Or doncques...
C'était vraiment la dernière séance, ou presque. Le petit et sympathique cinéma l'Eden, va fermer définitivement ses portes mardi prochain, donc une des toutes dernières séances. Pas assez de spectateurs... Le Réunionnais n'aime sortir vraiment que pour les picniks et le camping. Pour le reste, il est plutôt casanier.
Une 20aine de spectateurs tout de même ! j'attendais moins. Un mardi, tard le soir...
Puis le film.
Voyons voir...
Bon, déjà un truc, ce n'est pas "La grande vadrouille", ni "Les Charlots font du ski", ou je sais pas quoi.
Ce n'est clairement pas un film comique !
Ne comptez pas sur moi pour une approche technique. De plus, j'ai évité de lire les comptes rendus de Silver et certains autres, pour pas être influencé, comme qui dirait ! Et donc en parler simplement, basiquement, brut de décoffrage.
Et c'est difficile ! Parce qu'il n'y a pas à proprement parler de récit. C'est une sorte de documentaire métaphysique. Un "truc" ésotérique. Bourré de symbolisme. Le problème, déjà, c'est avoir les clefs pour décrypter, donc bien connaître le gars Malik. Ce qui n'est pas mon cas. Du coup, j'ai décidé , l'oeuvre n'appartenant plus à l'artiste dès lors qu'il la jette dans l'arène publique, d'en faire à ma tête et d'interpréter à ma guise.
Alors ça parle de quoi ?
En fait, l'affaire est simple. C'est un "questionnement métaphysique modèle courant". En vrac, Dieu, le bien, le mal, la douleur, la grâce, la nature, et toutes ce sortes de choses. Ceci dit, l'approche intéressante, c'est le constant parallèle entre la vie prosaïque d'une famille américaine ultra conventionnelle, donc une quotidienneté banale, et l'absolu divin. Grand écart assuré, mais évident. C'est notre condition à tous : des êtres "quelconques" même si "singuliers", mais nécessairement confrontés à l'absolu, que cela nous plaise ou non.
Donc, une famille banale. Soudain, malheureusement, mais banalement, confrontée à une douleur totale. La perte d'un enfant.
Puis, à travers le garçon aîné (peut-être le cinéaste ?... mais peu importe), le questionnement est là. Pourquoi me demandes-tu d'être bon, alors que toi (Dieu) tu ne l'es pas... Je vous le disais, des questions métaphysiques courantes, mais importantes pour un croyant (on est en terrain connu). Alors, l'auteur nous fait faire un grand voyage. Celui de la création, de l'évolution. Un voyage qui nous montre la nature, dans sa fureur cosmique, dans sa beauté insoutenable, écrasante... On mesure alors le hiatus qui nous sépare de Dieu (qui est pourtant si proche, car nous participons de lui, du point de vue du croyant, etc.). Lui, infini, absolu, et donc au-delà du bien et du mal (important, ça), puisqu'Il les a créé, et nous, si petits, si faibles, si désarmés devant la douleur, devant le destin implacable... Et alors, dans ce questionnement même, dans ce voyage initiatique même, le jeune garçon, qui a atteint un âge mûr, découvre ce qui va le sauver, ce qui va faire qu'au-delà de notre faiblesse apparente, il y a en nous une force incroyable, pour peu que nous sachions la comprendre, la laisser entrer en nous, nous envahir... Notre force, c'est l'amour. L'amour n'existe pas dans ce qu'on appelle "la Nature". Il est une création intellectuelle humaine. L'amour, c'est le code de décryptage, la clef, qui nous met en harmonie, en phase, avec l'Absolu, avec l'Infini. L'amour nous fait sentir notre propre part de divinité intrinsèque. Il nous projette loin de notre quotidienneté, loin vers la folie de l'Univers cosmique. L'Amour est une énergie spirituelle puissante, exaltante, à haut rendement, que nous "fabriquons" nous même, en nous.
L'amour salvateur, qui permet de s'ouvrir à la Nature, à la Gràce (la présence de Dieu en nous), les deux voies, vers l'Absolu divin.
Alors Sean Penn enfin, atteint la paix intérieure, qui lui permet de dépasser la douleur, d'admettre la mort, d'accepter que son frère s'éloigne dans un rire apaisé et sympa, vers un au-delà mystérieux, dédramatisé, mais accepté, admis dans la paix. Sean Penn caresse les cheveux de sa mère, qui a participé à lui éclairer la voie. Et avec elle, il regarde et accepte enfin le départ sans retour, du petit garçon mort il y a tant d'années.
L'auteur ne propose pas d'explications, bien sûr. Il n' y en a pas. Il dit seulement qu'il y a une possibilité pour nous d'accepter notre condition humaine, de l'accepter avec harmonie, si nous comprenons au moins que sans amour, la vie est vaine (et si nous comprenons aussi que Dieu est au-delà du bien et du mal, combien même il nous prescrit le Bien... Cela pour les croyants, hein...). Un amour global. Un amour de toute l'humanité. La scène de la plage, durant laquelle Sean Penn se réconcilie avec tout, avec tous, par amour, grâce à l'amour... (paix avec son père, qui était une sorte de petit Dieu sur terre, qui peut faire une chose, et l'interdire à ses créatures...).
L'eau, aussi, constamment présente durant tout le film. L'eau, source de toute vie. L'eau, qui est force de la nature. L'eau purificatrice. L'eau qui révèle la sensualité... Aussi peut-être l'eau sur laquelle semblent marcher les êtres humains... Clin d'oeil christique ? je ne sais pas. Va savoir...
Attention, le film ne s'adresse pas seulement à des croyants. Un athée peut aussi ressentir cette angoisse devant le silence du cosmos, devant l'injustice de la douleur insupportable... L'athée peut aussi trouver une grâce dans l'observation métaphysique de la nature, dans l'amour donnant du sens... Et pourquoi pas, mais cela n'est pas l'objet du film, trouver une voie vers Dieu... (l'auteur n'est absolument pas prosélyte).
Etc etc etc....
Une étrange expérience. Fallait oser mettre tout cela en image, en oeuvre cinématographique, sans récit dramatique classique. Pas mal !
En tout cas, ce film est une sorte d'Ovni inclassable.
Voilà en gros.
Encore une fois, je ne me risquerai pas à un décryptage technique : je ne sais pas ! C'est sûr, pas besoin d'être Silver pour admettre que c'est filmé avec virtuosité. Je crois que même un pékin moyen comme moi peut le constater. Peut-être quelques longueurs, mais comme l'a dit Cortese, on ne s'ennuie pas (ce qui n'est pas évident). Les images de "l'Univers en folie", ne m'ont pas gêné. Elles sont dans le sujet. La grandeur de Dieu, la beauté de la Nature, face à notre petitesse... et tout et tout. Mais Immensité que l'Amour nous permet.... ah... je l'ai déjà dit ?... ok....
Voilà, Monsieur Hugues : MISSION ACCOMPLIE !
PS : maintenant je vais aller lire ce que les "autres" en ont dit !