La séquence du spectateur - TOPIC CINEMA

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Re: La séquence du spectateur - TOPIC CINEMA

Messagede Hugues le 14 Mar 2013, 18:39

Cortese a écrit:Bon je vais mettre mon gilet pare-balles, c'est plus prudent :D


Oui tu fais bien, parce que*, je ne vois pas comment on peut mieux évoquer la grandeur des vaincus, mieux les idéaliser, que par le cadeau que leur fait Malick de ce don, dans ce film, alors même qu'en principe habiter le monde est hors d'atteinte, une quête toujours insatisfaite.

Donc prépare-toi, le bombardement qui a été demandé à l'aviation, sur tes positions, va être violent.

Hugues
*: et puis parce que tu m'as pas répondu, méchant
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Re: La séquence du spectateur - TOPIC CINEMA

Messagede sheon le 14 Mar 2013, 18:40

von Rauffenstein a écrit:
sheon a écrit:
von Rauffenstein a écrit: Texte caché : cliquez sur le cadre pour l'afficher


:lol: :lol: :lol: :lol: :lol:

Tu fais chier, von Rauff, maintenant j'ai un fou rire au boulot :lol:

C'est cool non ? :lol: :D

Attends que j'essaie sur une stratocaster rouillée, désaccordée et sur une seule corde avec gain, overdrive, master, presence, bass, treble et middle TOUT A FOND ! :twisted:

J'attends la vidéo avec impatience, dans ce cas :D
Si j'avais souvent répété que je désirais mourir dans mon lit, ce que je voulais vraiment dire par là, c'est que je voulais me faire marcher dessus par un éléphant pendant que je ferais l'amour. Les Fusils d'Avalon, Roger Zelazny.
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Re: La séquence du spectateur - TOPIC CINEMA

Messagede von Rauffenstein le 14 Mar 2013, 18:41

Hugues a écrit:
Cortese a écrit:Bon je vais mettre mon gilet pare-balles, c'est plus prudent :D


Oui tu fais bien, parce que, je ne vois pas comment on peut mieux évoquer la grandeur des vaincus, mieux les idéaliser, que par le cadeau que leur fait Malick de ce don, dans ce film, alors même qu'en principe habiter le monde est hors d'atteinte, une quête toujours insatisfaite.

Donc prépare-toi, le bombardement qui a été demandé à l'aviation, sur tes positions, va être violent.

Hugues

On parle bien de la ligne rouge là ?
Le fascisme au fait, c'était pas déjà l'histoire d'un mec en marche qui fascinait les foules avec son culte de la personnalité ?
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Re: La séquence du spectateur - TOPIC CINEMA

Messagede Xave le 14 Mar 2013, 18:42

5 pages, 20 vidéos, c'est l'tarif en cas de cassus belli...
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Re: La séquence du spectateur - TOPIC CINEMA

Messagede Hugues le 14 Mar 2013, 18:43

von Rauffenstein a écrit:
Hugues a écrit:
Cortese a écrit:Bon je vais mettre mon gilet pare-balles, c'est plus prudent :D


Oui tu fais bien, parce que, je ne vois pas comment on peut mieux évoquer la grandeur des vaincus, mieux les idéaliser, que par le cadeau que leur fait Malick de ce don, dans ce film, alors même qu'en principe habiter le monde est hors d'atteinte, une quête toujours insatisfaite.

Donc prépare-toi, le bombardement qui a été demandé à l'aviation, sur tes positions, va être violent.

Hugues

On parle bien de la ligne rouge là ?


Nan..

Hugues
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Re: La séquence du spectateur - TOPIC CINEMA

Messagede von Rauffenstein le 14 Mar 2013, 18:49

Hugues a écrit:
von Rauffenstein a écrit:
Hugues a écrit:
Cortese a écrit:Bon je vais mettre mon gilet pare-balles, c'est plus prudent :D


Oui tu fais bien, parce que, je ne vois pas comment on peut mieux évoquer la grandeur des vaincus, mieux les idéaliser, que par le cadeau que leur fait Malick de ce don, dans ce film, alors même qu'en principe habiter le monde est hors d'atteinte, une quête toujours insatisfaite.

Donc prépare-toi, le bombardement qui a été demandé à l'aviation, sur tes positions, va être violent.

Hugues

On parle bien de la ligne rouge là ?


Nan..

Hugues

Le remake du oualt dizné ?
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Messagede Waddle le 14 Mar 2013, 18:50

B.Verkiler a écrit:
Waddle a écrit:
Bon, en même temps, c'est peut-être aussi un film accessible, qui se regarde facilement. Bref, je cherche du courage, et on verra ensuite.

D'abord A la merveille, et le reste on verra.


Fais plutôt dans l'autre sens : Va voir Heaven's Gate, ça te donnera peut-être du courage pour aller voir A la merveille.

Ah oui? Il est plus accessible n'est ce pas? Tu as vu les deux?
"La citoyenneté réduite au droit du sang consiste à dire que la République est génétique et non pas spirituelle", Waddle, 2013.

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Messagede Waddle le 14 Mar 2013, 19:13

Les portes du paradis, sorti de toutes les salles UGC :?
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Re: La séquence du spectateur - TOPIC CINEMA

Messagede Cortese le 14 Mar 2013, 19:14

Hugues a écrit:
Cortese a écrit:Bon je vais mettre mon gilet pare-balles, c'est plus prudent :D


Oui tu fais bien, parce que*, je ne vois pas comment on peut mieux évoquer la grandeur des vaincus, mieux les idéaliser, que par le cadeau que leur fait Malick de ce don, dans ce film, alors même qu'en principe habiter le monde est hors d'atteinte, une quête toujours insatisfaite.

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Hugues
*: et puis parce que tu m'as pas répondu, méchant


:lol: J'avoue que j'ai eu la flemme de chercher les bons mots sachant que je ne les trouverai pas !
J'ai revu la Ligne Rouge très récemment quand il est passé sur Paris Première. Bizarrement je l'ai mieux apprécié en VF qu'en VO. J'ai été très attentif aux scènes dont tu parles, mais elles ne me font pas changer d'avis, puisque je les avait en tête quand j'ai commis mon précédent commentaire. Je m'étais fait une remarque en le regardant ce film : "Mais où est passé l'aviation US ?" Franchement, avec un beau ciel bleu comme ça, pas un zinc pour tabasser à mort les blockhaus nippons ? Bizarre. Du coup j'ai eu l'affreux soupçon que Mallick a exclu l'aviation délibérément, parce que sinon la guerre des GI aurait paru un peu moins héroïque. Panzer parlerait mieux que moi de la guerre du Pacifique sans doute, mais j'ai quand même l'impression que ça ressemblait à une vaste opération de dératisation contre des pauvres bougres abandonnés sans ravitaillement sur leurs îlots par une marine impériale en déroute. L'éternel schéma du western quoi.
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Messagede Cortese le 14 Mar 2013, 19:16

von Rauffenstein a écrit:

:lol: :lol: :lol: :lol: :lol:


Un chef d'oeuvre ! :lol:
Ben quoi qui gna ? Les smileys ne s'affichent plus :lol: lol lol:
Cortese
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Messagede Cortese le 14 Mar 2013, 19:19

:lol:
Ah si. Ça vient de chez moi alors.
Dernière édition par Cortese le 14 Mar 2013, 19:19, édité 1 fois.
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Messagede Silverwitch le 14 Mar 2013, 19:19

Cortese a écrit:Tout à fait d'accord avec cette précision Panzer. Je ne dis pas que ces réalisateurs sont des idiots ou que leurs films sont mauvais, je dis qu'on est en droit d'en attendre plus, non seulement du point de vue d'une morale universelle, mais même du point de vue de l'originalité de l'oeuvre (qui est tout de même une qualité essentielle à tout oeuvre d'art). L'exploration de l'intériorité des personnages, ça a été déjà fait combien de milliers de fois dans l'art occidental (à prétention universelle) ?


Ce n'est pas là l'originalité de la Ligne Rouge, d'ailleurs pas plus que celle du Nouveau Monde. Avant d'en faire débat, il faudrait déjà savoir si nous avons vu le même film, ou bien si tu reproches aux films de ne pas être ce que tu voudrais qu'ils soient. Je défends l'originalité, la pertinence, la cohérence des oeuvres. Quand je vois que tu me reparles d'Avatar, je désespère. Il ne faut pas confondre les oeuvres avec leur usage (politique ou sentimental), sinon, pour paraphraser Nietzsche, si l'on croit que la culture a une utilité, on finira par confondre ce qui est utile avec la culture, abolissant ainsi la distinction des choses, et masquant ainsi ce que seules les oeuvres d'art peuvent représenter.


Cortese a écrit: C'est jamais terminé, OK, mais l'exploration de l'humanité des peuples dominés (voire plus) mise équitablement en symétrie avec leurs vainqueurs (pas seulement vainqueurs, car la supériorité techno-scientifique européenne a créé depuis 300 ans une situation sans équivalent dans le passé) ça serait une démarche qui pourrait être riche en situations romanesques, non ?


Depuis des siècles, c'est ce qui a été fait par la littérature, notamment: culpabilité du colonisateur ("Des Cannibales", Montaigne), l'ethnographe (Lévi-Strauss), l'Autre (Platon, Diderot, Montesquieu), l'humanité et la dignité de l'adversaire et du vaincu (Homère, Hérodote), ou sa parole (Victor Segalen, Les Immémoriaux), la révolte (Queimada, Pontecorvo), la monstruosité colonialiste (Au coeur des ténèbres, Conrad)...


Cortese a écrit:Si la Terre est un jour conquise par les Martiens et que le résidus d'humains soit réduit à l'état de clochards ne sachant même plus parler correctement leur propre langue, vous croyez que ça leur fera plaisir de découvrir en lisant les chroniques martiennes que leurs vainqueurs les ignorent totalement, qu'ils ne sont plus qu'un vague décor pittoresque en toile de fond de leur mal du pays ou de leurs troubles sentimentaux, ou un sujet de projection de leurs angoisses ?


Ça ne changerait rien au problème. Les peuples dominés sont comme Ulysse, ils recherchent la définition singulière de leur identité collective. La leçon d'Ulysse, c'est que l'identité, ça passe par une reconquête, par des épreuves, par des combats. Ce n'est pas au cinéma ou dans la littérature que se fondent les identités collectives ou nationales. On devrait méditer l'échec des oeuvres politiques, de Orwell à Arthur Penn en passant par Aimé Césaire: ne reste que la forme, le style, la langue, puisqu'une oeuvre de l'esprit ne s'adresse pas au collectif abstrait, mais au singulier, à ce qu'il y a d'unique.

Il y a une sentence de Rousseau, plus que jamais d'actualité: "Quand on veut étudier les hommes, il faut regarder près de soi ; mais pour étudier l'homme, il faut apprendre à porter sa vue au loin ; il faut d'abord observer les différences pour découvrir les propriétés." C'est bien ce que fait le cinéma de Malick, sans s'arrêter à un regard d'ethnologue, puisqu'il répond toujours à la question centrale des oeuvres de l'esprit, la quête de l'identité singulière, l'énigme du "moi".

