L'analyse de l'essayiste
Roland Hureaux sur le sujet:
http://www.atlantico.fr/decryptage/mariage-homosexuel-derriere-intentions-genereuses-t-on-assez-vu-dangers-ideologiques-theorie-genre-roland-hureaux-635940.htmlExtraits:
Que l’on puisse jouer la discipline de parti, au rebours de tout ce qui se fait aujourd’hui en matière sociétale dans les démocraties avancées, dans une affaire qui devrait relever de la conscience de chaque député, jette une lumière inquiétante sur la nature d’un projet que nous n’hésitons pas à qualifier de pré-totalitaire.
L’ expression paraîtra sans doute exagérée à beaucoup mais elle se justifie si on considère la mécanique politique et intellectuelle qui le sous-tend.
Un projet qui ne vise pas, on l’aura compris, à résoudre les problèmes réels de "certaines catégories de personnes". Ces problèmes, sociaux, fiscaux, successoraux, à supposer qu’ils n’aient pas été réglés par le pacs, déjà très généreux, pourraient l’être, de toute façon, sans bouleverser l’ensemble du droit de la famille.
Le projet vise, tout le monde le sait, à imposer par la loi une doctrine officielle et radicalement nouvelle dans un domaine fondamental de la condition humaine qui est celui du rapport de l’homme et de la femme.
Cette doctrine, c’est la théorie du genre : elle pose, non pas l’égalité comme on l’imagine, mais, ce qui n’est pas la même chose, l’équivalence stricte, la fongibilité, l’interchangeabilité de l’homme et de la femme. Le projet de loi originel rayait de nos codes, dans cette logique, toute mention d’une distinction des sexes ; les parlementaires sont provisoirement revenus là-dessus, mais l’objectif demeure : "deux pas en avant, un pas en arrière", disait Lénine.
Il y a plus : faisant violence à la nature, le projet fait aussi violence à la langue, institution immémoriale. Avant de changer la nature, la loi se propose de changer le sens des mots. A commencer, par le mot "mariage".
De quelque manière qu’on retourne la question, le mariage a été, depuis toujours, défini comme une relation entre un homme et une femme.
Littré : Union d'un homme et d'une femme consacrée soit par l'autorité ecclésiastique, soit par l'autorité civile, soit par l'une et l'autre.
Académie française : Union légitime d'un homme et d'une femme, formée par l'échange des consentements que recueille publiquement le représentant de l'autorité civile.
Fait de culture, la langue entretient cependant une relation particulière avec la nature : comme elle, elle n’a pas eu besoin de l’Etat pour se constituer. Et pour cela sans doute, une bonne langue exprime "naturellement" les choses. Cela est particulièrement vrai de la langue française : le vieux Boileau faisait du naturel une règle fondamentale du style. Tout le contraire de la langue de bois idéologique.
Tel qu’il a été institué dans les différentes civilisations, le mariage n’est sans doute pas un fait de nature mais il n’en répond pas moins aux exigences de celle-ci. Il est ainsi en étroite corrélation avec les particularités de la reproduction humaine qui exigent un homme et une femme, certes, mais aussi un temps de maturation du petit d’homme et donc une stabilité familiale plus longs que chez les autres espèces animales.
Et par là, le mariage sert d’abord à régler la filiation. Si le plaisir sexuel n’avait rien à voir avec la reproduction des hommes, l’institution du mariage serait inutile. Des tas de gens éprouvent un immense plaisir à manger et boire ensemble ; pourtant aucune institution publique n’a jamais encadré les amateurs d’agapes, et heureusement.
En appelant mariage ce qui n’en est pas un au regard tant du dictionnaire que d’usages ancestraux, le projet de loi Taubira effectue donc un véritable coup d’Etat linguistique. En posant l’équivalence de la relation homme/femme et des relations homme/homme et femme/femme et donc l’équivalence homme/femme elle-même, le projet de loi, dans la mesure où, en réalité, cette équivalence n’existe pas, vise à instituer un mensonge officiel.
Ce mensonge officiel se prolongera dans des mensonges particuliers : un couple homosexuel pourra dire à un enfant adopté ou porté par autrui que celui qui n’est pas son père est son père, que celui qui n’est pas sa mère est sa mère. Au risque, est-il nécessaire de le rappeler, de le perturber gravement.
