Notez que si j'écris partie la plus intégriste, sectaire, ça ne veut pas dire comme souvent quand on emploie ces mots qu'elle est une partie minoritaire... Elle est au contraire ici une partie très largement majoritaires, puisque cette croyance fut un des ciments de cette religion.
Le Seigneur dit à Abram : « Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, et va vers le pays que je te montrerai.
——— Genèse 12:1
Le Seigneur apparut à Abram et dit : « À ta descendance je donnerai ce pays. » Et là, Abram bâtit un autel au Seigneur qui lui était apparu.
——— Genèse 12:7
Puis il dit : « Je suis le Seigneur, qui t’ai fait sortir d’Our en Chaldée pour te donner ce pays en héritage. »
——— Genèse 15:7
Ce jour-là, le Seigneur conclut une alliance avec Abram en ces termes : « À ta descendance je donne le pays que voici, depuis le Torrent d’Égypte jusqu’au Grand Fleuve, l’Euphrate, soit le pays des Qénites, des Qenizzites, des Qadmonites, des Hittites, des Perizzites, des Refaïtes, des Amorites, des Cananéens, des Guirgashites et des Jébuséens. »
——— Genèse 15:18-21
Le Seigneur lui apparut et dit : « Ne descends pas en Égypte, mais demeure dans le pays que je t’indiquerai ;
séjourne dans ce pays ; je serai avec toi et je te bénirai, car, à toi et à ta descendance, je donnerai tous ces pays. Je tiendrai le serment que j’ai prêté à Abraham, ton père.
Je rendrai ta descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel et je lui donnerai tous ces pays ; c’est par ta descendance que se béniront toutes les nations de la terre,
puisque Abraham a écouté ma voix et qu’il a gardé mes observances, mes commandements, mes décrets et mes lois. »
——— Genèse 26:2-5
Le Seigneur se tenait près de lui. Il dit : « Je suis le Seigneur, le Dieu d’Abraham ton père, le Dieu d’Isaac. La terre sur laquelle tu es couché, je te la donne, à toi et à tes descendants.
——— Genèse 28:13
Je fixerai tes frontières ainsi : de la mer des Roseaux à la Méditerranée, et du désert au Fleuve. Je livrerai entre vos mains les habitants du pays, et tu les chasseras devant toi.
——— Exode 23:31
Le Seigneur parla à Moïse. Il dit :
« Ordonne ceci aux fils d’Israël. Tu leur diras : Vous allez entrer dans le pays de Canaan. C’est le pays qui vous est échu en héritage, le pays de Canaan, à l’intérieur des frontières que voici.
Votre frontière sud, c’est-à-dire du Néguev, se trouve du côté du désert de Cine qui confine à Édom : à l’est, cette frontière sud part de l’extrémité de la mer Morte ;
la frontière oblique alors au sud vers la montée des Aqrabbim et passe à Cine pour aboutir, venant du sud, à Cadès-Barnéa, pour repartir vers Haçar-Addar et passer par Asmone ;
contournant Asmone, la frontière oblique vers le Torrent d’Égypte et aboutit à la mer.
Votre frontière ouest sera la mer Méditerranée ; celle-ci sera votre frontière maritime.
Et voici quelle sera votre frontière nord : de la Méditerranée, vous tracerez une ligne vers Hor-la-Montagne.
De Hor-la-Montagne, vous tracerez une ligne en direction de l’Entrée-de-Hamath, et la frontière aboutira à Cedâd ;
puis elle ira jusqu’à Zifrone ; enfin elle aboutira à Haçar-Einane. Telle sera votre frontière nord.
Ensuite vous tracerez une ligne pour votre frontière orientale depuis Haçar-Einane jusqu’à Shefâm.
La frontière descendra de Shefâm à Ribla, à l’est de Aïn, puis elle descendra jusqu’à atteindre les collines de la mer de Kinnèreth, à l’est.
Enfin, la frontière descend vers le Jourdain et aboutit à la mer Morte. Tel sera votre pays, limité tout autour par ses frontières. »
——— Nombres 34:1-12
Le Seigneur notre Dieu nous a parlé à l’Horeb. Il nous a dit : « Vous êtes restés assez longtemps sur cette montagne.
Repartez, pénétrez dans la montagne des Amorites et allez chez tous leurs voisins, dans la Araba, la Montagne, le Bas-Pays, le Néguev et au bord de la mer Méditerranée, dans le pays des Cananéens et au Liban, jusqu’au grand fleuve, l’Euphrate.