Le principal problème du présent, à mon sens, c'est avant tout la capacité à distinguer la réalité sous ses représentations, la réalité recouverte par l'abstraction, masquée par des simulacres. La seule réponse des oeuvres d'art, c'est d'accroître la vision. Le discours politique, c'est du vernis qui s'efface. Une représentation doit certes aborder les problèmes de son temps (et c'est ce que fait Malick dans ses films, à sa manière, tout comme Cimino en son temps), rien n'empêche d'imaginer un nouveau Little Big Man plutôt qu'un nouveau Moby Dick, mais reprocher à Melville de ne pas voir écrit Au coeur des ténèbres n'a aucun sens. Un nouveau Balzac pour une nouvelle comédie humaine, un nouveau Marx, un nouveau Darwin, un nouveau Copernic ou un nouveau De Vinci, oui, mille fois oui. Mais sans jamais perdre de vue ce qui fait la singularité de leur art qui ne se confond jamais avec ce qu'ils racontent, mais dans la manière dont ils représentent le monde.
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Re: La séquence du spectateur - TOPIC CINEMA

Messagede von Rauffenstein le 14 Mar 2013, 19:39

Ce qui agace Cortese, et je le comprends un peu, c'est que quel que soit l'auteur d'un film ricain, il y voit une projection impérialiste même à l'insu de lui-même.

C'est une critique que je reçois aussi quand on aborde des sujets comme la guerre du pacifique, victoire américaine totale qui amènera sa puissance hégémonique sur les décennies qui suivront.

je ne conteste pas personnellement les qualités de l'oeuvre en soi, mais on ne peut pas ne pas être embarrassé quand on sait, par ailleurs, comment ça s'est passé en réalité, un dératissage en bonne et due forme et le développement d'une vraie haine du "gook" que l'on n'éprouvait pas forcément envers le "kraut".

Où sont les hectolitres de napalm, le tapis de bombe des vagues de bombardiers lourds, le CAS (Close Air Support) de l'aviation embarquée, les Lance roquettes multiples de Leyte et les gigantesques préparations d'artillerie lourde à quasi bout portant des cuirassés de l'US Navy ? On a l'impression de voir l'Armée Française avec deux bouts de ficelle dans le djebel lol quoi. Et les autres en face, qui avaient survécu à tout ça complètement en transe guerrière à sortir de leur trou à la baionette au coup de sifflet. Demande à Lee Marvin qui y a été blessé (A Guadalcanal, je crois ?) ce qu'il en pense !

Bref, d'un côté, on a Positif et de l'autre, les Cahiers. Vieux débat.
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Re: La séquence du spectateur - TOPIC CINEMA

Messagede Tarod le 14 Mar 2013, 19:59

Cortese a écrit:
von Rauffenstein a écrit: Texte caché : cliquez sur le cadre pour l'afficher


:lol: :lol: :lol: :lol: :lol:


Un chef d'oeuvre ! :lol:
Ben quoi qui gna ? Les smileys ne s'affichent plus :lol: lol lol:


Omygod j'en peux plus :lol: :lol: :lol:
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Re: La séquence du spectateur - TOPIC CINEMA

Messagede Cortese le 14 Mar 2013, 20:03

Merci Rauffy, c'est tout à fait ça et c'est bien pour devancer l'argumentation de silverwitch que j'ai posté un article d'Edward Saïd (mon argumentaire à moi est évidemment un écho de "Orientalism", du même) sur Camus. Et il me semble que Saïd soulève les mêmes objections que moi. Que l'universalité et l'élévation morale du questionnement de Camus, dissimulent mal le colonialisme de Camus. Camus est depuis une vingtaine d'année un sujet de discussion très fréquent dans les petits cercles d'intellectuels en Algérie (dont je ne fait pas vraiment partie) depuis que l'échec du "FLNisme" est patent, comme il est devenu le moraliste de référence en France (prenant sa revanche sur le "politique" Sartre). Je n'ai lu "L'Etranger" que dans les années 2000 et ce bouquin m'a vraiment mis mal à l'aise, malgré ses qualités évidentes. C'est un truc à rendre un Algérien schizophrène. A part la ville de Marengo, aucun lieu n'est précisé dans le roman, pourtant pour un Algérois il n'y a aucun mal à les visualiser sans ambiguité. Sauf que la quasi absence des arabes dans le roman est une absence hurlante ! On a l'impression bizarre que Camus évite de nommer les lieux de peur de suggérer la présence physique des arabes (ils étaient environ 400 000, la moitié de la population de la ville) ! Il est clair pour moi qu'ils sont subrepticement présentés par Camus comme une menace omniprésente à fuir, un danger permanent qu'on ne veut pas voir. Et c'est pour soulager, éloigner cette menace que Meursault/Camus exécute un arabe inconnu, sans raison. Alors que penser de "L'étranger" ? Peut-on vraiment se fier à la "vision" de Camus ?
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Re: La séquence du spectateur - TOPIC CINEMA

Messagede Silverwitch le 14 Mar 2013, 20:08

von Rauffenstein a écrit:je ne conteste pas personnellement les qualités de l'oeuvre en soi, mais on ne peut pas ne pas être embarrassé quand on sait, par ailleurs, comment ça s'est passé en réalité, un dératissage en bonne et due forme et le développement d'une vraie haine du "gook" que l'on n'éprouvait pas forcément envers le "kraut".


Et c'est bien ce que montre le film, à son échelle, dans des séquences parmi les plus explicites et les plus marquantes du film. Impossible en revanche de reprocher au film de choisir une échelle, c'est-à-dire au sens propre, un point de vue, celui de la royauté de l'homme, seul moyen de découvrir sa leçon existentielle. De même que Full Metal Jacket ne représente pas la guerre du Vietnam, La Ligne rouge, ce n'est pas la guerre du pacifique, pas même une description à visée purement objective d'une bataille. Un film représente ce qui lui seul peut nous montrer, ce qu'un essai politique échouera à représenter, ce qu'un essai historique échouera à décrire.

Par exemple, comment l'horreur révèle le sentiment le plus pur (au sens de ne pas penser à mal):



Ou la fin du programme d'entraînement du soldat:



Ou l'harmonie rêvée du pas de côté:

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Messagede Silverwitch le 14 Mar 2013, 20:18

Cortese a écrit:Merci Rauffy, c'est tout à fait ça et c'est bien pour devancer l'argumentation de silverwitch que j'ai posté un article d'Edward Saïd (mon argumentaire à moi est évidemment un écho de "Orientalism", du même) sur Camus. Et il me semble que Saïd soulève les mêmes objections que moi.


J'ai déjà répondu, en prenant l'exemple de la méditation d'Ulysse. La fiction ne peut représenter une humanité abstraite, elle découvre le singulier en miroir, dans sa rencontre avec l'altérité. La représentation esthétique révèle l'humanité de l'homme en célèbrant l'unique.

Cortese a écrit: Que l'universalité et l'élévation morale du questionnement de Camus, dissimulent mal le colonialisme de Camus. Camus est depuis une vingtaine d'année un sujet de discussion très fréquent dans les petits cercles d'intellectuels en Algérie (dont je ne fait pas vraiment partie) depuis que l'échec du "FLNisme" est patent, comme il est devenu le moraliste de référence en France (prenant sa revanche sur le "politique" Sartre). Je n'ai lu "L'Etranger" que dans les années 2000 et ce bouquin m'a vraiment mis mal à l'aise, malgré ses qualités évidentes. C'est un truc à rendre un Algérien schizophrène. A part la ville de Marengo, aucun lieu n'est précisé dans le roman, pourtant pour un Algérois il n'y a aucun mal à les visualiser sans ambiguité. Sauf que la quasi absence des arabes dans le roman est une absence hurlante ! On a l'impression bizarre que Camus évite de nommer les lieux de peur de suggérer la présence physique des arabes (ils étaient environ 400 000, la moitié de la population de la ville) ! Il est clair pour moi qu'ils sont subrepticement présentés par Camus comme une menace omniprésente à fuir, un danger permanent qu'on ne veut pas voir. Et c'est pour soulager, éloigner cette menace que Meursault/Camus exécute un arabe inconnu, sans raison. Alors que penser de "L'étranger" ? Peut-on vraiment se fier à la "vision" de Camus ?


C'est un exemple choisi à dessein, et bien que je partage d'ailleurs ce point de vue sur le "roman" de Camus (à mon avis assez faible, notamment parce qu'il expose une thèse purement abstraite), il n'a pas grand chose à voir avec le point de vue des films de Malick.
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Re: La séquence du spectateur - TOPIC CINEMA

Messagede Hugues le 14 Mar 2013, 20:22

Si je ne réponds pas ici à Cortese, c'est que j'échange avec lui en privé..

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Re: La séquence du spectateur - TOPIC CINEMA

Messagede von Rauffenstein le 14 Mar 2013, 20:35

silverwitch a écrit:
von Rauffenstein a écrit:je ne conteste pas personnellement les qualités de l'oeuvre en soi, mais on ne peut pas ne pas être embarrassé quand on sait, par ailleurs, comment ça s'est passé en réalité, un dératissage en bonne et due forme et le développement d'une vraie haine du "gook" que l'on n'éprouvait pas forcément envers le "kraut".


Et c'est bien ce que montre le film, à son échelle, dans des séquences parmi les plus explicites et les plus marquantes du film. Impossible en revanche de reprocher au film de choisir une échelle, c'est-à-dire au sens propre, un point de vue, celui de la royauté de l'homme, seul moyen de découvrir sa leçon existentielle. De même que Full Metal Jacket ne représente pas la guerre du Vietnam, La Ligne rouge, ce n'est pas la guerre du pacifique, pas même une description à visée purement objective d'une bataille. Un film représente ce qui lui seul peut nous montrer, ce qu'un essai politique échouera à représenter, ce qu'un essai historique échouera à décrire.
[...]

J'entends bien. Mais d'un autre côté, j'ai l'impression que tu n'entends pas ce que te dit Cortese. Sur le point de vue qui se veut universel mais qui ne correspond peut-être pas à sa propre vision de l'universalité. Un film beaucoup plus simple, "Au-Delà De La Gloire" (The Big Red One) de Samuel Fuller y arrive peut-être mieux parce qu'il n'a pas la prétention au départ de présenter une universalité, parce que forcément à travers la façon dont les Américains font et montrent la guerre. Pourtant, il y touche peut-être plus au final en ne montrant que l'homme confronté et entraîné dans l'effroyable et gigantesque (qui le dépasse sans qu'individuellement il parvienne à en changer le rythme et la marche, à part peut-être dans la solution "Catch 22" de Nichols ?) mécanique de la guerre. Pas de réflexion sur la guerre en ce jardin mais juste le spectacle intrinsèque de la guerre avec ses jeunes recrues et leur vieux mentor poursuivi par ses fantomes de celle d'avant. Fuller ne veut pas montrer la guerre en général, moderne et mécanisée. Il montre la sienne tout simplement. La même au final qu'Akira dans le Pacifique, qu'Helmut dans le saillant de Koursk, Mamud dans les Aurès ou de Jean sur la côte 304. Juste une histoire d'hommes sans savoir qui sera défait ou vainqueur au final.

