de Shoemaker le 03 Aoû 2011, 19:11
Poings et pieds liés, je suis tombé dans l'ignoble piège publicitaire tendu par le Maître-geek Hugues (nhyark... nhyark...) pour regarder à l'insu de moi-même les films de Malick.... Ha la la ...
Quelques impression en vrac...
Comme pour Tree of life, des images d'une grande beauté esthétique. Lumière, points de vue, scènes apparemment décousues, rythme parfois effréné, parfois lancinant, les regards des acteurs (les yeux furètent dans tous les sens)... On retrouve les thèmes, comme des sortes de cadres globaux, qui semblent chers à l'auteur : l'amour, la nature...
J'ai regardé le film en pensant à la discussion qui a eu lieu, sur le topic Ciné (je pense), entre Silver et Cortese. J'ai retenu surtout que Cortese reprochait à MAlick une certaine vision néocolonialiste.
J'ai cherché à retrouver ce qu'il voulait dire par là. Les Occidentaux ne sont pas spécialement représentés sous leur plus beau jour. Le Capitaine du bateau, par exemple, qui ne doute pas une seconde (à travers le ton de son discours, de ses arguments), de la supériorité tranquille, définitive et absolue de l'Occident sur le reste de la Galaxie. Les colons qui remercient les Indiens qui les ont nourris, en brûlant leur village, etc... Smith (le personnage de Malick, pas le personnage historique), qui laisse allègrement tomber la pauvre Indienne "bien naïve" (elle ne l'est pas : en vérité, elle est ce qu'elle est : totalement Humaine), en se cassant vite fait, avec un bobard ignoble comme cadeau d'adieu... En symétrie, les Indiens sont "purs", loyaux, généreux... Quasiment une image d'Epinal, qui d'ailleurs n'est pas en contradiction avec la réalité historique : un peuple peinard chez lui, qui ne demandait rien à personne, prêt même à cohabiter sur une terre vaste et généreuse, don de Manitou, d'un côté, et un tas de soudards orgueilleux qui viennent les massacrer plus par sadisme que par "nécessité" politique (!). Donc, je n'ai pas trop perçu en quoi Malick faisait du néocolonialisme (par contre OUi, Smith ressemble vraiment à un danseur de tango !!!! Il est Irlandais, donc, l'acteur. Et ça me rappelle que Howard a écrit un petit chef d'oeuvre d'Heroic Fantasy, l'Homme Noir : un irlando-celte pur jus !).
Du coup, on se demande, surtout après avoir vu Tree of Life, quel est le propos de Malick.
Il y a bel et bien, un récit. Une histoire d'amour sur fond de conquête coloniale. Un amour qui transcende des barrières tellement élevées, qu'on peut le penser impossible. Mais Malick nous dit que l'amour ne connaît aucune frontière, aucune barrière. Smith, issu d'une culture qui a déjà tourné le dos à la Nature, par le miracle de l'amour, retrouve sa propre Prime Nature (sa nature primordiale, à jamais inscrite dans ses gènes). Il retrouve un lien avec les éléments, qu'il ne soupçonnait même plus en lui. Qu'il ne connaissait pas. Il est le seul qui "tombe en amour" (fall in love) avec une "native". Il est aussi le seul à renouer les liens avec la Nature. Comme si l'amour est la clé de TOUT, l'élément de contagion, le vecteur. Dans Tree of life, il est ce qui fait accepter la condition humaine, qui fait accepter la mort, la douleur... Dans le Nouveau monde, il est ce qui permet d'exploser les frontières, d'aller au-delà des barrières à priori infranchissables.
Miracle de l'amour, selon Saint Malick...
Et la Nature, bien sûr, notre refuge, notre mère, notre ventre maternel (l'EAU). L'amour y mène. Home sweet home... Le Nouveau Monde, ce n'est pas tant l'Amérique, mais la Prime Nature que découvre Smith (RE-découvre, puisque la chose est d'emblée en lui). C'est une vision du monde, vision de la beauté du monde "que ta tendresse me cachait"... euh pardon, je confonds... la beauté du monde que la ... la quoi ? ... L'industrialisation ? La modernité ? La civilisation ? La culture lorsqu'elle se "sophistique" ? La technique ? Tout cela .... C'est là toute la tragédie de l'Humanité. Condamnée à évoluer, et de ce fait, à s'éloigner de sa condition primale. Condamnée à toujours aller de l'avant, mais en payant cela du terrible prix de la perte du PARADIS. Oui, avant de se situer dans l'outre monde, le paradis est d'abord ici, c'est le Jardin d'Eden, c'est notre mère Nature.
