LE MONDE a écrit:
03.03.09 | 14h13 • Mis à jour le 03.03.09 | 16h53
Une bataille capitale s'engage avec la transition vers la voiture propre, par Michel Freyssenet
Michel Freyssenet est directeur de recherche CNRS, cofondateur du Gerpisa (Groupe d'études et de recherches permanent sur l'industrie et les salariés de l'automobile).
Livre à paraître : "The Second Automobile Revolution" (Palgrave Macmillan).
Personne ensuite ne semble avoir de modèle ou de référence pour orienter les stratégies ou soutenir les décisions de restructuration. Là où, il y a quinze ans, dirigeants d'entreprise et politiques se convainquaient que le salut passait par la réduction des coûts, la diversification de l'offre, l'accélération du renouvellement des produits, les plates-formes communes et l'investissement dans les pays émergents, on n'observe que des "plans cash", des gels d'investissements, des réductions d'effectifs et des annonces de véhicules plus propres, le tout à un horizon mouvant.
Les difficultés de l'industrie automobile sont antérieures à la crise financière, et elles ne sont pas passagères. Chacun perçoit que ce qui est en cause, c'est le type de développement que l'automobile a connu depuis les années 1980. Le fait par exemple qu'en janvier, il se sera vendu davantage d'automobiles en Chine (748 000, en baisse de 4,6 %) qu'aux Etats-Unis (657 000, en baisse de 37,1 %) signifie deux choses : la demande aux Etats-Unis a été gonflée par un crédit accordé sans retenue, la demande en Chine souffre de la baisse des exportations et des investissements étrangers, ressort essentiel de la croissance chinoise. La crise de l'automobile renvoie à la question de la pertinence des régimes macroéconomiques que la globalisation libérale a engendrés dans le monde.
L'idée selon laquelle il convenait de réduire les coûts en s'approvisionnant toujours plus dans les pays à bas salaires et d'investir dans les pays émergents seuls à même d'offrir la nécessaire croissance des volumes s'inscrivait dans cette vision du monde. Elle devient problématique, au vu de l'effondrement des marchés.
Personne ne sait dire ce qu'est le volume normal de la demande dans chaque région. Les pays émergents comprennent qu'ils ne pourront continuer de se développer dans le nouvel environnement international qu'en compensant les baisses de leurs exportations et des investissements étrangers par une relance de la consommation intérieure grâce à une distribution moins inégalitaire de la richesse. Si tel devait être le cas, pour la Chine par exemple, on sait qu'ils chercheront à privilégier leur propre industrie automobile, dont ils font un des moyens de leur renouveau économique et politique sur la scène internationale.
A ces lourdes interrogations sur l'adéquation des capacités installées et leur répartition dans le monde s'ajoutent celles qui concernent les produits. Le recul inédit des ventes s'accompagne d'une réorientation de la demande non moins radicale. L'importance prise par les light trucks (4 × 4, SUV...) sur le marché nord-américain et l'essor des berlines haut de gamme sur le marché international a correspondu à la croissance des inégalités de revenus et de perspectives d'emploi. Ces inégalités croissantes expliquent la tendance des constructeurs à délocaliser la production des voitures de basse et de moyenne gammes inférieures vers les pays à bas coût pour les rendre accessibles à ceux qui ont vu leurs revenus stagner ou décroître et leur avenir devenir aléatoire. Même cela ne semble pas encore suffisant : il paraît nécessaire de repenser la conception de la voiture pour atteindre le niveau de prix qui rend le véhicule neuf à nouveau achetable pour ces populations, comme en témoigne le succès inattendu de la Logan dans les pays ouest-européens.
Soit la crise conduit à accentuer la tendance à la délocalisation de la production des produits pour les bas et moyens revenus, tendance qui sera dès lors sans fin car elle se nourrit d'elle-même, soit elle contraint au courage politique : revoir la répartition sociale des revenus nationaux et refonder les échanges internationaux sur d'autres bases que le moins-disant social et écologique. Les light trucks et les berlines de gamme supérieure sont par ailleurs les automobiles qui posent le plus de problèmes en termes d'émissions de gaz à effet de serre et de consommation de carburant. La voiture propre peut difficilement être lancée sans que les constructeurs et les pouvoirs publics auxquels ils demandent leur soutien ne s'interrogent sur quels véhicules ils entendent concevoir pour les différentes clientèles.
