LE TEMPS.CH, repris par LE MONDE.FR a écrit:
04.08.08 | 07h32 • Mis à jour le 04.08.08 | 11h22
Sans baisse de prix, les voitures hybrides seront réservées à l'élite
"Nous travaillons dur pour développer ces nouvelles technologies. Mais si les ventes ne suivent pas, celles-ci deviendront un très lourd fardeau." Vice-président de Toyota, Fujio Cho est de nouveau sorti du bois au début juillet, à la veille du Sommet du G8 de Toyako, à Hokkaido. Pour impressionner les journalistes internationaux, l'industrie nipponne avait bien fait les choses. Tous les véhicules officiels étaient hybrides ou électriques. Des prototypes, comme la Toyota I-Real, un véhicule expérimental fonctionnant sur une batterie lithium, multipliait les démonstrations.
Mais les chiffres de ventes, eux, peinent à suivre : "le marché des voitures hybrides demeure une niche, confirmait récemment le patron français de Renault-Nissan, Carlos Ghosn. Nous restons sceptiques sur le potentiel commercial de ces technologies."
Des brèches apparaissent pourtant. En 2007, le marché américain, sur lequel les constructeurs japonais réalisent la plupart de leurs profits, a vu le nombre d'immatriculations de véhicules hybrides bondir de 38% à 350289, un chiffre record. Le modèle le plus vendu de ce créneau aux Etats-Unis est la Toyota Prius, avec 51% des ventes (contre 43% en 2006). Sauf que la part de ce marché reste minuscule, au vu des 2,5 millions de voitures vendues outre-Atlantique en 2006.
Le scepticisme des constructeurs est partagé, au Japon, par les ingénieurs qui, dans les universités, travaillent d'arrache-pied à élaborer les moteurs du futur.
"Sans subventions publiques importantes, nous n'y arriverons pas" juge Kiyoshi Dowaki, de l'Université des sciences et technologies de Tokyo. Dans son laboratoire de Kashiwa, à l'est de la capitale, ce jeune scientifique revenu de Suède voici trois ans, élabore, avec une vingtaine de chercheurs, des testeurs très sophistiqués de biocarburants.
CARBURANTS ISSUS DE DÉCHETS
Pour chaque fuel analysé, l'équipe de Dowaki-san, livre l'exacte teneur énergétique et polluante, grâce à plusieurs sortes de testeurs à l'allure d'alambic. "La viabilité commerciale des modèles hybrides actuels se joue sur dix ans au moins", explique-t-il. "C'est un cycle beaucoup trop long."
L'une des priorités de ce groupe de chercheurs, financé par le Ministère de l'industrie, est de travailler sur l'utilisation de biocarburants issus des déchets. Le Japon, pauvre en ressources naturelles et forestières, compte notamment sur le recyclage de la biomasse pour alimenter dans le futur une part croissante de son parc automobile. Deux usines, à Tokushima et Shimane, travaillent à produire ces carburants expérimentaux déjà utilisés par des centrales électriques. Mais les constructeurs exigent davantage pour passer à l'acte. "Sans un prix abordable, les véhicules hybrides demeureront des véhicules réservés à l'élite", confirme le porte-parole de Toyota Takayuki Fuji.
Le face-à-face entre pouvoirs publics et industriels arbitrera donc, selon les experts, l'avenir de cette filière au Japon. Actuellement, la différence de prix entre une Honda Civic Hybride et un modèle classique s'élève, dans l'Archipel, à 400 000 yens, soit environ 2 400 euros.
Difficile, dès lors, de convaincre de nouveaux acheteurs sur un marché domestique déjà marqué par le vieillissement de la population. "Le volume de vente de véhicules hybrides n'est pas suffisant pour avoir un impact environnemental", reconnaît Takayuki Fuji.
NOUVELLES SUBVENTIONS
Le gouvernement japonais a répondu. En deux temps. D'abord en renforçant les régulations. Les constructeurs de l'Archipel doivent désormais réduire leurs émissions polluantes de 23,5% d'ici à 2015, ce qui dope les recherches sur les technologies hybrides. Puis en débloquant de nouvelles subventions.
Quelque 209 milliards de yens, soit un peu plus d'un milliard d'euros seront alloués au secteur pour "se mettre au vert" d'ici à 2012. Notamment. Trente-deux milliards seront consacrés aux recherches sur les piles à combustible à hydrogène, 25 milliards pour les batteries et 24 milliards pour le gaz liquéfié.
Mission : maintenir l'avance consacrée l'an dernier par le Conseil américain pour l'efficacité énergétique. Celui-ci a classé trois véhicules nippons en tête de son palmarès écologique : la Toyota Prius, la Honda Civic et la Nissan Altima.
Richard Werly, de retour de Tokyo (Le Temps.ch)