Nuvo a écrit:Sur le conseil d'un formateur en communication, j'ai regardé "Douze hommes en colère" avec Henry Fonda. Un film
"Un film"..
"Un film"...
C'est sans doute LE film de Sidney Lumet (qu'il faut citer!), et pourtant Lumet des bons films, il en a fait ... c'est dire ...
....de 1957 qui n'a pas mal vieilli.
M'enfin c'est normal, un bon film ça ne vieillit jamais.. Son support photosensible, oui, il vieillit (heureusement on peut le sauver)... Mais un bon film, quel que soit son année, c'est un bon film, il ne vieillit pas..
J'ai vraiment bien aimé la façon dont le seul "adulte" Henry Fonda se dresse contre les 11 autres mais ne perd pas pied, reste calme, avance ses arguments et installe peu à peu un doute... et les retourne un à un.
Je ne suis pas convaincu que la
'grille' d'
analyse voyant en le juré n°8, l'architecte (Henry Fonda) le seul adulte soit forcément pertinente...
Par exemple, le juré n°11, le naturalisé, qui a déjà opté pour le point de vue du juré n°8, s'élève contre le juré n°7 quand celui ci semble changer son vote à son tour vers la thèse défendue par 8 et 11, uniquement parce qu'il est impatient de partir et non par conviction profonde..
" Who tells you that you have the right like this to play with a man's life? "11 est là aussi adulte que 8
Imposer son point de vue aux autres jurés afin de faire échapper l'inculpé à la mort n'est pas le seul enjeu.. l'enjeu est d'essayer d'approcher la vérité, avec le plus de sincérité possible, en se libérant de ses a priori, ses oeillères, de tout ce qui emprisonne (y compris l'impatience de se rendre à un réjouissant match)...
L'enjeu du film n'est pas d'imposer sa conviction aux autres (et donc il ne doit pas uniquement être pris comme une démonstration de "communication" comme on a pu te le suggérer), c'est un film sur le devoir et la responsabilité d'un citoyen face à la gravité de la sanction (et en quelque sorte, en négatif, une critique qui ne dit pas son nom, de la peine de mort, qui rend l'erreur judiciaire si aisée sans un juré 8, irrémédiable)... Je ne l'ai pas vu depuis un moment, il y aurait surement plus à dire si j'avais l'esprit plus frais..
L'intérêt du film est là.
Pour ce que je viens de dire, je ne sais pas si c'est exactement l'intérêt du film, la manière de convaincre les autres jurés... Si il s'était agi de les convaincre de la culpabilité de l'accusé, des gens qui en doutaient le brio du juré 8 aurait été tout aussi remarquable, le film aurait-il été aussi pertinent et juste ? De même, si les jurés avaient révisé leur vote non par conviction mais par intérêt...
Donc pour le redire, ça n'est pas un modèle de communication...
Par ailleurs, il y a eu tant de remake du film en téléfilms (souvent les pires) multiples et médiocres (tous aussi inutiles sinon de flatter quelques acteurs à la mode très vite oubliés ), en pièces (avec même Michel Leeb, en fait c'est surement pire que le pire ça ... ) ou dans de multiples épisodes de séries de SF (sans vérifier si ils existent comme je le crois ou si c'est seulement ma mémoire défaillante ou mon imagination, sans doute au moins
Code Quantum, et
Demain à la une et deux ou trois épisodes des différentes générations de Star Trek..), ou pas de SF (un épisode de
Happy Days, nommé
Fonzie for the Defense [
Coupable ou non coupable pour la VF]) que si la qualité de conviction était l'intérêt du film, les multiples remakes/resucées seraient aussi célébré que le film original.
L'intérêt du film c'est plutôt la fragilité et la relativité du "doute raisonnable, démontré par antithèse, puisque c'est cette fragilité qui va sauver un homme mais qui sans le juré 8, l'aurait condamné... L'emprisonnement du regard des jurés dans des prisons qu'ils ignorent, leurs a priori, par exemple, mais pas seulement, et donc la responsabilité du citoyen juré de faire son possible pour s'en libérer. Bon je l'ai déjà dit, il faudrait que je le revois ces jours-ci pour dire des choses plus pertinentes...
A noter pour finir que ce film, fut un tel échec public que, bien qu'il eut un budget très très très modeste (quelques centaines de milliers de dollars et Lumet le tourna même pour $1000 de moins que prévu), la production ne rentra pas dans ses frais et que Fonda ne fut pas payé...
Une démonstration que la grandeur d'un film, révélée par sa capacité à inspirer encore et toujours, et donc de vaincre en permanence l'oubli*, ne se juge pas à son succès public (ni même d'ailleurs à son succès critique, qui peut être aussi aveugle que le public).
Même si en l'occurrence, cette année là, le succès critique du film de Lumet était évident: de l'Ours d'Or au Festival de Berlin, des multiples célébrations de la presse critique, jusqu'aux nominations aux Oscars...
Hugues
*: c'est d'ailleurs, par corollaire, pour cela qu'il ne vieillit jamais