A part Kubrick et Fuller, peut-être Schœndœrffer dans certains de ses films avant qu'il ne tombe dans le pathos, je ne vois pas qui a bien pu toucher à l'universel de l'homme, du combattant, c'est à dire de n'importe qui, sans condition de nationalité et d'idéologie, et ce qu'il peut ressentir quand il est pris dans la tourmente de l'orage d'acier. L'obus est apatride. Il tombe. Et gare en dessous.
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Messagede Sylex le 14 Mar 2013, 22:49

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Messagede Silverwitch le 15 Mar 2013, 14:15

von Rauffenstein a écrit:J'entends bien. Mais d'un autre côté, j'ai l'impression que tu n'entends pas ce que te dit Cortese. Sur le point de vue qui se veut universel mais qui ne correspond peut-être pas à sa propre vision de l'universalité. Un film beaucoup plus simple, "Au-Delà De La Gloire" (The Big Red One) de Samuel Fuller y arrive peut-être mieux parce qu'il n'a pas la prétention au départ de présenter une universalité, parce que forcément à travers la façon dont les Américains font et montrent la guerre. Pourtant, il y touche peut-être plus au final en ne montrant que l'homme confronté et entraîné dans l'effroyable et gigantesque (qui le dépasse sans qu'individuellement il parvienne à en changer le rythme et la marche, à part peut-être dans la solution "Catch 22" de Nichols ?) mécanique de la guerre. Pas de réflexion sur la guerre en ce jardin mais juste le spectacle intrinsèque de la guerre avec ses jeunes recrues et leur vieux mentor poursuivi par ses fantomes de celle d'avant. Fuller ne veut pas montrer la guerre en général, moderne et mécanisée. Il montre la sienne tout simplement. La même au final qu'Akira dans le Pacifique, qu'Helmut dans le saillant de Koursk, Mamud dans les Aurès ou de Jean sur la côte 304. Juste une histoire d'hommes sans savoir qui sera défait ou vainqueur au final.

A part Kubrick et Fuller, peut-être Schœndœrffer dans certains de ses films avant qu'il ne tombe dans le pathos, je ne vois pas qui a bien pu toucher à l'universel de l'homme, du combattant, c'est à dire de n'importe qui, sans condition de nationalité et d'idéologie, et ce qu'il peut ressentir quand il est pris dans la tourmente de l'orage d'acier. L'obus est apatride. Il tombe. Et gare en dessous.


Aucune représentation ne peut épuiser la réalité, puisque toute représentation est une réduction de la réalité, une simplification, une schématisation. Le point de vue d'un film est la traduction esthétique de la fragmentation de la réalité, soit la définition d'une image. Je t'accorde volontiers que de nombreux films recherchent obstinément un regard synoptique, et c'est bien ce qui caractérise des films aussi différents que ceux de Fuller ou de Malick.

En creux, tu proposes un critère d'appréciation d'un film, celui de l'édification. Un film nous fait la leçon, non pas de manière scolaire, mais au sens d'une leçon de vie. Ainsi, tu décris ce que tu interprètes comme la qualité principale du film The Big Red One, l'expérience de la guerre, ce que nous pourrions éprouver si nous étions à la place des combattants. Ce critère est valide, pourvu qu'il soit bien compris. En français, le mot expérience a un double sens, à la fois l'épreuve d'une situation, d'une action ou d'un sentiment qui nous transforme, et l'expérimentation, soit l'observation d'une situation provoquée artificiellement. Un film, c'est une expérimentation qui provoque une épreuve chez le spectateur. Cela signifie que l'épreuve dont tu parles est un moyen, et non une fin, tout comme le réalisme documentaire, la qualité des uniformes, des armes est un moyen en vue d'une fin. Quelle est cette fin ? L'épreuve a vocation à répondre au précepte du temple de Delphes: "Gnothi seauton", Connais-toi toi même.

La représentation propose un dispositif de connaissance spéculaire, à travers un dispositif en miroir qui permet à travers un décentrement du regard d'atteindre l'essence de la vue, c'est-à-dire un trajet entre le singulier et l'abstrait, il faut donc un miroir pour représenter une portion de la réalité qui permet à travers un objet singulier (le visage d'un acteur, par exemple) de découvrir la généralité (l'humanité). L'esthétique, c'est la relation dialectique entre l'intelligible et le sensible. Si aucune représentation, au moins depuis Homère, ne peut épuiser la réalité, il nous faut néanmoins reconnaître ce que seule la représentation peut montrer, dans l'articulation entre ce qui est dit et ce qui est représenté.

Le cinéma a représenté dans des dizaines de films singuliers tout ce qui tenait dans une épopée chez Homère:

- L'individualité et l'honneur de l'ennemi, qu'il soit allemand avec "Croix de fer" de Peckinpah, ou japonais avec "Tora, tora, tora", qui trente ans avant Clint Eastwood et de manière plus audacieuse, traite à égalité les deux antagonismes, scindant le film en deux.

- La satire anti-militariste, avec des films aussi différents que "MASH", "Catch 22", "Qu'as-tu fait à la guerre, papa ?"

- La dénonciation de l'aventure coloniale avec "La Canonnière du Yang-Tse", aussi bien dans sa version plus nihiliste "Apocalypse Now".

- L'épreuve de la guerre que tu décris plus haut, avec les films de Fuller, d'Aldrich ou Anthony Mann (le splendide "Men in war"), sans oublier John Irvin ("Hamburger Hill")

- Le carnage et l'horreur avec les films d'Oliver Stone ("Platoon"), De Palma ("Outrages").

- Le cauchemar du vétéran ou du vaincu (du "Deer hunter", à "Rambo", en passant par "Né un 4 juillet")

- Les films à visée patriotique, les films à visée documentaire, les films de formation (de "Sergent la terreur", à "Tigerland", et évidemment "Full Metal Jacket")

Tous ces films représentent une portion du réel et les meilleurs se complètent sans s'opposer. Attention donc à ne pas transformer l'interprétation d'un film en utilisation. Ainsi, par exemple, le film de Fuller que tu mets en exergue nous montre autre chose que ce que tu décris, et son titre original le résume très bien, il a une vocation plus large, symbolique, figurée par le personnage de Lee Marvin et représenté à l'écran par les scènes d'ouverture et de conclusion du film. Ou bien encore par une séquence comme celle-ci:



C'est Kubrick ou c'est Fuller ?

Une approche critique du film de Malick contraint donc à s'interroger d'abord sur le sens du film (ce qu'il veut dire) plutôt que sa signification (la valeur de ce qu'il dit). On ne pourra donc faire l'économie d'un certain nombre de critères comme celui de l'originalité, celui de la cohérence, celui de la pertinence, une fois que l'on aura compris le point de vue du film. Et pour ma part, je l'ai compris tout de suite en lisant les mots inoubliables de Teilhard de Chardin:

La nostalgie du front

Je cite deux courts extraits:

Qu’est-ce que j’ai donc vu au front, moi ? et qu’est-ce que je veux donc tant y retrouver, malgré mon effroi de la peine et du mal ?
Sont-ce de nouveaux déserts, de nouveaux volcans ? — une harmonie nouvelle de lumières et de sons déchaînés ?
Est-ce la grande étendue muette des Flandres, où les armées affrontées semblent dormir parmi les eaux mortes ?
Est-ce la cime funèbre des crassiers parmi les corons en ruine ?
Est-ce le ravin brûlé des Hauts-de-Meuse, où les lourds éclatements font fumer de partout la terre comme par d’innombrables solfatares ?…
— Oui, sans doute, c’est cela. Mais c’est autre chose surtout, de plus subtil et de plus substantiel, dont tout ce grand appareil n’est que l’écorce et comme l’appât — autre chose que je ne puis me définir que par une atmosphère unique, pénétrante et dense, où baigne tout ce luxe de violence et de majesté —, ou encore par un état surhumain auquel l’âme se retrouve uniformément portée, en lignes, malgré la diversité des secteurs et les vicissitudes de la lutte.
L’expérience inoubliable du front, à mon avis, c’est celle d’une immense liberté.


En vérité, sans cette âme nouvelle et surhumaine qui vient relayer la nôtre, au front, il y aurait là-haut des épreuves et des spectacles qui ne se supporteraient pas — et qui semblent tout simples, cependant —, et qui laissent même, c’est un fait, une trace impérissable de plénitude et d’épanouissement.
J’affirme, pour moi, que, sans la guerre, il est un monde de sentiments, que je n’aurais jamais connus ni soupçonnés. Personne, hormis ceux qui y auront été, ne saura le souvenir chargé d’émerveillement qu’un homme peut garder de la plaine d’Ypres, en avril 1915, quand l’air des Flandres sentait le chlore et que les obus coupaient les peupliers, le long de l’Yperlé, — ou bien des côtes calcinées de Souville, en juillet 1916, quand elles fleuraient la mort. Ces heures plus qu’humaines imprègnent la vie d’un parfum tenace, définitif, d’exaltation et d’initiation, —comme si on les avait passées dans l’absolu.
Tous les enchantements de l’Orient, toute la chaleur spirituelle de Paris ne valent pas, dans le passé, la boue de Douaumont.
Lors donc que viendra la paix désirée des nations (et de moi tout le premier), quelque chose comme une lumière s’éteindra brusquement sur la terre. Par la guerre, une déchirure s’était faite dans la croûte des banalités et des conventions. Une « fenêtre » s’était ouverte sur les mécanismes secrets et les couches profondes du devenir humain. Une région s’était formée où il était possible aux hommes de respirer un air chargé de ciel. A la paix, toutes choses se recouvriront du voile de la monotonie et des mesquineries anciennes. Ainsi, autour de Lassigny, par exemple, les régions évacuées par l’ennemi paraissent-elles déjà mornes, vides et flasques, — la vie du front s’étant propagée plus loin.
Heureux, peut-être, ceux que la mort aura pris dans l’acte et l’atmosphère même de la guerre, quand ils étaient revêtus, animés d’une responsabilité, d’une conscience, d’une liberté plus grandes que la leur, quand ils étaient exaltés jusqu’au bord du monde, — tout près de Dieu !


Cette méditation que l'on trouve déjà chez Homère, on la retrouve pour la première fois de manière aussi explicite dans un film américain (les Soviétiques ont fait ce pas de côté dès la fin des années 50 avec quelques films géniaux). Cela on ne le voit que si l'on accepte de se confronter à l'altérité du film et qu'on se refuse à réduire le film à une simplification politique ou moralisante. Sinon, on ne voit pas le film, on se fait un film.
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Re: La séquence du spectateur - TOPIC CINEMA

Messagede Shoemaker le 15 Mar 2013, 15:10

von Rauffenstein a écrit:

:lol: :lol: :lol: :lol: :lol:


:-D
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Re: La séquence du spectateur - TOPIC CINEMA

Messagede von Rauffenstein le 15 Mar 2013, 16:38

silverwitch a écrit:
von Rauffenstein a écrit:J'entends bien. Mais d'un autre côté, j'ai l'impression que tu n'entends pas ce que te dit Cortese. Sur le point de vue qui se veut universel mais qui ne correspond peut-être pas à sa propre vision de l'universalité. Un film beaucoup plus simple, "Au-Delà De La Gloire" (The Big Red One) de Samuel Fuller y arrive peut-être mieux parce qu'il n'a pas la prétention au départ de présenter une universalité, parce que forcément à travers la façon dont les Américains font et montrent la guerre. Pourtant, il y touche peut-être plus au final en ne montrant que l'homme confronté et entraîné dans l'effroyable et gigantesque (qui le dépasse sans qu'individuellement il parvienne à en changer le rythme et la marche, à part peut-être dans la solution "Catch 22" de Nichols ?) mécanique de la guerre. Pas de réflexion sur la guerre en ce jardin mais juste le spectacle intrinsèque de la guerre avec ses jeunes recrues et leur vieux mentor poursuivi par ses fantomes de celle d'avant. Fuller ne veut pas montrer la guerre en général, moderne et mécanisée. Il montre la sienne tout simplement. La même au final qu'Akira dans le Pacifique, qu'Helmut dans le saillant de Koursk, Mamud dans les Aurès ou de Jean sur la côte 304. Juste une histoire d'hommes sans savoir qui sera défait ou vainqueur au final.

