Shoemaker a écrit:6 - Elle dit deux choses :
- C'est illegal, et donc, pas de negociation.
A ce moment de l'argumentation, on peut penser qu'elle est dans le camp des Numero 4. Pas aussi simple...
- Telecharger, c'est aussi (AUSSI) jouer le jeux des Maitres du monde qui ont interet a ce que les gens telechargent, car il y a un prix insidieux a payer : la, ca devient tres subtil, mais tres interessant. Le prix a payer, c'est que le temps consacre aux activites de telechargements et a regarder et a ecouter tout ca, c'est un temps vole a la beaute du monde. Et donc, au final, de rebelles qu'ils se pensent etre, les telechargeurs sont des allies objectifs du neoliberalisme triomphant.
En gros hein. D'autre part, Silver balaye d'une main l'argument de l'argent qui corrompt la creation artistique, car au final, une seule chose compte : la valeur INTRINSEQUE de l'oeuvre. Le cinema de toutes façons, a besoin de moyens financiers de par sa nature meme.
Et aussi , l'exces de technologie detruit notre humanite. Le telechargement etant une forme pernicieuse de cet abandon de notre prime nature...
Alors du coup, sa triple argumentation (the strong arm of the LAW, les sommes d'argent faramineuses dans ces milieux ne sont doivent pas poser probleme et la duplicite predatrice du neoliberalisme) la met en porte a faux par rappotrt aux autres : comment peut on, en apparence en tout cas, se prevaloir de la morale, la justice, taper sur le neoliberalisme d'une part, et defendre dans le meme temps une sorte de statu quo qui est favorable aux "salauds" qui dirigent le monde et font les dites lois".
Je ne défends pas la loi par légalisme, mais parce que j'ai encore une conscience historique et que je suis convaincue de l'absolue nécessité du respect du droit moral (bien plus que le droit patrimonial). Je crois donc que toute tentative de résistance à l'esprit du temps est bonne à prendre, que tout ce qui ralentit l'inexorable triomphe de la bêtise se doit d'être encouragé.
Tout comme je crois indispensable de discriminer, c'est-à-dire d'examiner attentivement ce qu'on nous annonce comme une fatalité: la révolution technologique, le piratage et sa légalisation prochaine. Renoncer à penser, à critiquer, c'est renoncer à tout contrôle sur le monde dans lequel nous vivons et bientôt à toute action.
Quant à l'objection que tu sembles pointer, je ne vois pas les choses ainsi. Je ne crois pas que nous ayons uniquement le choix entre le statu quo et le consentement absolu et passif. Ce point de vue repose sur une double conviction:
- Nous avons besoin des oeuvres de l'esprit pour déchirer l'écran qu'interposent entre nous et le monde la propagande de la société du spectacle (fiction, information, publicité). Ces oeuvres sont très minoritaires, mais leur existence est précieuse et mieux vaut la richesse matérielle honteuse de quelques uns que la pauvreté spirituelle de tous.
- Face à la rapine et à la prédation, il est plus important que jamais de conserver ses principes de civilité, c'est la
"common decency", concept central dans l'oeuvre d'Orwell. Quelle est la justification du piratage, sinon en vérité son intérêt égoïste, même teinté de revanche à l'égard des puissants. C'est le coeur même du pourrissement de la société:
"tout le monde se sert, pourquoi pas moi".
Accepter la morale implicite du piratage, Shoemaker, ce serait renoncer à une société juste en sapant ses fondations. Moralement le piratage exclue le professeur consciencieux, le garagiste honnête, le juge et le policier intègre. Quel serait le monde alors si l'on étend la maxime du piratage à tous les actes de la vie en société ? Le piratage c'est le mauvais côté de la liberté, c'est-à-dire la liberté non encadrée par la droiture.
Comment peut on sans honte défendre une société qui aurait le pouvoir de s'idéaliser, ou tout simplement une société plus juste, où nous aurions non seulement la liberté, mais l'égalité et la fraternité, avec la pratique du piratage et ses conséquences ? C'est une contradiction terrible. Pour prendre un exemple qui n'est pas de moi, alors qu'hier aider une vieille dame à traverser la rue était un acte de décence élémentaire, le piratage propose une autre logique: la frapper pour lui voler son sac. Voilà la fin implicite de l'idéologie du piratage. Chacun pour soi. Quoi de mieux comme terreau du néo-libéralisme le plus inhumain ?
Je vois donc dans la situation actuelle une terrible ruse du système, vieille antienne pourtant, l'abolition de tous les obstacles au pouvoir sans réplique de la mondialisation techno-marchande, paradoxalement présentée comme un premier pas dans une révolution anticapitaliste. Tout est sous nos yeux: d'abord le commandement sacré,
"il est interdit d'interdire" et le bonheur égoïste de rompre avec les obligations du passé que sont les héritages culturels. Qui réfléchit à la logique même du piratage - l'accumulation de produits culturels - perçoit son aspect pathétique et le piège même du système, l'objet toujours manquant et de l'autre le moyen pour les puissants de contrôler l'humanité grâce au piratage lui-même: c'est le
"tittytainment" ou
"un coktail de divertissement abrutissant et d'alimentation suffisante permettant de maintenir de bonne humeur la population frustrée de la planète".
C'est le dernier noeud du problème. Comment maintenir sous contrôle des puissants la partie toujours plus grande de l'humanité considérée aujourd'hui comme inutile et demain comme surnuméraire ? Aujourd'hui c'est l'encouragement du piratage, demain ce sera le malthusianisme enfin appliqué et l'éradication d'une partie de l'humanité: d'un côté la génétique pour améliorer les enfants des élites, de l'autre la stérilisation des pauvres (c'est ce qu'annonce en fait la convergence dite "écologiste", un mouvement vers l'élimination des êtres humains "inutiles"). Mais qu'importe tout ça à celui qui ne se préoccupe que de consommer, à n'importe quel prix d'ailleurs, car ici rien ne se payera plus cher que le piratage.
J'ai beau savoir que je passe pour une Cassandre et que je ne serais pas entendue, comment pourrais-je ne pas dire ce que je ne fais qu'observer ?
Silverwitch