Shunt je ne vais pas trop te citer et ne vais te répondre que sur les parties qui me tiennent le plus à coeur: nous sommes en effet d'accord sur le fonctionnement du parlement (malgré le fait que tu aies vu des oppositions).
La différence est que j'ai simplement utilisé des raccourcis pour faire comprendre la réalité du fonctionnement de codécision au delà de la théorie des textes pour en faire comprendre les dérives, tandis que tu as préféré toi rester près des textes.
Il me semblait implicite que je décrivais en quoi le processus se détourne de son fonctionnement démocratique, tandis que tu as fait comme si les dérives que j'affirmais étaient écrites noir sur blanc en les textes. Les dérives ne sont bien évidemment pas inscrites en les textes mais utilisent leurs faiblesses.
Shunt a écrit:Un pouvoir d'initiative législative, mais pas un pouvoir législatif complet puisque seuls le Conseil des Ministres et le Parlement Européens peuvent valider les propositions de loi.
Je n'ai pas sous entendu le contraire.
Mon raccourci estimant que c'est la commission avec la complicité des conseils des ministres la vraie législatrice, réside dans le fait que le pouvoir d'amendement du parlement est fort limité dès qu'il y a eu retoquage entre la première et seconde lecture.
Dès lors le vrai législateur en pratique est celui qui a l'initiative du texte, le parlement se bornant à servir de chambre d'enregistrement
Shunt a écrit:Les procédures de majorité en deuxième lecture favorisent en fait l'adoption plutot que surviennent le rejet ou l'amendement.
Pas du tout. Le Parlement peut voter, rejetter ou amender en 2e lecture. Une 3e lecture est même prévue après conciliation.
Je n'ai là encore pas prétendu le contraire.
Shunt, quand je dis que les procédures de majorité en deuxième lecture favorisent l'adoption, c'est simplement parce que l'adoption peut-être obtenue à la majorité des membres présents, tandis que le rejet ou l'amendement le sont à la majorité absolue des membres du parlement (absents et abstentionniste compris). Statistiquement, les textes sont bien plus souvent adoptés, car cette majorité absolue est fort difficile à atteindre surtout sur des textes qui passionnent pas les députés, n'ayant pas conscience de l'importance de leurs implications.
Shunt a écrit:En somme le projet de loi qui est adopté par le parlement peut être identique à celui proposé par la commission, même si le parlement souhaitait des amendements si la commission en a décidé ainsi. Bref il peut y avoir en quelque sorte dictature de la commission sur le texte voté.
Faux, puisque c'est le vote du Parlement ET du Conseil des Ministres qui décide.
De nouveau tu me fais dire des choses que je n'ai pas écrites.
Je crois même avoir la première fois que j'ai exposé cela il y trente ou quarante pages, avoir rappelé noir sur blanc le double vote.
Mon propos est simplement, que l'amendement ou le rejet étant difficile en seconde lecture, l'adoption par le parlement est ce qui advient le plus souvent, or si le texte a été retoqué, c'est le texte de la commission qui est là adopté. Le deuxièmes obstacle, le conseil des ministres n'en est pas un, les conseils des ministres sont souvent peu critiques envers les suggestions de la commission.
En somme nous sommes là encore d'accord, la différence est que je décris avec cynisme ce qui en pratique advient.
Quand le parlement souhaite reprendre les maigres bénéfices d'une loi même si il sait qu'elle a de gros défaut, et sait qu'il ne pourra réellement l'amender, ou la rejeter, du fait de l'absentéisme, le texte est adopté.
Le parlement ne sert alors que de chambre d'enregistrement.
Et ne comptons pas sur le conseil des ministres pour avoir une décision forcément sage. Les ministres suivent souvent ou aveuglément la position de la commission. Ou bien des échanges d'intérêts entre eux leur font prendre des décisions totalement loin des voeux des peuples.
