Shunt a écrit:Oui encore que... la passivité et la peur se substituent parfois à l'engagement réel. Alors oui, ne pas dire mot, c'est consentir. Il y a lieu aussi de se poser cette question : se révolte-t-on pour imposer un idéal ou pour être du bon côté du manche et briser ceux qu'on estime être responsables de nos malheurs ?
C'est une bonne question. Mon opinion est simple: peu importe la raison d'une révolte (d'une révolution, d'un changement brutal de régime) et que celle-ci soit guidée par la peur ou des idéaux. Ce qui compte c'est le changement produit ou la promesse de changement entrevue (on en reparle à propos de Spartacus). C'est ce qui fait l'intérêt du collectif.
Shunt a écrit:Point de révisionnisme. Ou alors tu taxes Marx de révisionniste qui analyse la Révolution Française comme le produit d'une lutte de classe entre noblesse d'ancien régime et bourgeoisie. Avant la Révolution Française, les bourgeois avaient acquis la puissance économique mais restaient tenus à l'écart du pouvoir politique par une noblesse oisive. La Révolution Française est venue apporter un correctif.
C'est une erreur.
Shunt a écrit:Non, c'est historiquement faux.
Les frondes en France qu'elles soient guidées par le Parlement ou la Noblesse n'ont pas abouti. Tocqueville estimait que l'ardeur obstinée et parfois aveugle qui conduit le peuple à se soulever était liée à la passion de l'égalité inscrite dans l'être humain. D'où l'analyse suivante: tant qu'ils secondent cette passion, les "réformateurs sociaux" connaissent le succès: comment comprendre autrement la faveur, dans un premier temps renversante (proprement), que les mouvements révolutionnaires des temps modernes ont rencontrée à leur apparition. Au pouvoir, cependant, les révolutionnaires se heurtent à chaque fois au fonctionnement concret de cette machine, en général plus compliquée que leurs programmes et leurs analyses. Force leur est de la contraindre, de la brutaliser en expliquant que c'est pour son bien ou pour un bien futur. jusqu'au jour où ils se font renverser. C'est là un schéma général qui, dans les faits, admet de nombreuses variantes, mais au fond il est bien celui-là.
Si on doit dégager du sens de quelques exemples connus, on pourrait observer que, au moins jusqu'à aujourd'hui, les "révolutions" de l'Occident ont suivi le même cours que la révolution anglaise du XVII: d'abord une phase radicale (1640-1648), suivie d'une décennie cromwellienne, puis l'usure, le rejet et la restauration (qui n'est jamais un retour au point de départ). Et enfin c'est la seconde révolution (1688) qui présente des caractères tout autres que la première, voire opposées, mais dont elle ne peut pas ne pas conserver certaines exigences fondamentales. Entre le XVIIIè et le XIXè, la France a connu une dynamique analogue.
Ces dynamiques ne sont pas abstraites. Ces évènements ont un cout humain tragique, dont chaque individu patit, de manière irréparable et irréversible, au cours de son existence concrète: la seule dont il dispose. Mais ces dynamiques destructrices trouvent elles aussi leur point de départ dans les exigences et besoins concrets de masses et d'individus poussés à l'action par des nécessités incontournables plutôt que par une poignée de comploteurs ambitieux, qui, livrés à eux-mêmes n'arriveraient à rien.
Shunt a écrit:Il ne suffit pas d'allumer la mèche pour que le feu prenne. On en a connu tout au long de l'histoire des révoltes populaires - jaqueries paysannes, grèves ouvrières - matées dans le sang et qui n'ont débouché sur rien parce que le mécontentement populaire n'avait su trouver de réels relais au sein des classes dirigeantes. On parle bien de révolution pas de révolte. Une révolution implique un changement de régime, de système.
Evidemment. Il faut une nécessité absolue qui pousse les gens à changer le système. Cela n'a rien à voir avec l'appui des classes dirigeantes.
