oz.1 a écrit:L'eau et le feu...tu vois.

J'ai insisté lourdement parce que je sais que tu tiens à ce film et que tu y fais souvent référence, ce qui a d'ailleurs piqué un peu plus ma curiosité envers ce film qui m'avait déjà intrigué depuis sa sortie sans que je ne prenne le temps de le voir. Mais je pense tout de même tout ce que j'ai écrit.

oz.1 a écrit:Sa nana fantasme sexuellement sur d'autres hommes, mon dieu, quelle abomination
La révélation est grossière et maladroite et a donc de quoi faire réagir mais j'ai du mal à trouver cela suffisant pour déclencher tout le processus que tu décris. Donc, déjà, ça part d'une manière un peu bancale pour moi.
Je ne sais pas. Le couple, la famille, c'est quand même le foyer, l'institution centrale de l'humanité depuis quelques temps déjà. Un homme aime une femme, d'ailleurs c'est "sa" femme. Et elle lui apprend que si ce fantasme incarné qu'est l'officier de marine était resté, elle aurait été prête à tout quitter, à tout abandonner. Bill, leur fille, tout ce qu'ils avaient construit depuis peut-être dix ans. Je ne crois pas que cela soit peu. Ce n'est pas le fait qu'Alice fantasme qui dérange et plonge dans d'insondables abîmes le docteur Bill, c'est ce qu'il apprend sur cette inconnue si proche qu'est son épouse, l'être avec qui il dort et partage sa vie.
oz.1 a écrit:ça oui, je trouve que c'est l'élément clé du film qui aurait dû en faire sa réussite...sauf que ce monde étrange n'est finalement pas très étrange, et ressemble plutôt à une succession de clichés. Dans le genre plongé dans un monde inquiétant et tordu, j'ai déjà vu bien mieux fait. (faudrait que je retrouve un exemple, ça serait mieux pour argumenter

)
Eyes Wide Shut, c'est un film "apparemment" réaliste. Comme on l'a tous dit, le film doit être bien vu ou revu. Prenons un exemple: Bill est chez la prostituée Domino, il est comme fasciné par elle. Au moment où il l'embrasse, la sonnerie du téléphone. Les bruits de la ville reprennent de l'importance, la musique s'arrête, la distance entre les corps est rétablie. Un moment comme celui-là avait l'irréalité du rêve et le caractère très concret d'une situation vécue.
Parce que le cinéaste ne filme pas le rêve d'Alice, il n'est que raconté. Il ne filme pas le souvenir d'Alice, mais le récit qu'elle en fait. On peut ensuite tracer des liens entre le rêve d'Alice et la réalité de Bill (la participation à l'orgie notamment). C'est comme si le souvenir d'Alice contaminait la réalité de Bill, réalité qui devient très énigmatique quand elle est répétée dans le rêve d'Alice.
Par contre, quand Kubrick choisit de faire voir un fantasme, il s'agit de Bill. Ce sont des images très pauvres, des clichés. C'est là où Kubrick est malin je crois. Il prévient le spectateur dubitatif comme toi oz: si ta copine te racontait qu'elle a failli se laisser séduire par un autre homme, qu'elle fantasmait sur cette homme et était prête à se donner à lui, tu peux m'affirmer sans aucun doute que tu ne serais pas un peu éprouvé? Que tu n'imaginerais pas une seconde ton amie dans les bras d'un autre homme? C'est une réalité banale, triviale de notre existence.
Si fantasme, songe et réalité sont étroitement liés dans le film, c'est qu'ils interfèrent les uns avec les autres. On peut dire même, qu'ils sont la conséquence directe du souvenir qu'Alice raconte à Bill. C'est ce qui n'a pas eu lieu qui provoque la suite des évènements vécus ou rêvés. Quel impacte un mot (celui d'Alice) peut il avoir sur l'imaginaire (de Bill)? Comment cet imaginaire peut-il ensuite influencer sur nos actes?
oz.1 a écrit:Je sais que tu l'adores. Je ne le déteste pas du tout et comme le dit Yo, je pense qu'il mérite amplement un deuzième visionnage.
Oui c'est une bonne idée je pense. Le premier plan du film (Nicole Kidman qui enlève sa robe), quel est le statut exact de cette image? Est-ce une image subjective de quelqu'un qui regarde Alice? Est-ce un fantasme? Un souvenir? Ou bien le spectateur est-il le seul à la regarder?
Et je pense aussi à un moment que je trouve absolument terrifiant dans le film. Quand nous sommes associés aux pensées de Bill, il est face à Alice, souriante, en train d'aider leur fille à faire ses devoirs, et il se met à entendre à nouveau le récit entrecoupé de sanglots qu'elle lui a fait la nuit précédente. L'attitude des personnages, qui échangent un regard et se sourient, est à l'opposé de l'angoisse qu'instille la voix. Le regard appuyé d'Alice, le sourire de Bill, les travellings avant sur les visages sont des codes visuels traditionnellement employés dans des séquences de séduction, pour signifier que le regard des personnages est un regard actif, engageant à l'amour. La réminiscence de la voix d'Alice, en parfait contrepoint à ce code visuel, nous place dans la perspective mentale de Bill. Et c'est une perspective effrayante. Un homme découvre la réalité de sa condition.
oz.1 a écrit:Sinon, tant que je te tiens ma petite sorcière d'argent détentrice de tous les pouvoirs des arcanes du forum...tu me réactives mes privés que je puisse connaitre tes réactions aux disques que je t'ai conseillé et que tu as écouté religieusement depuis ?

J'en parle avec les modérateurs et je te tiens au courant, ok?
Silverwitch