Nuvolari a écrit:Mais si en effet internet permet la propagation de fausses nouvelles et de contenus non controlés, il permet aussi l'organisation rapide de réseau grace auquel une action ou des idées politiques pourraient etre soutenues.
Là encore je ne sais trop si cela ne tient pas du mythe. Imagine que le nouvel âge médiatique (celui d'internet donc) noye sous un flux de données. Je crois que cette absence de forme (contrairement à une revue ou un quotidien par exemple) tend à simplifier les enjeux et à diffuser plus ou moins consciemment une idéologie simpliste (le Bien et le Mal).
Autre problème, plus existentiel: cette technologie nous habitue (comme la télévision) à faire venir le monde et les évènements à nous, au lieu de devoir aller vers eux. Ce qui rend si tu veux l'expérience de la réalité extérieure presque superflue. Cela nous prive de l'accès à l'inconnu.
Enfin je ne crois absolument pas à ton argument selon lequel internet pourrait aider à l'organisation de l'action politique (ou même à la propagation d'idées). Comment imaginer que des individus connectés chacun de leur côté puissent concevoir et mener à bien des actions réellement subversives, s'ils ne se connaissent pas au préalable, s'ils ne sont pas unis par d'autres liens que ceux du web, bref: s'ils ne vivent pas ensemble ? La politique concerne des personnes qui vivent ensemble. J'ajoute qu'internet constitue qui plus est un vaste outil de surveillance et donc infiltré par le pouvoir (ou les pouvoirs).
Nuvolari a écrit:en tous cas internet fait sauter bien des frontières et des limites.
C'est exactement ce qui m'inquiète: la volonté de faire sauter les frontières. Moi je crois qu'internet c'est un peu le vide de la société, sa béance. Nos sociétés étaient historiquement organisées par le "vivre ensemble", il nous était donné de vivre avec des personnes que nous n'avions pas vraiment choisi et pour lesquels nous n'éprouvions pas forcément une sympathie particulière. C'est pour cela que se forge la civilité (politesse, codes du voisinage, hospitalité) qui représente la capacité morale de s'accorder avec ceux dont nous partageons l'existence, y compris lorsqu'ils ne nous ressemblent pas.
Nuvolari a écrit:Enfin pour la consommation courante de technologie, on peut toujours s'interroger. mais à l'arrivée on consomme quand meme ce qui est moins cher, donc ce qui a été produit à moindre frais parfois par des gamins. je ne me sent pas un bon citoyen. j'essaie juste parfois de bien me comporter. car comme dit le grand gérard lanvin "si tu te conduis mal, çà en fera un de plus qui fera que tout le systéme ira mal".
Je ne voulais pas essayer de te donner mauvaise conscience hein! Mais il est vrai qu'il est difficile aujourd'hui de vivre la conscience tranquille. Pour autant la mauvaise conscience occidentale est une formule creuse.
Nuvolari a écrit:je ne dis pas que le monde va bien et que tout est parfait. je trouve bien des dérives actuelles très inquiétantes pour le futur.
seulement je ne peux pas partager ton point de vue sur le soi disant libéralisme cause de tous les malheurs. ou comme si même une démocratie capitaliste avec des sociaux-démocrates au pouvoir, c'est la meme chose. aucun systeme n'est parfait. celui là tient. et nous reserves plus de liberté effective que le communisme. (je sais sur ce point que tu n'es pas d'accord).
si ce systeme doit finire il finira. ce que je regrette profondemment à l'heure actuelle c'est l'absence d'un homme politique d'un niveau disons, supérieur. un vrai juste qui a lui seul provoque le mouvement. je dois rever

Je ne crois pas que le libéralisme nous laisse une quelconque liberté: au contraire, on est mieux tenu que dans tout autre système. C'est sans doute pour ça aussi que la contestation est la plus difficile. Difficile de critiquer une société qui nous apporte des "bénéfices"? Chacun de se dire qu'il faut bien vivre.
Je te renvoie à la base du socialisme: comme le contraire de l'individualisme absolu sous tendu par la société industrielle. C'est ainsi que s'est construit le socialisme ouvrier et populaire (le seul digne de ce nom de socialisme à mes yeux). C'est un rapport très critique à la modernité, et avant tout à son atomisation des êtres humains. Les socialistes souhaitaient se protéger contre les effets déshumanisants du libéralisme industriel et technique, afin de maintenir un "monde commun". La force du socialisme, c'est qu'il reprenait à son compte l'idée d'une égalité universelle, tout en veillant à lui donner le caractère le plus concret possible. Comment alors aujourd'hui réapprendre à faire de la politique, à discuter en collectivité (restreinte et non informe) des besoins et des aspirations de chacun, des règles que l'on veut se donner pour vivre ensemble. Cela implique de fait de combattre à la fois l'individualisme libéral et l'emprise de la société (y compris de l'état) sur l'individu, qui sont les deux faces de la meme pièce.
Diffuser le sentiment que nous ne gagnons rien (ou si peu) à posséder ce que cette société nous offre en échange de notre soumission, tous ces petits appareils qui en réalité nous aliènent à nous-mêmes et à nos proches, font de nous de petits atomes, de dérisoires noeuds de réseaux, sans prise sur la masse que nous formons avec tous nos concitoyens, nos semblables.
Diffuser aussi la conviction que la science et la technique ne sont utiles qu'à la marge, pour affronter les questions qui se sont toujours posées à l'homme: la subsistance, la maladie, la mort, la souffrance. Et que ce n'est pas en construisant un monde de plus en plus inhumain et virtuel qu'on saura mieux y répondre.
Il faut envisager un chemin au milieu du brouillard.
Silverwitch