silverwitch a écrit:Shunt a écrit:Tu te trompes. Plus ton espace économique est important, plus tu pèses lourd sur la scène internationale. Pourquoi on cède tout à la Chine, alors que c'est une dictature qui bafoue les droits de l'homme... parce qu'elle représente 1 milliard de consommateurs potentiels, et autant de débouchés pour les industries occidentales.
C'est une vision libérale et finalement angélique que tu défends Shunt. La Chine est une puissance crée par le libéralisme. D'un autre côté le Japon qui est une puissance économique infiniment supérieure à la Chine est un nain sur la scène internationale.
La Chine est un pays en plein développement où il y a beaucoup de pognon à se faire, plus qu'au Japon. Si le Japon est un nain sur la scène internationale (au sens diplomatique), c'est qu'il a été privé pendant des décennies d'une défense autonome, après la Seconde Guerre Mondiale, qu'il a été placé lui-même sous tutelle américaine. Par contre en terme de négociations commerciales, le Japon pèse beaucoup plus lourd. Il a toujours su défendre en tout cas ses intérêts.
Ma vision est peut-être angélique, mais elle s'appuie sur le fonctionnement actuel du commerce international. Quel est le poids de la seule France à l'OMC (au-delà de son nouveau président) ? La France est-elle capable, seule, de faire plier un pays comme la Chine sur la question du textile ? Ce sont des bras de fer qui se jouent en permanence. Quelle a été le poids de la France lors des différentes négociations du GATT ? L'"exception culturelle" aurait-elle été acquise lors du cycle de l'Uruguay Round en 1994 sans un front uni des pays de la Communauté Européenne ?
Les jeux d'alliance ponctuels sont fragiles car ils peuvent être brisés unilatéralement. Là où une Fédération scelle une alliance durable dans l'intérêt commun (à condition qu'elle fonctionne démocratiquement).
Shunt a écrit:Tu souhaites donc un empire pour faire face à d'autres empires.
Non pas un Empire, parce qu'un Empire se construit au détriment des peuples et ne requiert pas leur aval. Je préfère le terme de "pole".
C'est peu dire que je crois cette vision totalement inadaptée. Pour le reste, les pays qui ont démontré un succès économique sont des pays assez autarciques et surtout petits.
Autarciques je ne sais pas. Un pays comme le Japon - bien que protectionniste dans ses pratiques - est extrêmement dépendant de l'extérieur, notamment sur le plan énergétique. D'où sa fidélité absolue aux Etats-Unis, qui l'a amené à envoyer des soldats en Irak.
L'enjeu de la construction européenne n'est pas seulement européen, il est mondial. De par son passé colonial, l'Europe a des liens privilégiés avec des pays d'Afrique, d'Asie et d'Amérique Latine. Une Europe forte et démocratique, qui pèse internationalement, peut oeuvrer en faveur du développement durable, du commerce équitable, bien plus efficacement qu'une France isolée. Il faut bien entendu une réelle volonté politique mais si un jour elle existe, une Europe fédérale, forte, lui, donnera bien plus de voix et de poids.
En logique économique pure, il est plus facile de se développer économiquement quand ton pays est de la taille de Hong-Kong que de la taille de la Chine.
Hormis pour les pays de l'Est, nous ne sommes plus en Europe, dans une phase de développement. Je pense que la logique de croissance économique est un concept dépassé pour des pays comme les notres. Une quête illusoire. Il faut donc passer à autre chose, à une économie plus solidaire, plus maîtrisée, mieux régulée. Et je pense qu'un groupement de pays politiquement coordonné est mieux à même d'y parvenir
De même le développement économique de l'Islande devrait t'inciter à réfléchir.
Comme celui de Monaco. Encore une fois, je ne parle pas d'économie, ni de développement économique. Je parle de poids et d'influence politique. Une Fédération Européenne sera à mon sens plus efficace pour poser des limites, des règles à la toute puissance du marché. C'est là que l'action nationale trouve ses limites. Quel pays aujourd'hui parvient à vivre de manière prospère tout en étant en rupture avec le libéralisme économique ? Quel pays ne voit pas aujourd'hui son système de protection sociale menacé par la mondialisation ?
Ce qui m'inquiète en fait Shunt, c'est que tu penses exactement comme tes adversaires.
Pas vraiment. Moi c'est la capacité de la politique de peser sur le cours des choses qui m'intéresse. Je pense qu'une Europe fédérale et démocratique redonnerait du poids au pouvoir politique, face au pouvoir économique.
Je précise que, pour moi, la politique ne doit pas s'effectuer qu'au niveau supra-national. Un espace politiquement trop grand isole les citoyens du centre de décision. Ce qu'il faut imaginer, c'est une répartition harmonieuse des pouvoirs aux échelles supra-nationale, nationale, régionale et locale. Le politique doit reprendre la main à tous les niveaux. Je pense qu'on aurait beaucoup à apprendre là aussi du fonctionnement institutionnel américain qui sait allier un pouvoir fédéral fort sans écraser les préogatives des Etats, des comtés et des villes.
Il faut voir l'autorité supra-nationale comme une autorité de régulation, d'harmonisation, un instrument de solidarité entre les pays membres. Pas comme une autorité suprême et incontestable qui écraserait tout.
Shunt a écrit:Je ne vois pas vraiment en quoi c'est nécessaire. La prospérité n'a rien à voir avec la taille (c'est même le contraire).
Je ne parle pas de prospérité, je parle de politique. C'est toi-même qui l'a dit. Qu'elle est l'autonomie politique aujourd'hui de Taiwan, de Singapour, du Japon, de Monaco. Ce sont des états prospères mais des états sous tutelle politique.
La démocratie ne fonctionne jamais mieux qu'à taille réduite (c'est une vérité connue depuis l'antiquité). Bref tu préconises d'aller à rebours des deux lois les plus évidentes que l'on connaisse. Bon courage...
Non parce que la démocratie peut s'exercer à plusieurs niveaux : local, régional, national, supra-national. Vouloir un pouvoir fédéral, ce n'est renoncer à une autorité nationale, régionale, départementale, cantonale... on a besoin de tous ces niveaux de pouvoir pour que vive l'espace public. Le tout c'est que les citoyens aient réellement voix au chapitre dans chacune de ces strates.
Tu confonds fédéralisme européen et jacobinisme européen. Pour moi le fédéralisme, c'est élargir le champ d'action du politique.