A part Kubrick et Fuller, peut-être Schœndœrffer dans certains de ses films avant qu'il ne tombe dans le pathos, je ne vois pas qui a bien pu toucher à l'universel de l'homme, du combattant, c'est à dire de n'importe qui, sans condition de nationalité et d'idéologie, et ce qu'il peut ressentir quand il est pris dans la tourmente de l'orage d'acier. L'obus est apatride. Il tombe. Et gare en dessous.


Aucune représentation ne peut épuiser la réalité, puisque toute représentation est une réduction de la réalité, une simplification, une schématisation. Le point de vue d'un film est la traduction esthétique de la fragmentation de la réalité, soit la définition d'une image. Je t'accorde volontiers que de nombreux films recherchent obstinément un regard synoptique, et c'est bien ce qui caractérise des films aussi différents que ceux de Fuller ou de Malick.

En creux, tu proposes un critère d'appréciation d'un film, celui de l'édification. Un film nous fait la leçon, non pas de manière scolaire, mais au sens d'une leçon de vie. Ainsi, tu décris ce que tu interprètes comme la qualité principale du film The Big Red One, l'expérience de la guerre, ce que nous pourrions éprouver si nous étions à la place des combattants. Ce critère est valide, pourvu qu'il soit bien compris. En français, le mot expérience a un double sens, à la fois l'épreuve d'une situation, d'une action ou d'un sentiment qui nous transforme, et l'expérimentation, soit l'observation d'une situation provoquée artificiellement. Un film, c'est une expérimentation qui provoque une épreuve chez le spectateur. Cela signifie que l'épreuve dont tu parles est un moyen, et non une fin, tout comme le réalisme documentaire, la qualité des uniformes, des armes est un moyen en vue d'une fin. Quelle est cette fin ? L'épreuve a vocation à répondre au précepte du temple de Delphes: "Gnothi seauton", Connais-toi toi même.

Non, ce n'est pas vraiment ça que j'essaie d'exprimer. ce que je veux exprimer là, c'est que sans chercher à faire une leçon (seul Kubrick y est arrivé à mon sens avec Full Metal Jacket), Fuller qui cherche simplement à raconter une histoire sans entrer dans une approche esthétique, juste en jouant sur le ressenti du spectateur (et je parle de la version de 2004 post morthem, remontée selon les désirs de Fuller dont le film fut massacré par la prod en 1980), parvient à toucher notre humanité en présentant l'unversel du soldat, sans conditions de nationalité. la terreur soudain, qu'inspire la mécanique lourde de la guerre à la passe de kasserine, l'ahurissant concours de tir des défenseurs d'une plage qui visent un rouleau de PQ qui flotte sur la mer au lieu de viser les têtes qui dépassent, la blessure cruelle et la mort qui rode dans un village sicilien, ce tireur allemand de 10 ans qui fait un carton sur une section, l'entrée dans les camps de la mort et le pardon final à un soldat allemand blessé. Des anecdotes mais mises bout à bout et arrangées par fuller, qui aboutissent à autre chose que le film d eguerre classique, action et heorisme. juste une réflexion au final sur la trajectoire de sindividus dans la tourmente, la mort que l'on reçoit et que 'lon donne et comment y survivre moralement. Je trouve que The Thin Red Line est un superbe film, que je revois régulièrement, une à deux fois par an, mais pour moi, il n'aborde pas la guerre en soi mais le tourment d'un homme, un point de vue individualisé et exceptionnel, face à la guerre. C'est une oeuvre d'une grand epoésie, comme Orages d'Acier de Junger est une oeuvre phénoménale sur la guerre mais un point de vue tellement à part, tellement exceptionnel, qu'il ne parvient plus à toucher l'universel. C'est un point de vue cosmique qui touche la réalité en fait d ebien moins de personne que des oeuvres plus simples comme celles de Fuller. Bon, je t'explique simplement un ressenti par rapport à ce type de film et il est peut-être partisan, fruit de ma propre culture de la chose.

La représentation propose un dispositif de connaissance spéculaire, à travers un dispositif en miroir qui permet à travers un décentrement du regard d'atteindre l'essence de la vue, c'est-à-dire un trajet entre le singulier et l'abstrait, il faut donc un miroir pour représenter une portion de la réalité qui permet à travers un objet singulier (le visage d'un acteur, par exemple) de découvrir la généralité (l'humanité). L'esthétique, c'est la relation dialectique entre l'intelligible et le sensible. Si aucune représentation, au moins depuis Homère, ne peut épuiser la réalité, il nous faut néanmoins reconnaître ce que seule la représentation peut montrer, dans l'articulation entre ce qui est dit et ce qui est représenté.

Le cinéma a représenté dans des dizaines de films singuliers tout ce qui tenait dans une épopée chez Homère:

- L'individualité et l'honneur de l'ennemi, qu'il soit allemand avec "Croix de fer" de Peckinpah, ou japonais avec "Tora, tora, tora", qui trente ans avant Clint Eastwood et de manière plus audacieuse, traite à égalité les deux antagonismes, scindant le film en deux.


Pour Peckimpah, je ne suis pas d'accord avec ton classement. Pour moi, Peckimpah n'a rien à voir avec Eastwood dans ce qu'il a fait de la guerre du pacifique. Peckimpah pour moi, c'est plus une approche esthétique très particulière, militaro fasciste diraient certains. Mais ça ne me dérange pas à titre personnel, les films militaro-fascistes.

- La satire anti-militariste, avec des films aussi différents que "MASH", "Catch 22", "Qu'as-tu fait à la guerre, papa ?"


Tu oublies dans ce florilège le très antimilitariste "Kelly's Heroes". D'essence libertarienne. Et ce tous des films qui n'ont en commun que leur antimilitarisme. Ils l'abordent tous avec leur propre idéologie. Libérale au sens américain dans MASH, chrétienne dans Catch 22 (un film incroyable !) et il faut que je revois le dernier que tu cites.

- La dénonciation de l'aventure coloniale avec "La Canonnière du Yang-Tse", aussi bien dans sa version plus nihiliste "Apocalypse Now".

Je ne suis pas d'accord avec ton classement. Moi, j'y vois autre chose. Tout à fait autre chose. Et je ne les mettrai pas ensemble. Déjà.

- L'épreuve de la guerre que tu décris plus haut, avec les films de Fuller, d'Aldrich ou Anthony Mann (le splendide "Men in war"), sans oublier John Irvin ("Hamburger Hill")

Ah, Anthony Mann, Men In War ! Exceptionnel ! J'avais fait un rapprochement sur feu mon blog entre progrès des pellicules et des optiques et pornographie de guerre. Faut que je retrouve le papier. Le progrès des optiques et des films permet de se rapprocher de l'action et d'entrer dans les détails des visages et des mains. Regarde un chemin de la gloire de Hawk en 36 avec le Men In War de 1957.

- Le carnage et l'horreur avec les films d'Oliver Stone ("Platoon"), De Palma ("Outrages").

Allez Silver ! T'es d'accord avec moi. Le pathos qui dégouline, ça met de la bave collante partout ! :D

- Le cauchemar du vétéran ou du vaincu (du "Deer hunter", à "Rambo", en passant par "Né un 4 juillet")

Pas vu le Stone.

- Les films à visée patriotique, les films à visée documentaire, les films de formation (de "Sergent la terreur", à "Tigerland", et évidemment "Full Metal Jacket")

Full metal Jacket, un film patriotique ? :? Et Tigerland ? Plutôt antimilitariste non ?

Tous ces films représentent une portion du réel et les meilleurs se complètent sans s'opposer. Attention donc à ne pas transformer l'interprétation d'un film en utilisation. Ainsi, par exemple, le film de Fuller que tu mets en exergue nous montre autre chose que ce que tu décris, et son titre original le résume très bien, il a une vocation plus large, symbolique, figurée par le personnage de Lee Marvin et représenté à l'écran par les scènes d'ouverture et de conclusion du film. Ou bien encore par une séquence comme celle-ci:



C'est Kubrick ou c'est Fuller ?

Lee Marvin, c'est dans le Fuller. Tiens, jamais réussi à voir le Borman de 68 (l'enfer dans le Pacifique non ?)

Une approche critique du film de Malick contraint donc à s'interroger d'abord sur le sens du film (ce qu'il veut dire) plutôt que sa signification (la valeur de ce qu'il dit). On ne pourra donc faire l'économie d'un certain nombre de critères comme celui de l'originalité, celui de la cohérence, celui de la pertinence, une fois que l'on aura compris le point de vue du film. Et pour ma part, je l'ai compris tout de suite en lisant les mots inoubliables de Teilhard de Chardin:

La nostalgie du front

Je cite deux courts extraits:

Qu’est-ce que j’ai donc vu au front, moi ? et qu’est-ce que je veux donc tant y retrouver, malgré mon effroi de la peine et du mal ?
Sont-ce de nouveaux déserts, de nouveaux volcans ? — une harmonie nouvelle de lumières et de sons déchaînés ?
Est-ce la grande étendue muette des Flandres, où les armées affrontées semblent dormir parmi les eaux mortes ?
Est-ce la cime funèbre des crassiers parmi les corons en ruine ?
Est-ce le ravin brûlé des Hauts-de-Meuse, où les lourds éclatements font fumer de partout la terre comme par d’innombrables solfatares ?…
— Oui, sans doute, c’est cela. Mais c’est autre chose surtout, de plus subtil et de plus substantiel, dont tout ce grand appareil n’est que l’écorce et comme l’appât — autre chose que je ne puis me définir que par une atmosphère unique, pénétrante et dense, où baigne tout ce luxe de violence et de majesté —, ou encore par un état surhumain auquel l’âme se retrouve uniformément portée, en lignes, malgré la diversité des secteurs et les vicissitudes de la lutte.
L’expérience inoubliable du front, à mon avis, c’est celle d’une immense liberté.


En vérité, sans cette âme nouvelle et surhumaine qui vient relayer la nôtre, au front, il y aurait là-haut des épreuves et des spectacles qui ne se supporteraient pas — et qui semblent tout simples, cependant —, et qui laissent même, c’est un fait, une trace impérissable de plénitude et d’épanouissement.
J’affirme, pour moi, que, sans la guerre, il est un monde de sentiments, que je n’aurais jamais connus ni soupçonnés. Personne, hormis ceux qui y auront été, ne saura le souvenir chargé d’émerveillement qu’un homme peut garder de la plaine d’Ypres, en avril 1915, quand l’air des Flandres sentait le chlore et que les obus coupaient les peupliers, le long de l’Yperlé, — ou bien des côtes calcinées de Souville, en juillet 1916, quand elles fleuraient la mort. Ces heures plus qu’humaines imprègnent la vie d’un parfum tenace, définitif, d’exaltation et d’initiation, —comme si on les avait passées dans l’absolu.
Tous les enchantements de l’Orient, toute la chaleur spirituelle de Paris ne valent pas, dans le passé, la boue de Douaumont.
Lors donc que viendra la paix désirée des nations (et de moi tout le premier), quelque chose comme une lumière s’éteindra brusquement sur la terre. Par la guerre, une déchirure s’était faite dans la croûte des banalités et des conventions. Une « fenêtre » s’était ouverte sur les mécanismes secrets et les couches profondes du devenir humain. Une région s’était formée où il était possible aux hommes de respirer un air chargé de ciel. A la paix, toutes choses se recouvriront du voile de la monotonie et des mesquineries anciennes. Ainsi, autour de Lassigny, par exemple, les régions évacuées par l’ennemi paraissent-elles déjà mornes, vides et flasques, — la vie du front s’étant propagée plus loin.
Heureux, peut-être, ceux que la mort aura pris dans l’acte et l’atmosphère même de la guerre, quand ils étaient revêtus, animés d’une responsabilité, d’une conscience, d’une liberté plus grandes que la leur, quand ils étaient exaltés jusqu’au bord du monde, — tout près de Dieu !


