Le Pen au grand Jury Le Monde RTL LCI de dimanche (17 avril 2005) dernier !
Ruth ELKRIEF :
Bonsoir Jean-Marie LE PEN. Merci d’être au Grand Jury pour votre première émission importante de cette campagne référendaire, à cinq semaines environ du référendum certains jugent que c'est une entrée en campagne tardive, alors pourquoi ?
Certains, toujours les mêmes, disent que le Non se portait bien même sans vous et que c'est peut-être une raison, d'autres observateurs estiment que votre état de santé ou les tensions au sein du Front National expliquent ce départ décalé, vous relevez en effet, je l'ai lu, d'une intervention chirurgicale et quand à votre parti il est marqué par des déchirures persistantes entre vos héritiers putatifs.
Alors aujourd'hui vous vous lancez donc dans la campagne référendaire, avec Pierre-Luc SEGUILLON de LCI et Gérard COURTOIS du Monde, nous allons examiner avec vous les raisons de votre refus de la constitution européenne, nous allons vous demandé quelle Europe vous proposez aux français et puis nous reviendrons sur l'avenir du Front National et les perspectives pour 2007, pour la présidentielle de 2007.
Revenons d'abord si vous le voulez bien sur l'élection, non pardon sur l'émission qu'a consacré Jacques CHIRAC, le Président de la République, il y a quelques jours à cette question de la constitution européenne. Tous les sondages indiquent qu'il n'a pas convaincu. Pourquoi, selon vous ?
Jean-Marie LE PEN :
Je voudrais avant dire que, répondre à la petite accusation de campagne tardive.
Vous savez qu'en Alsace on a les meilleurs vins, c'est celui qu'on appelle des vendanges tardives alors par conséquent, j'espère qu'il en sera de même pour la campagne du Front National en notant cependant que quand nous avons fait déjà une grande campagne en province, dans toutes les fédérations, en décembre, janvier et février.
Mais là nous nous réservons un petit peu pour la ligne droite, celle où en principe vont se faire, devrait se faire l'écart mais je crois, je vous le dirais tout à l'heure, je le crois déjà largement établi cet écart mais enfin je crois que la sagesse c'est quand même de le creuser.
Alors l'émission de Jacques CHIRAC, d'abord je voudrais dire un mot sur le principe de cette émission. Je trouve assez choquant l'intervention du Président de la République surtout qu'elle se situe en dehors de toute décompte de temps entre le oui et le non.
Je trouve ça choquant parce que la conception que j'ai du Président de la république dans des circonstances comme celle là c'est celle d'un arbitre. Or l'arbitre tape dans le ballon avec son pied, pas toujours habilement d'ailleurs…
Ruth ELKRIEF :
Qu'il a rédigé avec les autres chefs d'état européens, c'est logique, non ?
Jean-Marie LE PEN :
Et donc il n'est plus un arbitre, par conséquent on devra le savoir et alors on doit le juger d'autant plus sévèrement.
Je trouve cette modernité de façade elle aussi assez choquante parce que dans le fond on savait bien que les 83 personnes invitées ne pourraient pas participé au débat pour des raisons de temps et donc il a voulu se faire un petit bouquet de jeunesse autour de lui, peut-être pour se redonner un peu de courage. Tout ça c'est du spectacle.
Encore faut-il être capable de tenir, je dirais, la distance avec les jeunes.
Gérard COURTOIS :
Voilà et vous n'avez pas trouvé que les questions de ces jeunes étaient à la fois percutantes et pertinentes ?
Jean-Marie LE PEN :
J'ai été assez impressionné par les visages de ces jeunes. Je les ai trouvé assez triste, assez anxieux sans doute mais peut-être que le cadre aussi les impressionnait, mais tout de même je crois qu'il y avait dans leur apparence générale, une image assez fidèle de ce que pensent les français.
Je crois que les français sont anxieux et quand CHIRAC a dit …
Gérard COURTOIS :
Donc c'était une bonne idée de se confronter à ces questions que vous dites fidèles aux …
Jean-Marie LE PEN :
Ben c'est-à-dire que c'était une bonne idée s'il avait remporté en quelque sorte son épreuve, malheureusement il ne l'a pas fait. Alors il s'est servi, je crois que ça a beaucoup choqué dans les milieux catholiques, il s'est servi comme reprenant la balle au bond d'une formule de Jean-Paul II, n'est-ce pas qui selon lui devait se trouver en situation et je crois que ça a beaucoup choqué, cela.
Ça a choqué surtout de la part de quelqu'un dont on sait qu'il a refusé, avec les turcs, n'est ce pas que l'on inscrive la référence chrétienne dans les racines de l'Europe. Alors évidemment cette manoeuvre est apparue comme, en quelque sorte, une astuce.
Et je ne l'ai pas trouvé bon, je vous dit franchement, mais il n'est jamais très bon sans prompteur, faut reconnaître la vérité et l'exercice était difficile, même s'il avait été, comme a dit Monsieur FOGIEL, débriefé à l'avance c'est-à-dire si on avait suggéré aux jeunes les questions que le président aimerait se voir poser et qu'il avait du potasser avec ses notes quand même mais il entend moins bien, il doit voir moins bien aussi c'est normal après tout il n'échappe pas à ces servitudes de l'âge, pas plus que d'autres.
Ruth ELKRIEF :
Que vous connaissez aussi, non ?
Jean-Marie LE PEN :
Comme tout le monde et que vous connaîtrez, je l'espère, je vous souhaite une longue vie.
Pierre-Luc SEGUILLON :
Est-ce que en écoutant précisément les questions qui étaient formulées par l'ensemble de ces jeunes qui étaient sur le plateau, vous qui êtes, j'imagine, quelqu'un qui est libéral, qui est plutôt pour l'économie de marché, est-ce que vous n'avez pas été frappé par leur volonté de protectionnisme, leur attitude défensive ?
Jean-Marie LE PEN :
Oui, je crois d'ailleurs, je crois qu'ils ont peur. La preuve qu'ils ont peur et qu'ils se font d'ailleurs de terribles illusions c'est que 75 % d'entre eux, dit-on, d'après les sondages toujours auraient comme ambition de devenir fonctionnaire. C'est-à-dire qu'ils ont peur de la vie et ils ont peur de la vie dans un pays où il faut dire les seuls travailleurs, si j'ose dire, les seuls employés qui sont à l'abri du chômage ce sont les fonctionnaires donc ça prouve qu'ils ont très peur du chômage et qu'ils évaluent les chances de la société française économique et sociale comme minces.
