f1pronostics a écrit:La license globale est une alternative qui a été envisagée, elle avait le mérite d'avoir un avis favorable des consommateurs et surtout permettait d'organiser simplement la gestion des droits. Il y a d'autres options à creuser et c'est pas parce que je constate que le modèle en vigueur est obsolète que me devrais de te donner tous ces éléments que tu recclames. J'ai conscience de suggérer une révolution qui engendrerait des conséquences importantes sur les activités de personnes. Comme la révolution de la mécanisation agricole a engendré une métamorphose des métiers du secteur primaire.
Ta comparaison est malheureuse. Ce n'est pas tant avec la mécanisation agricole qu'il faudrait comparer ce qui a lieu sous nos yeux, c'est bien plus les ravages de la techno-science appliquée à l'agriculture. Tu les connais les conséquences de cette politique ? On va parler des substances chimiques déversées dans les sols ? De la pollution des nappes phréatiques, bref des résultats de la techno-science: leucémies, myélomes, lymphomes, cancers du sein ou de la prostate... Le voilà le miracle.
Et qu'est-ce que veut dire ce charabia: "un avis favorable des consommateurs" ? Ce sont les consommateurs qui décident de la loi dans ce pays ? Qui décide de ce que décident les consommateurs ? Te vient-il à l'esprit que rien n'est moins libre qu'un "consommateur" ?
f1pronostics a écrit:Cf commentaire de Cortese. La réponse que tu lui fais est absurde. Il n'est pas question de supprimer la législation. Peut-être d'en avoir une autre, et encore. Je ne faisais qu'insister sur le fait que les auteurs sont déjà dépossédés de leurs droits par tout le système financier qui les entoure.
Tu me déçois je te pensais moins clémente avec ces spéculateurs.
Mais ce que tu dis n'est pas vrai ! Les auteurs français ont des droits qui sont plus ou moins bien respectés, mais dans l'ensemble le sont encore. Les réalisateurs touchent des droits sur leurs films, même si tu fais un petit court-métrage diffusé à la télévision, il y a encore un système dit "intermittence du spectacle" qui protège les travailleurs du secteur culturel, les contrats ont une valeur. Il y a bien évidemment un écart entre l'idéal théorique et la réalité, mais il convient encore une fois d'examiner et de discriminer. Entre ce que nous perdons et ce que nous pouvons éventuellement gagner, le compte n'y est pas. Je parle de la réalité et pas d'un éventuel monde enchanté de l'île aux enfants des gentils consommateurs où toutes les oeuvres seraient produites et diffusées gentiment par des artistes en échange d'un peu de barbapapa. Parce qu'excuse l'ironie, mais le discours de la plupart des tenants du piratage encadré (cf la licence globable) ressemble plus à Disneyland qu'au monde dans lequel nous vivons.
C'est Chesterton qui écrivait:
"ça ne se fait pas de jouer de la lyre tandis que Rome brûle, mais on a tout à fait le droit d'étudier les lois de l'hydraulique". Ce qui veut dire essayer de déterminer précisément contre quoi l'on se bat, et quel monde nous semble souhaitable. L'un ne va pas sans l'autre.
f1pronostics a écrit:T'es sérieuse, là? qu'est-ce que tu veux dire? L'invention du transistor est un complot?
Je suis on ne peut plus sérieuse. C'est une question centrale que celle de notre autonomie. Aujourd'hui nous savons tous plus ou moins consciemment que ce que la techno-science ou autrement la "mondialisation techno-marchande" promet sera réalisé. La possibilité existe de cloner des êtres humains ? Eh bien ça arrivera. Pourquoi ? Tout simplement parce que nous avons renoncé à notre autonomie, nous avons renoncé à discriminer.
Mais croire que cette techno-marchandisation du Monde ne profite pas à certains est une vue de l'esprit.
f1pronostics a écrit:Non parce que tu carricatures de manière déconcertante, hypocrite, à la manière d'un panzer qui m'enverrait élever des moutons dans le larzac.
Si demain la domestication d'une énergie propre, infinie et inépuisable voit le jour depuis le fruit de recherches, crois-tu que je la rejetterai? J'aurai de la circonspection incrédule en a-priori, tout au plus.
N'as-tu pas encore compris que ce que tu imagines est impossible ? La vie humaine et terrestre, c'est l'expérience de la limite. Soit tu choisis d'affronter la réalité pour redonner à l'homme une condition plus décente, soit tu acceptes l'illusion "Disneyland" où la techno-science va te délivrer gratuitement du labeur, de la maladie, et bientôt de la gravité et de la mort...
f1pronostics a écrit:silverwitch a écrit:Je crois qu'il faut discriminer. C'est le minimum de l'intelligence. Non pas refuser toute évolution en bloc, mais l'examiner attentivement pour voir quelles en sont les promesses mais également quels en sont les risques et les dangers. Ce qui représente un recul doit être rejeté.
Surtout ne pas prendre le risque d'offrir du savoir aux incultes?
Peux-tu m'éclairer sur le lien entre ta réponse et ma proposition initiale ?
f1pronostics a écrit: Voilà, tu en reviens à considérer qu'il s'agit de défendre le piratage dans sa forme actuelle, alors qu'il ne s'agit que de défendre l'idée que c'est le modèle de distribution qui doit changer, fut-ce au prix d'une refondation de l'industrie audiovisuelle. La plupart des consommateurs sont d'accord pour mieux payer si ils ont un accès qui soit dans l'air du temps. Et accessoirement en rétribuant à leur juste proportion de valeur les auteurs (en france ou ailleurs).
