Marlaga a écrit:Ton exemple de Balzac est parfait. Il était payé à la ligne, il en a crée un style de description à rallonge pour pondre des dizaines de pages sans faire avancer l'histoire qui n'était pas assez étoffée pour durer. On voit bien là que la marchandisation pervertit l'oeuvre contrairement à ce que tu dis. Et c'est encore plus vrai dans une industrie comme l'est le cinéma actuel.
Tu passes au jugement esthétique sans arguments à l'appui. Que Balzac ou Dumas aient été payés à la ligne et que cela ait une influence possible sur la forme d'une partie de leur production littéraire ne dit rien sur la valeur de cette production. Il se trouve qu'une fois la brume dissipée, Balzac comme Dumas sont toujours lus, commentés et considérés comme de grands romanciers qui ont bâti une oeuvre littéraire cohérente, pertinente et originale. On peut contester cette opinion, mais on ne peut le faire qu'avec une relation esthétique, pas une relation de consommation qui ne dit rien sur l'oeuvre.
Marlaga a écrit:Là où l'oeuvre est pervertie, c'est quand l'éditeur littéraire dit à l'auteur comment le livre doit être écrit, quand le producteur de disque intervient dans les arrangements, les mélodies et la longueur des morceaux d'un musicien, quand le galeriste dit au peintre quoi peindre et dans quel style le peindre. Et c'est le cas en cinéma, il est rare qu'un producteur se contente de donner l'argent au réalisateur pour tourner le film librement, sans contrainte artistique, scénaristique, de distribution des rôles ou autre. Les oeuvres sont donc perverties par cette marchandisation.
Comment expliques-tu la différence entre le cinéma de Terrence Malick et celui de Michael Bay ? Les conditions de production sont globalement identiques. Tout ça est donc très gentil et très intéressant, mais ton propos ne tient que s'il s'appuie sur les films et les oeuvres (critères intrinsèques), et non sur des considérations générales ou sociologiques (critères extrinsèques). Ton argument pourrait être retenu si toutes les productions artistiques étaient d'une même vacuité, c'est-à-dire si le cinéma (ou la photographie) avaient toujours produit du divertissement à l'estomac. Or il n'en est rien. Les critères extrinsèques sont insuffisants pour évaluer un film. Un film est autre chose que la société qui l'engendre ou même que son créateur. Pourquoi ? Parce que si l'oeuvre est un objet, elle est plus qu'un objet, elle est un objet aux propriétés unique: dans toute oeuvre d'art, c'est un monde qui s'y trouve tout entier. Et non seulement un monde, mais une conscience, un point de vue sur ce monde, singulier, abstrait, imaginaire, et pourtant réel.
Marlaga a écrit:(tu peux arrêter de me donner des "exercices", tu n'as toujours pas compris que nous ne sommes pas dans une relation prof-élève et que tes "démonstrations" ne sont que les expressions de ton point de vue qui n'a pas plus de valeur que la mienne ou que celle de Cyril)
Il te suffit de répondre à une question très simple, est-ce que le mot
voyage a le même sens que le mot
tourisme ? Oui, non, pourquoi. Comme tu n'es pas un élève, tu n'as nulle crainte d'être jugé. De même, tu n'auras aucune peine à me montrer ce que différencie le cinéma du tennis de table ou d'une bonne sieste à l'ombre d'un bel arbre au bord d'un lac.
On pourra ensuite en revenir aux fondations et considérer la différence entre le monde et la société, et ainsi t'aider à comprendre que l'oeuvre d'art est certes un objet à l'existence sociale, mais également un objet destiné à l'éternité, c'est-à-dire non seulement à survivre à ses conditions de création comme à son auteur, mais également à la société qui l'a engendré. Une oeuvre dialogue avec ses semblables, dans un ciel abstrait, hors-du monde. Ce ne sera sans doute pas pour aujourd'hui, mais qui sait...