Et cela c'est certainement impressionnant. Mais ce qui m'a choqué plus encore alors, je m'excuse d'utiliser trois fois le même mot, ce sont les mensonges de CHIRAC car CHIRAC dans ses réponses, avec un culot, un aplomb qu'on lui connaît, a tout de même, j'ai noté quelques réponses là. Il a dit "la sécurité sociale reste de compétence nationale". C'est totalement faux, elle est ouverte à la concurrence depuis 1992.
Ruth ELKRIEF :
Je vous arrête Jean-Marie LE PEN parce que ça on rentre dans le fond de la constitution, on va y arriver, on va peut-être parler de la campagne et de son déroulement.
Jean-Marie LE PEN :
Ça n'est pas la constitution ça, c'est l'intervention de CHIRAC. CHIRAC dit, on lui dit, il dit "les services publics sont protégés par la constitution". C'est faux, tous les services publics sont désormais ouverts à la concurrence.
Ruth ELKRIEF :
Alors comme nous n'allons pas répondre point par point, parce que nous ne sommes pas dans un débat, on va continuer à poursuivre sur…
Jean-Marie LE PEN :
Je ne vous demande pas de répondre, il dit la Turquie donne plus de poids à l'Europe. La Turquie c'est 100 millions de turcs et 100 millions de turcophones qui ont la nationalité turque. 200 millions de plus en effet ça lui donne du poids, ça va lester singulièrement le bateau Europe. Et il dit la France a la plus forte croissance de la zone euro. Alors là il y a une astuce parce que c'est vrai que la France a la plus forte croissance de la zone euro mais que la zone euro a la plus faible croissance du monde. Alors il y a là une pirouette quand même que je crois que les spécialistes auront apprécié.
Nous sommes un pays riche, en dix ans nous sommes passé du quatrième rang en Europe au douzième.
Pierre-Luc SEGUILLON :
Quel aurait été le bon contradicteur de Jacques CHIRAC, à votre avis, dans cette émission ?
Jean-Marie LE PEN :
C'est tout à fait autre chose, c'est une autre philosophie de l'action. Je pense que ça aurait pu être moi mais je sais que Jacques CHIRAC m'a toujours récusé, il m'a même récusé entre les deux tours de l'élection présidentielle. Il n'aime d'ailleurs pas beaucoup ce genre d'exercice, il est fragile. Il préfère les exercices préparés à l'avance où on lui a un peu mâché le travail.
Pierre-Luc SEGUILLON :
Mais la question c'est qui est le mieux à même de défendre le plus autorité dans ce pays pour défendre le non parmi l'ensemble des multiples avocats du non ?
Jean-Marie LE PEN :
Ça paraît tout à fait évidemment moi parce que mes arguments qui sont égaux à ceux des gens du non sur le problème économique et sociale vont beaucoup plus loin que cela. Ils touchent à l'essentiel de la question qui est poser au peuple français à savoir est-ce que vous voulez que la France disparaisse, est-ce que vous voulez que la République disparaisse, que la constitution française soit remplacer par la constitution européenne. C'est quelque chose de très très important.
Pierre-Luc SEGUILLON :
La semaine dernière Michel BARNIER faisait reproche à Jean-Pierre CHEVÈNEMENT d'avoir les mêmes arguments que vous. Vous pensez que vous êtes sur la même longueur d'ondes, tous les deux ?
Jean-Marie LE PEN :
Écoutez, je ne sais pas. Monsieur BARNIER a son propre jugement, je crois qu'il est assez, comment dirais-je, fragile puisqu'il change assez facilement d'opinion, il est tantôt, je suis l'oiseau voyez mes ailes, je suis souris vive les rats, tantôt il parle comme un commissaire européen, tantôt il parle comme un ministre français.
Mais j'ai eu mes propres raisons, mais j'aurais l'occasion d'ailleurs, je crois le 1er mai je pense pouvoir faire le premier, le plus grand meeting national du non, c'est là je crois qu'il y aura le plus de monde, sur la place de l'Opéra, un meeting,
Pierre-Luc SEGUILLON :
Combien, vous annoncez déjà les chiffres ?
Jean-Marie LE PEN :
Oh je ne sais pas, j'espère au moins 20.000 personnes, je pense c'est ce qu'il y a, c'est ce qui peut à mon avis, rassemblement minimum des patriotes français ce jour là et je crois que c'est ce que nous pouvons espérer.
Et là je dirais quelles sont les raisons profondes, au delà même de raisons qui ne sont pas du tout négligeables, qui sont très sérieuses, qui sont celles de l'échec économique et social à la fois de l'Europe et du gouvernement français, mais surtout les raisons profondes, fondamentales, éthiques, culturelles, etc…
Pierre-Luc SEGUILLON :
Est-ce que je peux vous poser une question sur les raisons simplement, on va venir sur le détail de la constitution et vous nous direz ce que vous en pensez, mais fondamentalement, est-ce que vous, vous dites aujourd'hui je m'inscris contre toute l'inspiration de la construction européenne depuis le Traité de Rome au fond ?
Jean-Marie LE PEN :
Oui dans la mesure où j'ai pressenti, dès le traité de Rome que nous nous engagions dans un processus dont les promoteurs ne cachaient pas que les États-unis d'Amérique étaient leur modèle et qu'ils voulaient faire ce qui avait été fait il y a deux siècles par les pères fondateurs aux États Unis. C'est pour ça que j'ai voté contre le marché commun.
Ruth ELKRIEF :
Ce qui veut dire, Jean-Marie LE PEN, comme vous avez été fidèle à votre engagement anti-européen, depuis l'origine, dans le fond c'est pas une surprise votre non aujourd'hui. Constitution ou pas, j'ai envie de dire peut-être que vous n'avez regardé les détails de cette constitution, c'est d'abord un engagement contre l'Europe que vous expliquez aujourd'hui ?
Jean-Marie LE PEN :
Non, c'est pas un engagement contre l'Europe à proprement parlé,
Ruth ELKRIEF :
C'est pas un engagement contre la constitution, c'est contre la construction européenne ?
Jean-Marie LE PEN :
Je suis aussi conscient que quiconque du phénomène de planétarisation que connaît le monde et par conséquent nous nous trouvons à avoir, avec surtout les pays les plus proches géographiquement et culturellement de nous des intérêts communs mais aussi des intérêts divergents. C'est la raison pour laquelle je souhaite que chacune de ces nations conservent son droit à disposer d'elle-même, son indépendance dont je rappelle que Jacques CHIRAC ait le garant d'après l'article 5 de la constitution.