Voyez : Je mets ce pays devant vos yeux. Allez donc prendre possession du pays que le Seigneur a juré à vos pères Abraham, Isaac et Jacob, de leur donner à eux ainsi qu’à leurs descendants. »
——— Deutéronome 1:6-8
C’est pourquoi je te le commande : « Tu mettras à part trois villes. »
Et si le Seigneur ton Dieu élargit ton territoire, comme il l’a juré à tes pères, et te donne tout le pays qu’il leur a promis,
pourvu que tu observes et pratiques tout ce commandement que je te prescris aujourd’hui : aimer le Seigneur et marcher tous les jours sur ses chemins – si donc le Seigneur élargit ton territoire, tu ajouteras encore trois villes aux trois premières.
——— Deutéronome 19:7-9
C'est bien joli... mais bon qui a écrit toutes ces prétentions.
Si l'on en suit la mythologie, c'est Moïse, qui est l'auteur des 5 livres de la Torah, sous la dictée du Tout-Puissant dans le Sinaï.
Mais, problème, comme je l'écris, c'est mythologique.
Qu'est-ce que ça veut exactement dire mythologique: il y a trois niveaux dans les écrits relatant des faits qui se veulent historiques... l'historique: les faits sont avérés... le légendaire: l'historicité des personnages est avérée mais on leur prête des faits fantasmés, mêlés à quelques plus rares faits historiques... et le mythologique: les personnage n'a aucune existence historique, tout comme évidemment les faits, et le rôle de cet écrit est de donner une leçon morale ou de justifier des traditions. Par exemple, le Roi Arthur, les chercheurs en histoire hésitent entre le légendaire et le mythologique, car l'historicité, c'est à dire l'existence véritable n'est pas entièrement écartée, il y a des hypothèses sur son identité possible. Si il a vraiment existé, ses accomplissements magiques sont bien entendus légendaires... En revanche Ulysse et son Odyssée, c'est de la mythologie (et pas seulement parce que on le classifie dans "mythologie grecque")
Qui a donc écrit ces cinq livres de la Torah alors, historiquement. Il y a une généalogie de plusieurs auteurs qui vont intervenir au cours des siècles sur ces écritd et ces auteurs vont intervenir sur les 5 livres à la fois, pas sur un seul. C'est donc un enchevêtrement d'auteurs.
Et qui a donc écrit les passages que je cite?
Les passages dans
Genèse 12:1, Genèse 12:7, Genèse 15:7, Genèse 15:18-21, Genèse 26:2-5, Genèse 28:13
sont du même auteur (ou groupe d'auteur) et datent de la déportation à Babylone (soit bien après la supposée vie de Moïse), au VIe siècle avant notre ère.
Notez bien que je dis les passages car les cinq livres sont des compilations de plusieurs écrits ... Tous les versets dans le même livre et même dans le même chapitre n'a pas forcément été écrit par le même auteur (ou groupe d'auteur).
C'est doublement important cette datation de la déportation à Babylone, car elle explique pourquoi ce récit a été créé et inventé. De quoi s'agit-il: on vous dira "le pauvre peuple hébreux/israelite a une nouvelle fois été déporté de sa terre.. ". En réalité, ce n'est pas une nouvelle fois, c'est la première fois (toutes les déportations précédentes sont mythologiques, l'archéologie le prouve, il y a continuité culturelle, l'exil en Egypte et l'exode n'ont jamais évidemment existé).
Mais ce n'est pas le peuple israélite/hébreux: ce sont les princes, les notables, quelques prêtres... La grande partie des habitants restent en Palestine (oui j'appelle ça comme ça). Et les déportés sont bien traités, traités comme des princes, ayant droit aux honneurs de leur rang social etc... ils sont juste loin de leur endroit de naissance, mais dans des palais...
Et pendant que le peuple (le vrai; appelez le comme vous voulez, hébreux ou cananéen puisque bah désolé pour la légende de pureé mais on se mélange entre conquis et conquérant - mais plus encore parce que l'archéologie ne sait pas si les hébreux ont conquis les cananéens ou si en fait c'est le même peuple sous deux noms et deux époques différents)
continue de vivre en Palestine (et de prier je ne sais qu'elle pré ou proto-religion judaïque, où les noms de la Torah n'existent probablement pas), les notables et les princes espèrent revenir là où ils sont nés (ou bien là où les parents sont nés, puisqu'il y a une descendance, comme c'est assez loin) mais surtout reprendre leur pouvoir, reprendre leur position sociale, récupérer leurs possessions.