Oui, absolument. Et tu sais pourquoi ? Parce que ta position, ou celle de Cortese, Marlaga, Maverick et d'autres ne se contente pas de critiquer l'état actuel de la culture ou du système culturo-légalo-marchand, mais tolère ou encourage plus ou moins implicitement le "piratage". Il y a donc à mes yeux une complicité plus ou moins active avec la dégradation du monde qui est à l'oeuvre.
Il suffit pourtant de ne pas penser en "consommateur" ou en neuneu, pour se rendre compte des analogies. Quelle est la différence entre les "consommateurs" que nous sommes et les vaches ? Nous subissons le même cynisme des techniciens chargés de faire de l'agriculture une industrie dynamique et moderne. Il y a plein de bonnes raisons de moquer les paysans réticents qui s'étonnent que l'on puisse donner à manger du mouton à des vaches.
Tu me pardonneras de filer la comparaison entre culture et agriculture, mais n'est-ce pas exactement ce qui se passe ? N'es-tu pas victime d'une forme de bêtise sophistiquée, une propagande qui déconstruit le réel pour le faire disparaître, pour y faire "écran" (et là je retombe sur l'autre fonction du Spectacle) ? Réfléchissons ensemble: oui l'agriculture d'avant la techno-science était imparfaite, oui un agriculteur ne nourrissait que 5 personnes (contre cinquante aujourd'hui), mais qui avait raison ? Les défenseurs de la paysannerie furent rejetés comme d'un autre âge, comme irrationnels dans leur respect d'une nature immémoriale. Il fallait voir que nous changions d'échelle, la nature avait été réduite à une usine de production alimentaire. Non seulement en détruisant l'agriculture paysanne, on a détruit une mémoire, des pratiques anciennes, mais surtout on a sapé les conditions essentielles et concrètes pour que l'homme puisse maîtriser directement ou indirectement, la production de sa nourriture, pour qu'il puisse être responsable.
J'imagine déjà que tu ne vas pas goûter cette analogie, que tu risques bien de me la renvoyer à la figure comme "hors-sujet". Pourtant, moi j'y vois l'avertissement du passé au présent. Si l'on adopte un souci de "consommateur", alors nous sommes perdus. C'est le contraire qu'il faut faire, se comporter de manière décente et morale (pour paraphraser Orwell), donc de refuser obstinément le "piratage" et ce qu'il implique. Bref, je me refuse absolument à me faire le jouet ou l'idiote utile de la techno-science appliquée à la culture. Je ne sais pas comment l'écrire de manière simple et claire, alors je m'énerve, je tourne en rond, je me répète. Mais quand même ! Sommes-nous à ce point stupides d'avaler aussi aisément la propagande ? Qui ne voit pas ici que les mots comme "liberté", "progrès" ont depuis longtemps été vidés de sens sous l'étendard du néo-libéralisme ?
Tout le monde devrait avoir compris une chose simple: on ne reviendra à un monde décent que le jour où nous reviendrons à une base d'échange très majoritairement locaux fondés sur des liens qui relèvent pas exclusivement de l'intérêt économique. Je suis persuadée que cela tu l'as compris dans l'absolu, mais qu'en pratique, tu fermes les yeux sur certaines applications concrètes. Et si l'opposition est informe c'est par manque d'attention aux conditions concrètes de notre aliénation. Qui ne trouve pas génial de faire ses courses sur internet, de commander une pizza par téléphone ? Pourtant les mêmes qui commandent la pizza pétitionnent contre la précarité et les mauvaises conditions de travail. Comme s'il était possible que les livreurs de pizza soient traités décemment ! Les écolos qui critiquent les antennes-relais ne font que réclamer une surveillance plus grande ou leur éloignement des zones urbaines. Le problème c'est le portable lui-même. C'est exactement cette idéologie qui est à l'oeuvre ici et dans ton propos et que je qualifie de pensée "Disneyland", un simple déplacement de la nuisance. Si on ne voit pas la misère, tout va bien. Quitte pour cela à avoir besoin d'une pensée magique (cf une énergie illimitée et gratuite ou bien un monde merveilleux de la culture où tout serait beau et juste).
Alors oui, il y a bien un lien évident et clair entre ce que la Technique permet (le piratage dématérialisé, facile, sans douleur) et l'intérêt des puissants à maintenir le Monde dans un état toujours plus dégradé: c'est entériner l'abolition de presque toutes les limites. C'est parce que nous acceptons de perdre toujours plus d'autonomie que nous participons activement à rendre l'économie toujours plus autonome, rétive à toute "régulation" politique ou sociale. Pour manipuler les consommateurs, rien de plus simple, il suffit d'offrir de nouvelles manières de se libérer. Or jamais personne ne discute une chose simple et banale: télécharger sans arrêt, pourquoi faire ? Être joignable partout, prendre des photos n'importe quand, avoir la possibilité d'écouter 10 000 ou 100 000 chansons ? Mais lesquelles ? Pourquoi faire ? Quel est l'intérêt ?
Autant de questions toujours sans réponse. Sinon une seule. Pourquoi pirater ? Parce que c'est possible. Parce que. Et malgré l'infinie production idiote, l'ennui est toujours là. Chaque jour plus poisseux.
Silverwitch