La "constitution" européenne (analyse page 8)

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Modérateurs: Garion, Silverwitch

Messagede Shunt le 13 Déc 2004, 17:01

Mickeya a écrit:Shunt,

C'est trés intéressant ce que tu dis, merci. :o

Mais j'ai une question...La dévaluation du dollars est elle lié à l'énorme dette publique US ? Ou sont elle indépendantes ?


C'est lié. Seulement, les USA avaient déjà une dette importante dans les années 80 mais pratiquaient des taux d'intérêt élevés et une politique de dérégulation très attractive pour les capitaux. Ajoute à cela l'échec des politiques de dévaluation effectuées en Europe (franc, livre, lire...) à la même époque, et on comprend pourquoi au lieu de dévaluer, le dollar s'est apprécié (jusqu'à atteindre les 10 francs en 1985), celui-ci devenant plus que jamais une valeur refuge.

Aujourd'hui la donne a changé avec l'apparition de l'euro lancé d'entrée à quasi-parité avec le dollar et la concurrence asiatique. Alors que jusque vers la fin des années 90, la banque centrale américaine avait intérêt à intervenir sur le marché des changes pour maintenir le niveau du dollar (par ailleurs dopé par la "nouvelle économie"), elle a décidé de lâcher du lest en laissant les marchés ajuster la valeur du dollar à son vrai niveau, beaucoup plus faible, en raison notamment de l'endettement américain et d'une balance commerciale longtemps déficitaire.

Suis-je assez clair ?
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Messagede Shunt le 13 Déc 2004, 17:12

En gros les principaux facteurs expliquant la chute du dollar sont :

* l'endettement américain
* l'explosion de la bulle internet (perspective de croissance moindre)
* le 11 septembre
* la création de l'euro
* les faibles taux d'intérêt de la banque centrale US

Il y en a sûrement d'autres. A priori, cette dépréciation serait le signe d'un déclin économique. Mais la politique du dollar faible s'avère - pour les raisons que j'ai expliquées - un atout économique à l'heure actuelle. Parce que l'économie mondiale a trop besoin d'une économie américaine en bonne santé pour se permettre de la laisser sombrer.
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Messagede Maverick le 13 Déc 2004, 17:23

Merci ! :good :o
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Messagede Solal le 13 Déc 2004, 17:24

Le dollar tient encore uniquement grâce à l'Asie, les banques centrales asiatiques ont massivement acheté du dollar, je crois que le Japon est le pays qui au monde detient le plus de dollar :eek: .(820 milliard $)
Si la Chine - qui apprecie de moins en moins d'avoir des reserves qui perdent de la valeur - se met a acheter de l'€, tout se cassera la gueule, et il ne faut pas se leurer, la chute du dollar et la montée de l'euro est néfaste pour nous, europe, ou l'economie depend de la santé des US.
New York tousse, Paris s'enrhume.

Un bon article :

The dollar's demise
http://www.economist.com/finance/displa ... id=3421877
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Messagede Silverwitch le 13 Déc 2004, 18:06

Shunt a écrit:
Donc tout ça pour dire, que ton assertion "le déficit public est supérieur à 3%. Cela ne veut tout simplement rien dire. Ce sont de simples idoles, sans réalité" n'est pas exacte. Un déficit public, ça recoupe une réalité, ça correspond à quelques choses de concret à la base. C'est simplement que cette réalité n'a pas les mêmes effets selon la nature, l'importance et la vitalité de l'économie concernée. Elle est donc appréciée différemment par les marchés.


Oui et non. Raisonnons en deux étapes. Si j'admets avec toi que la dette, les cours de la bourse ou le déficit public a bien un sens dans une réalité virtuelle, cela ne change pas un point important: il n'y a pas de corrélation entre la "santé" d'un pays et son déficit public ou le cours de la bourse. Il s'agit simplement d'une compatibilité, or toute compatibilité est une sorte de "langage", ni vrai ni faux donc.