Par ailleurs, alors que l'exil a eu lieu du fait de la conquête par l'Empire chaldéien et Nabuchodonosor II de la Palestine et son rattachement à l'Empire, quand l'Empire chute sous les coups de boutoir de Cyrus II de Perse (rattachant donc alors la Palestine à l'Empire Perse), Cyrus II va décider de deux choses successives: d'abord il aime la décentralisation, chaque peuple va se diriger localement en autonomie, y compris les notables exilés... Il demande donc aux conquis et donc aux notables exilés à Babylone de rédiger des textes de lois (éventuellement, et c'est important, justifié par le divin, des textes similaires, rattachés à d'autres croyances ont été écrit au même moment)...
Vous comprenez bien que les exilés qui rêves de reprendre leurs propriétés et leur pouvoir, vont écrire des textes basé sur leur pratique religieuse qui justifient de leur droit divin à ces propriétés..
Par ailleurs, par ces textes, il s'agit de dire aussi à l'Empire dominant qu'ils revendiquent le pouvoir dans ces contrées, en revendiquant qu'ils sont une légitimité ancienne, divine sur ces terre.
Bref il yu a une double raison à l'expression dans ces écrits de cette terre héritée de Dieu et c'est lié au contexte historique, il s'agit afin de pouvoir récupérer terres, possessions et position sociale, de revendiquer des terres au nom d'un divin mythologique, comme le feront deux millénaires et demi plus tard d'autres gens toujours au nom des mêmes écrits (c'est d'autant plus convaincants que comme la grande majorité des prêtres ont été exilés aussi, ils peuvent toujours revenir et dire à ceux rester en Palestine: vous étiez pas au courant que c'était de droit divin... ah mais pasque vous êtes pas prêtres.. mais ça a toujours été comme ça ...
Seulement pendant un moment, ces lois ne s'appliquent qu'au notable eux même (c'est à dire les rédacteurs eux mêmes) puisque bah le peuple bah il est toujorus en Palestine ... Les exilés qui se sentent en confiance avec Cyrus II lui expliquent donc la situation, c'est bien joli, on veut bien participer à l'organisation de l'Empire avec ces écrits POLITIQUES et LEGISLATIFS inspirés de notre pratique religieuse, mais bon hein si le peuple est pas là ça va pas fonctionner. Et Cyrus II publie un décret (c'est là la deuxième décision) indiquant qu'ils sont libre de leur mouvement et libre de leur retour (qui pour la grosse majorité ne s'effectuera que une à deux dizaines d'année, car c'est un voyage qui se prépare)
Au retour, on le sait par des preuves archéologiques, notamment quelques textes (soit hébreux/cananéens, soit égyptiens et autres peuples voisins), il va y avoir des tensions, des casus belli entre les pratiques religieuses anciennes des gens restés en Palestine et des novuelles qui arrivent avec les notables, les princes et les prêtres, car certains ont très bien compris que c'est une modification politique de leur pratique religieuse qui a eu lieu, pour des raisons politiques et des intérêts particuliers (oui déjà la bourgeoisie..)
Il reste les autres passages évoqués.
Exode 23:31 il y a trois hypothèses sur son auteur... soit une source parallèle écrite aussi en exil à Babylone (après tout bah quand on travaille sue un projet littéraire/législatif, il peut y avoir plusieurs projets en préparation...), soit une source parallèle, mais après le retour d'exil en Palestine, et qui s'inspire des ajouts décidés à Babylone.
Soit enfin ce n'est pas un auteur. Par auteur j'entends quoi: quelqu'un (ou un groupe de quelqu'un) qui a rédigé des centaines ou milliers de versets.
Bref, les écrits qu'on attribuait à ce second auteur de Babylone ou juste après Babylone, maintenant sont parfois remis en cause et serait en fait une compilations d'ajout anonyme sans un même auteur.
Mais peu importe dans les deux cas c'est soit parallèle à la rédaction des textes à Babylone soit postérieur...
Il reste donc trois passages à évoquer:
Nombres 34:1-12
Deutéronome 1:6-8
Deutéronome 19:7-9
Après donc les écrits de l'auteur 1 et l'auteur 2 précédemment évoqué (ou les fragments anonymes 2), on sait quelqu'un va les compiler enemble (on va l'appeler compilateur 3 ou auteur 3), en faisant juste quelques coutures des textes (ce qui n'empêche pas les répétitions ou les inconsistances)
Plus tard le moment est difficile à juger exactement, mais c'est donc nécessairement postérieur, un auteur 4, qui a des connaissances théologiques, sans doute donc un prêtre (il a l'air de bien connaître certains livres de prophètes postérieurs à Babylone, puisqu'il rajoute des allusions à ces textes en quelques endroits, laissant dire que "wow Moïse avait tout prévu, c'est forcément d'héritage divin") intervient pour modifier les textes du compilateur 3 et rajouter des écrits...
