Cortese a écrit:Alors que reproche t-on au juste à cette pauvre Natalie Portman ? Elle joue mal ? Si c'est un spectre elle n'a pas besoin de jouer, ni bien ni mal. C'est ce que déplorait mon copain : on lui demandait de ne pas jouer, de ne pas exister en tant que professionnel quoi. Si c'était pour "jouer" le rôle d'un garçon de café qu'on l'avait payé on aurait pu recruter avantageusement le premier garçon de café du coin venu.
Oui, enfin pas particulièrement bien ou mal, d'ailleurs. Je ne lui reproche rien, à quoi bon blâmer un caillou d'être perdu au milieu des autres ? En revanche, si je peux me permettre, ce que supportait mal ton copain acteur, c'est de s'apercevoir qu'il pouvait effectivement parfois être remplacé par le premier venu, par un acteur
sans métier, par un amateur qui a la gueule de l'emploi ou par un plus charismatique.
Pour
être un bon acteur, le métier est souvent sans intérêt, le travail un pis aller, la technique une sale manie.
Cortese a écrit:Enfin, j'en parle en tant qu'ilote, mais personnellement ce que je vois dans l'extrait de My Darling Clementine, c'est que tous les personnages y sont stéréotypés (même pour 1946), ce sont des caricatures (ce qui fait mes délices, tout comme il faisait les délices de mon père et on n'était surement pas les seuls). Ils n'échappent donc pas au schématisme du théâtre classique, et je crois que ce schématisme est indispensable au jeu à trois entre les acteurs le réalisateur et le spectateur.
Oui, absolument, le cinéma est un art de représentation, caricatures, schémas, tout ce que tu veux, sont des accélérateurs de fiction et d'identification pour le spectateur.
Cortese a écrit: Le cinéma est une équation à trois inconnues au lieu de deux au théatre, mais sur le fond ça ne change pas grand chose.
En fait ça change beaucoup de choses pour la place de l'acteur (plus que pour celle du spectateur), mais ça serait un peu long.
Cortese a écrit:Pourquoi faire des films de fiction si on a la rage du réalisme jusqu'au boutiste ? Autant tourner des documentaires animaliers. C'est passionnant l'éthologie. L'autre j'écoutais Tobie Nathan faire le lien entre le Freud de la deuxième partie (que je ne m'étais jamais expliqué) de "L'Homme Moïse" et les dernières recherches en éthologie. C'est donne quand même moins envie de bailler qu'une Palme d'Or standard (j'ai failli écrire stéréotypée).
Le réalisme en tant qu'esthétique ou procédé peut être un "déguisement mensonger" du réel. Car enfin, reprenons: si le réalisme est un piège, ce n'est pas qu'il s'approcherait trop du réel (ce vers quoi l'on va) mais plutôt en ce qu'il nous en éloigne (la réalité qui s'impose à nous). La représentation part du cliché, si tu veux, pour approcher le réel, le vrai et l'universel. Comment d'un corps singulier (celui de Henry Fonda ou de Maureen O'Hara) accéder à l'universalité de l'être humain, sa royauté comme on dit dans un français un peu éteint.
Les mauvais acteurs font écran (ils sont assez rares, malgré tout), les grands acteurs ouvrent infiniment pour accueillir chacun des spectateurs. Et le travail n'y fera rien. Dès l'enfance, dès l'adolescence, un gamin sera formidable sans rien y faire, et toute sa vie, son jeu ressemblera à celui de ses premiers films, car enfin au cinéma, jouer ou ne pas jouer n'a guère d'importance (y compris pour les seconds rôles, c'est une affaire d'écriture), il faut être, il faut paraître, il faut apparaître. Que pouvons-nous y faire ? Rien du tout. Sinon blâmer les scénaristes, les réalisateurs, à qui l'on demande le travail, l'imagination. L'acteur est une bulle de savon. S'il veut croire à ses préparations mentales, au charabia, aux gris gris, si ça l'aide à mieux être identique à lui-même, tant mieux pour les spectateurs. Tant pis pour Natalie Portman, et les gentils aspirants acteurs qui croient sincèrement qu'elle peut leur transmettre un pouvoir, une leçon ou un talent qu'elle serait bien incapable de nommer, non pas tant parce qu'il lui fait défaut, mais parce qu'il ne se partage ni ne se transmet au cinéma.