Cette méditation que l'on trouve déjà chez Homère, on la retrouve pour la première fois de manière aussi explicite dans un film américain (les Soviétiques ont fait ce pas de côté dès la fin des années 50 avec quelques films géniaux). Cela on ne le voit que si l'on accepte de se confronter à l'altérité du film et qu'on se refuse à réduire le film à une simplification politique ou moralisante. Sinon, on ne voit pas le film, on se fait un film.

Je lis et j'entends.
Le fascisme au fait, c'était pas déjà l'histoire d'un mec en marche qui fascinait les foules avec son culte de la personnalité ?
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Re: La séquence du spectateur - TOPIC CINEMA

Messagede B.Verkiler le 15 Mar 2013, 20:01

Waddle a écrit:
B.Verkiler a écrit:
Waddle a écrit:
Bon, en même temps, c'est peut-être aussi un film accessible, qui se regarde facilement. Bref, je cherche du courage, et on verra ensuite.

D'abord A la merveille, et le reste on verra.


Fais plutôt dans l'autre sens : Va voir Heaven's Gate, ça te donnera peut-être du courage pour aller voir A la merveille.

Ah oui? Il est plus accessible n'est ce pas? Tu as vu les deux?


Heaven's Gate est très accessible, du moins je pense tout le monde peut facilement l'apprécier, chacun à son niveau de profondeur.

A la merveille, il me faudra je crois un peu de motivation pour le regarder quand il passera à la télé.
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Re: La séquence du spectateur - TOPIC CINEMA

Messagede Hugues le 15 Mar 2013, 22:15

A la télé :eek:

M'enfin, BV et même Cortese voire Shoemaker, c'est en salle qu'il faut le voir..
Parce que nulle part il ne sera plus accessible, puisque son accessibilité est directement correlée au regard que l'on choisit pour le regarder. Celui qu'il faut adopter, c'est que l'on a spontanément devant un coucher de soleil, un spectacle de danse, une éruption volcanique, un spectacle de cirque, la déclamation de poèmes, de la grande musique, une Messe, un Gloria, un Requiem, celui d'une pensée qui vagabonde au gré de la majesté des sens et de ce qu'inspire les mots...
Or où pourrait-il être plus majestueux que dans une salle..
Parce qu'aussi, il connaîtra bien trop peu de regards (quarante petits milliers en une semaine), et parmi eux, combien pour le regarder tel qu'il est vraiment.

Hugues
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Re: La séquence du spectateur - TOPIC CINEMA

Messagede Silverwitch le 16 Mar 2013, 12:17

von Rauffenstein a écrit:Non, ce n'est pas vraiment ça que j'essaie d'exprimer. ce que je veux exprimer là, c'est que sans chercher à faire une leçon (seul Kubrick y est arrivé à mon sens avec Full Metal Jacket), Fuller qui cherche simplement à raconter une histoire sans entrer dans une approche esthétique, juste en jouant sur le ressenti du spectateur (et je parle de la version de 2004 post morthem, remontée selon les désirs de Fuller dont le film fut massacré par la prod en 1980), parvient à toucher notre humanité en présentant l'unversel du soldat, sans conditions de nationalité. la terreur soudain, qu'inspire la mécanique lourde de la guerre à la passe de kasserine, l'ahurissant concours de tir des défenseurs d'une plage qui visent un rouleau de PQ qui flotte sur la mer au lieu de viser les têtes qui dépassent, la blessure cruelle et la mort qui rode dans un village sicilien, ce tireur allemand de 10 ans qui fait un carton sur une section, l'entrée dans les camps de la mort et le pardon final à un soldat allemand blessé. Des anecdotes mais mises bout à bout et arrangées par fuller, qui aboutissent à autre chose que le film d eguerre classique, action et heorisme. juste une réflexion au final sur la trajectoire de sindividus dans la tourmente, la mort que l'on reçoit et que 'lon donne et comment y survivre moralement. Je trouve que The Thin Red Line est un superbe film, que je revois régulièrement, une à deux fois par an, mais pour moi, il n'aborde pas la guerre en soi mais le tourment d'un homme, un point de vue individualisé et exceptionnel, face à la guerre. C'est une oeuvre d'une grand epoésie, comme Orages d'Acier de Junger est une oeuvre phénoménale sur la guerre mais un point de vue tellement à part, tellement exceptionnel, qu'il ne parvient plus à toucher l'universel. C'est un point de vue cosmique qui touche la réalité en fait d ebien moins de personne que des oeuvres plus simples comme celles de Fuller. Bon, je t'explique simplement un ressenti par rapport à ce type de film et il est peut-être partisan, fruit de ma propre culture de la chose.


C'est pour cette raison que je précisais bien que par leçon, il fallait entendre "leçon de vie", et pas une leçon magistrale ou abstraite. Un film nous fait toujours la leçon à différents niveaux, par exemple:

- l'épreuve du feu, séquence du débarquement dans le "Soldat Ryan", où le film vise à provoquer un réalisme de la sensation.

- la description d'un plan de bataille, des armements, des uniformes, où le film évoque un réalisme documentaire et/ou historique (Tora, Tora, Tora).

- l'édification morale ou patriotique, et toute la gamme de la propagande plus ou moins héroïque, plus ou moins sentimentale.

On voit ici que la plupart des films répondent à ces critères, de manière équivoque. Le film de Spielberg prétend aux trois critères, sans que ça ne suffise à apprécier la valeur du film. En revanche, son titre est déjà programmatique: le réalisme de la sensation, comme le réalisme documentaire y sont avant tout des moyens. Il en va des propriétés des films de se confronter à la double épreuve du réalisme et de la sensation. Le problème est de savoir au service de quelle leçon le réalisme historique, documentaire, existentiel, politique nous entraîne. Si tu reprends l'exemple du très beau film de Fuller que tu as mis en exergue, tu reconnaîtras que ta description oblitère partiellement certains aspects du film. Comme le titre du Malick, comme le titre du Spielberg, son titre est symbolique. La Big Red One, c'est le nom de la compagnie, et à travers la figure de Lee Marvin, le film de Fuller possède un programme, explicité par les séquences qui ouvrent et concluent le film. C'est pourquoi je prenais une séquence du film en la rapprochant du point de vue de Kubrick:



Dans cette séquence, le point de vue du film ne peut se résumer à la description que tu en fais plus haut. Il y a un caractère abstrait que l'on ne peut éluder. De même, ta définition de l'universel m'apparaît bancale, sur le plan théorique. On y reviendra, si tu veux.



- L'individualité et l'honneur de l'ennemi, qu'il soit allemand avec "Croix de fer" de Peckinpah, ou japonais avec "Tora, tora, tora", qui trente ans avant Clint Eastwood et de manière plus audacieuse, traite à égalité les deux antagonismes, scindant le film en deux.


Pour Peckimpah, je ne suis pas d'accord avec ton classement. Pour moi, Peckimpah n'a rien à voir avec Eastwood dans ce qu'il a fait de la guerre du pacifique. Peckimpah pour moi, c'est plus une approche esthétique très particulière, militaro fasciste diraient certains. Mais ça ne me dérange pas à titre personnel, les films militaro-fascistes.


Ce n'est pas tant un classement qu'un regroupement arbitraire. Que les films soient très différents n'en témoigne pas moins de l'originalité de leur point de vue: Peckinpah fait de ses héros des Allemands, il ne sera pas le seul, il n'est qu'à penser au film assez méconnu de John Sturges, "L'aigle s'est envolé"; quand "Tora Tora Tora" (c'est le film dont je parlais), bien avant Clint Eastwood, propose un traitement inédit en traitant à égalité le point de vue américain et le point de vue japonais (à l'intérieur du même film, la partie japonaise est confiée à une équipe japonaise, réalisateur compris, et la moitié américaine à une équipe américaine).

dans ce florilège le très antimilitariste "Kelly's Heroes". D'essence libertarienne. Et ce tous des films qui n'ont en commun que leur antimilitarisme. Ils l'abordent tous avec leur propre idéologie. Libérale au sens américain dans MASH, chrétienne dans Catch 22 (un film incroyable !) et il faut que je revois le dernier que tu cites.


La liste n'est pas exhaustive !

Je ne suis pas d'accord avec ton classement. Moi, j'y vois autre chose. Tout à fait autre chose. Et je ne les mettrai pas ensemble. Déjà.


Ça n'a aucune importance. Il s'agit simplement de montrer que les films américains ont permis d'illustrer des points de vue très différents, de la propagande la plus grossière à la réhabilitation ou l'illustration du point de vue de l'adversaire, comme à la satire ou à l'anti-militarisme. Je prenais l'exemple du film de John Sturges:



On pourrait en citer beaucoup d'autres.
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Re: La séquence du spectateur - TOPIC CINEMA

Messagede Silverwitch le 16 Mar 2013, 12:36

Hugues a écrit:A la télé :eek:

M'enfin, BV et même Cortese voire Shoemaker, c'est en salle qu'il faut le voir..


:o

Hugues a écrit:Parce que nulle part il ne sera plus accessible, puisque son accessibilité est directement correlée au regard que l'on choisit pour le regarder. Celui qu'il faut adopter, c'est que l'on a spontanément devant un coucher de soleil, un spectacle de danse, une éruption volcanique, un spectacle de cirque, la déclamation de poèmes, de la grande musique, une Messe, un Gloria, un Requiem, celui d'une pensée qui vagabonde au gré de la majesté des sens et de ce qu'inspire les mots...
Or où pourrait-il être plus majestueux que dans une salle..


Peut-être ne devrais-je pas le dire, je ne suis pas vraiment convaincue par cette idée. Non seulement sur le plan logique, où il semble difficile de défendre à la fois le caractère spontané d'un regard et la volonté de le conditionner, mais également par les rapprochements opérés, le spectacle même majestueux, ne suggère pas nécessairement une contemplation que tu décris ici comme proche de l'abandon. Si un film suppose un spectateur idéal, il me semble que la polysémie du langage cinématographique de Malick n'est pas aussi univoque, le film résiste autant à une analyse distanciée, à la double épreuve de l'incrédulité du spectateur et du personnage de Ben Affleck ou de la petite fille devant le spectacle du ciel. Et si la leçon du film était que l'appel du Beau est à la fois intelligible et sensible, et que si l'on résiste au premier, le second n'en fait pas moins son chemin ?
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Re: La séquence du spectateur - TOPIC CINEMA

Messagede von Rauffenstein le 16 Mar 2013, 13:28

silverwitch a écrit:
von Rauffenstein a écrit:Non, ce n'est pas vraiment ça que j'essaie d'exprimer. ce que je veux exprimer là, c'est que sans chercher à faire une leçon (seul Kubrick y est arrivé à mon sens avec Full Metal Jacket), Fuller qui cherche simplement à raconter une histoire sans entrer dans une approche esthétique, juste en jouant sur le ressenti du spectateur (et je parle de la version de 2004 post morthem, remontée selon les désirs de Fuller dont le film fut massacré par la prod en 1980), parvient à toucher notre humanité en présentant l'unversel du soldat, sans conditions de nationalité. la terreur soudain, qu'inspire la mécanique lourde de la guerre à la passe de kasserine, l'ahurissant concours de tir des défenseurs d'une plage qui visent un rouleau de PQ qui flotte sur la mer au lieu de viser les têtes qui dépassent, la blessure cruelle et la mort qui rode dans un village sicilien, ce tireur allemand de 10 ans qui fait un carton sur une section, l'entrée dans les camps de la mort et le pardon final à un soldat allemand blessé. Des anecdotes mais mises bout à bout et arrangées par fuller, qui aboutissent à autre chose que le film d eguerre classique, action et heorisme. juste une réflexion au final sur la trajectoire de sindividus dans la tourmente, la mort que l'on reçoit et que 'lon donne et comment y survivre moralement. Je trouve que The Thin Red Line est un superbe film, que je revois régulièrement, une à deux fois par an, mais pour moi, il n'aborde pas la guerre en soi mais le tourment d'un homme, un point de vue individualisé et exceptionnel, face à la guerre. C'est une oeuvre d'une grand epoésie, comme Orages d'Acier de Junger est une oeuvre phénoménale sur la guerre mais un point de vue tellement à part, tellement exceptionnel, qu'il ne parvient plus à toucher l'universel. C'est un point de vue cosmique qui touche la réalité en fait d ebien moins de personne que des oeuvres plus simples comme celles de Fuller. Bon, je t'explique simplement un ressenti par rapport à ce type de film et il est peut-être partisan, fruit de ma propre culture de la chose.