Smith a entrevu tout cela, par la grâce de l'amour. Certes, il revient vers son monde originel. Et en symétrie, Pocahontas (orthographe ?) découvre elle aussi un AUTRE MONDE. Le monde de Smith. Et ce monde, bien que "Nouveau" pour elle (elle le découvre tout normalement avec les yeux de l'émerveillement...), n'est pas un monde "salvateur". C'est un monde aliénant, car la nature y a été capturée, castrée, taillée, mise à genoux, soumise... Séquences sur la "Nature" en Angleterre : les arbres sont taillés impitoyablement, pas une feuille qui dépasse. Tout est figé. Ca sent la mort. Smith, c'est son monde. Il n'y meurt pas, car il y est né, il y est adapté, naturellement aliéné, même si pendant un instant de grâce sa vie, il a observé la beauté du... non pas "Nouveau Monde", mais "Vrai monde". Mais la pauvre Pocahontas, elle en meurt, de flétrissure, dans ce monde là. Oh, elle ne le refuse pas, elle s'en émerveille même... Mais une fois que le lien d'amour qui la lie à Smith se rompt (la séquence ou Smith essaye de s'expliquer), Pocahontas alors, se réveille ! Elle doit cesser de se mentir, de vivre faussement, et une seule issue est possible : la mort. L'Amour, c'est aussi la Vérité. Sans l'Amour, la fausseté apparaît dans toute sa stérilité...
Mais une mort (la mort de Poca, donc) salvatrice, rédemptrice, qui la ramène vers sa véritable nature... Ses habits sont souillés de bonne terre, elle retrouve l'EAU purificatrice, et, fugitivement, alors qu'elle rit et qu'elle s'émerveille de son réveil (au monde, à la vérité), elle a "une vision", me semble t il, une vision de cette Nature qu'elle avait abandonné par désespoir : les "arbres Anglais" sont NATURELS, pas taillés....
Alors, après tout ça, et d'autres choses encore (MAlick truffe ses films - enfin les 2 que j'ai vu - de symboles et tout et tout...), je crois que c'est de ça que parle MAlick : Non pas tant de l'injustice faites aux Amérindiens, encore que (de ce point de vue, Little Big man par exemple, avec d'autres procédés : humour, narration classique, etc. y parvient bien mieux !), mais surtout de la condition humaine. Il aurait pu nous dire la même chose avec un autre lieu, d'autre peuples en scène. Alors que Little Big Man parle précisément et exclusivement de la tragédie Amérindienne (je cite ce film parce qu'il fait partie de mes préfères ! Et il me semble que Cortese et Silver ont aussi soulevé le truc ?... A vérifier). Malick ne donne aucune clé définitive, mais il nous dit, comme dans TRee of life, qu'il est possible de nous accepter, d'être plus heureux, si on comprend que l'Amour qui mène à la vision de la beauté du monde, A SA POESIE (que signifie vraiment ce mot ? Je m'en va aller voir), c'est ce qu'il y a de plus important dans la Vie.
MAlick ? Un hippie ! Je suis sûr que ses films auraient eu un succès considérable dans les années 66-67, le temps que dura cet épiphénomène absolument IMPROBABLE, incroyable et qui peut être ramené au film de Malick : Des jeunes américains (Smith) issus d'une culture ultra sophistiquée, moderne et tout et tout, qui, par le biais de l'amour, redécouvrent la Mère Nature, le bonheur, etc... Bon, Wall Street a eu vite fait de mettre de l'ordre dans ce joyeux foutoir, et cela nous ramène à notre propre époque, actuelle : Jamais cette Nature, cadre de notre bonheur (nature ne veut pas dire refus du progrès, hein. Il s'agit justement de redéfinir ce mot PROGRES) jamais donc cette Nature n'a été autant menacée. Jamais la poésie de ce monde, sa beauté, n'a semblé être aussi éloignée de NOUS TOUS (justement, depuis la fin du petit mouvement hippie). Jamais l'Homme, malgré l'incroyable progrès technique (tout le paradoxe est là !), n'a été aussi éloigné de sa Prime Nature, du bonheur...
A méditer...
PS
Ce film est a mettre en parallèle absolument avec Avatar. Attention, je sais bien que les deux font dans un registre très différent.
Je sais bien qu'ici même, un débat passionnant, a aussi eu lieu, particulièrement entre Cortese et Silver, laquelle vouait ce film aux gémonies ! Tout en considérant le Nouveau Monde comme un chef d'oeuvre. Je ne réveille pas le débat. Il a eut lieu. Mais j'ai trouvé magnifique cette manière qu'à le cinéma de parler de la même chose en quelque sorte, tout en produisant deux choses incroyablement différentes, avec autant d'ambiguités, etc. Je ne sais pas si je suis clair !
"c'est quoi le blues". Toujours les mêmes histoires, celles qui font vaciller les mondes et les empires.
John Lee Hooker