Voilà pour alimenter le débat:
"Les Français font, pour une fois, les délices des néoconservateurs américains. "Vive la France !" , s'écrie l'un des chefs de file du mouvement, Bill Kristol, dans un éditorial du magazine Weekly Standard, écrit avant même l'annonce des résultats du dimanche 29 mai.
A l'en croire, c'est une "libération" . Il n'y a pas qu'au Proche-Orient que souffle le vent de la démocratie. En Europe aussi. On s'y libère de vieux régimes "arrogants" et "loin de la population" .
Bill Kristol met dans la même analyse Paris, Berlin, Bruxelles et La Haye. Pour lui, c'est l'effondrement d'un modèle. Le moment est venu maintenant pour l'Europe d'ouvrir le débat sur "ses Etats-providence en faillite, ses économies sans croissance qui n'encouragent pas à grimper les échelons, ses politiques de l'immigration en faillite" ...
L'Europe, estime-t-il également, doit s'interroger sur son "antiaméricanisme, sa tiédeur sur la cause de la liberté et de la démocratie dans le monde, et son manque de sérieux sur les menaces auxquelles nous sommes tous confrontés" . L'éditorialiste compare la période actuelle en Europe à la révolte anti-establishment des années 1990 aux Etats-Unis contre l'échec des politiques urbaines, le gauchisme des démocrates ou l'immobilisme du premier président Bush. Le mécontentement américain a produit "un Rudy Giuliani pour gouverner à New York, un Bill Clinton pour redéfinir le Parti démocrate et un Newt Gingrich pour revitaliser les républicains" , écrit-il. En Europe, il voit un mouvement semblable dans "la montée de Nicolas Sarkozy en France" et l'apparition de "jeunes néoconservateurs et néolibéraux" .
DÉFICIT DÉMOCRATIQUE
En l'absence de réactions officielles dimanche soir, en plein milieu du traditionnel week-end du Memorial Day, les blogs ont donné le ton chez les conservateurs. "Bravo à tous les Jacques et Jeannette qui ont mis leur doigt dans l'oeil des énarques et du reste de l'élite française" , écrit l'un des bloggeurs des Chicago Boyz, ces admirateurs de l'école des penseurs économiques conservateurs de Chicago. Il fait référence, lui aussi, au Moyen-Orient et aux élections du 30 janvier à Bagdad, où les votants étaient marqués à l'encre, sur la main : "C'est presque aussi bon que les doigts violets en Irak." L'antiaméricanisme de certains partisans du non ne le gêne pas, explique-t-il. "Cela m'est égal que les gens nous aiment. L'important, c'est qu'ils décident eux-mêmes. Si les Français ne veulent pas du "capi-talisme sauvage ou "à l'anglo-saxonne ou d'"hyper-libéralisme", c'est très bien. Ils sont libres d'avoir autant de socialisme qu'ils peuvent ingurgiter."
Dès samedi, le très conservateur George Will, du Washington Post, prévoyait que "les élites politique, économique et médiatique risquaient de mesurer la limite de leur habileté à imposer leurs marottes" . Dans le Los Angeles Times, un autre néo-conservateur de la première heure, Gary Schmitt, mettait aussi en cause un déficit démocratique en Europe. Il ne cachait pas qu'il ne pleurerait pas la Constitution : "Si elle meurt, c'est la vie."
Article tiré du monde diplomatique