C'est pour cette raison que je précisais bien que par leçon, il fallait entendre "leçon de vie", et pas une leçon magistrale ou abstraite. Un film nous fait toujours la leçon à différents niveaux, par exemple:

- l'épreuve du feu, séquence du débarquement dans le "Soldat Ryan", où le film vise à provoquer un réalisme de la sensation.

- la description d'un plan de bataille, des armements, des uniformes, où le film évoque un réalisme documentaire et/ou historique (Tora, Tora, Tora).

- l'édification morale ou patriotique, et toute la gamme de la propagande plus ou moins héroïque, plus ou moins sentimentale.

On voit ici que la plupart des films répondent à ces critères, de manière équivoque. Le film de Spielberg prétend aux trois critères, sans que ça ne suffise à apprécier la valeur du film. En revanche, son titre est déjà programmatique: le réalisme de la sensation, comme le réalisme documentaire y sont avant tout des moyens. Il en va des propriétés des films de se confronter à la double épreuve du réalisme et de la sensation. Le problème est de savoir au service de quelle leçon le réalisme historique, documentaire, existentiel, politique nous entraîne. Si tu reprends l'exemple du très beau film de Fuller que tu as mis en exergue, tu reconnaîtras que ta description oblitère partiellement certains aspects du film. Comme le titre du Malick, comme le titre du Spielberg, son titre est symbolique. La Big Red One, c'est le nom de la compagnie, et à travers la figure de Lee Marvin, le film de Fuller possède un programme, explicité par les séquences qui ouvrent et concluent le film. C'est pourquoi je prenais une séquence du film en la rapprochant du point de vue de Kubrick:



Dans cette séquence, le point de vue du film ne peut se résumer à la description que tu en fais plus haut. Il y a un caractère abstrait que l'on ne peut éluder. De même, ta définition de l'universel m'apparaît bancale, sur le plan théorique. On y reviendra, si tu veux.

Je ne comprends pas ce que tu essaies de me dire. Et si tu estimes que mon appréciation d el'universel est bancale, alors explique donc pourquoi. Pour résumer, j'estime que ce n'est pas parce qu'un point de vue est cosmique, comme celui au cinéma de Malick ou en littérature celui de Junger, qu'il touche à l'universalité forcément. Par universalité, j'entends ici la perception que chacun peut en avoir à partir de son propre référentiel culturel, comme Cortese nous l'exprimait. Il voit dans le Mallick l'expression d'abord d'une culture qui n'est pas la sienne avant d'être touché par quelque chose qui dépasse la contigence culturelle de chacun d'entre nous. Junger est allemand. Défintivement. Cela n'enlève rien à la hauteur de son point de vue comme il peut frapper un lecteur soudain au détour d'une phrase. Mais un lecteur réceptif à ses codes culturels. Dépasse t-il cette contingence ? Pour revenir au film en soi, si je suis réceptif au Thin Red Line de Mallick, c'est que c'est d'abord un film tellurique qui frappe en moi mon propre tellurisme. je ne suis pas sûr par contre que le tellurisme soit une donnée culturelle universelle, parce qu'il s'exprime d'abord éminemment à travers une langue et une perception culturelle. Parfois, ce peut être à mon sens, la planète Mars pour certains. Comme Cortese. Fuller se situe à niveau d'homme, ne cherche pas à embrasser les étoiles. Il parle à chacun d'entre nous face à des choses très simples. La chair face à l'acier et les volontés derrière, à chaque niveau d'homme, qui s'affrontent plongé dans la contrainte d'une grande mécanique qui nous dépasse, celle de la guerre universelle, omniprésente, à chaque instant.

- L'individualité et l'honneur de l'ennemi, qu'il soit allemand avec "Croix de fer" de Peckinpah, ou japonais avec "Tora, tora, tora", qui trente ans avant Clint Eastwood et de manière plus audacieuse, traite à égalité les deux antagonismes, scindant le film en deux.


Pour Peckimpah, je ne suis pas d'accord avec ton classement. Pour moi, Peckimpah n'a rien à voir avec Eastwood dans ce qu'il a fait de la guerre du pacifique. Peckimpah pour moi, c'est plus une approche esthétique très particulière, militaro fasciste diraient certains. Mais ça ne me dérange pas à titre personnel, les films militaro-fascistes.


Ce n'est pas tant un classement qu'un regroupement arbitraire. Que les films soient très différents n'en témoigne pas moins de l'originalité de leur point de vue: Peckinpah fait de ses héros des Allemands, il ne sera pas le seul, il n'est qu'à penser au film assez méconnu de John Sturges, "L'aigle s'est envolé"; quand "Tora Tora Tora" (c'est le film dont je parlais), bien avant Clint Eastwood, propose un traitement inédit en traitant à égalité le point de vue américain et le point de vue japonais (à l'intérieur du même film, la partie japonaise est confiée à une équipe japonaise, réalisateur compris, et la moitié américaine à une équipe américaine).
Oui il est arbitraire. Tu prends des films sur les vaincus tournés par les descendants des vainqueurs. On retire le dyptique de Eastwood qui est à part. Moi, plutôt que "rendre honneur", je vois plutôt l'expression ici de vouloir montrer l'éternel humain confronté au mal absolu. La guerre en soi, en prenant un point de vue original, celui de l'ennemi pour tenter justement de montrer, consciemment ou pas, (ah tiens, tu me fais penser à l'extraordinaire Lebanon de Samuel Maoz, bourré de lapsus au point que c'est choquant de lire le réalisateur de qu'il en dit alors qu'il exprime inconsiemment dans son film tout à fait autre chose, de très profond, de très particulier à la culture juive tout en touchant bien au-delà de cette simple sphère) ce que l'homme peut être quand il est confronté au pire. j'appelle ça des films "sans nationalité", justement parce que l'on tente de se débarasser de son propre uniforme.

dans ce florilège le très antimilitariste "Kelly's Heroes". D'essence libertarienne. Et ce tous des films qui n'ont en commun que leur antimilitarisme. Ils l'abordent tous avec leur propre idéologie. Libérale au sens américain dans MASH, chrétienne dans Catch 22 (un film incroyable !) et il faut que je revois le dernier que tu cites.


La liste n'est pas exhaustive !
Et il y a une tapée de films d emerde dans le genre ! C'est pour cela qu'il reste MASH, Catch 22 et Kelly's Heroes ! No Pathos ! Juste la merde et la connerie dans la mécanique infernale !

Je ne suis pas d'accord avec ton classement. Moi, j'y vois autre chose. Tout à fait autre chose. Et je ne les mettrai pas ensemble. Déjà.


Ça n'a aucune importance. Il s'agit simplement de montrer que les films américains ont permis d'illustrer des points de vue très différents, de la propagande la plus grossière à la réhabilitation ou l'illustration du point de vue de l'adversaire, comme à la satire ou à l'anti-militarisme. Je prenais l'exemple du film de John Sturges:



On pourrait en citer beaucoup d'autres.

Si si, justement, cela a une importance. On sait que par exemple, qu'Apocalypse Now ets inspiré d'au coeur des ténèbres de Conrad. Un récit relatant sa remontée du fleuve Congo lors de la colonisation belge. mais on est au-delà du colonial. ce n'est qu'un contexte. On est dans le mal, ce qu'il nous inspire, comment il nous transforme et comment on en ressort. Le mal. Et ici, le passage à travers le feu. Et ce que l'on y fait de soi.
Le fascisme au fait, c'était pas déjà l'histoire d'un mec en marche qui fascinait les foules avec son culte de la personnalité ?
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Re: La séquence du spectateur - TOPIC CINEMA

Messagede Silverwitch le 16 Mar 2013, 14:48

von Rauffenstein a écrit:Je ne comprends pas ce que tu essaies de me dire. Et si tu estimes que mon appréciation d el'universel est bancale, alors explique donc pourquoi. Pour résumer, j'estime que ce n'est pas parce qu'un point de vue est cosmique, comme celui au cinéma de Malick ou en littérature celui de Junger, qu'il touche à l'universalité forcément. Par universalité, j'entends ici la perception que chacun peut en avoir à partir de son propre référentiel culturel, comme Cortese nous l'exprimait. Il voit dans le Mallick l'expression d'abord d'une culture qui n'est pas la sienne avant d'être touché par quelque chose qui dépasse la contigence culturelle de chacun d'entre nous. Junger est allemand. Défintivement. Cela n'enlève rien à la hauteur de son point de vue comme il peut frapper un lecteur soudain au détour d'une phrase. Mais un lecteur réceptif à ses codes culturels. Dépasse t-il cette contingence ?


C'est très simple. Comment extraire d'une expérience singulière, unique, sa généralité ? Ou pour le dire autrement:

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Comment du portrait d'un homme (ici un autoportrait) accéder à ce qui est invisible en lui, c'est-à-dire à l'idée de l'homme, son humanité ? La leçon de la peinture est évidente: il ne faut pas craindre de pénétrer dans la description précise de ses traits particuliers. L'art c'est la relation dialectique entre le singulier et le général. C'est ce que tu exprimes à propos du film de Fuller, avec la notion trop univoque du "refus d'une approche esthétique". Cependant, tu confonds le point de vue et l'universalité. Ce qui est universel dans le cinéma (et c'est vrai pour toutes les nationalités, puisqu'en vérité il n'y a bien qu'un cinéma), ce n'est pas la construction d'un point de vue plus général ou plus singulier, ce n'est qu'un point de départ qui n'a aucune importance, quand seul importe où l'on arrive, ce qui est universel, c'est la relation entre ce qui est dit et ce qui est montré, c'est-à-dire l'acte d'ouverture du regard qui reconnaît tous les hommes comme semblables, parce qu'également animés par la compassion, par la raison, par des moteurs cognitifs et affectifs. La culture est universelle quand elle s'affranchit du culte.

von Rauffenstein a écrit:Pour revenir au film en soi, si je suis réceptif au Thin Red Line de Mallick, c'est que c'est d'abord un film tellurique qui frappe en moi mon propre tellurisme. je ne suis pas sûr par contre que le tellurisme soit une donnée culturelle universelle, parce qu'il s'exprime d'abord éminemment à travers une langue et une perception culturelle. Parfois, ce peut être à mon sens, la planète Mars pour certains. Comme Cortese. Fuller se situe à niveau d'homme, ne cherche pas à embrasser les étoiles. Il parle à chacun d'entre nous face à des choses très simples. La chair face à l'acier et les volontés derrière, à chaque niveau d'homme, qui s'affrontent plongé dans la contrainte d'une grande mécanique qui nous dépasse, celle de la guerre universelle, omniprésente, à chaque instant.


