller plus loin. Car par définition, ce qui était avant la Lumière ne peut être vu. L’occasion pour Malick de renouer avec ses éternels questionnements.
Litanie
A mesure que le Monde se crée, se transforme et se détruit, Blanchett tente de trouver la voie du créateur. Est-ce un Dieu ? Une Déesse ? Ou simplement le miracle de la chimie ?
« Où étais-tu quand je fondai la Terre ? » interpelle Dieu dans le Livre de Job. Dans Voyage of Time, Cate Blanchett retourne fébrilement la question : « Mère. Où te caches-tu ? » Aussi hermétique puisse paraître l’utilisation de la voix off ici, elle est le fil rouge du questionnement. A mesure que le Monde se crée, se transforme et se détruit, Blanchett tente de trouver la voie du créateur. Est-ce un Dieu ? Une Déesse ? Ou simplement le miracle de la chimie ? Quand la météorite vient anéantir presque tous les dinosaures, quel besoin mère Nature avait-elle de faire table rase ?
Et surtout, qu’est-ce qui nous pousse à nous aimer, à nous battre, à danser ensemble ? Est-ce aussi une histoire de chimie ? Cette question, Malick se la pose depuis longtemps. Il la chante comme une litanie, si bien que ses films lui servent de catharsis. La Ligne Rouge montrait des soldats, qui, au lieu de communier leur fraternité, s’enfermaient dans des solitudes remplies de questions. Aucune réponse ne venait les soulager. Au point que le réalisateur utilisait la musique de Charles Ives « La question sans réponse ». Depuis, Malick n’a de cesse de ressasser ses doutes, comme un croyant remet en question sa foi. A la Merveille s’interrogeait sur le sens même de l’Amour, qu’il soit terrestre ou divin. Knight of Cup se vivait comme un pèlerinage intérieur pour expier l’inconsolable solitude de tout Homme. Voyage of Time vient parachever cette grande exploration des questionnements. Et depuis A la Merveille, une réponse vient soulager ses films : il trouve toujours son Salut par le biais de l’amour et de la curiosité. Avec Voyage of Time plus que jamais, il regarde le monde avec la naïveté du premier regard. Parfois, les plans les plus simples sont les plus beaux.
Malick conclue donc Voyage of Time de la même manière qu’A la Merveille. L’amour est partout, en toute chose douce ou cruelle ; cet amour est partout en nous, au dessus de nous, en dessous de nous. Ce qui prenait la forme d’une prière avec le père Quintana (Javier Bardem) dans A la Merveille se retrouve ici au sein d’un montage d’images d’anonymes. En fin de compte, si Malick utilise toutes ces images, c’est parce qu’elles sont le témoignage simple de l’amour qui existe. Dans la communion sociale, tous les humains – sans distinction de classe, de religion, de race ou de sexe – éclairent leur passage sur Terre d’un torrent d’amour qu’ils peuvent offrir. Décidément, Malick, à l’heure du cynisme et du pessimisme, s’offre une ode à l’espoir et à l’amour qui rend l’expérience Voyage of Time un moment hors-sol dans nos vies cadenassées.
Hugues a écrit:Dervi a écrit:En citant Nicolas Boileau, "ce qui se conçoit bien s'énonce clairement"
Va dire ça à Martin...
(Heidegger)
Je ne pense pas que ce soit par pédantisme que Martin (pas Scorsese) ait employé un tel langage dans son oeuvre philosophique, mais probablement parce qu'il fallait inventer un langage pour inventer les réponses à des questions simples.
Autrement dit, ce que fait (notamment, car ce n'est pas la seule chose qu'il accomplit) Malick à travers son oeuvre cinématographique, de la philosophie insidieuse, présente sans être annoncée, déguisée sous des dehors naïfs, parfois moqués ("niais", "vide", "catéchisme" mot qu'on emploie pour décrire une récitation non réfléchie d'idée qu'on méprise); une vulgarisation aussi...
C'est déjà remarquable de la rendre si simple... et parfois si invisible ... (au détriment de sa propre réputation sans doute)
Mais je vois plusieurs raisons tant à cette invisibilité qu'à la crypticité (tout relative) de son mode d'expression...
(...)
Et pour donner raison à Ouais_supère, ce présent film c'est un film, à l'opposé de quoi il est comparé, sans doute d'une profonde humilité. Il aurait pu être tonitruant, spectaculaire, investi de tous les défauts des films trop conscients d'être film somme, être un sermon.
Au contraire, il est présenté avec la modestie d'une rêverie, d'un rêve...
Sans doute aussi cela est du à l'impossibilité de finir jamais le film, de l'utilisation de certaines "coutures", astuces qui le rendent par là-même modeste..
Hugues
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