Je sais que j'évoque toujours cet exemple, mais ayant suivi la vie de la directive sur les brevets logiciels sur plusieurs années, j'ai vu un parlement où les seuls députés (de tout bord politique) qui s'intéressent vraiment à la question ont trouvé la directive inacceptable et sont parvenus à l'amender à la majorité des présents. Le texte est ensuite adopté par le parlement. Le commissaire demande aux conseils de ministres un retoquage, et ceux ci voit cinq à six tentatives (une par mois) de retoquage, à chaque fois quelques pays s'opposent, partageant les mêmes inquiétudes que le parlement sur le texte de la commission et trouvant inacceptable notamment que le sujet soit évoqué dans des conseils de ministres sur la pêche, l'agriculture, ou de l'intérieur... Finalement début mars le retoquage est accepté, dans un conseil des ministres de l'agriculture, après une protestation d'un des pays. On apprendra plus tard que en fait, l'accord d'un des derniers pays protestataires avait été obtenu en diner l'avant veille, et que la protestation n'était que théâtre pour son opinion publique.
En somme les inquiétudes des parlements, des moyennes et petites entreprises directement concernées qui pourront se faire asphyxier comme cela a lieu aux Etats-Unis (par une somme de brevets plus ou moins idiots (*) des géants informatiques qui mettent les plus petites sous la menace ou parfois le feu d'une avalanche de procès injustifié), les pétitions de centaines de milliers de gens des milieux informatiques, n'ont pas de poids. Les conseils de ministre préfèrent souvent des échanges d'intérêt ("je vote pour cela si tu votes pour cela") ou suivre l'avis de la commission plutôt que défendre véritablement ce que souhaitent les populations.
Le texte va passer en deuxième lecture au parlement dans les mois qui viennent. Michel Rocard, le nouveau rapporteur (l'ancien avait des liens avec des lobbys qui rendait sa parole peu crédible) de ce projet, se montre assez résigné dans ses déclarations sur les chances de trouver une majorité absolue et estime que les députés se résoudront à l'adoption, à son regret.
Des juristes expliquent ce pessimisme:
"A première vue, il semble que le Parlement européen et le Conseil de l’UE sont égaux dans cette situation mais ce n’est pas tout à fait vrai. Le désavantage pour le Parlement européen est sa deuxième lecture. Lors d’une deuxième lecture, le Parlement ne peut pas proposer de nouveaux amendements. Il peut seulement réaffirmer ceux de la première lecture. Et pour réaffirmer n’importe quel amendement ou pour rejeter entièrement la proposition législative, une majorité absolue de tous les membres du Parlement est requise dans chaque cas. En d’autres termes, toutes les absences et abstentions sont techniquement comptés comme soutiens à la proposition législative du Conseil. Il faut donc une très large majorité au Parlement européen pour accomplir quoi que ce soit en seconde lecture."
Pour finir, un graphisme qui illustre la partie du processus dont je critique les dérives. Le chemin souvent pris lorsqu'il y a désaccord entre le parlement et la commission et que le conseil des ministres sur suggestion de la commission annule entièrement les amendements parlementaires, donnant raison à celle-ci, est vers la jolie case verte en bas à droite. Bien sûr dans le cas d'un sujet qui mobilise les passions, le parlement se mobilisera suffisamment pour ne pas tomber dans la case verte. Mais pour les sujets anonymes ou aux conséquences méconnues des députés, ils sont rares les textes à aller en troisième lecture.
Ce schéma est un extrait du schéma décrivant l'ensemble du processus:
http://www.f1-express.net/perso/codecision.gif (640x905)
http://www.f1-express.net/perso/codecision-big.gif (2384x3370 - taille originale)
Hugues
(*) : brevets idiots : voici quelques brevets idiots qui peuvent parler aux visiteurs du web que vous êtes:
- brevet sur les enchères
- brevet sur le concept de bouton permettant de valider son achat en ligne
- brevet sur la plupart des concepts de la messagerie instantanée
- brevet sur le concept de bouton "Actualiser" des navigateurs d'une page web (le détenteur n'a pas osé pour le moment poursuivre encore ses "contrefacteurs")