Sylex a écrit:Actuellement l'idée d'une économie entièrement planifiée rebute le peuple. Mais l'idéal que tu défends on le partage.
Je ne veux pas plus d'une économie entièrement planifiée. Et surtout, je ne veux pas d'une société où l'économie prime sur la politique !
Sylex a écrit:Tu te trompes sur la capacité de motivation spontanée d'un groupe. Des individus initient des idées, des groupes se forment pour les développer.
Je ne remets pas en cause l'importance de
l'individualité, ce que je critique, c'est l'individualisme érigé en principe collectif. Les individualités peuvent s'exprimer aussi bien dans la coopération que dans la concurrence d'un marché.
Sylex a écrit:Logiciel libre qui s'inscrit dans un cadre concurrentiel. Il n'existe pas de logiciel libre qui se soit développé sans à l'origine une idée individuelle.
Ça ne change rien ! L'instruction publique ne se fait (faisait) pas dans un cadre concurrentiel, il en allait de même pour des siècles de recherche médicale, technique et scientifique. Ça ne remet pas en cause les principes d'émulation, d'initiative individuelle, de coopération et même à l'occasion de concurrence. La différence, c'est que la concurrence n'est pas posée comme une vertu d'organisation sociale collective.
Sylex a écrit:On est d'accord, mais encore une fois tu opposes la concurrence à la coopération alors qu'elles sont complémentaires dans les faits. Il faut de défaire du concept pour observer la capacité de mise en œuvre. Si tu n'admets pas qu'il existe un individu égoiste à la base, tu éludes la composante primaire de la politique.
La concurrence et la coopération ne sont pas complémentaires, pas plus que la paix et la guerre. Ce sont deux principes qui s'opposent, quand bien même ils peuvent coexister ou avoir des formes d'interdépendance. La question n'est pas de savoir si la concurrence
existe, la question est de savoir s'il faut en faire un principe de société, simplement parce qu'elle existe.
Enfin, non, je n'admets pas qu'il existe un individu égoïste à la base. L'individu n'est pas plus égoïste qu'altruiste, ni l'un ni l'autre ne nous définissent, en revanche ce qui nous définit, c'est que nous sommes des êtres sociaux. Que l'individualisme existe aussi bien que l'altruisme, l'égoïsme autant que la charité ne nous dit rien sur l'organisation politique, sociale et économique que nous devons adopter. Ou pour le dire autrement et terminer ce débat impossible, je ne dis pas que nous devons éradiquer la concurrence, mais j'essaye de renverser le point de vue. Si je ne supprimerai pas la concurrence, et même si je te donnais raison sur la stimulation ou la motivation que peut procurer la concurrence, la concurrence n'a pas besoin d'être marchande pour exister. Ce dont nous discutons, ce n'est pas tant de la concurrence en tant que telle, mais d'un projet de société qui s'oppose à une société où la concurrence marchande est le principe qui régit les relations humaines.
Sylex a écrit:et la vraie vie ce sont au départ des personnes terre-à-terre qui raisonne sur le concret.
Je n'en sais rien.
Sylex a écrit:On est bien d'accord. Le postulat est délicat mais tu me sembles le réfuter en bloc. J'essaie de te dire que ça m'apparaît essentiel. Je ne prétends pas détenir une vérité que des penseurs intelligents n'auraient pas perçu, mais j'ai la faiblesse de m'appuyer sur mon expérience et quelques démonstrations scientifiques qui m'ont été vulgarisées. La nature humaine conduit l'essentiel de nos choix. Ego, jalousie, attirance sexuelle, instinct de survie, etc, c'est ce qui fait fonctionner les individus, qui se sont doucement organisés en société.
Tu te trompes ou plutôt tu raisonnes à l'envers. Ce n'est pas les individus qui se sont organisés en société, c'est la société qui a produit historiquement des individus. Ce qui m'ennuie, c'est qu'avec les meilleures intentions du monde, tu reproduis l'erreur des théoriciens du libéralisme qui ont prétendu fonder leur doctrine sur la nature humaine bien comprise.
À cet égard, il faut lire ou relire Rousseau. Je ne cherche donc pas à trancher une problématique sans fond, entre l'égoïsme et l'altruisme, entre le désir d'autosuffisance et la volonté d'interaction, tout simplement parce que c'est inopérant. On ne fonde pas la loi sur le fait, on ne fonde pas la loi sur la nature.
Sylex a écrit:Je n'arrive pas à percevoir où tu concèdes une place au marché dans le modèle d'économie mixte que tu évoques. Parce que fondamentalement je me retrouve bien dans cette définition "avec marché".
Je ne dis pas que qu'il faut interdire le marché, mais que la démocratie doit primer sur le marché. Au nom de l'intérêt général, on peut soustraire certaines activités à une logique de marché, totalement ou partiellement. Quand on parle d'une économie avec marché, c'est simplement à mes yeux une manière de réhabiliter
l'économie mixte: de l'intervention publique, du marché, du capital, de l'économie sociale, des biens communs, des biens publics, etc... On peut le développer. Ce que l'on doit inventer, c'est un nouveau paradigme, dépasser le capitalisme sans l'abolir.
De même, je pense qu'il faut combattre la représentation libérale de l'entreprise. C'est pourquoi je n'oppose deux visions binaires, comme le tout État ou le tout marché. Si la vision de l'entreprise est actuellement un
objet de propriété privée au service des actionnaires, je crois à une vision
partenariale de l'entreprise. Ce n'est donc pas un objet de propriété privée, mais une
entité collective et sociale. J'en veux pour preuve que des sociétés sans actionnaire privé existent, qu'elles soient associatives ou publiques. La représentation libérale n'est donc pas une fatalité.
Le principe défendu est double: l'entreprise ne se confond pas avec la société de capitaux, mais une entité propre qui fait usage de ressources pour produire de nouvelles ressources. Cette entité se compose de travailleurs, et au nom de l'adage qui veut que ce qui concerne tous doit être discuté et approuvé par tous, l'entité qu'est l'entreprise doit reposer sur des principes démocratiques. De la propriété privée d'une société de capitaux, on passe à une
propriété privée sociale, dans laquelle l'entreprise résulte d'un contrat entre toutes les parties. C'est la seule solution que je vois qui puisse concilier la rémunération de l'apport de capitaux et la démocratie: le contrat lie l'entreprise à la société qui apporte des capitaux, aux salariés, voire aux fournisseurs, etc... Au sein de cette propriété privée sociale, tout est soumis au contrôle de toutes les parties, selon des procédures démocratiques, un homme vaut une voix.