Ce ne sont en effet ni les mêmes technologies ni les mêmes modèles économiques à mettre en oeuvre selon que l'on envisage des voitures répondant aux seules exigences environnementales et des véhicules prenant en compte par exemple les contraintes des ménages à revenu moyen et bas, que la pression foncière a conduits à habiter loin de leurs lieux de travail.
Une bataille capitale pour l'avenir s'engage avec la transition à l'automobile (plus) propre. Pays et constructeurs commencent à se faire les promoteurs des motorisations alternatives qui les arrangent. Verra-t-on s'installer une cohabitation de solutions en fonction des usages de l'automobile, des régions du monde ou de l'aire d'influence de telle ou telle grande industrie automobile ? Ou bien se formera-t-il une nouvelle coalition, comme celle des constructeurs et des compagnies pétrolières qui a permis au début du XXe siècle que le standard moteur à explosion-pétrole triomphe, rendant l'automobile exportable et utilisable partout dans le monde ?
Ceux qui sauront imposer la ou les solutions viables ne seront pas nécessairement les constructeurs historiques, mais pourront être de nouveaux entrants : fournisseurs d'énergies alternatives, grands équipementiers, constructeurs de pays émergents. Les pays continents très peuplés, comme la Chine et l'Inde, savent qu'ils ne pourront économiquement continuer à développer leur marché et leur industrie automobiles qu'en concevant et produisant des véhicules nécessitant un carburant autre que le pétrole. De grands bouleversements sont en préparation, qui affecteront l'économie, la géographie, la structure, l'emploi et les relations sociales de la future industrie automobile.
Article paru dans l'édition du 04.03.09.
LE MONDE a écrit:
03.03.09 | 14h13 • Mis à jour le 03.03.09 | 16h56
Le marché de l'occasion s'est effondré de 16 % en janvier, un recul historique
Entre racheter une voiture d'occasion ou acquérir une voiture neuve, Muriel B. a vite choisi. Cette célibataire de Charenton-le-Pont (Val-de-Marne), salariée dans une compagnie d'assurances, ne voulait pas d'une voiture de plus de deux ans : entre le bonus écologique, la prime à la casse de 1 000 euros et surtout les rabais faramineux proposés par les constructeurs automobiles, elle a pu acheter un modèle Opel à un peu moins de 8 000 euros. Moins cher que si elle l'avait acheté d'occasion.
"Aujourd'hui, un client a vraiment intérêt à choisir du neuf. En baissant nos prix, on attaque frontalement le marché de l'occasion", indique un concessionnaire de l'Est parisien. Un point de vue partagé par un vendeur de la marque Citroën : "Les modèles d'occasion ne se vendent plus. Nos clients viennent avec leurs vieilles voitures et repartent avec des modèles, plus petits peut-être, mais neufs."
Alors que le marché de l'occasion affichait jusqu'à présent une excellente santé, il donne désormais d'inquiétants signes de faiblesse. En France, 100 000 véhicules supplémentaires ont été vendus entre 2005 et 2007, pour atteindre 5,57 millions d'unités. Mais en 2008, le marché a baissé de 3,2 %, et l'année 2009 s'annonce mal. Selon l'observatoire Cetelem de l'automobile, le marché pourrait bien reculer de 10 %, sous les effets conjugués du bonus écologique et de la prime à la casse.
En janvier, le nombre d'achat de véhicules d'occasion a chuté de 16 % sur le marché français, à un peu moins de 400 000 véhicules. "Un recul historique", affirme Olivier Lamirault, président des concessionnaires au Conseil national des professions de l'automobile (CNPA).
Marché du neuf et marché de l'occasion sont extrêmement liés dans les pays où le taux d'équipement est élevé. C'est le cas de la France, où 80 % des ménages possèdent un véhicule. Lorsqu'un particulier veut acheter une voiture neuve, il vend son véhicule d'occasion. Si ce marché se porte bien, il le vendra rapidement. Dans le cas contraire, les concessionnaires semontreront plus frileux pour le reprendre, ne sachant pas combien ils pourront le revendre. C'est surtout vrai pour les véhicules de moins d'un an, dont les ventes ont reculé de 18 % au mois de janvier.