Pierre-Luc SEGUILLON :
Mais si le non l'emporte demain on sera dans la situation par exemple du traité de Nice qui est aujourd'hui en vigueur, vous combattrez avec autant de …
Jean-Marie LE PEN :
Non, on ne sera pas dans la situation du traité de Nice. Il nous a été clairement dit que cette constitution est un effort,
Pierre-Luc SEGUILLON :
Si la constitution n'est pas adoptée ?
Jean-Marie LE PEN :
Si elle n'est pas adoptée oui, mais, je vais vous dire pourquoi. On a dit que c'était un effort de synthèse, que donc les français allaient être appelés par référendum à se prononcer en quelque sorte sur l'ensemble du dispositif qui intègre aussi bien la question d'aujourd'hui que Maastricht, Amsterdam, SChengen, et les autres traités.
Par conséquent, tout est remis à plat. Ça ne veut pas dire qu'il n'y a plus d'Europe, qu'il n'y a plus de problèmes européens, qu'il n'y a plus de problèmes de coordination ou de travail commun avec les européens. Tout est à revoir. Je crois que nous nous sommes engagés avec cette formule, ce processus que nous suivons depuis trente ou quarante ans dans une impasse et quand on est dans une impasse, il n'y a pas d'autres solutions que de revenir en arrière et de prendre la voie saine.
Ruth ELKRIEF :
Dans vous nous dites ce soir, si le non l'emporte pour vous c'est une remise en question complète de toute la construction européenne, d'un bout à l'autre, de la construction européenne.
Jean-Marie LE PEN :
Absolument.
Ruth ELKRIEF :
Et donc ça veut dire qu'on remet en question un ensemble de structures et de choses qui régissent notre vie quotidienne aujourd'hui et donc, par exemple, lorsque Nicolas SARKOZY dit c'est un séisme ou que d'autres partisans du oui disent "ça ouvre une grande crise", d'une certaine façon vous dites oui, ça ouvre une grande crise et c'est bien, c'est ça ?
Jean-Marie LE PEN :
C'est évident et heureusement. Puisque quand votre voiture en effet est dans l'impasse, elle glisse de surcroît vers le précipice, il y a tout à fait intérêt à bloquer les roues.
Pierre-Luc SEGUILLON :
Est-ce que ce que vous dites ne relève pas du vœu plutôt parce que vous souhaitez que soit remis en cause l'ensemble des traités, mais juridiquement les 24 autres membres ne sont pas du tout d'accord pour remettre en cause des traités qui ont déjà été ratifiés.
Jean-Marie LE PEN :
Nous sommes dans un domaine politique là et pas seulement juridique.
Ou bien on nous a menti quand on nous a dit "ce qui rend respectable cette constitution c'est qu'elle intègre l'ensemble des accords qui ont été préalablement signé", alors d'accord mais si on dit non, c'est bien évident que …
Pierre-Luc SEGUILLON :
Maastricht est remis en cause lui-même ?
Jean-Marie LE PEN :
Ben forcément, c'est la conception même du processus qui a été suivi depuis vingt ans qui est remis en cause.
Pierre-Luc SEGUILLON :
Logiquement ça signifie que nous sortons de l'euro ?
Jean-Marie LE PEN :
Ça signifie que nous, les institutions actuelles expédient comme on dit les affaires courantes et que des négociations s'engagent pour savoir dans quelle voie nous allons, d'ailleurs d'autant que nous sommes les premiers à dire non, enfin on peut pas dire que les espagnols avaient dit oui, avec 32 % de oui des électeurs inscrits, ça n'était pas une grande victoire du oui.
Mais enfin ça été présenté comme telle je sais. Mais je crois que ça va donner un signal, la France va débloquer la situation, c'est vrai qu'elle a joué un rôle très important, elle joue encore un rôle important et elle jouera demain un rôle important dans le monde. A l'intérieur d'une Europe des nations où même à l'extérieur car la France n'a pas attendu Monsieur SCHUMANN ou Monsieur de GASPERI pour exister.
Gérard COURTOIS :
Alors si toute cette construction européenne des cinquante dernières années est remise en cause, comme vous le souhaitez, concrètement ça veut dire que demain votre perspective, c'est quoi, c'est le rétablissement des nations dans leur frontière et dans leur système de protection contre les autres ?
Jean-Marie LE PEN :
C'est en effet le retour à leur indépendance c'est-à-dire à leur capacité de décider elle-même de ce qu'elles veulent faire, ce qui n'est pas le cas d'aujourd'hui. Si par malheur, ce que je ne crois pas, cet édifice juridique et politique était admis, et bien ce serait la fin de la France, ce serait la fin de la république française, ce serait la fin de l'histoire, ce serait un bouleversement culturel sans précédent, comme jamais il ne s'est produit dans l'histoire du monde.
Gérard COURTOIS :
Est-ce que le périmètre, l'échelle de la nation, est aujourd'hui la bonne échelle pertinente, efficace pour que la France exerce son influence en Europe et dans le monde ?
Jean-Marie LE PEN :
Je pense qu'elle est plus efficace que celle qui nous réduit à être le pseudopode de la diplomatie américaine ou de la politique militaire des États Unis, pays pour lequel j'ai de l'estime et de la considération comme j'en ai d'ailleurs aussi pour la Turquie sans les croire pour autant préoccupé du sort de la France et des français. Moi je préfère m'en occuper moi-même.
Gérard COURTOIS :
Il n'y a pas de politique étrangère européenne distincte et indépendante de celle des États-unis, à vos yeux, possible ?
Jean-Marie LE PEN :
Écoutez, je crois me souvenir que le secrétaire, l'homme qui a été chargé de la PECS, la politique étrangère commune et de sécurité, est Monsieur Ravière Solana. Ravière SOLANA était le secrétaire général de l'OTAN. C'est dire clairement que on a mis ?
Ruth ELKRIEF :
Mais enfin la France a pu exprimer son opposition à la guerre d'Irak tout en restant à l'intérieur de l'union européenne. Et elle s'est opposée aux États Unis tout en étant à l'intérieur de l'union européenne.
Jean-Marie LE PEN :
Monsieur SOLANA n'était pas encore nommé mais je pense que dans une circonstance, je pense que si l'Europe nouvelle voyait le jour, après l'adoption du référendum, l'adoption positive du référendum, et bien on ne pourrait pas avoir cette politique là et les français auraient du faire la guerre à l'Irak.
