Shunt a écrit:Je l'ai vu et je n'ai pas été super emballé... alors que j'ai adoré "les Moissons du Ciel" et "la Ligne Rouge" (et à un degré moindre "Le Nouveau Monde"). J'ai trouvé ce film excessivement grandiloquent, l'histoire de cette famille peu captivante... beaucoup de clichés éculés également (la mère "terre" douce et protectrice, le père "ciel", Zeus ou Kronos, tyran du foyer, l'oedipe filial, la jalousie à l'égard du frère préféré, la dialectique du chaos et de l'harmonie, etc...), un Brad Pitt qui en fait des caisses dans le registre du White Male American ambitieux qui veut tout contrôler, avec serrage de maxillaires à chaque plan ou presque.
J'ai également été pas mal rebuté par la forme, l'usage excessif du grand angle et le montage ultra-elliptique qui, je trouve, empêche de rentrer dans l'histoire en laissant le spectateur à distance (ce qui est paradoxal vu que tout est filmé de façon très serrée). Ces ellipses, ces images déformées par le grand angle donnent parfois l'impression de regarder un long vidéoclip, voire une version mega-rallongée d'une pub pour les assurances.
Mais le gros point noir, c'est la fin... on dirait presque celle de "Lost", en plus pompeux et prétentieux.
Je fais court (pour le moment)
Shunt, je pense c'est un film qui est meilleur à chaque nouvelle vision. Qui longtemps après se décante toujours en soi, consciemment et inconsciemment.
Au point de conquérir même de grands détracteurs (exemple parmi d'autres, l'aveu récemment de
Nicolas Gilli:
"Et s’il va falloir quelques années de recul pour bien s’en rendre compte, il est bien possible que The Tree of Life soit une des plus immenses palmes jamais attribuées…" à comparer ce qu'il écrivait en
mai 2011 )
Je crois (et c'est naturel au premier regard) que tu n'es pas encore conscient l'incroyable richesse cachée dans le film et le nombre inouï de niveau de lecture*.
Deux extraits de lectures récentes (dont je vous laisse retrouver les pages si elles vous intéressent). :
Je l’ai revu dernièrement [...]. Impossible pour moi de rendre compte de la richesse étonnante de ce film. Il y faudrait un talent équivalent au réalisateur pour traduire en mots, c’est à dire poétiquement, ce qui dans ce film est une composition étonnante de sensations, d’émotions, d’impressions, d’actions et de contemplation : chaque plan, autonome et filmé pour lui-même, chaque séquence, chaque partie du film, bien distincte, s’intègre et prend sens dans la construction de l’ensemble. Face à ce film inouï (du verbe ouïr), j’ai tenté une approche.[...]
[...]
[...]Alors, on pourrait penser que tout cela est pour le moins trop symbolique, voire pompier comme certains l’ont écrit ! Il n’en est rien. Pour une raison fort simple énoncée au début. Terrence Malick n’affirme rien ; tout dans son film est interrogation, ouverture et libre d’interprétations. Son approche est musicale (Le père/Brad Pitt, américain comme lui, rêvait d’être musicien !), sensuelle et sensible, avec des mots épars et intimes, comme les cailloux du petit poucet. Son film n’est ni démonstration ni réponse comme pourrait l’être une religion qui argumenterait ou assènerait une croyance. C’est un corps vivant qui, pendant 2h15, s’impose et se donne à nous si nous le voulons bien. Malick est cinéaste, ni prêtre, ni moraliste, ni gardien du temple.
(Ce dernier paragraphe exprime d'ailleurs mieux que moi, mon propre point de vue)[...]Hier soir, j'ai regardé pour la première fois Tree of life et j'avoue avoir été renversée par ce film... Cette aventure spirituelle entre un homme et son Dieu, cette incroyable quête commencée depuis la nuit des temps, qui aboutit à cette rencontre intime, personnelle avec le Créateur de l'univers au travers d'un destin sommes toutes banal (une famille unie, trois frères, un père scrupuleux à l'excès dans ses principes éducatifs, une mère lumineuse et bonne, des épreuves extérieures, des épreuves intérieures, la découverte de notre nature pécheresse, la découverte du mal, le mur du malheur heurté de plein fouet), ce film a tout d'un art poétique abouti, d'une oeuvre d'art réussie. Images, musiques, textes, tout y est harmonieux donc (presque) parfait...
Si j'étais théologienne, je pourrais écrire que ce film est l'égal d'un livre biblique qu'on aurait écrit à notre époque, qu'on aurait en quelque sorte découvert à notre époque, mettant ainsi en lumière cette phrase sublime des lectures du jour d'aujourd'hui :
"Ils cherchaient à savoir de quels temps et de quelles circonstances voulait parler l'Esprit du Christ présent en eux, quand il prédisait les souffrances du Messie et la gloire qui suivrait sa Passion.
Dieu leur révéla que l'accomplissement de leurs prophéties n'était pas pour leur temps, mais pour le vôtre."
( Première lettre de saint Pierre Apôtre 1,10-16.)
Hugues
*: Bien plus que ce que j'ai pu partager ici l'été et l'automne dernier.