Le marché de l'occasion souffre également de l'effondrement du marché du 4 × 4 (qui subit de plein fouet le malus) et des véhicules moyen-haut de gamme. Lorsque Daniel C. a voulu revendre son 4 × 4 pour racheter un véhicule neuf, le concessionnaire n'en a même pas voulu. "Les concessionnaires ne reprennent plus les 4 × 4, car ils ne savent pas à quel prix ils pourront les revendre. Ou alors ils les reprennent, mais à des conditions tellement basses que le client préfère attendre pour éviter de perdre de l'argent", explique Flavien Neuvy, responsable de l'observatoire Cetelem de l'automobile.
C'est une tendance de fond : les automobilistes changent moins souvent de véhicules. En 2004, les véhicules de plus de quatre ans représentaient 58,8 % des ventes, en 2007 62 % et en 2008 63 %. "Les voitures sont de plus en plus performantes et de plus en plus fiables. Surtout, les automobilistes roulent de moins en moins - on a perdu 1 000 km par an depuis 1996 - et ils ne courent plus après les dernières technologies", relève M. Neuvy.
La France n'est pas le seul pays touché par la chute du marché de l'occasion. L'Espagne et la Grande-Bretagne le sont aussi ; en Allemagne, le recul est plus important que celui du neuf (- 2,4 % contre - 1,8 %) ; seul le marché italien a bien résisté (- 0,5 %). Mais partout, le marché de l'occasion devrait connaître une année difficile, sous l'effet des plans de relance mis en place dernièrement par les gouvernements pour sauver l'industrie automobile et doper les ventes de véhicules neufs.
Nathalie Brafman
Article paru dans l'édition du 04.03.09.
LE MONDE a écrit:
03.03.09 | 14h13 • Mis à jour le 03.03.09 | 17h16
Toute la filière automobile est touchée de plein fouet
L 'industrie automobile européenne traverse une crise sans précédent. Plus grave que celle de 1992 car, cette fois, elle concerne à la fois l'offre et la demande. "Le pire est en train de se passer", s'alarme Carlos Ghosn, le patron de Renault-Nissan.
Les prévisions de ventes en Europe pour 2009 sont inquiétantes : le marché devrait fléchir de 15 % à 20 %, après une chute de 7,8 % en 2008 à 14,7 millions d'unités. En janvier, les ventes de voitures neuves ont connu le pire depuis 1989, avec un effondrement de 27 %. Dans certains pays, c'est le marasme : - 41,6 % en Espagne, - 32,6 % en Italie... Le ciel est légèrement moins noir en France, où la baisse n'a été "que" de 7,9 %, grâce à la prime à la casse.
L'écroulement de la demande commence à avoir des effets visibles sur l'emploi dans un secteur qui totalise, en Europe, 2,2 millions d'emplois directs et 10 millions d'emplois indirects. En 2009, PSA Peugeot Citroën va supprimer 11 000 emplois, Renault 9 000. Volkswagen, le premier constructeur européen, ne renouvellera pas ses 16 500 intérimaires.
Les stocks gonflent
Confrontés, au cours de la première partie de l'année 2008, à la flambée du prix du baril de pétrole, puis au ralentissement économique et, enfin, à la crise financière, les constructeurs automobiles ont vu leurs ventes dégringoler. Face à une baisse de leur pouvoir d'achat, les consommateurs qui souhaitaient changer leur voiture ont décidé de surseoir.
Dans un climat de crise, la voiture est le premier achat que les consommateurs repoussent. Parallèlement, les banques ont restreint les crédits, freinant un peu plus les ventes. A partir de juin, les carnets de commandes ont commencé à se vider. Les stocks de voitures ont augmenté dangereusement sur les parkings des usines et chez les concessionnaires. On estime à deux millions de véhicules les surcapacités de production en Europe.
Les usines ne tournent plus
Pour réduire leurs stocks, les constructeurs commencent par supprimer des équipes sur les lignes de fabrication, puis renvoient leurs intérimaires, ne renouvellent pas les salariés en CDD. Puis comme cela ne suffit pas, ils rallongent les congés de Noël et ferment les usines pendant plusieurs semaines. Renault, Mercedes, Daimler, Fiat, PSA, et même Toyota... aucun constructeur n'a échappé à ce mouvement. Une première !
