Fatcap a écrit:
La burqa existe depuis longtemps, mais relève d'une coutume et non pas du culte musulman, comme l'excision. Tu montres une photo, moi j'avancerais Germaine Tillion, qui a passé des mois dans la société très rurale et traditionnelle de l'Amar Khaddou entre les deux guerres, et qui n'a jamais vu le moindre tchador. C'est un truisme que de dire que le niqab et la burqa sont des survivances déterrées par l'islamisme intégriste.
J'ai déjà parlé de cette question en long et en large. Je recommence. Jusqu'à la génération de ma mère (née en 1919), le port du voile (blanc, certes, mais peu différent du "niqab" -un mot inconnu en AfNord, tout comme "burqa" ou "tchador", on disait "haïk") était général. Toutes les femmes le portaient à partir de leurs premières règles. Les paysannes, ne le portent pas certes, pour des raisons pratiques évidentes, elles portent un foulard, et Germaine Tillon parle d'une population particulière, les montagnards berbères, qui n'ont pas été complètement islamisés puisque s'ils sont très pratiquants (la Kabylie est la région d'Algérie à la plus forte concentration de mosquées), ils ont gardé leur droit coutumier : les femmes travaillent mais ont moins de droits que ce que leur accorde le droit islamique. Détail très amusant, les femmes kabyles allaient aux champs avec des robes "seins nus", ce sont les Pères Blancs, sans doute choqués par tant d'impudeur, qui ont inventé ce qui est actuellement connu comme la robe kabyle traditionnelle !
Un évènement très important s'est produit en 1958 : les autorités coloniales françaises avaient organisé un "happening" anti-voile. Ils ont rameuté quelques bougresses qui ont déchiré leur voile devant le Gouvernement Général, en signe de "modernité". Evidemment la population algérienne ne s'y est pas trompé, et du coup le port du voile est devenu pour les Algériennes un signe de combat contre le colonialisme aux côtés de leurs hommes. On peut donc dire que le premier acte de politisation du voile islamique traditionnel est venu des autorités (faussement, puisque coloniales) républicaines françaises.
Dès l'indépendance (qui était en même temps une révolution socialiste) par contre, les femmes ont très majoritairement abandonné le voile, en signe cette fois d'émancipation et d'adhésion au socialisme (qui est l'idéologie la plus proche de l'idéal égalitariste islamique). Mon père était profondément musulman, mais grand admirateur de l'URSS !
Tant que l'idéal socialiste (dans sa version PCF hein, pas ces larves de la SFIO) a perduré, les femmes sont restées dévoilées. Quand il s'est effondré, on est revenu au statu-quo ante, puisque la seule idéologie qui a pu durablement concurrencer l'islam a été le socialisme, les régimes musulmans pro-occidentaux ayant été presque systématiquement les plus tyranniques, arriérés et féodaux (et capitulards face à Israël) : Maroc, Arabie séoudite, Emirats, Koweit...
Pendant ma jeunesse, les seules jeunes femmes voilées étaient... les prostituées ! Du coup, le "haïk" avait un petit côté coquin un peu inattendu !
Tout cela pour dire que le port du voile représente un double rejet : celui des moeurs libérales occidentales (rien à faire, ça passe pas, les musulman(e)s sont très attaché(e)s à la paix sociale obtenue par la codification stricte de la sexualité) et surtout par un rejet de plus en plus radical de la véritable perversion politique des sociétés occidentales modernes, leur violence à l'égard des plus faibles, leur hégémonie, leur avidité, leur cynisme. Je pense que les sociétés occidentales dans leur forme actuelle n'ont aucun avenir. A mon avis les musulmans l'ont confusément senti. Les rats quittent le bateau en quelque sorte.
Pour ce qui est de la prière, pendant toutes les années 60/70, la pratique était faible, les mosquées étaient vides. Aujourd'hui la pratique religieuse en Algérie est quasi généralisée. La prière dans la rue a été interdite pour des raisons de sécurité, mais le pays est couvert de mosquées parfois gigantesques, capables d'accueillir tous les fidèles. Tout comme la France est couverte de cathédrales qui nous semblent aujourd'hui complètement disproprotionnées, mais qui ne l'étaient pas au moment où la messe du dimanche était obligatoire ! La prière du vendredi n'est pas obligatoire, mais c'est la "messe" des musulmans, et elle a le succès spontané qu'on peut voir. Les gens qui prient dans la rue ne sont certainement pas majoritairement intégristes. En Algérie tout le monde pratique et les femmes portent presque toutes le voile, mais les islamistes extrémistes sont à peu près universellement détestés.
Enfin, n'oublions pas que le point de départ de l'islamisme radical a été la première guerre d'Afghanistan (contre l'URSS), et que cet islamisme fanatique a été fabriqué par l'impérialisme anglo-américano-israélien. Il faut être aveugle (ou idiot) pour ne pas le savoir. Aujourd'hui encore la manoeuvre se poursuit sous vos yeux, mais vous ne voulez pas le comprendre. Vous ne voulez pas renoncer à vos préjugés, c'est pourtant le premier pas vers la raison.