La loi veut d’abord forcer le sens des mots. Mais c’est pour forcer le réel : comme dieu, le législateur idéologue veut recréer le monde par les mots : "Au commencement était le Verbe", "Il dit et cela fut". Pour faire coller le nouveau sens des mots avec le réel, la loi forcera donc aussi la nature, par les techniques que l’on connaît : procréation médicalement assistée pour homosexuelles, recours à la gestation pour autrui, lesquelles devront être, selon la loi, tenues pour strictement équivalentes de la procréation naturelle.
Puisque pour forcer la nature, on aura, au moyen de la loi, trafiqué le sens des mots, il faudra veiller à ce qu’une fois la loi votée, le naturel ne revienne pas au galop. Que la population comprenne bien que le mariage entre un homme et une femme n’est plus qu’un cas particulier, que la gestation pour soi et la gestation par autrui sont rigoureusement équivalents, que la notion de papa et de maman sont des réalités culturelles toutes relatives.
Pour cela deux instruments.
D’abord la justice. Déjà, elle poursuit toute mise en cause publique de la stricte équivalence morale ou sociale de l’hétérosexualité et de l’homosexualité, au nom de la loi du 18 mars 2003 votée à la suite d’une fausse agression homophobe, qui s’est avérée une manipulation. C’est en partant de faux attentats (ainsi l’incendie du Reichstag du 27 février 1933 ou l’assassinat supposé de Kirov le 1er décembre 1934) que les machines totalitaires se mettent en place. Attendons-nous à ce que, si la loi est votée, la répression policière et judiciaire de tous ceux qui mettront en cause le nouveau dogme se renforce à tous les niveaux. Malheur à qui ne parlera pas la langue de bois ! "Il vient toujours une heure dans l'histoire où celui qui ose dire que deux et deux font quatre est puni de mort." (Albert Camus).
La justice, et l’école. Comme la vérité sort de la bouche des enfants, c’est eux que visera en priorité la propagande officielle. Lutte contre l’homophobie renforcée et désormais entendue de manière large : toute entorse à la théorie tombera sous ce chef. Si l’enfant dit que le roi est nu alors que la loi a dit qu’il était habillé, malheur à l’enfant. Les livres de littérature, d’histoire, de sciences naturelles (pour ces derniers, on a déjà commencé sous Sarkozy !) devront être réexaminés. Le dictionnaire lui-même sera révisé en fonction des nouvelles théories. Puis la grammaire : le masculin et le féminin ne structurent pas seulement la famille, mais la langue : aujourd’hui le Dalloz, demain le Bled ! La novlangue, selon l’expression prémonitoire de George Orwell, n’est pas loin.
L’administration jouera aussi son rôle : depuis l’institution du pacs les documents administratifs portent la mention Mariés/Pacsés pour bien affirmer la normalité du pacs. Les mêmes documents ne porteront non plus M. et Mme mais, pour inculquer la nouvelle vérité officielle, des catégories neutres, telles parent 1 et parent 2. Les maires à qui François Hollande a laissé croire qu’ils pourraient pratiquer l’objection de conscience déchanteront : l’admettre serait remettre en cause toute l’édifice idéologique.
De fil en aiguille, à partir de cette donnée apparemment circonscrite que constitue le droit du mariage, c’est toute la société qui se trouvera infectée par l’esprit de mensonge, l’idéologie et la langue de bois. C’est toute tout la société qui s’habituera à obéir, contrainte et forcée, au mensonge idéologique officiel, aujourd’hui dans ce domaine, demain dans d’autres, après-demain dans tous.
C’est pourquoi nous pensons que dès lors que le projet de loi Taubira s’en prend à la langue, à la nature, et à une histoire multimillénaire, elle porte en germe un nouveau totalitarisme. Cette dérive, c’est ce que nous voulons à tout prix éviter. Le combat que nous menons, ce n’est pas d’abord un combat pour la religion, ni pour la morale, même pas pour le respect de tous les enfants, c’est d’abord un combat pour la liberté.