Enfin, les français oui parce que les français admettent de porter les armes parce que dans cette Europe il y a plusieurs sortes d'européens. Il y a ceux qui ne portent pas les armes par exemple, l'Irlande, eux ils sont neutralistes, donc ils ne portent pas les armes, c'est les autres qui se battent pour eux. Et il en est ainsi dans toute une série d'autres domaines où à part les français qui, par idéologie, ont toujours capitulés dans toutes les négociations pour faire passer et faire avancer l'Europe, et bien les autres se sont réservés des petits espaces spéciaux pour eux aussi bien l'Angleterre, le Danemark …
Ruth ELKRIEF :
Pierre-Luc SEGUILLON, sur la conséquence peut-être, la logique de ce non.
Pierre-Luc SEGUILLON :
Je vais prendre un autre exemple, l'exemple des agriculteurs ou des viticulteurs que vous défendez aujourd'hui, j'imagine ?
Jean-Marie LE PEN :
Ben sûr.
Pierre-Luc SEGUILLON :
Ils sont convaincus que, dire non va améliorer leur situation. Si on se met dans l'optique que vous venez de décrire c'est-à-dire le non passe, voilà donc une renationalisation de la politique agricole commune.
Jean-Marie LE PEN :
Absolument. D'ailleurs c'est ce qu'on fait les suisses, voyez. Les suisses craignent un jour de se trouver isolés dans leurs montagnes et ils ont trouvé qu'il était de sage de se réserver une autosuffisance alimentaire et ils l'a paient d'un certain prix.
Pierre-Luc SEGUILLON :
Mais notre problème n'est pas l'autosuffisance, vous le savez bien, notre problème c'est les exportations agricoles. Donc les neuf milliards de subvention qui nous arrivent, d'euros, qui nous arrivent de la communauté européenne, ils seront remis en cause ?
Jean-Marie LE PEN :
Et que nous versons n'est ce pas parce que ça n'est pas l'Europe qui nous fait tomber du ciel de l'argent pour nos agriculteurs. Il faut même dire que dans cet échange de monnaies, n'est ce pas, comme dirait l'avare, et bien c'est nous qui perdons.
Nous sommes déficitaires de vingt milliards par an, de francs, je ne parle pas en monnaie d'occupation, vous m'excuserez, de vingt milliards de francs par an, et par conséquent ces économies que nous allons faire…
Pierre-Luc SEGUILLON :
Mais attendez neuf milliards, moi je parle en monnaie d'occupation, donc il faut le multiplier par 6,56, c'est-à-dire neuf multiplier par 6,56. 6 fois 9 ?
Jean-Marie LE PEN :
Dans le rapport, ce que nous versons et ce que la France verse et ce qu'elle reçoit y compris pour ces agriculteurs, elle est perdante, elle perd vingt milliards par an, vingt milliards de francs par an. Par conséquent,
Pierre-Luc SEGUILLON :
Pardonnez-moi pourquoi les agriculteurs se sont battus pour éviter cette renationalisation de la politique agricole que souhaitaient les allemands. Ils sont contradictoires ?
Jean-Marie LE PEN :
Mais ils ont considéré, ils ont constaté comme moi que ils étaient deux millions sept cent mille et qu'ils sont maintenant huit cent mille et que après 2013 ils n'ont aucune garantie que ces aides leur seront consenties. Ils ont même le sentiment que on leur a donné une poire pour la soif et qu'après tout cela sera guidé.
Pierre-Luc SEGUILLON :
Je vais poser ma question autrement, est-ce que vous pensez que si la constitution est récusée, les agriculteurs sont certains d'avoir ces subventions qu'a obtenu Jacques CHIRAC jusqu'en 2013 ou au contraire, du fait de la sortie de la France de cet ensemble, ils risquent de ne plus avoir ces subventions jusqu'en 2013 ?
Jean-Marie LE PEN :
Sans doute il faudra réorganiser la profession et je crois qu'ils y sont prêts. Je crois que les agriculteurs savent qu'ils ont été engagés dans une seringue mortelle et qu'ils ne le souhaitent pas, à quoi 70 % sont en faveur du non. Si la solution dont vous parlez était aussi bonne que cela pour eux, il est bien évident qu'ils défendraient le oui à tout crin.
Ruth ELKRIEF :
Peut-être qu'ils ne voient pas le non de la même façon que vous quand même ?
Gérard COURTOIS :
Vous n'avez pas le sentiment que le marché commun agricole, depuis cinquante ans, a été un formidable facteur de développement et de modernisation de l'agriculture française ?
Jean-Marie LE PEN :
Non, je crois qu'elle a abouti à une agriculture industrielle dont nous voyons aujourd'hui les limites et le prix. Si aujourd'hui l'ensemble des rivières bretonnes est polluée pour cinquante ans, sans doute, c'est parce qu'on a poussé les agriculteurs à faire du porc, et à le faire dans des conditions de production, on peut dire inhumaines s'agissant même de cochons, n'est-ce pas parce qu'il y a une manière inhumaine de traiter les animaux et bien cette politique là aboutit actuellement à une crise extrêmement grave. Et ils ne sont pas assurés pour autant de pouvoir vendre les produits que pourtant on leur a fait, on les a poussé à créer, avec des efforts qui font que bien des agriculteurs touchent à peine le SMIC.
Ruth ELKRIEF :
Jean-Marie LE PEN, je reviens juste au schéma que vous nous décrivez. Nous sommes le 30 Mai, le non l'a emporté, le président CHIRAC
Jean-Marie LE PEN :
Ce n'est pas moi qui décrit ça, c'est vous qui m'enfermez dans ce carré magique mais je …
Ruth ELKRIEF :
Attendez, c'est ce que vous voulez ou pas. Vous avez changé d'avis ?
Jean-Marie LE PEN :
Mais vous allez toujours en avance. Pour l'instant nous n'y sommes pas encore.
Ruth ELKRIEF :
Mais on essaye de comprendre ce qui va se passer. Donc nous sommes le 30 mai, le non l'a emporté, je répète le scénario…
Jean-Marie LE PEN :
Le pire danger est évité car la France continue d'exister, elle est indépendante, elle peut décider elle-même de son sort, ce qui n'est pas le cas si le oui est passé.
