Shunt a écrit:oz.1 a écrit:Non, t'as raison, The Big Lebowski, LSDA, Pulp Fiction sont des films à message social et politique, des réflexions philosophiques de haut vol.
Pour Pulp Fiction, c'est très imparfait, mais il y a des choses intéressantes à capter qui n'ont rien d'anodin (notamment à la fin lorsque Samuel L.Jackson revient en monologue sur la citation du livre d'Ezechiel dans la Bible). C'est amusant d'ailleurs de noter les références constantes que fait Tarantino à la bible et à la religion chrétienne (Dieu/Marcelus Wallace ; la femme, la tentation et le pêché ; l'intervention des anges protecteurs - Eric Stolz et Harvey Keitel ), le tout reboutiqué à la sauce ketchup avec les codes de la subculture US.
Pour The Big Lebowski, tend un peu l'oreil sur la séquence où Jeff Bridges est au pieu avec Julian Moore et s'attarde sur ses souvenirs d'étudiants gaucho engagé (c'est d'ailleurs le moment où il est le plus prolixe mais aussi le plus grave de tout le film)... mais comme l'a dit cétérouge, ce n'est pas seulement un film sur le rêve brisé de la génération du "baby boom", c'est un film sur la mort du rêve américain (d'ailleurs le fait de replacer le film au début des années 90, au moment de la Guerre du Golfe, n'est pas innocent).
Quant au Seigneur des Anneaux, le dilemme qui tiraille quasiment chaque personnage (action/résignation) est suffisamment explicite pour comprendre l'idée force du film qui est aussi celle du bouquin. Maintenant je n'ai pas dit que c'était non plus ce qu'il y avait de plus transcendant en matière de pensée et de réflexion, mais on est quand même à cent lieues du film d'action tout bébête... surement moins foireux et pompeux en tout cas que le blabla mystico "new age" dont sont enrobés Matrix et ses suites.
Oh, il y a plein de choses intéressante dans LSDA. J'ai déjà parlé de la description, qui me paraît vraiment intéressante, de la relation de l'homme au pouvoir.
Il y a aussi le dialogue de Merry et Pippin chez les Ents. Lorsque Sylvebarbe leur dit : "Il vous reste la Comté", Pippin est plutôt d'accord. Après tout, la bataille des hommes contre le Mordor, en quoi ça concerne les Hobbits ? Et Merry lui explique que ce n'est pas aussi simple, que si les hommes sont défaits par le seigneur des ténèbres, alors il n'y aura plus de Comté non plus.
Est-ce que ce n'est pas une réflexion intéressante dans le contexte international actuel ? L'occident pense ne plus connaître de guerres sur son territoire, il se sent à l'abri, raison pour laquelle un certain nombre de personnes se dit : "Après tout, pourquoi nous faire suer à aller régler des conflits à pétaouchnoque ? Des conflits qui ne nous concernent pas ?" Et la réponse arrive sous la forme de quatre avions dans ta gueule : "Parce que laisser casser la gueule à ton voisin, c'est te mettre en danger aussi, et plus vite que tu ne le crois..."
Par contre, pour Pulp Fiction, j'avoue que je ne vois pas ce qu'il y a à en retirer. Qu'il y ait des clins d'oeil à ci et à ça, peut-être. Qu'on reconnaisse ces clins d'oeil, c'est bien, ça nous donne le sentiment d'en être : J'ai compris à quoi tu faisais allusion Quentin... ce qu'on est cultivés tous les deux quand même !!!

Mais quelle matière à réflexion y a-t-il dans le film ? Quel éclairage nouveau sur telle ou telle chose ? C'est ça que j'aimerais comprendre...
Et pour Matrix, je suis assez d'accord avec Oz, il y a aussi des choses très intéressantes. Par exemple, la notion de choix en tant qu'instrument de domination.
Pour que les hommes accèptent la Matrice (ou en tous cas la plupart d'entre eux) il a fallu que les machines leur donnent l'illusion de faire des choix, conduisant à un déséquilibre cyclique qui est la raison d'être de Neo. Mais Neo lui-même n'est-il pas manipulé par l'Oracle à travers de choix fictifs : Ta vie ou celle de Morpheus dans le 1, la porte de droite ou celle de gauche dans le 2. Des choix qui n'en sont pas vraiment : Dans le 1 il choisit de se sacrifier, mais il ne peut pas mourir, dans le 2 il choisit de sauver Trinity, mais l'architecte le lui dit... de toute façon elle mourra... dont acte dans le 3.
Ca me rappelle un bouquin très intéressant, qui s'appelle Treblinka, écrit par un juif qui se posait la question suivante : Comment x millions de juifs ont pu se laisser conduire à l'abattoir comme des veaux par quelques milliers d'allemands ? Et l'une des réponses qu'il trouve, c'est que les allemands ont maîtrisé à la perfection la technique du choix illusoire. Tant qu'il y avait un choix, il y avait un espoir d'en réchapper, de faire le bon choix, d'être plus intelligent que la moyenne, et puis le juif était aussi très occupé... à se demander quel choix il devait faire. Donc Faux espoir + Illusion de pouvoir être plus malin que les autres + Réflexion fébrile sur ce qu'il convient de faire = Pas de révolte. Raison pour laquelle il y a eu très peu de soulèvements dans les ghettos ou les camps d'extermination, pas pour une quelconque lâcheté, parce que les gens avaient été dupés.
Donc pour maintenir un peuple entier sous sa coupe, il suffit de lui proposer des choix illusoires, avec une seule issue : Celle qu'on a choisie... Troublant, non, quand on voit comment se sont passées les dernières élections en France ? Qui ont porté au pouvoir à une majorité écrasante un Président que très peu de gens auraient réellement choisi...
Mais ce que je trouve très bien dans Matrix, c'est que c'est un film à la Walt Disney : A plusieurs niveaux. On peut aller le voir pour les belles scènes de combat. On peut aller le voir pour l'histoire d'amour entre Neo et Trinity. Mais si on a envie de se creuser un peu la cervelle, il y a aussi matière à réflexion, il pose des questions, et il ne donne pas les réponses, ce qui est bien agréable...
Parce qu'un truc qui m'énerve particulièrement, c'est le film qui t'enfonce dans la gorge l'opinion du ou des personnes qui l'ont fait, celui qui te dit ce qu'il faut penser, comment il faut voir les choses, au lieu de proposer un éclairage et de poser des questions en laissant le spectateur y répondre.
Et ce qui m'agace, aussi (décidément !), c'est les trucs où pour apprécier le film, il faut tout de suite avoir lu Kant, Descartes, Spinoza, etc... Il me semble qu'un film vraiment réussi est celui qui peut être perçu à plusieurs niveaux, non ?
Amicalement,
Lucky