Fatcap a écrit:Il y a un truc qui m'étonne quand même.
Notre président François Hollande, dont je n'ai pas de raison de remettre en question les connaissances en théologie musulmane, a affirmé que ces terroristes n'avaient "rien à voir avec l'islam".
Lesdits terroristes ont exécuté des journalistes car ceux-ci s'étaient rendus coupables de blasphème envers le Prophète.
Il se trouve que l'Arabie Saoudite, pays dont l'islam est la religion d'Etat, qui abrite le lieu le plus saint de la religion musulmane, et dont le système pénal est basé sur la charia, applique la peine de mort aux délits de blasphème, justement. C'est quand même bizarre que ce soit précisément ce pays, qui se prétend un des plus fidèles à la tradition, qui se plante à ce point.
C'est un invraisemblable fouillis cette affaire. Comme le rappelait Shoemaker, le blasphème public était extrêmement banal en Algérie, en Afrique du Nord (et sans doute dans le reste du monde arabo-musulman avant sa "wahabisation" américano-sioniste) dans notre jeunesse. Mais ces blasphèmes (absolument sans autre conséquence que de faire rire les jeunes ou de soulager son exaspération lorsqu'on se coince les doigts dans la porte) s'adressaient à Dieu et non à Mahomet.
Comme le rappelle l’Encyclopédie catholique, le blasphème ne concerne que le domaine de la religion : « tandis que le blasphème, étymologiquement, peut dénoter un manque de respect dû à une créature aussi bien qu'à Dieu, dans sa stricte acception il n'est utilisé que dans le dernier sens. » C'est le mot utilisé par le religieux pour désigner une atteinte à sa divinité.
Pour moi cette affaire est incompréhensible depuis le début, en tout cas en termes traditionnels du blasphème dans la culture musulmane. Le "blasphème" envers le prophète Mohamed je n'en avais tout simplement jamais entendu parler. En Islam il est constamment rappelé que Mohamed n'était qu'un homme, sans aucune qualité transcendentale. Il est le transmetteur du message divin certes, mais aussi et surtout le modèle que tout musulman se doit d'imiter de son mieux. En quelque sorte Mohamed c'est Mr Toutlemonde musulman, qui baise, qui chie, qui est amoureux, qui travaille, qui a des soucis administratif, des soucis conjugaux, des histoires avec les voisins, qui a des enfants etc, c'est donc pourquoi il était impensable de le "blasphémer" Mohamed. Est-ce qu'on blasphème contre soi-même ?
Donc si on revient à l'origine de l'affaire, les hideuses caricatures du Jylland Posten, qui ne sont ni drôles, ni belles, ni intelligentes (je serais rédac chef de n'importe quel journal du monde je les aurais refusées pour médiocrité) on est obligés de se poser des questions. Thierry Meyssan avait fait un excellent article sur le sujet où il démonte la canevas politique tramé autour de ce journal et de ces dessins par l'ancien premier ministre néo-conservateur Rasmussen. Il dit aussi que les associations musulmanes avaient d'abord porté plainte contre Charlie pour racisme et non pour blasphème, ce qui me semble une évidence. Ces caricatures (compte tenu de ce que je disais en préambule) ne pouvaient être accueillies par les musulmans que comme une insulte directe contre les musulmans, pratiquants ou non, c'est incontestablement un cas de racisme médiatique, aggravé par un racisme d'Etat plus sournois mais qui en est manifestement l'origine. Porter le débat sur le blasphème c'était jouer justement sur l'ignorance du public occidental pour toujours mieux faire passer la thèse racialiste suprématiste du conflit des civilisations (dont l'initiateur est comme chacun sait ou devrait, l'orientaliste sioniste anglais Bernard Lewis).