Shunt a écrit:Plusieurs choses. Primo, Spartacus, bien qu'esclave, était issue de l'élite puisqu'il avait été militaire. Il avait été fait prisonnier puis vendu. Secundo, tu confonds révolte et révolution. La rebellion des esclaves de 73 avant Jesus Christ n'a débouché sur rien politiquement. Si ce n'est sur le pillage, la rapine, le viol et le meurtre... bel exemple effectivement. Ce qui me fait dire que l'idéal de justice pour beaucoup d'hommes (et c'est encore valable aujourd'hui), ce n'est pas d'imposer une justice universelle mais plus prosaïquement d'être du bon côté du manche.
Spartacus se révolta, triompha des années durant et finit par succomber face à l'armée la plus puissante qui fut alors au monde. L'esclavage qui pendant trois années avait paru traverser une crise grave, dura encore des siècles, c'est vrai. Mais il disparut le jour venu. Sinon je suis effarée devant ton analyse cynique de Spartacus: être du bon côté du manche? Des esclaves qui se soulèvent contre leur condition? Et qui remettent en cause tout le système antique...
Shunt a écrit:Non. Le capitalisme de l'après seconde guerre mondiale qui a permis l'émergence de l'Etat Providence et des grands services publics n'avait rien de libéral. Par contre, ça restait un système capitaliste. Aujourd'hui la Chine est capitaliste, mais elle n'a rien de libéral.
Je maintiens que les deux mots ont le même sens.
Shunt a écrit:Creux si tu veux. Il n'empêche que le commerce et l'échange ont été des moteurs de l'histoire, qu'ils ont fait la richesse et la renommée des plus grandes villes d'Europe. L'échange marchand sur lequel repose le système capitaliste n'est pas une création du XIXe ou du XXe siècle.
Tout dépend de ce que l'on entend par richesse. Je montrais dans mon message à Ferrarrows comment ce sont les sociétés riches qui créent la rareté.
Shunt a écrit:Faut savoir alors ! Quand tu critiques le "cercle" de l'épargne en disant qu'une monnaie forte dissuade l'investissement productif, là curieusement, les capitaux servent à quelque chose ! Tu te contredis.
Non. Ce sont deux niveaux différents. Si tu me demandes si je préfère une politique encourageant l'activité, je réponds oui. Si tu me demande quel système je défends, je réponds que ce n'est pas un système libéral. De plus aujourd'hui la notion de Capital a évolué énormément, avec notamment l'importance de l'épargne et de la Bourse: Marx disait que le capitaliste fait l'avance (du fonds de salaire) et que le salarié fournit le travail. Aujourd'hui ce serait plutôt l'inverse, le salarié fait l'avance de son travail et espère une rémunération en fonction des profits futurs de l'entreprise. Ma vision de l'avenir, c'est que tout sera "stock-option", c'est à dire que tout soit espérance de profit.
Shunt a écrit:J'imagine que pour toi, c'est le travail. Seulemement pour que le travail produise de la richesse, il faut que le produit de ce travail soit rentable. Et pour qu'il soit rentable, il faut des débouchés. Si tu lances un nouveau produit, la rentabilité ne sera jamais atteinte immédiatement (ça peut arriver, mais c'est rare). Si le produit du travail n'est pas rentable, il ne te permet pas de te financer, de payer tes fournisseurs et de te payer toi. Qui va alors te permettre de tenir le coup en attendant des jours meilleurs ? L'apport de capital qui augmente les liquidités disponibles. Et il est logique que le type qui t'apporte des ronds puisse bénéficier derrière de dividendes prélevés sur ton travail.
Tu es un bon capitaliste Shunt.
Shunt a écrit:Effectivement, c'est plus commode.
Relis mes messages des 7 pages précédentes, et reviens me voir si tu ne trouves que je n'apporte pas assez de précisions et que mon opinion est lapidaire. Ou alors c'est que tu me demandes à moi seule de définir tout un programme alternatif cohérent et organisé.