C'est lui qui est l'auteur de Nombres 34:1-12 (et pas que de ça de plein de versets dans les cinq livres)
En parallèle quelqu'un (c'est même plus compliqué je vais détailler) qu'on va appeler auteur 5 va lui aussi reprendre les écrits du compilateur 3.
Identiquement, ce quelqu'un (c'est plus compliqué je l'ai dit) a certaines connaissances historiques (il connait bien les VIIIe, VIIe, VIe, et Ve siècle avant notre ère à travers les ajouts dont il est l'auteur, on le sait aussi à son vocabulaire qu'il est certainement du IVe siècle ou postérieur) va modifier le travail de 3.
C'est de lui que vient toute la théologie de l'Alliance (et des textes qui la formalise, comme le Deuteronome dont il est presque l'auteur entier, éh oui toujours pas Moïse) et de Peuple Elu (dans le sens plus poussé que la simple promesse d'une terre)
Bon j'ai dis que c'était plus compliqué. En réalité il y a surement deux voire trois auteurs sur cette branche, l'un rédige donc ce Deuteronome (mais aussi d'autres ajouts dans d'autres livres et possiblement - à moins que ce soit un auteur qui s'en inspire - il est l'auteur des livres - qui ne font pas partie de la Torah - de Joshua, des Juges, de Samuel, et des Rois), et un autre auteur va mêler soit ses propres rajouts à cette source soit des textes d'un autre..
Bon là encore on a donc du postérieur à Babylone... de toute façon..
Bon ensuite vous l'imaginez, il faudra bien mélanger l'auteur 4 et l'auteur 5 puisqu'on est je le rappelle dans deux évolutions parallèles des textes... mais bon c'est une autre histoire (et qui n'a pas tellement d'intérêt dans notre discussion de "Terre Promise" et qui est en fait un peu plus compliquée, mais bon on s'en fout)
Donc en résumé qu'est-ce qu'on a :
une bourgeoisie (partiellement aristocratique) exilée, qui par intérêt personnel mais aussi à la demande de l'occupant qui encourage à participer à la rédaction de législations locales, s'écrit pour elle-même une propriété et une domination de droit divin pour récupérer sa position sociale et surtout ses richesses et propriétés
et des textes qui vont s'inspirer sans doute naïvement et non cyniquement comme vrai de ces textes...
(Et de nos jours soit des gens qui naïvement - ce qui n'empêche pas l'inhumanité, car il faut en avoir une certaine pour au nom d'une croyance faire subir de telles choses à autrui- continuent d'e croire et d'appliquer ces textes, soit des gens qui cyniquement continuent de s'en servir comme un simple prétexte de pouvoir)
Tout ne semble donc que répétition, non seulement sur la revendication de cette Terre, revendication cyniquement politique... mais aussi répétition semble-t-il éternelle des revendications bourgeoises.
Hugues
PS: Ca c'était pour abattre une première fondation. Dans un prochain épisode (je ne sais quand), on s'attaquera (et en la faisant exploser de partout, pas qu'une simple fois, que nenni) à une autre fondation, la légitimité héréditaire (que de toute façon personne n'a jamais utilisé dans l'histoire: les indigènes d'Amérique sont ils revenus en Asie pour affirmer "oui mais il y a 10000 ans nos ancêtres vivaient ici"... Napoléon quand il a conquis l'Est de l'Europe l'a-t-il fait en disant "oui mais avant les Francs ils vivaient par là alors on a le droit"... Et les Anglais ont ils été faire un tour en Suède en disant "oui mais bon hein avant on venait de Normandie et avant les Normands ont une part d'hérédité vikings donc ici c'est chez nous") mais bon on supposera que cette bêtise a tout de même une légitimité, et on montrera comment même en supposant que de telles prétentions sont légitimes tout s'effondre quand même.
NB: Au début je pensais mettre les textes hébreux en parallèle de la traduction, mais finalement ça fait un gros pavé et rend les choses un peu plus illisible inutilement. Par ailleurs sur la traduction, j'aurais bien voulu utiliser une oecuménique (bah oui c'est mieux de pas prendre trop parti), mais celle a laquelle j'ai accès est datée dans son expression et a parfois quelques problèmes justement dans ces passages... et la moderne je n'y ai pas accès. Donc ici est utilisée la traduction liturgique catholique, car elle a été révisée assez récemment. Oui c'est un peu étrange d'utiliser une source catholique mais à ma connaissance ces passages ne souffrent d'aucune contestation de traduction... (contrairement à d'autres passages où il y a des casus belli)