Ruth ELKRIEF :
Ce sont des mots mais concrètement ça veut dire quoi, que le président CHIRAC va voir les 24 autres pays, leur dit "nous sommes en dehors de cette Europe qui se construit". Donc concrètement il revient et il dit aux français "nous ne pouvons plus exporter de la même façon, nous sortons de l'euro", allons-y, essayons de comprendre. Est-ce que vous croyez que les français sont aujourd'hui prêts à faire ce saut en arrière, en l'occurrence, c'est-à-dire à la fin de la deuxième guerre mondiale, enfin dans les années 50…
Jean-Marie LE PEN :
Oui s'ils ont le sentiment qu'ils sont au bord du précipice, je crois qu'ils n'ont pas à avoir peur de sauter en arrière parce que s'ils vont en avant ils sont morts.
Ruth ELKRIEF :
Donc ils sautent en arrière et qu'est-ce qui se passe en France sur le plan politique et qu'est-ce qui se passe dans nos relations avec les autres pays européens ?
Jean-Marie LE PEN :
Mais moi je ne suis pas Madame SOLEIL, je ne sais pas ce qui va se passer. Selon moi on pose une question au peuple français. On lui dit "êtes vous d'accord pour assumer la responsabilité politique de ce crime qu'on commet en leur nom". Et bien je dis, il faut qu'ils disent non. Et puis on verra bien. L'essentiel…
Ruth ELKRIEF :
Ah d'accord, on verra après ?
Jean-Marie LE PEN :
Mais bien sûr parce qu'on ne sait pas du tout si nous allons être suivi dans notre démarche, si nous allons être compris, je crois qu'on le sera, et puis si nous allons donner une autre impulsion.
Vous savez, sur la valeur et la forme et le poids des échanges, j'ai été assez agréablement surpris de voir l'autre jour une étude dans laquelle il était démontré que les échanges, le volume, la proportion des échanges entre l'Allemagne et la France n'avaient pas changé depuis 1913, voyez. Par conséquent, on croit toujours que les choses changent beaucoup mais je crois que les exportations et les importations font l'affaire du grand commerce internationale, je le crois.
Mais je ne suis pas toujours sûr que cela est fait aux bénéfices des consommateurs français, des citoyens français, surtout quand le prix de cela c'est l'abandon de leur liberté, l'abandon de leur dignité, de leur fierté, de leur langue.
Savez-vous une chose Madame c'est que depuis très peu de temps, au Parlement européen les documents de travail ne sont même plus rédigés dans notre langue, ils sont rédigés exclusivement en anglais.
Moi je pensais que ça demanderait vingt ans avant qu'ils osent faire ça, ils ont osé tout de suite.
Je devais aller en Russie, j'ai préféré venir chez vous. Je devais aller avec la commission, ma commission, ma délégation en Russie cette semaine, là maintenant et il nous a été précisé qu'il n'y aurait qu'un seul interprétariat russe anglais. Donc les français…
Pierre-Luc SEGUILLON :
Dites moi, ce Parlement européen dont vous parlez, demain vous souhaitez, parce que la constitution lui donne davantage de pouvoirs dans la co-décision. Vous vous souhaitez
Jean-Marie LE PEN :
Non, jamais de la vie. Le Parlement européen n'a pas l'initiative des lois ce qui veut dire que …
Pierre-Luc SEGUILLON :
Attendez, vous n'avez pas compris, je n'ai pas dit qu'il avait tous les pouvoirs, je vous est dit, est-ce que vous estimez …
Jean-Marie LE PEN :
Vous me dites, plus de pouvoirs.
Pierre-Luc SEGUILLON :
Plus de pouvoirs par rapport au traité de Nice. Vous êtes d'accord avec ça.
Jean-Marie LE PEN :
Non, oui, si vous voulez mais il n'en a pas. Qu'il en ait un peu plus ou un peu moins c'est pas grave.
Pierre-Luc SEGUILLON :
Attendez vous vous souhaitez qu'il en ait beaucoup moins ? A quoi il sert ce Parlement dans votre esprit ?
Jean-Marie LE PEN :
Justement je me pose la question. Je me pose encore plus la question d'ailleurs pour le Parlement français qui vote 5 % du budget et qui vote 20 % des lois qui s'appliquent en France. Alors ceux là je me demande comment et pourquoi ils sont payés.
Pierre-Luc SEGUILLON :
Mais à quoi devrait servir le Parlement européen demain dans votre grand chambardement ?
Jean-Marie LE PEN :
Mais écoutez, le dispositif est changé. Je ne sais pas quelle sera la forme parlementaire ou non de la relation qui existera entre les nations.
La coordination de nos politiques nationales, les accords bilatéraux, multilatéraux que je souhaite voir traiter comme ceux qui ont abouti à Ariane
Pierre-Luc SEGUILLON :
Ça c'est la coopération entre les états ?
Jean-Marie LE PEN :
Oui c'est ça exactement, et bien il n'existe pas forcément un parlement. Je me passerais, je me contenterais d'être un ancien parlementaire européen.
Ruth ELKRIEF :
Donc Strasbourg se passera de son Parlement ?
Jean-Marie LE PEN :
Oh écoutez alors là je vais vous dire une chose. Voilà encore une escroquerie car tout le monde sait que Strasbourg est dépouillée, mois après mois, de ses prérogatives et que avec la méthode du voleur chinois on a déplacé comme cela, millimètre par millimètre en direction de Bruxelles. Il ne restera probablement à Strasbourg que le musée de l'Europe.
Gérard COURTOIS :
Juste d'un mot mais simplement à quoi sert-il de siéger à Strasbourg, à ce Parlement, si vous considérez qu'il a aussi peu de pouvoirs ?
Jean-Marie LE PEN :
Mais c'est tous les pouvoirs qu'on me laisse puisque on ne me permet pas d'être député dans mon propre pays. Je suis le chef d'un parti qui a plusieurs millions d'électeurs mais qui n'a pas un seul député français.
Alors, encore heureux d'avoir sept sièges au Parlement européen, on ne parle pas beaucoup, on a droit généralement à une minute, n'est-ce pas parce que nous sommes sept cents et vingt cinq nationalités et je crois vingt trois langues.
Ce qui nécessite je crois deux cent quarante circuits d'interprétations différentes. C'est la tour de Babel quoi.
Gérard COURTOIS :
Donc ça ne sert à rien ?
Jean-Marie LE PEN :
Mais ça ne sert à rien. Je vous dis que la voix dans laquelle est engagée ce processus est une voie mortelle, selon moi. Le moins qu'on puisse dire c'est que je suis resté fidèle à mes idées que je crois juste.
