LE MONDE a écrit:
04.03.08 | 14h07
Les constructeurs s'inquiètent du ralentissement économique
Officiellement, les constructeurs automobiles, réunis à l'occasion du 78e Salon automobile de Genève, qui ouvrira ses portes au public jeudi 6 mars, feront la part belle aux voitures respectueuses de l'environnement et aux nouveaux modèles. Mais en toile de fond, il sera forcément question des conséquences sur le secteur du ralentissement économique qui se propage en Europe, généré par la crise de l'immobilier et des subprimes aux Etats-Unis.
Aux Etats-Unis, les perspectives ne sont guère encourageantes. General Motors, Ford et Chrysler s'attendent à une demande en berne en 2008. Les ventes devraient être particulièrement mauvaises au premier trimestre et le retournement de tendance ne devrait pas intervenir avant la fin de l'année, voire début 2009.
PRÉVISIONS NOIRES
Selon l'agence de notation Fitch Rating, les ventes devraient se situer entre 15,5 et 15,6 millions contre 16,1 millions en 2007. "Nous sommes plus négatifs que certains constructeurs", note Emmanuel Bulle, l'un de ses analystes. Les prévisions les plus noires sont faites par Goldman Sachs, qui envisage des ventes autour de 15 millions d'unités. Même les constructeurs japonais, qui ont vu année après année leur part de marché aux Etats-Unis augmenter, se font prudents. Déjà en 2007, Toyota a fait moins ce qu'il prévoyait : 2,62 millions de véhicules, contre 2,69 millions initialement. "Pour l'instant, nous sommes un peu dans une nébuleuse. Mais nous pensons que même dans cet environnement incertain, nous augmenterons encore nos ventes. La reprise devrait arriver au second semestre", indique Katsuaki Watanabe, président de Toyota. Pour 2008, il table sur des ventes aux Etats-Unis de 2,64 millions, soit une modeste hausse de 1 %.
L'industrie automobile européenne craint désormais que le ralentissement américain se propage maintenant au Vieux Continent. En janvier, les immatriculations ont reculé de 1,7 %. "Cette baisse pourrait être due à la crise du crédit, qui se ressent sur les dépenses et la confiance des consommateurs", indique l'Association des constructeurs automobiles européens (ACEA). La tendance pourrait se confirmer dans les prochains mois. Les constructeurs automobiles européens prévoient en effet une stagnation sur leur marché national, la clientèle craignant un ralentissement économique. "Même si ce n'est pas encore la crise, il y a un risque de glissement vers des segments de voitures meilleur marché", note Patrick Blain, directeur général adjoint et directeur commercial de Renault. Le constructeur en fait déjà l'expérience : les ventes de sa nouvelle Laguna, sortie en octobre, sont décevantes. L'usine de Sandouville, qui la produit, va arrêter de nouveau sa production pendant cinq jours à partir du 10 mars.
L'accès au crédit pourrait aussi se durcir dans certains pays. "Beaucoup d'organismes ont commencé à resserrer leurs conditions d'octroi de crédit en Europe, même si nous ne sommes pas encore dans les mêmes conditions qu'aux Etats-Unis", souligne M. Bulle. Au Royaume-Uni, les organismes sont plus regardants. En Espagne aussi : l'augmentation brutale du taux de chômage pourrait avoir un impact sur la capacité des ménages à rembourser leur crédit. Pour Nicolas Bouzou, économiste chez Asteres, le coût du crédit est déjà "plus cher en France qu'il y a un an. Et un point de différence peut avoir un impact sur les ménages peu pressés pour acheter un véhicule."
Mais les constructeurs ont de quoi rester optimistes. Car pour compenser l'atonie des marchés américains et d'Europe de l'Ouest, ils misent sur les BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine). Volkswagen, le numéro un européen de l'automobile, reste persuadé qu'il pourra établir un nouveau record de ventes en 2008 grâce à ces pays. En 2007, il a vendu plus de six millions de véhicules. Désormais, la Chine est devenue le premier marché de sa marque phare, devant l'Allemagne qui pourrait lui-même être dépassé par le Brésil dès 2008.
La Russie fait également figure d'eldorado. Selon Vassil Stavrev, analyste chez Global Insight, "de plus en plus de Russes gagnent suffisamment - 20 000 dollars - pour s'offrir une voiture neuve". En 2007, les ventes de véhicules neufs ont atteint 2,41 millions contre 1,81 million en 2006, selon Pricewaterhouse Coopers. Les marques étrangères ont explosé de 61 % à 1,64 million. C'est pour profiter de ce boom et compenser ainsi le ralentissement en Europe de l'Ouest que Renault vient de racheter 25 % du capital d'Avtovaz, le fabricant de la fameuse Lada. Le marché russe est ainsi en passe de devenir le premier marché mondial de Renault Nissan. Jusqu'à présent, l'Allemagne, la Grande-Bretagne, voire l'Espagne constituaient les plus gros marchés de quantité de marques. Aujourd'hui, la Russie est devenue le premier marché européen des japonais Toyota, Lexus, Subaru, ou du coréen Kia.
Nathalie Brafman
Article paru dans l'édition du 05.03.08.