de Silverwitch le 31 Mai 2005, 05:28
Enfin, je pense que tout est entre les mains de la gauche française. Les responsables politiques ont mis le doigt sur une partie de l'enjeu: le choix entre la "sociale-démocratie" (modèle impuissant) et la gauche "sociale" (tout court). Pour répondre d'emblée à Nuvolari, par droite et gauche je n'entends pas les partis ou formations politiques, mais les aspirations.
En France, la droite a tout intérêt à prendre à son compte un vaste courant plus ou moins social-démocrate (ou démocrate-chrétien comme on disait) et libéral. La droite anciennement gaulliste (Pasqua, De Villiers et d'autres) représente l'ultime avatar du gaullisme (qui est un mouvement historique daté, comme le bonapartisme et autres).
La gauche comme la droite ont leur mot clé: pour la gauche, c'est l'égalité, pour la droite le libéralisme. Ainsi la droite s'intéresse à l'égalité des "droits", sans jamais préciser de quels droits il s'agit. En réalité (hé oui je suis de gauche), il suffit de se concentrer sur le droit au bonheur, au bien-être, à la culture, pour voir comment l'égalité des droits renvoie à l'égalité tout court. La question pour la gauche est alors: comment promouvoir l'égalité.
Les problèmes ne sont pas directement économiques, mais politiques et idéologiques. Quand les gouvernements européens abdiquent leur pouvoir de décision concernant les problèmes de fond en faveur des "experts monétaires", il s'agit d'un choix politique. Sa conséquence est simple: on privilégie sciemment le plébiscite des marchés mondiaux sur le plébiscite des urnes (la démocratie). On voit bien qu'il s'agit là de l'acte majeur de la seconde moitié du siècle dernier: le transfert du pouvoir effectif aux mains des experts sans légitimité électorale (et sans contrôle politique). Nos sociétés ont choisi (il faut bien le redire) de conserver le modèle démocratique et de le vider de toute substance.
On peut gloser comme certains ici, opposer à loisir les régimes de type communiste (soviétique) et les démocraties libérales, mais l'aveuglement est manifeste: il s'agit strictement de la même chose. D'un côté les tenants du soviétisme (dans la logique de Platon) s'opposent au système démocratique et opposent un autre modèle. Ils ont plein d'arguments pour soutenir qu'il faut donner le pouvoir à une élite capable. La démocratie libérale ne le théorise pas, mais le fait.
Philosophiquement pour ceux qui suivent (Cétérouge ?), les défenseurs du communisme (soviétique) ou de la démocratie libérale sont exactement symétriques aux enjeux des grecs: d'un côté la philosophie politique de Platon qui ressemble au socialisme réalisé (autoritaire et dirigiste), reposant sur une élite sélectionnée selon le mérite et l'idéologie. De l'autre, le système dit démocratique se rapproche largement de la pratique athénienne, où une élite issue des classes marchandes et industrielles (Démosthène était fils d'industriel) dirige la république en se faisant de temps en temps légitimer par les masses. À Athènes, il y avait une énorme rhétorique démocratique (alors même que les esclaves étaient totalement exclus de l'espace politique; qui sont les esclaves d'aujourd'hui ?), Athènes était en fait une timocratie fondée sur une règle qui réservait les hautes fonctions à ceux qui appartenaient aux familles les plus riches.
En Occident, évidemment tout est aujourd'hui plus compliqué. Les esclaves sont relégués aux antipodes (loins des yeux), mais le critère d'accès à la classe politique est le même: c'est l'appartenance aux classes économiquements fortes. On oublie que le libéralisme est très différent de ce qu'il était il y a encore cinquante ans, où le royaume de la concurrence produisait une forte croissance économique. Le libéralisme présent s'efforce d'imposer un modèle unique, balayer les différences (donc les nations), homogénéiser le monde en vue de réaliser un gigantesque marché pour les multinationales et les lobbies. Ce libéralisme (toujours officiellement démocratique), dicte à l'individu les règles de toute son existence et autorise le plus incroyable enrichissement d'une poignée d'individus jamais vu dans l'histoire humaine.
Si la gauche veut renverser cet ordre mortifère, il y a deux conditions: la fin du libéralisme, et le retour à la nation. Les deux sont absoluement indispensables. Vaste programme.
Silverwitch
Ça ne se fait pas de jouer de la lyre tandis que Rome brûle , mais on a tout à fait le droit d'étudier les lois de l’hydraulique.