Je suis un patriote français, je crois, je suis amoureux de mon pays, de sa langue, de sa culture et j'ai aussi de la considération, de l'admiration pour les autres pays, pour les autres cultures, y compris non européenne, et je vais vous étonner même pour la Turquie, vous voyez que je connais sans doute mieux que mes collègues.
Ruth ELKRIEF :
Merci Jean-Marie LE PEN, on se retrouve dans un instant après le journal.
Ruth ELKRIEF :
Jean-Marie LE PEN, vous, vous dites que vous voulez prendre la tête du non, mais aujourd'hui les gros bataillons du non sont plutôt des bataillons de gauche qui veulent plus d'Europe, contrairement à vous qui ne voulez plus d'Europe du tout, vous nous l'avez expliqué il y a un instant. J'ai envie de dire, à côté de vous dans le non il y a aussi bien évidemment Philippe DE VILLIERS ou Charles PASQUA mais aussi Laurent FABIUS, Henri EMMANUELLI etc.. BESANCENOT, qui sont des gens qui avaient défilé contre vous évidemment le 22 avril 2002 !
Jean-Marie LE PEN :
Plus 30% de l'UMP, plus 30% de l'UDF qui sont pour le non, c'est ce que disent les statistiques, j'en sais rien moi…
Ruth ELKRIEF :
Est ce que çà, çà veut dire que ce non là…
Jean-Marie LE PEN :
J'ai pas dit que je voulais prendre la tête…
Ruth ELKRIEF :
Ah j'ai vu une phrase où vous disiez, je veux prendre la tête du non ou en tout cas je suis le champion du non…
Jean-Marie LE PEN :
Tout naturellement !
Ruth ELKRIEF :
Voilà !
Jean-Marie LE PEN :
Tout naturellement, d'abord parce que je suis le plus ancien dans le grade le plus élevé et puis que, si vous voulez bien regarder la grosseur des bataillons, et bien je ne sais pas combien pèse le bataillon de Monsieur FABIUS mais je sais combien pèse le bataillon de Monsieur LE PEN !
Ruth ELKRIEF :
Mais quelle est l'efficacité de ce non alors ?
Gérard COURTOIS :
Vous n'avez pas laissé ce rôle à Philippe DE VILLIERS depuis 2 mois ?
Jean-Marie LE PEN :
Voyons, vous confondez le théâtre et la réalité !
Gérard COURTOIS :
On l'entend en tout cas !
Jean-Marie LE PEN :
Parce que vous invitez quelqu'un à la télévision, vous pensez que c'est lui qui est qualifié pour représenter le courant des idées qu'il défend, pas du tout ! Monsieur DE VILLIERS a sa place, tout à fait, dans ce combat là, qu'il a quelquefois déserté au bénéfice de Monsieur CHIRAC dans les élections législatives ou autres, mais ce n'est pas la question.
Gérard COURTOIS :
Vous avez le sentiment qu'il prépare au fond le terrain pour vous ?
Jean-Marie LE PEN :
Et bien, je ne vous le fais pas dire !
Ruth ELKRIEF :
Mais qu'est ce que cela vous fait quand même de vous retrouver dans le fond sur la même réponse à une question cruciale, avec des gens pour lesquels vous êtes l'ennemi principal, qui ont manifesté, défilé contre vous le 22 avril 2002 et jusqu'au 5 mai !
Jean-Marie LE PEN :
Nous ne sommes plus le 22 avril et je pense que ces gens là se sont rendus compte qu'ils ont été pigeonnés et je pense même que le 29 mai va être la revanche du 5 mai 2002 et que les gens qui ont été piégés qui ont porté super menteur et super voleur à la présidence de la république avec 82%...
Gérard COURTOIS :
Vous voulez parler de Jacques CHIRAC ?
Jean-Marie LE PEN :
Oh je crois que tout le monde l'a reconnu, je crois. Avec 82% des voix, ceux là se sont mordus les doigts depuis et vont changer. Et puis moi, mes compatriotes…
Ruth ELKRIEF :
Attendez, ils vont changer çà veut dire quoi, ils voudraient vous remettre à sa place c'est çà ?
Jean-Marie LE PEN :
Mais écoutez, je suis un français patriote et démocrate, c'est à dire que je reconnais à mes compatriotes le droit de n'avoir pas les mêmes idées que moi et même de me combattre. En revanche je suis prêt à combattre avec eux pour un objectif commun.
Ruth ELKRIEF :
Eux ils veulent plus d'Europe, ils veulent une Europe plus sociale…
Jean-Marie LE PEN :
Mais c'est leur problème !
Ruth ELKRIEF :
Une Europe plus fédérale, une Europe plus égalitaire, dans certains cas c'est ce qu'ils disent, c'est pas du tout la même chose que vous !
Jean-Marie LE PEN :
Écoutez, ils auront l'occasion de le dire quand cette Europe là aura été mise à bas n'est ce pas !
Pierre-Luc SEGUILLON :
Mais alors quand elle aura été mise à bas en France, comment va se constituer, vous avez dit il faut reprendre les choses, sans nous dire très exactement comment çà va se passer, or vous, vous êtes et c'est logique, vous l'êtes et vous le dites depuis 1957, contre cette construction européenne telle qu'elle se fait, vous êtes pour les patries…
Jean-Marie LE PEN :
J'avais deviné que çà tournerait mal.
Pierre-Luc SEGUILLON :
Mais pourquoi ?
Jean-Marie LE PEN :
J'avais deviné !
Pierre-Luc SEGUILLON :
Oui c'est çà ! Non, non, j'ai cru que vous parliez du débat ! Je ne comprenais plus…
Jean-Marie LE PEN :
Quand çà a commencé, j'avais deviné qu'on finirait avec un bilan catastrophique, en état de faillite virtuelle et que cela, ce serait, comment dirais-je, le résultat conjoint de l'action de nos gouvernements impuissants et corrompus et d'une Europe qui s'engageait sur une voix mauvaise.
Pierre-Luc SEGUILLON :
D'accord. Donc, et l'autre partie de ceux qui disent non, qui sont à gauche, sont comme le disait Ruth à l'instant, pour plus d'Europe, plus d'Europe sociale, etc, pour refaire une autre constitution au fond, qui leur soit plus conforme à leurs souhaits. Est ce que ce camp du non qui est d'accord pour mettre à bas la constitution ne va pas se retrouvé divorcé pour construire quelque chose de neuf. Donc avec qui allez-vous construire quelque chose de neuf ?