Renault a réduit de 45 % sa production mondiale et de 50 % sa production européenne au quatrième trimestre 2008, et la baisse va se poursuivre au premier semestre 2009. Le constructeur français entend réduire encore ses stocks de 100 000 voitures. Même Porsche, qui a annoncé le meilleur résultat de son histoire, fermera son usine principale de Zuffenhausen, près de Stuttgart, pour dix-neuf jours d'ici à l'été.
Christian Streiff, le patron de PSA Peugeot Citroën, a prévenu : "Le premier semestre sera extrêmement difficile avec des coupures de production et des baisses de marché. Nous allons encore réduire nos stocks et baisser notre production de 20% à 30%." Partout, la production s'effondre. En Grande-Bretagne, elle a plongé de près de 60 % au mois de janvier.
Le robinet du crédit se ferme
Du jour au lendemain, les banques ont rechigné à prêter de l'argent à des entreprises qui n'arrivent plus à écouler leurs produits. Or les constructeurs sont très dévoreurs de liquidités. Il leur faut financer leurs stocks, développer les futurs modèles mais aussi pouvoir prêter de l'argent, via leurs propres filiales bancaires, aux clients candidats à l'achat d'un véhicule.
En Europe, 80 % des véhicules sont financés à crédit. Avec la baisse des ventes, les constructeurs ont d'autant plus besoin de trésorerie pour gérer le quotidien. Les banques proposent des crédits mais à des taux jugés inacceptables par les constructeurs. "A 10 % ou 11 % de taux d'intérêt, on en trouve, mais c'est franchement pas possible. Quant aux crédits à 8 %, voire 9 %, il n'y en a pas, affirmait Patrick Pelata, directeur général de Renault, lors de la présentation des résultats du groupe début février. Aussi incroyable que cela puisse paraître, les banques estiment que l'automobile est devenue une industrie risquée."
Des projets gelés ou abandonnés
Face à l'assèchement de leur trésorerie, les constructeurs ont décidé de geler, voire d'abandonner certains investissements. Renault ne travaille plus sur la remplaçante de l'Espace. Et pour se concentrer sur ses projets stratégiques, comme le véhicule électrique, le groupe a gelé son projet portant sur la production de voitures à Chennai (Inde) et retardé la construction de son usine de Tanger (Maroc). L'italien Fiat a reporté la fabrication de plusieurs nouveaux modèles à 2010.
Des équipementiers étranglés
Les équipementiers ont vu leurs commandes plonger brutalement, voire s'interrompre. Or, lorsque les constructeurs stoppent leur production, ils peuvent continuer à écouler leurs stocks, et donc à faire rentrer de l'argent. Pas les fournisseurs. "Début 2008, je livrais plus de 100 000 pièces par mois. En septembre, mes commandes étaient divisées par deux. Depuis le début de l'année, je suis à moins de 30 000 pièces", affirme un sous-traitant. Ses employés ne font plus d'heures supplémentaires. Tous les intérimaires ont été remerciés. En France, près de 7 000 emplois ont été supprimés chez les sous-traitants. A Bruxelles, la direction générale de l'emploi prévoit la suppression de dizaines de milliers d'emplois dans la sous-traitance automobile en 2009.
Des concentrations inévitables
Qui survivra à la crise automobile ? Alliances, rapprochement, faillites... "En 2009, tout est possible, même les scénarios les plus fous", prédit Carlos Ghosn. Sergio Marchionne, le patron de Fiat, fait le pari que seules six marques mondiales, capables de produire cinq ou six millions de véhicules passeront la crise. Seuls cinq constructeurs atteignent ce niveau de production : Toyota, General Motors, Volkswagen, Ford et Renault-Nissan. Les rumeurs de concentration vont bon train. Pour l'instant, seul Fiat est sorti du bois. Il veut racheter 35 % du capital de Chrysler.
Des plans de relance suffisants ?
Les constructeurs souhaitaient une aide de 40 milliards d'euros de la part de la Commission européenne. Finalement, ce sont les Etats qui sont venus directement à leur rescousse : 6 milliards d'euros pour Renault et PSA en France, 4 milliards d'euros en Espagne, 2,5 milliards d'euros en Grande-Bretagne, 2 milliards en Allemagne et de 1,2 à 1,3 milliard d'euros en Italie. Cela sera-t-il suffisant ? "Le pire est derrière nous en matière de production, mais la crise économique est encore devant nous", affirme M. Pelata.