Je suis en désaccord avec la généralité. L'universel, ce n'est pas une égale accessibilité. Le théâtre japonais est codifié à l'extrème, il est inaccessible au profane, il n'en est pas moins universel, car il postule à sa manière que rien de ce qui est humain ne nous est étranger.

- L'individualité et l'honneur de l'ennemi, qu'il soit allemand avec "Croix de fer" de Peckinpah, ou japonais avec "Tora, tora, tora", qui trente ans avant Clint Eastwood et de manière plus audacieuse, traite à égalité les deux antagonismes, scindant le film en deux.


Oui il est arbitraire. Tu prends des films sur les vaincus tournés par les descendants des vainqueurs. On retire le dyptique de Eastwood qui est à part. Moi, plutôt que "rendre honneur", je vois plutôt l'expression ici de vouloir montrer l'éternel humain confronté au mal absolu. La guerre en soi, en prenant un point de vue original, celui de l'ennemi pour tenter justement de montrer, consciemment ou pas, (ah tiens, tu me fais penser à l'extraordinaire Lebanon de Samuel Maoz, bourré de lapsus au point que c'est choquant de lire le réalisateur de qu'il en dit alors qu'il exprime inconsiemment dans son film tout à fait autre chose, de très profond, de très particulier à la culture juive tout en touchant bien au-delà de cette simple sphère) ce que l'homme peut être quand il est confronté au pire. j'appelle ça des films "sans nationalité", justement parce que l'on tente de se débarasser de son propre uniforme.


Tu remarqueras que je n'ai pas mentionné de film d'Eastwood, sinon en creux, pour lui opposer l'antériorité de Tora, Tora, Tora (ter).

Et il y a une tapée de films d emerde dans le genre ! C'est pour cela qu'il reste MASH, Catch 22 et Kelly's Heroes ! No Pathos ! Juste la merde et la connerie dans la mécanique infernale !


Sans doute. Je me suis limitée volontairement au cinéma américain sur qui l'on fait peser à l'excès, au regard de son histoire, le reproche d'être auto-centré.

Si si, justement, cela a une importance. On sait que par exemple, qu'Apocalypse Now ets inspiré d'au coeur des ténèbres de Conrad. Un récit relatant sa remontée du fleuve Congo lors de la colonisation belge. mais on est au-delà du colonial. ce n'est qu'un contexte. On est dans le mal, ce qu'il nous inspire, comment il nous transforme et comment on en ressort. Le mal. Et ici, le passage à travers le feu. Et ce que l'on y fait de soi.


C'est exactement ça l'enjeu. Découvrir ce qu'il y a au-delà des moyens, au-delà de la réduction politique, au-delà de l'épreuve du réalisme, documentaire, historique ou sensationnel.
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Re: La séquence du spectateur - TOPIC CINEMA

Messagede von Rauffenstein le 16 Mar 2013, 15:30

silverwitch a écrit:
von Rauffenstein a écrit:Je ne comprends pas ce que tu essaies de me dire. Et si tu estimes que mon appréciation d el'universel est bancale, alors explique donc pourquoi. Pour résumer, j'estime que ce n'est pas parce qu'un point de vue est cosmique, comme celui au cinéma de Malick ou en littérature celui de Junger, qu'il touche à l'universalité forcément. Par universalité, j'entends ici la perception que chacun peut en avoir à partir de son propre référentiel culturel, comme Cortese nous l'exprimait. Il voit dans le Mallick l'expression d'abord d'une culture qui n'est pas la sienne avant d'être touché par quelque chose qui dépasse la contigence culturelle de chacun d'entre nous. Junger est allemand. Défintivement. Cela n'enlève rien à la hauteur de son point de vue comme il peut frapper un lecteur soudain au détour d'une phrase. Mais un lecteur réceptif à ses codes culturels. Dépasse t-il cette contingence ?


C'est très simple. Comment extraire d'une expérience singulière, unique, sa généralité ? Ou pour le dire autrement:

Image

Comment du portrait d'un homme (ici un autoportrait) accéder à ce qui est invisible en lui, c'est-à-dire à l'idée de l'homme, son humanité ? La leçon de la peinture est évidente: il ne faut pas craindre de pénétrer dans la description précise de ses traits particuliers. L'art c'est la relation dialectique entre le singulier et le général. C'est ce que tu exprimes à propos du film de Fuller, avec la notion trop univoque du "refus d'une approche esthétique". Cependant, tu confonds le point de vue et l'universalité. Ce qui est universel dans le cinéma (et c'est vrai pour toutes les nationalités, puisqu'en vérité il n'y a bien qu'un cinéma), ce n'est pas la construction d'un point de vue plus général ou plus singulier, ce n'est qu'un point de départ qui n'a aucune importance, quand seul importe où l'on arrive, ce qui est universel, c'est la relation entre ce qui est dit et ce qui est montré, c'est-à-dire l'acte d'ouverture du regard qui reconnaît tous les hommes comme semblables, parce qu'également animés par la compassion, par la raison, par des moteurs cognitifs et affectifs. La culture est universelle quand elle s'affranchit du culte.


Tûtûtût. Je ne parle pas d'esthétique. Je parle de cosmogonie. L'univers de Malick, à priori, est parrallèle à celui de Cortese. pour en revenir au débat du départ. Et tu sembles vouloir faire du cinéma, comme des arts en général, une activité qui dépasse en soi sa contingence culturelle. J'ai du mal à l'admettre. Par contre, je crois en l'artiste qui dépasse son propre tellurisme quel que soit le medium qu'il utilise. Personnellement, je trouve que le cinéma de Fuller, moins beau que celui de Malick, est plus universel que celui de Malick quand il traite de la guerre. Quoique. Puisque je sais ce que c'est qu'un char, je n'ai jamais vu aussi bien filmé et avec les moyens du bord, c'est à dire pauvres, une scène de char comme Fuller l'a filmé dans "The Big Red One" (en Français, traduit par "Au-Delà De La Gloire", tu vois, la culture, ce que c'est...). Spielberg pompe dans son Ryan d'ailleurs les effets de cette scène énorme de Fuller à la passe de Kasserine, pour sa scène de la contre attaque allemande dans le village normand (Ryan pour moi : film pornographique). Je suis terrifié par cette séquence de Fuller. Voyeur dans celle(s) de Spielberg.

silverwitch a écrit:
von Rauffenstein a écrit:Pour revenir au film en soi, si je suis réceptif au Thin Red Line de Mallick, c'est que c'est d'abord un film tellurique qui frappe en moi mon propre tellurisme. je ne suis pas sûr par contre que le tellurisme soit une donnée culturelle universelle, parce qu'il s'exprime d'abord éminemment à travers une langue et une perception culturelle. Parfois, ce peut être à mon sens, la planète Mars pour certains. Comme Cortese. Fuller se situe à niveau d'homme, ne cherche pas à embrasser les étoiles. Il parle à chacun d'entre nous face à des choses très simples. La chair face à l'acier et les volontés derrière, à chaque niveau d'homme, qui s'affrontent plongé dans la contrainte d'une grande mécanique qui nous dépasse, celle de la guerre universelle, omniprésente, à chaque instant.


Je suis en désaccord avec la généralité. L'universel, ce n'est pas une égale accessibilité. Le théâtre japonais est codifié à l'extrème, il est inaccessible au profane, il n'en est pas moins universel, car il postule à sa manière que rien de ce qui est humain ne nous est étranger.


Et bien sois en désaccord avec mon désaccord. Cortese est donc un profane au cinéma de Malick. :D

silverwitch a écrit:
von rauffenstein a écrit:
Oui il est arbitraire. Tu prends des films sur les vaincus tournés par les descendants des vainqueurs. On retire le dyptique de Eastwood qui est à part. Moi, plutôt que "rendre honneur", je vois plutôt l'expression ici de vouloir montrer l'éternel humain confronté au mal absolu. La guerre en soi, en prenant un point de vue original, celui de l'ennemi pour tenter justement de montrer, consciemment ou pas, (ah tiens, tu me fais penser à l'extraordinaire Lebanon de Samuel Maoz, bourré de lapsus au point que c'est choquant de lire le réalisateur de qu'il en dit alors qu'il exprime inconsiemment dans son film tout à fait autre chose, de très profond, de très particulier à la culture juive tout en touchant bien au-delà de cette simple sphère) ce que l'homme peut être quand il est confronté au pire. j'appelle ça des films "sans nationalité", justement parce que l'on tente de se débarasser de son propre uniforme.


Tu remarqueras que je n'ai pas mentionné de film d'Eastwood, sinon en creux, pour lui opposer l'antériorité de Tora, Tora, Tora (ter).

C'est l'effet kiss kool du multiquote. Nous montons mal nos séquences, je crois. Reste la question du classement de Croix de Fer. Si tu ne veux pas en discuter, d'accord. N'en parlons plus.

Et il y a une tapée de films de merde dans le genre ! C'est pour cela qu'il reste MASH, Catch 22 et Kelly's Heroes ! No Pathos ! Juste la merde et la connerie dans la mécanique infernale !


Sans doute. Je me suis limitée volontairement au cinéma américain sur qui l'on fait peser à l'excès, au regard de son histoire, le reproche d'être auto-centré.

heu... Encore un effet de distorsion des multiquotes. On se croit plus lisible et on ne comprend plus rien de ce que l'on se disait au fait, au juste.

Si si, justement, cela a une importance. On sait que par exemple, qu'Apocalypse Now ets inspiré d'au coeur des ténèbres de Conrad. Un récit relatant sa remontée du fleuve Congo lors de la colonisation belge. mais on est au-delà du colonial. ce n'est qu'un contexte. On est dans le mal, ce qu'il nous inspire, comment il nous transforme et comment on en ressort. Le mal. Et ici, le passage à travers le feu. Et ce que l'on y fait de soi.


C'est exactement ça l'enjeu. Découvrir ce qu'il y a au-delà des moyens, au-delà de la réduction politique, au-delà de l'épreuve du réalisme, documentaire, historique ou sensationnel.

je sais plus de quoi on parlait. :D

Edit. le quote, c'est l'enfer.
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Re: La séquence du spectateur - TOPIC CINEMA

Messagede Marlaga le 16 Mar 2013, 15:57

Avant, ce topic était un peu chiant. Maintenant, c'est au-delà de casse-couilles. C'est puant, illisible, imbuvable, à vous dégoûter du cinéma.
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Re: La séquence du spectateur - TOPIC CINEMA

Messagede Hugues le 16 Mar 2013, 16:30

silverwitch a écrit:
Hugues a écrit:A la télé :eek:

M'enfin, BV et même Cortese voire Shoemaker, c'est en salle qu'il faut le voir..