Jean-Marie LE PEN :
Mais c'est même normal ! Ce camp est celui d'un combat donné "hic et nunc", c'est le combat contre l'adoption de la constitution qu'on leur présente. Le lendemain de l'échec de cette constitution, chacun reprend ses billes, chacun reprend son initiative…
Ruth ELKRIEF :
Qu'est ce qui se passe alors pour les français, je veux dire chacun reprend ses billes et il y a, quoi, un désert, un vaste… un champ de ruines et c'est tout ?
Jean-Marie LE PEN :
Écoutez on va bien voir ! Moi je suis dans l'opposition depuis trop longtemps d'ailleurs mais Monsieur CHIRAC est le Président de la République, Monsieur RAFFARIN qui aura perdu, lui, son "Raffarundum" n'est ce pas, et bien il sera peut être remercié, remplacé, l'initiative ne nous appartiendra pas, c'est aux gens du pouvoir de nous dire ce qu'il vont faire ! Monsieur BAROSO aura son mot à dire, Monsieur BOREL aussi…
Ruth ELKRIEF :
Le président de la commission et le président du Parlement Européen.
Jean-Marie LE PEN :
On va bien voir comment vont-ils interpréter cette réponse du peuple encore souverain pour peu de temps mais en tous les cas, tant que çà n'est pas adopté, il est souverain, s'il disait oui, çà serait peut être sa dernière réponse souveraine mais comme je pense sincèrement qu'il va dire non et je crois même qu'il va le dire dans des proportions inespérées.
Gérard COURTOIS :
Qu'est ce qui vous importe le plus dans cette affaire, c'est l'échec de cette constitution ou c'est l'échec de Jacques CHIRAC ?
Jean-Marie LE PEN :
Écoutez quand vous avez la tête dans la guillotine, ce qui est essentiel c'est de sortir votre tête. Vous ne vous intéressez pas à la retraite du bourreau, vous vous intéressez essentiellement à ne pas vous laisser piéger dans quelque chose qui est mortel, voilà !
Pierre-Luc SEGUILLON :
Et qu'est ce que vous faites si le oui l'emporte ?
Jean-Marie LE PEN :
Si le oui l'emporte…
Pierre-Luc SEGUILLON :
Que fait le Front National ?
Jean-Marie LE PEN :
Et bien il avisera !
Pierre-Luc SEGUILLON :
C'est la retraite du leader du Front National ?
Jean-Marie LE PEN :
Non, pas du tout ! Pourquoi ?
Ruth ELKRIEF :
Ce ne sera pas un échec pour vous ?
Jean-Marie LE PEN :
Écoutez, si j'avais dû me retirer chaque fois que j'ai été battu dans les combats que j'ai menés, aussi bien d'ailleurs dans le civil que dans le militaire, et bien je ne serais plus là depuis longtemps. Mais moi je me bats tant que j'ai les forces de le faire, et jusqu'au bout ! Je sais bien que çà ne satisfait pas tout le monde mais c'est comme çà que je fais. J'ai la même conception, sans aller peut être jusqu'au bout comme Jean-Paul II, mais je n'ai pas une conception de la vie politique, celle d'un fonctionnaire, c'est à dire qui prend sa retraite à 70 ans ou 72 ans, non ! Tant que j'ai la force de me battre, je me bats et il me semble encore l'avoir.
Pierre-Luc SEGUILLON :
Alors autre détail de cette constitution, et un détail qui vous intéresse, c'est tous les problèmes de l'immigration, quand on regarde ce qui se passe dans cette constitution, elle donne davantage de pouvoirs pour à la fois former des corps de police et en même temps voter à la majorité et non plus à l'unanimité toutes les décisions qui concernent l'immigration. Donc d'une certaine manière, çà contrebalance les craintes que vous avez sur Schengen…
Jean-Marie LE PEN :
Je pense que vous plaisantez !
Pierre-Luc SEGUILLON :
Non je ne plaisante pas du tout !
Jean-Marie LE PEN :
Écoutez, est ce que si vous apportiez dans une société 12% du capital, et si vous aviez un représentant sur 25 au conseil d'administration, vous penseriez que vous allez peser sur les décisions de cette société ? C'est ce qu'on propose à la France dans le cadre de ce référendum. C'est à dire qu'elle représente 12%, elle a jusqu'à présent, elle n'a plus déjà hélas car elle les a concédés dans des traités précédents, elle n'a plus de pouvoirs sur les courants migratoires et il est entré l'année dernière 430.000 immigrés en France, 430.000 ! L'Espagne nous annonce qu'elle va régulariser 1 million de clandestins, lesquels vont pouvoir entrer en France le lendemain.
Pierre-Luc SEGUILLON :
Jean-Marie LE PEN, vous, vous pensez qu'il vaut mieux ne pas se donner un certain nombre d'outils qui permettraient de compléter le dispositif de Schengen pour qu'il ne soit pas comme vous venez de le dire…
Jean-Marie LE PEN :
Pourquoi ne pas utiliser ces dispositifs nationaux qui sont les nôtres ?
Pierre-Luc SEGUILLON :
Donc on restaure les frontières ?
Jean-Marie LE PEN :
Nous avons la possibilité d'avoir des frontières contrôlables avec des douaniers, avec des gendarmes et nous dirigeons notre pays selon les intérêts de notre peuple. Nous ne nous en remettons pas aux autres !
Pierre-Luc SEGUILLON :
Jean-Marie LE PEN, est ce que vous croyez que ceux qui vous écoutent, dont certains sont tentés de dire non, ont envie demain, d'une part de changer de monnaie chaque fois qu'ils changent de pays et de passer des frontières avec des barrières, des passeports, des tampons comme autrefois ?
Jean-Marie LE PEN :
Écoutez, pour l'instant, même si l'Euro nous a évité 3 ou 4 dévaluations, il est pas absolument sûr que les résultats qu'il ait sur l'économie aient été bénéfiques. Je vous rappelle d'autre part que ce changement de monnaie, moi je dois dire que j'étais attaché au franc pour des raisons qui ne sont pas seulement économiques et sociales, mais aussi un petit peu spirituelles si vous voulez. Et bien la Tchéquie et la Slovaquie ont divorcé, un divorce par consentement mutuel, et bien ils ont repris chacun leur monnaie nationale, çà n'a strictement fait aucun bruit. Ce sont des phénomènes dérisoires cela. Ce que je constate c'est que…
Pierre-Luc SEGUILLON :
Sauf qu'ils sont appelés demain à entrer dans l'euro !
