de Cortese le 17 Mar 2024, 15:44
Bon ben j’ai vu le film hier. Les points positifs : le film existe. Lorsque j’avais acheté « Mes joies terribles » les mémoires d’Enzo, à Alger en 1967, je n’aurais jamais imaginé qu’un bonheur pareil soit possible. Un deuxième point positif, c’est toute la partie socio-sentimentale (et on doit se souvenir que pour moi ce genre de choses dans un film, c’est soit le moment de la pause pipi, soit le moment d’aller voir s’il ne resterait pas des cacahuètes dans le placard de la cuisine), avec une très bonne prestation je trouve, d’Adam Driver mais surtout de Penelope Cruz, excellente. La restitution de la vie courante de la haute bourgeoisie modènaise de l’époque est très convaincante, on se croirait dans un mélo italien de la grande époque (au moins eux ils savaient en faire des mélos).
Alors les points négatifs, et je suis désolé de le dire, mais toute la partie course de voitures est un désastre.
Le pire ce sont les F1. Bon il y a suffisamment de Maserati 250F authentiques en état de marche (c’était une voiture vendue à des pilotes privés) je n’ai rien noté d’anormal, par contre les Ferrari-Lancia, c’est une catastrophe ! Le pilote est haut perché, le volant est aussi vertical que le gouvernail du Titanic, une horreur. On sait bien sûr que toutes les Ferrari monoplaces étaient démantelées à la fin de la saison. Lorsque la voiture de Castellotti s’est envolée, on voyait bien que c’était de la 3D mais j’ai eu l’impression qu’à un moment la voiture passait brièvement en 2D ! ? Les sports reconstruites par contre sont convaincantes, à moins de vérifier détail par détail je n’ai rien vu de choquant (donc un point positif dans les points négatifs). La 250 Testa Rossa qui en en voie d’achèvement dans l’atelier de Sergio (Scaglietti) doit être une vraie, sauf qu’elle a le volant du mauvais côté. La TR succédait à la 500TRC comme sport-clients, et avait donc le volant règlementairement à gauche. Ferrari s’était contenté d’installer le V12 3 litres des 250GT dans le chassis modifié de la TRC, avec cette carrosserie spectaculaire, mais devant les performances étonnement bonnes de la voiture, Ferrari l’avait reprise à son compte avec le volant à droite comme il se doit pour une voiture typée « Le Mans ». J’étais aussi très étonné qu’il en ait vendue une au « petit roi » Hussein de Jordanie. J’ai pas pu vérifier, peu vraisemblable, mais pas impossible, il était pilote d’hélicoptère.
Les « courses » elles aussi sont horribles ! La course de F1 à « Rouen » où « de Portago » rivalise avec « Behra » est archi nulle.
On en arrive aux Mille Miglia (Mille Milles en français). Les scènes avec les voitures à l’arrêt sont correctes, le départ a!ssi, mais le « petit train » qu’on voit ensuite est parfaitement ridicule. Les Mille Milles c’est une sorte de rallye, où les voitures sont donc lâchées de minute en minute, mais où il n’y aurait qu’une seule étape chronométrée de 1600km, avec des voitures type Le Mans pour les plus rapides.
Le sommet du grotesque c’est quand Taruffi s’arrête en plein effort, pour prendre à bord Jean Behra (reconnaissable à son célèbre casque à damiers, un Jean qui n’avait pas pris le départ en réalité, il avait détruit sa Maserati 4,5 la veille en se fracturant le poignet), et qu’on a mis dans la 350S n533 de Hans Hermann qu’on fait sortir de la route (alors qu’il a abandonné sur souci mécanique à Ferrara (ils étaient maudits chez Maserati !). Bref j’ai supposé que c’était sans doute parce que c’est un film américain, et que les Américains n’ont absolument aucune idée de ce que peut bien être un rallye à l’européenne donc le réalisateur nous a fait une sorte de stock-car routier. J’en étais même à me dire que « The Racer » avec Kirk Douglas (1955) où il y a aussi les Mille Milles (et pourtant fort décrié à l’époque) était un chef d’oeuvre à côté de ça.
L’accident est représenté de façon vraisemblable, c’est tout fait ce que la presse en avait dit Ferrari lui-même particulièrement au sujet de ce qu’il appelle (en traduction) « des yeux de chat » des clous qui marquaient le milieu de la chaussée (et c’est vrai que dans mon enfance on en voyait sur les routes). On a même pu voir le corps de Portago (reconnaissable à son blouson noir) coupé en deux par un fil téléphonique, au milieu de la chaussée.
Donc un film à voir pour la vie de famille agitée du Commendatore, les personnages réels (Carlo Chiti, Scaglietti, et les pilotes) les décors en ville et les paysages, les voitures de sport, mais pas pour les courses.
Une des curiosités c’est que la fiancée de Castellotti, Delia Darvi a été échangée contre une anonyme Cecilia Manzoni, inconnue au bataillon.
Enfin, pendant tout le film Enzo roule en 403 Peugeot, on sait qu’il appréciait la marque de Sochaux (il a adopté leur système de ventilateur électrique débrayable sur ses GT) et qu’il a possédé une 404 mais je n’ai pas entendu parler de 403, la seule hypothèse c’est que son ami proche Battista « Pinin » Farina qui a dessiné la 403 lui en ait prêté une.
Ah oui, il y a aussi l’étrange épisode des négociations à trois avec Fiat et Ford (à un moment on voit très brièvement une délégation d’hommes d’affaires qu’on devine américains) qui semble tout simplement un décalque anachronique des évènements des années 60.