Article paru dans l'édition du 04.03.09.
LE MONDE a écrit:
03.03.09 | 14h13 • Mis à jour le 03.03.09 | 17h17
La chute des ventes de voitures amène les constructeurs à se réinventer
Comment relancer la machine ? Cette interrogation occupera toutes les conversations du Salon automobile de Genève, qui ouvre ses portes à la presse, mardi 3 mars. Les dernières statistiques sont désastreuses. En février, le marché français a décroché de 13,1 %, en Espagne, la chute atteint 48,8 % et sur l'ensemble de l'Europe, Toyota prévoit un recul de 30 % en 2009.
En cause, la crise économique, bien sûr, mais pas seulement. Bien avant la crise, l'appétence des clients était déjà défaillante. Les 120 nouveaux modèles présentés à Genève ne suffiront pas à la reconquérir. Les constructeurs savent qu'ils doivent réfléchir à une autre façon de vendre des voitures.
"La certitude que nous avons, c'est que les gens auront toujours besoin de se déplacer, se rassure Patrick Pelata, directeur général de Renault. Mais on constate que le statut social de la voiture diminue vite dans les préoccupations des automobilistes ; que la puissance du moteur, en dehors de ce qu'il faut pour dépasser, est moins importante qu'avant et qu'en revanche, la consommation, l'environnement et le coût d'usage font de plus en plus partie des priorités des automobilistes."
L'avenir de l'automobile tient sans doute dans sa capacité à s'adapter aux nouveaux modes de vie. "Ce qui créé la plus forte inertie pour faire évoluer l'automobile aujourd'hui, c'est la notion de pleine propriété", affirme Bernard Jullien, directeur du Gerpisa, un groupe de chercheurs spécialisés sur l'automobile. Une notion que les constructeurs ont jusqu'à présent savamment entretenue pour un noyau de clients de plus en plus restreint. "Pour l'instant, cela ne se voit pas vraiment dans les chiffres. Depuis quinze ans, on parle en effet d'une frange de la population pour qui l'usage est plus important que la propriété. Aujourd'hui, ce sujet va devenir de plus en plus d'actualité", estime Vincent Dupray, responsable du développement du pôle automobile chez TNS Sofres.
Pourquoi posséder une voiture pour ne faire que quelques kilomètres par jour et pourquoi la doter d'un moteur capable de la propulser à 180 km/h, pour faire exclusivement de la ville ? Cette question, de plus en plus de gens se la posent.
RÉVOLUTION COPERNICIENNE
Pour M. Dupray, ces "désinvestis", comme il les surnomme, ont une vision moins technique, moins "masculine" de l'automobile. Ils vivent la voiture plus comme une contrainte que comme un objet de liberté. Dès lors, la notion de propriété peut être dépassée. "Ces nouveaux automobilistes ne cessent d'augmenter. Ils sont entre 25 % et 30 % de la population", estime M. Dupray.
Les constructeurs automobiles n'ont donc d'autre choix que de faire évoluer la façon de consommer l'automobile. "Nous travaillons beaucoup sur l'idée de l'autopartage", affirme M. Pelata.
Cette solution, qui consiste à utiliser une voiture pour une heure ou plus en échange de quelques euros, commence à se développer en France et à l'étranger. Il s'agit d'un phénomène urbain, qui laissera toujours une place pour la voiture traditionnelle.
Mais les expériences comme Auto'trement à Strasbourg, La Voiture autrement à Lyon, Mobizen, Caisse commune à Paris ou Okigo dans la capitale ou à Rouen, méritent d'être étudiées. "On voit que notre clientèle change, indique Philippe Ratto, président de Caisse commune. Il y a encore deux ans, elle était surtout composée de militants. Aujourd'hui, les mentalités évoluent : la propriété de l'automobile n'est plus vécue comme un impératif immuable."
"Il y a actuellement un frémissement, confirme M. Jullien, mais rien ne se fera sans une impulsion des pouvoirs publics." Car pour les constructeurs, il s'agit d'une révolution copernicienne, que seul l'Etat peut accompagner pour concilier enjeux environnementaux et sociétaux.
Nathalie Brafman et Stéphane Lauer