Rainier a écrit:Film de merde, c'est un peu exagéré.
Bien sûr ce n'est pas un grand film et ça ne mérite pas un tel succès populaire. mais c'est vrai pour tant d'autres films.
Taxi ou Taxi2, par exemple, méritent encore moins leur succès populaire. Je serai curieux de savoir le nombre d'entrées d'Amelie Poulain par rapport aux "Taxis".
Moi j'ai trouvé un certain ton (donnant bien sûr une image de carte postale de Paris) et quelques trouvailles dans ce film.
Rainier,
Oui c'est exagéré. Je ne sais pas si les films méritent ou pas leur succès. Peu importe en fait, j'avoue que ça ne m'intéresse pas beaucoup, sinon sociologiquement. Disons que pour envisager le succès d'Amélie Poulain par rapport à Taxi, il faut prendre les recettes du monde entier et pas juste en France, et là Amélie Poulain est loin devant.
Sinon je trouve ce film particulièrement médiocre, mal écrit, mal joué, surfant constamment sur la caricature. Jeunet entretient les stéréotypes: le pire étant l'épicier. C'est vraiment un film mortifère ce qui crée une atmosphère de boite de conserve pour le Paris qui est filmé, on est très loin du merveilleux ou du choix d'un Paris suranné en hommage au réalisme poétique qui lui était bien vivant, gouailleur et concret.
En fait le problème d'Amélie Poulain c'est la manière dont on reçoit le "message" du film. Le film de Jeunet prétend parait-il à la fable, voyons ce qu'il en est, si l'on prend une signification limitée juste à l'histoire ou au sens d'une fable:
-Pour faire le bonheur des autres, Amélie entre chez eux par effraction, espionne, envoie des lettres et des coups de téléphone anonymes.
Histoire singulière: la fin justifie les moyens, tout le monde est plus heureux ensuite.
Fable: Il s'agit d'un plaidoyer pour la France de la délation, du voyeurisme et de la liquidation de la vie privée. L'attitude d'Amélie est normative: qui lui dit que la concierge est vraiment ce qu'elle prétend être, et l'enfermer dans un mensonge romantique va-t-il réellement rendre sa vie plus heureuse?
-L'héroïne, serveuse de bar, n'a pas de problèmes professionnels; on voit également une danseuse commencer à se déshabiller dans un peep-show sans états d'âme.
Histoire singulière: il se peut que des serveuses de bar et des danseuses de peep-show s'épanouissent dans leur métier; et même si ce n'est pas le cas, où est le mal à inventer une histoire où elles sont bien dans leur peau?
Fable: Il s'agit d'une invitation pour les exploités à se dire qu'ils sont bien à leur place, à s'estimer heureux.
-Savoir compléter un proverbe dont l'interlocuteur donne le début est une qualité chez quelqu'un.
Histoire singulière: c'est là l'amusant système de valeurs d'un des personnages de l'histoire.
Fable: Les proverbes constituent un monde stéréotypé et figé (bon chien chasse de race est par exemple une invitation à lire les inégalités sociales comme une fatalité naturelle).
Ce que je décris ici n'est pas propre à ce film, mais Amélie Poulain cultive cela avec une force qui met mal à l'aise. On ne sait jamais trop s'il faut y voir un divertissement fantasiste, une fable, ou un discours sur le monde réel. Le propre d'une critique est aussi d'essayer de trouver ce qui se cache derrière les images anodines qui nous sont présentées. Ainsi par exemple tu écris une phrase: "Je viendrai demain". La détermination du sens dépend de sa signification et du contexte. Est-ce une prévision, une mance, une promesse? Je n'entre pas dans la polémique entretenue par certains critiques sur Amélie Poulain (qui serait un film raciste), je n'y crois pas. Mais je trouve assez médiocre le point de vue de Jeunet. Il nous décrit en fait une fille qui est malade, ne communique pas, rêve de manière mortifère et il estime que d'un coup de baguette magique tout peut s'arranger (cf la fin). Il termine en conte de fée une fiction assez triste sinon d'une personne dont la vie est un échec.
Silverwitch