Shunt a écrit:Démontre moi le contraire. On a un exemple d'alternative qui est l'économie planifiée. Or cette économie planifiée, déconnectée du marché, favorise soit la surproduction, soit la pénurie. C'est mécanique. Parce qu'on peut difficilement décréter, par exemple, qu'une population achètera l'année prochaine 10 000 voitures. Si elle n'en achète que 5 000, il y aura surproduction, donc gaspillage de la force de travail des ouvriers. Si elle en achète 15 000, il y aura pénurie, et insatisfaction des consommateurs.
Bah voilà. Tu me disais hier qu'il n'y avait de bonne ou de mauvaise économie, mais que cela dépendait des situations, des priorités, etc...Ici tu montres le contraire: il n'y a pour toi qu'une économie valable, c'est l'économie de marché.
Peu importe que comparer Cuba à la France (ou à un autre grand pays occidental) soit parfaitement hors de propos et ridicule. Tu as délivré la sentence: l'économie planifiée, on a vu. Tu as vu une méthode, dans un temps et un espace donné, et tu as vu. Par contre 99% de la planète sous la coupe d'une société de marché destructrice, cela ne change rien. Bonheur planifié ou bonheur marchand? C'est un faux dilemme. Le libéralisme ne s'embarrasse pas de démocratie: le lucre, la cupidité, l'accumulation de richesses ont toujours fait bon ménage avec la tyrannie (comme on le voit en Chine où tout le monde a oublié Tienanmen). Toute définition de la richesse est pour moi plus ou moins sociale, toute comptabilité nationale reflète une volonté politique. Un exemple: les dépenses mondiales annuelles pour la publicité sont dix fois le montant des sommes qui seraient nécessaires pour éradiquer la faim, donner l'accès à l'eau potable à tous, combattre les grandes épidémies.
Sinon quand même Shunt, pour ton information, une loi économique qui peut te servir: le théorème de l'optimalité au sens de Pareto ou théorème d'équivalence. Tous les économistes savent grâce à cette loi qu'un marché de concurrence parfaite et un système de planification parfaite donnent le même optimum. Ne me remercie pas, c'est gratuit aujourd'hui.
Shunt a écrit:Les Pays d'Europe du Nord protectionnistes ? Je te rappellerai que le Danemark, la Suède et la Finlande font partie de l'Union Européenne, donc qu'ils ne sont pas plus protectionnistes que la France, l'Italie ou l'Espagne vu que l'adhésion à l'Union Européenne impose les mêmes tarfis douaniers pour tous les états membres. Sur la monnaie européenne, le Danemark a rejeté l'euro par référendum, non pas sur une question d'efficacité économique, mais sur une question de préservation de l'identité nationale. D'ailleurs, le cours de la couronne danoise est indexé sur celui de l'euro ! Donc l'avantage monétaire des Danois par rapport au pays de la zone euro est nul. Pareil pour la couronne suédoise. Lorsque son cour baisse, la Banque de Suède intervient pour le faire remonter. Moralité, le Danemark et la Suède ne pas faire partie de la zone euro, leurs contraintes monétaires sont peu ou prou les mêmes (ce qui est logique dans un sens puisque leurs principaux partenaires commerciaux sont dans la zone euro).
C'est totalement faux Shunt. En Suède par exemple (ou au Danemark) si l'euro a été rejeté pour l'instant, c'est pour des raisons économiques et non politiques. Pour le reste le mécanisme de change qui la monnaie danoise à l'euro autorise une marge de fluctuation théoriquement assez étroite, ce qui n'est pas rien n'est-ce pas. Le "non" répété des danois a un sens très clair: "non à cette Europe économique et monétaire qui menace nos acquis sociaux et l'état-providence". Je trouve amusant que tu emploies ces pays pour parler du bien-fondé de la politique économique de l'Europe (pays qui justement renaclent à raison à l'accepter).
Selon le site très officiel de la Suède:
"1) La participation à l’union monétaire représenterait un grand risque compte tenu de l’importance du chômage. Des turbulences macroéconomiques auxquelles il ne serait pas possible de faire face par le moyen de la politique monétaire et des changes pourraient conduire à une recrudescence du chômage en Suède.
