DCP a écrit:Je parle d'approches, car, concrètement, si je vais voir un James Bond, j'y vais dans l'optique de me divertir, si je vais voir un documentaire, c'est dans l'optique d'apprendre quelque chose sur le sujet traité, un film comme Tree of Life, pour aller voir une oeuvre d'art, un film qui va me faire réfléchir et peut-être modifier ma vision du monde.
Oui, j'avais bien compris et répondu: tu peux voir un film pour toutes les raisons transcendantes que tu veux, ne penser à rien, rire, pleurer, méditer ou contempler, cela ne supprime pas la relation immanente au film qui est une relation esthétique: tu regardes des images et des sons projetés dans un ordre particulier.
Je le redis donc: pas besoin de voir un James Bond (ou n'importe quel autre film, roman, tableau, musique, pièce de théâtre) pour te "divertir" (au sens de t'occuper l'esprit). En revanche, sans "James Bond", pas de divertissement, au sens cette fois de quitter le monde quotidien pour un miroir sensible d'un monde invisible. Les films déploient un monde imaginaire de manière réelle. Les oeuvres de l'esprit sont des manifestations réelles de l'imaginaire, la seule manière de voir ce qui est autrement invisible, de voir le monde avec les yeux d'un autre.
Pour enfoncer le clou, DCP: si tu confonds un film avec ses effets escomptés, il n'y a alors aucune différence entre un film, un roman, un tableau, la vue à travers ta fenêtre ou l'explosion d'un pétard. Tous procurent des sensations. Or il est évident qu'un film n'est pas un roman, tu es d'accord ?
DCP a écrit:Après, il peut y avoir des effets collatéraux dus au fait que tous sont des oeuvres d'art, mais j'ai du mal à me rappeler ce qu'un James Bond m'a apporté à part passer de bons moments.
"Oeuvre d'art" prête à confusion, puisqu'on sous-entend une notion de valeur. Si tu préfères, même la pire publicité produit des effets (faire rire par exemple) et propose un monde (une vision du monde). La publicité télé la plus stupide et le plus beau film de Fellini sont des oeuvres esthétiques qui doivent être analysées sous cet angle: quelle forme concrète et dans quel sens.
Les sensations, les manifestations du corps sont des réactions qui n'ont en vérité aucun intérêt. Je ne propose pas de les supprimer ou de ne pas en tenir compte, le corps a ses raisons et le cinéma vise aussi le corps et l'esprit comme des moyens. Moyens de connaissance et d'appréhension ludiques. Les oeuvres esthétiques sont des jeux sophistiqués, et comme tous les jeux des moyens de découvrir et de connaître mieux et plus des choses que l'on ne peut découvrir que par la fréquentation des oeuvres. Nous sommes dans un fauteuil, immobiles, mais l'esprit voyage à travers la fenêtre des films, des romans ou des tableaux pour revenir ensuite dans un monde transformé par ce que nous avons vu et éprouvé.
Transformer en bien comme en mal. La publicité la plus stupide (bis) transforme et influence son spectateur. Qu'on le veuille ou non. Le retour au monde exige un bilan, l'exercice de sa raison critique. J'ai été influencée par de mauvais films, mais je peux réfléchir pendant et surtout après le film. Le spectacle des films ou la lecture des romans ne doit pas se faire à l'estomac ou aux sensations. Je dois discriminer, fonction vitale.