:o

Hugues a écrit:Parce que nulle part il ne sera plus accessible, puisque son accessibilité est directement correlée au regard que l'on choisit pour le regarder. Celui qu'il faut adopter, c'est que l'on a spontanément devant un coucher de soleil, un spectacle de danse, une éruption volcanique, un spectacle de cirque, la déclamation de poèmes, de la grande musique, une Messe, un Gloria, un Requiem, celui d'une pensée qui vagabonde au gré de la majesté des sens et de ce qu'inspire les mots...
Or où pourrait-il être plus majestueux que dans une salle..


Peut-être ne devrais-je pas le dire, je ne suis pas vraiment convaincue par cette idée. Non seulement sur le plan logique, où il semble difficile de défendre à la fois le caractère spontané d'un regard et la volonté de le conditionner, mais également par les rapprochements opérés, le spectacle même majestueux, ne suggère pas nécessairement une contemplation que tu décris ici comme proche de l'abandon. Si un film suppose un spectateur idéal, il me semble que la polysémie du langage cinématographique de Malick n'est pas aussi univoque, le film résiste autant à une analyse distanciée, à la double épreuve de l'incrédulité du spectateur et du personnage de Ben Affleck ou de la petite fille devant le spectacle du ciel. Et si la leçon du film était que l'appel du Beau est à la fois intelligible et sensible, et que si l'on résiste au premier, le second n'en fait pas moins son chemin ?


Oui c'est vrai, et moi-même en l'écrivant j'en voyais la "bancalité" (quelle malhonnêteté, de malgré tout, essayer de refourguer sa camelotte, en disant que ça passera peut-être quand même... :evil: )
Il reste que j'essaye de trouver des leçons maladroites en mon expérience, la raison pour laquelle selon les visions, nous pouvons parfois nous trouver en exil tout au long du film, tout en ayant à la fois une impression rétrospective magnifique (le film hante bien après), et même avant que le film soit terminé, le sentiment d'être passé à côté de quelque chose, puisqu'opère tout de même l'épiphanie. Donc c'est tout à fait ce que tu écris dans la dernière phrase,
J'ai eu l'impression qu'il y avait une façon de le commander, conditionner, pour que le regard en soit meilleur, un peu comme parfois on dit qu'on peut conditionner ses rêves par nos pensées avant de s'endormir.. Que je me méprenne sur la manière de les convoquer ou les décrire, j'en conviens..

Mais de toute façon, pour paraphraser ce que tu écris, chemin est fait tout de même, je l'ai toujours dit..
Bon je tourne un peu en rond je trouve.. J'espère que ce que je veux exprimer sans y parvenir reste intelligible...

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Re: La séquence du spectateur - TOPIC CINEMA

Messagede Cortese le 16 Mar 2013, 18:00

Le plus drole, c'est que le jour ou j'ai du prendre un pseudo, par prudence (on etait en 1991) sur les conseils du redac chef de ce journal algerois, je me suis souvenu d'une affiche de film vue quelques annees avant dans une station de metro parisienne : c'était "The big Red One".
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Re: La séquence du spectateur - TOPIC CINEMA

Messagede Rainier le 16 Mar 2013, 18:09

Marlaga a écrit:Avant, ce topic était un peu chiant. Maintenant, c'est au-delà de casse-couilles. C'est puant, illisible, imbuvable, à vous dégoûter du cinéma.


Dans un entretien radiophonique, Céline s'était exclamé :
" Dans les Ecritures, il est écrit : "Au commencement était le Verbe." Non ! Au commencement était l'émotion. Le Verbe est venu ensuite pour remplacer l'émotion, comme le trot remplace le galop, alors que la loi naturelle du cheval est le galop ; on lui fait avoir le trot. On a sorti l'homme de la poésie émotive pour le faire entrer dans la dialectique, c'est-à-dire le bafouillage, n'est-ce pas ? "

Le cinéma, c'est l'émotion.
Tout ce que des pseudos spécialistes, qui ont tout compris, tartinent ensuite sur des pages et des pages, ce n'est que du bafouillage.
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Re: La séquence du spectateur - TOPIC CINEMA

Messagede von Rauffenstein le 16 Mar 2013, 18:22

Cortese a écrit:Le plus drole, c'est que le jour ou j'ai du prendre un pseudo, par prudence (on etait en 1991) sur les conseils du redac chef de ce journal algerois, je me suis souvenu d'une affiche de film vue quelques annees avant dans une station de metro parisienne : c'était "The big Red One".

Oh ? T'étais gros ?
Le fascisme au fait, c'était pas déjà l'histoire d'un mec en marche qui fascinait les foules avec son culte de la personnalité ?
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Re: La séquence du spectateur - TOPIC CINEMA

Messagede von Rauffenstein le 16 Mar 2013, 20:46

Marlaga a écrit:Avant, ce topic était un peu chiant. Maintenant, c'est au-delà de casse-couilles. C'est puant, illisible, imbuvable, à vous dégoûter du cinéma.

You can't get no
You can't get no
You can't get no
Oh no no no no
You can't get no
SATISFACTION!
You can't get no!

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Le fascisme au fait, c'était pas déjà l'histoire d'un mec en marche qui fascinait les foules avec son culte de la personnalité ?
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Re: La séquence du spectateur - TOPIC CINEMA

Messagede Hugues le 16 Mar 2013, 23:52

Marlaga a écrit:Avant, ce topic était un peu chiant. Maintenant, c'est au-delà de casse-couilles. C'est puant, illisible, imbuvable, à vous dégoûter du cinéma.


Si j'étais méchant, je dirais que de toute façon tu ne l'as jamais aimé.
Il reste que tu dois te poser la question pourquoi l'existence d'une discusion t'est insupportable, quand elle ne prend le tour que tu envisages. On pourrait penser que tu es maniaque du contrôle (as-tu peur dans l'avion?).. Non, ce serait dire que c'est à ton insu et, cela, serait te faire trop d'honneur.
Non plutôt.. Quand certains envisagent d'apprendre des autres, tu as décrété que personne ici ne t'apprendrait quoi que ce soit
Le syndrôme du barbare. Avant moi, rien.
Finalement un point de vue pas si dissemblable que celui dont tu témoignes tristement en d'autres domaines.

Le plus triste est finalement que Rainier te rejoigne avec un sophisme..
Rainier a écrit:Dans un entretien radiophonique, Céline s'était exclamé :
" Dans les Ecritures, il est écrit : "Au commencement était le Verbe." Non ! Au commencement était l'émotion. Le Verbe est venu ensuite pour remplacer l'émotion, comme le trot remplace le galop, alors que la loi naturelle du cheval est le galop ; on lui fait avoir le trot. On a sorti l'homme de la poésie émotive pour le faire entrer dans la dialectique, c'est-à-dire le bafouillage, n'est-ce pas ? "


Car Rainier, comment articules-tu le paragraphe (en supposant même qu'il soit juste ce qui n'est pas acquis) précédant à celui qui suit.
Sinon en décrétant sans argumenter.

Comment passes-tu de l'intériorité de l'homme à la représentation du monde ?

Le cinéma, c'est l'émotion.
Tout ce que des pseudos spécialistes, qui ont tout compris, tartinent ensuite sur des pages et des pages, ce n'est que du bafouillage.


Tu te risques toi même à la facilité du précipice de la barbarie.. Car si une représentation du monde (le sensible) nous émeut, c'est parce que l'affectivité (les sentiments, les émotions) nait de l'intelligible (cette représentation du monde par l'artiste et son reflet au fond de nous même, ce que nous en comprenons). Ce que Platon disait déjà en le dénommant logos. Tiens, le verbe.
L'esprit humain est à la fois actif (il cherche à comprendre le sensible, ce qu'il perçoit) et passif (il est affecté par ce qu'il a compris).

Donc oui parler de cinéma, c'est essayer de découvrir l'intelligible, dans la représentation sensible. C'est la seule chose qu'on puisse partager, la seule chose qui soit objective.
Toi tu voudrais qu'on ne parle que de l'effet, qui se produit ou non, qui n'est pas garanti.

Mais on peut oublier tout ça hein.. : c'est évidemment si facile de céder à la barbarie.

Et désolé d'être ainsi cassant, mais ce devient impossible cette prime permanente à la médiocrité, alors que ces échanges pouraient tous nous élever, donner envie d'apprendre, rechercher ce qui nous fait défaut pour pleinement comprendre (même si parfois, sans même rechercher ou apprendre, une lecture patiente permet à elle seule d'apprendre beaucoup).

Non sans doute faut-il mieux se contenter de parler de nous, en disant uniquement "j'ai bien aimé, je n'ai pas aimé"? C'est cela que devrait être ce sujet? Un alignement de sentiments, de témoignages qui ne partagent rien, sinon justement ce témoignage de l'incommunicable par nature... Que tel ou tel émette son sentiment changera-t-il mon propre regard sur une oeuvre ? Non.

L'intelligible au contraire, on peut le communiquer, on peut se donner les uns les autres des clefs pour mieux apprécier des films, par ce que d'autres regards auront su nous dire ce que peut-être nous n'aurions vu, ou ce que nous n'avions vu auparavant, toutes ces choses qui permettent d'envisager d'autres mondes, au delà même de la fenêtre sur cet autre monde qu'est la représentation.

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Re: La séquence du spectateur - TOPIC CINEMA

Messagede BWT le 16 Mar 2013, 23:56

Je comprends mieux maintenant le dégoût de Deleuze pour l'aboiement du chien. :D
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Re: La séquence du spectateur - TOPIC CINEMA

Messagede BWT le 17 Mar 2013, 00:15

Puisque le sujet est d'importance, je ne voudrais pas limiter ma participation à cette petite sortie, et j'aimerais rebondir sur ceci, Hugues.
Hugues a écrit:Donc oui parler de cinéma, c'est essayer de découvrir l'intelligible, dans la représentation sensible. C'est la seule chose qu'on puisse partager, la seule chose qui soit objective.

Comme je ne peux m'empêcher, en te lisant, de penser au peu que je sais de Deleuze (dont la valeur est discutable mais là n'est pas le sujet), il me revient en mémoire le terme de percept. Dans sa philosophie, Deleuze décrit le percept comme la somme des émotions indicibles que peut créer le cinéma ou la musique. Dès lors me viennent deux questions : premièrement, est-ce que parler du cinéma n'est-il pas déjà trahir sa représentation sensible ? Ensuite, et je te pose directement la question, les percepts que peut créer le cinéma ne sont-ils pas a rapprocher du divin, en ce sens très précis que les percepts ne sont le produit d'aucune matière ?
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Re: La séquence du spectateur - TOPIC CINEMA

Messagede BWT le 17 Mar 2013, 00:27

je me rends compte du sens affreusement baccalauréesque de ma question... #sleep
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Re: La séquence du spectateur - TOPIC CINEMA

Messagede heow le 17 Mar 2013, 03:43

Hugues, Silverwitch, vous pouvez nous sortir quelques films qui auraient fait plus d'1 million d'entrées en france ou 100 millions de $ aux US lors des 12 derniers mois qui trouve grâce à vos yeux ?
Parfois je me demande s'il n'y a pas une grande part de snobisme dans tout ça... Je ne critique pas, mais il est quand même assez étonnant qu'au final aucun succès "populaire" ne soit apprécié (enfin, "approved").
Vous arrive t-il d'aller au ciné pour voir un autre cinéma autre que celui du MK2 Beaubourg (cela dit c'est pas vraiment assez pointu) qui sort sur 3 copies en France.

Allez, mouillez-vous, un film qui vous a fait rire dernièrement, ou un film bien bourrin qu'on a oublié la semaine d'après tout en ayant apprécié quelques scènes bidons. Parce que la contemplation du beau, ça va un moment au ciné, non ?
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