Jean-Marie LE PEN :
L'euro a fait augmenter le coût de la vie de 5 à 30% dans les 5 dernières années, voilà la vérité. Est ce que çà a été bénéfique pour les français ? Est ce qu'ils aiment mieux compter en euro ? On dit oui mais çà les aides à passer la frontière, combien de français vont en vacances et sont bénéficiaires de ce change facile, soyons sérieux !
Pierre-Luc SEGUILLON :
Est ce que vous pensez que si l'on avait été avec le franc, la France aurait pu avoir la position qui a été la sienne sur la guerre d'Irak ? Sans qu'elle soit soumise à des pressions qui la conduisaient à des dévaluations successives ?
Jean-Marie LE PEN :
Ah c'est possible, il aurait fallu être courageux et il aurait certainement pas fallu faire la politique que faisait le gouvernement CHIRAC et le gouvernement RAFFARIN. Mais ces gouvernements français depuis des dizaines d'années se sont ralliés à l'Europe pour une raison simple, c'est qu'ils n'ont pas le courage ni la volonté de prendre les mesures qui seraient nécessaires pour assurer les réformes salvatrices dans ce pays et ils les délèguent à l'Europe quitte demain à se retourner contre elle en disant, ah c'est à Bruxelles, ce sont les salops qui sont là-bas qui font cela ! C'est une lâcheté, c'est un abandon de poste et moi je suis pour que la responsabilité d'un grand pays, nous avons 65 millions d'habitants à mon avis pas tous désirés mais enfin c'est le cas, nous sommes une puissance moyenne, je le reconnais mais nous sommes une puissance qui avons une force de quoi, d'expansion intellectuelle, morale dans le monde. Nous avons un rôle à jouer dans le monde…
Ruth ELKRIEF :
Et lorsque Jacques CHIRAC dit l'union fait la force, vous ne le croyez pas ?
Jean-Marie LE PEN :
Avec notre langue française, ce rôle là nous ne pourrons pas le jouer dans une Europe dans laquelle nous serons fusionnés et dans laquelle nous disparaîtrons.
Pierre-Luc SEGUILLON :
Nous le jouerons avec des barrières ?
Jean-Marie LE PEN :
Mais pourquoi dites-vous des barrières ?
Pierre-Luc SEGUILLON :
Des frontières !
Jean-Marie LE PEN :
Votre imperméable quand il pleut à torrent c'est une barrière, c'est une barrière contre la pluie !
Pierre-Luc SEGUILLON :
Oui mais il y a des imperméables trop étroits et puis d'autres qui sont plus larges !
Jean-Marie LE PEN :
Pourquoi trop étroits, prenez-le large !
Ruth ELKRIEF :
Et lorsque Jacques CHIRAC dit c'est l'union qui fait la force dans ces cas là, vous ne…
Jean-Marie LE PEN :
Mais quelle force ? Écoutez, on nous dit, nos pays sont faibles alors unissons-les çà va faire une force non ! Quand vous unissez des faiblesses, çà fait une faiblesse. Ça fait une grosse faiblesse mais une faiblesse quand même, çà ne fait pas la force, ce sont des formules à la CHIRAC çà, l'union fait la force…
Ruth ELKRIEF :
Il y en a d'autres qui l'ont utilisé avant !
Jean-Marie LE PEN :
N'ayez pas peur, pierre qui roule n'amasse pas mousse, tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se casse, tel père tel fils…
Ruth ELKRIEF :
On va passer un peu au dernier chapitre de notre émission…
Pierre-Luc SEGUILLON :
Juste un mot, un mot encore, tout à l'heure vous disiez, nos services publics seront menacés si la constitution est votée…
Jean-Marie LE PEN :
Ils sont pas menacés, ils sont déjà… leur sort est d'ores et déjà réglé !
Pierre-Luc SEGUILLON :
Bon, Bruxelles ne nous oblige absolument pas à privatiser les services publics…
Jean-Marie LE PEN :
Pardon ?
Pierre-Luc SEGUILLON :
Je dis Bruxelles ne nous oblige pas à privatiser les services publics, pas plus dans le traité précédent…
Jean-Marie LE PEN :
Vous permettez ! Ceux qui sont déjà soumis à la concurrence, c'est la sécurité sociale mais çà les français le savent pas encore, le jour où on va s'apercevoir qu'on peut s'assurer, n'est ce pas, non plus à la sécurité sociale mais dans une compagnie d'assurance qui vous donnera plus de prestations pour moins de cotisations, et bien il ne restera comme cotisants à la sécurité sociale, que les immigrés et les pauvres, et là çà s'effondrera !
Pierre-Luc SEGUILLON :
Est ce que vous êtes pour l'ouverture du capital d'EDF ou de GDF ? C'est bien ou c'est pas bien ?
Jean-Marie LE PEN :
Ma foi pourquoi pas ? A priori pourquoi pas ! Je suis en tous les cas, dans le cadre français, pour une profonde réforme de ses institutions. Tenez, vous parliez d'EDF, je commencerais d'abord par rendre aux citoyens le 1% qui est donné à la CGT tous les ans. Par exemple une économie qui serait je crois, vue très favorablement par les consommateurs mais il y a beaucoup d'autres manières de le faire. Je crois que s'il y a nécessité d'un service public, si c'est l'intérêt national, l'intérêt public qui l'exige, on le met en place quand on a la puissance, quand on a le pouvoir, quand on ne l'a plus quelle importance puisque ce sont les autres qui ont décidé pour vous et je vous signale que la production de la distribution d'électricité s'est maintenant ouverte à la concurrence, les colis postaux et bientôt la Poste vont aussi être privatisés, le transport de passagers par voie aérienne et ferroviaire c'est pareil…
Ruth ELKRIEF :
On comprend pas du tout si vous êtes pour ou contre !
Jean-Marie LE PEN :
Notez bien que… je ne sais pas s'il y aura des mouvements de grève, il y en a un actuellement que je trouve, je le dis franchement, une fois de plus scandaleux, je trouve scandaleux que les marins CGT de Marseille bloquent le flux de voyageurs qui veulent aller en vacances et les obligent à rester chez eux pour défendre un point de vue, qui est peut être défendable, mais qui n'est pas défendable par ces méthodes là. Et là aussi la lâcheté des gouvernements français depuis des années et des années, leur incapacité à établir le service minimum prouve bien que… et c'est là qu'un certain nombre de gens se disent, et bien peut être qu'avec l'Europe après tout ce sera pas plus mal, et bien moi je suis certain que çà sera encore plus mal.
suite, hors sujet europe.
Ah mais qu'est-ce que je me marre !