2) Compte tenu de l’état des finances publiques tel qu’il était encore à l’époque, une participation à l’union monétaire apparaissait très risquée.
3) Il fallait prendre le temps de débattre de l’UEM et de lui donner un ancrage politique.
4) Selon les prévisions, un bon nombre de pays ne feraient pas partie du premier train de l’union monétaire parce qu’ils ne rempliraient pas les critères de convergence. Le prix politique à payer pour l’abstention en serait réduit d’autant."
"Contrairement à ce que beaucoup pronostiquaient il y a cinq ans, le nouveau régime monétaire – changes flottants, indépendance de la banque centrale et objectif clair en matière d’inflation – a conduit à une inflation faible et à des taux d’intérêt bas.
Dans le même temps, nous pouvons constater que la valeur de la couronne a largement fluctué au long des années 90. Son évolution, comme celle de l’euro, a été moins vigoureuse que ce que beaucoup escomptaient. Le cours du dollar est passé de 8,05 SEK/USD en décembre 1998 à 10,56 SEK/USD en décembre 2001. L’euro est d’abord tombé de 9,48 SEK/EUR en décembre 1998 à 8,24 SEK/EUR en mai 2000, pour remonter ensuite à 9,44 SEK/EUR en décembre 2001. Cela confirme un fait avéré : en cas de changes flottants, le cours d’une monnaie peut varier largement, et souvent de manière difficilement explicable"Tu as oublié une question:
-Quel est l'effet vertueux et constaté d'une monnaie forte?
Shunt a écrit:Je ne raisonnes pas en monétariste. Si ta monnaie se déprécie par rapport aux autres, la note des tes importations augmente. C'est mécanique. Et les effets vertueux de la dévaluation n'y font rien puisque que le montant de tes importations est une donnée exogène.
Si en raison d'une dépréciation de ta monnaie, le baril de pétrole que tu achètes à l'extérieur passe de 35 euros à 50 euros, cela va pousser les prix à la hausse (sauf à rogner sur les marges donc sur la capacité ultérieure d'investissement).
Je raisonne peut-être en monétariste. Dans ce cas explique moi clairement comment tu achètes tes importations moins chères avec une monnaie qui se déprécie ?
Tu raisonnes en monétariste oui ou non? Sinon je note que c'est absolument inutile comme discussion. Que tes importations augmentent oui, et? Que tes exportations soient renforcées, ta demande intérieure soutenue (tu sais ce que tu estimes être plus important pour soutenir une économie)...Bref.
Shunt a écrit:Bien sûr que la croissance et créatrice d'inflation. Seulement il y a inflation et inflation. Une inflation de 2% n'a pas les mêmes effets qu'une inflation de 10%. On enfonce des portes ouvertes là !
Oui, mais une inflation de 2%, c'est comme pas d'inflation du tout.
Shunt a écrit:C'est toi qui te contredis. Un coup tu nous expliques que la monnaie forte c'est de la couille parce que ça décourage l'investissement productif pour ensuite nous dire que les capitaux, ce n'est rien.
Ensuite tu ne réponds toujours pas à la question que tout le monde te pose depuis le début : si le capitalisme (que tu assimiles au libéralisme) est un mauvais système, monstrueux, etc... par quoi le remplace-t-on ? Et en quoi ce système de substitution sera plus efficace et plus fiable que le système actuel ? Ce sont des questions simples et pour l'instant je constate que tu bottes en touche dès qu'elles te sont posées.
J'ai déjà répondu sur tous ces points. Je te renvoie à l'origine de la discussion. Mon présupposé est simple: l'Europe qui se construit est libérale, politiquement et économiquement inefficace. Ensuite si l'on me demande des prises de position sur les différentes politiques économiques, je les donne. Il me semble que tu disposes de largement assez d'informations pour trouver les réponses à tes questions. Je n'ai donc pas le sentiment de botter en touche. Simplement je me pose question sur qui se dit de gauche et soutient la construction européenne libérale. C'est pourquoi je voterai "non".
Silverwitch