Pour préciser quelques termes:

-Le flux (un salaire par exemple) mesure une valeur économique entre deux dates et non à un moment précis.
-Le stock (un capital) est une valeur instantanée.

Notre compatibilité nationale est fondée sur le flux. Un stock est une addition de flux, et un flux est une variation de stocks. Ainsi le PIB mesure l'augmentation de la "richesse" en un an, et non la richesse elle-même. Pour le reste tout est choix politique et pour répondre à ton objection sur la dette, tout dépend quel point de vue le pouvoir adopte,celui du débiteur ou celui du créancier.

En 1976, le (criminel) premier ministre Raymond Barre décide que l'État paiera les intérêts de sa dette au-delà du taux d'inflation, et il déclare:

"Je place l'État au service des créanciers, des épargnants. Finie l'inflation qui érode le capital. Vive les rentiers!". Fin donc de l'ordre des salariés et des entrepreneurs, fin des Trente Glorieuses: la monnaie se renchérit, le chômage augmente, les salaires stagnent et les rentiers s'enrichissent. Or une créance pour qu'elle soit productive doit être investie dans les hommes et les machines. L'épagne contrairement à la légende, ne rapporte rien.

Deuxième étape: qui "historiquement" bat monnaie? L'état. Donc nous sommes finalement d'accord, la dette publique ce n'est rien. Il suffit comme le font les USA de l'ignorer. Si notre déficit est libellé en francs, il suffit d'imprimer de nouveaux billets pour payer cette dette, puisque la monnaie est une création politique dont nous fixons arbitrairement la valeur et la quantité émise. L'histoire de la monnaie contemporaine en France est le signe de cet aveuglement à la déesse économie.

En 1945, on nationalisait la Banque de France et le crédit est placé sous la tutelle publique. L'équilibre est rompu en deux temps (1976 comme on l'a vu) et surtout 1983 où la France (de gauche!) décide de relier le franc au mark et de laisser le contrôle du crédit et de l'émission monétaire à la Banque de France. Si la dette de la France explose c'est pour cette raison et cette raison uniquement: une décision malheureuse du franc fort. Il est interdit dès lors à la Banque de France de finançer le déficit public. Ce qui renvoie la fameuse phrase de Keynes (lors de la première période du franc fort dans les années 20: "Les français sont des paysans assis sur leur tas d'or".

On imagine le mensonge de la Droite française qui a beau jeu d'accuser la gauche de creuser le déficit quand la gauche n'a fait qu'appliquer la politique de la droite, une droite qui auparavant fonctionnait elle selon une logique "de gauche", puisque la Banque de France finançait le déficit sous De Gaulle et ce jusqu'à la fin des années 70. Aujourd'hui les mêmes économistes "libéraux" s'indignent de l'ampleur des dettes de la France, mécanisme qu'ils ont crée eux-mêmes. Le serpent se mord la queue! Inutile de préciser que la BCE a repris entièrement cette logique imbécile.

Aux USA c'est tout simplement le contraire. La Banque Fédérale est responsable devant le Congrès, et la planche à billets finance le pays. D'accord avec toi d'ailleurs pour ton analyse de l'épargne étrangère qui soutient l'économie américaine. Je précise enfin que les "marchés" comme tu dis n'évaluent rien et ne comprennent rien, ils fonctionnent sur des réflexes moutonniers, puisque leurs lois économiques sont fausses et qu'ils fonctionnent sur le mode de l'auto-suggestion.

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Messagede von Rauffenstein le 13 Déc 2004, 18:10

En gros, tu préconises de ne pas honorer nos dettes ?
Le fascisme au fait, c'était pas déjà l'histoire d'un mec en marche qui fascinait les foules avec son culte de la personnalité ?
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Messagede Silverwitch le 13 Déc 2004, 18:13

von Rauffenstein a écrit:En gros, tu préconises de ne pas honorer nos dettes ?


Mais non. Payons les: en euros. Faisons tourner la planche à billets.

Ou bien ne les honorons pas. Ce n'est pas un problème en effet. Les deux voies sont possibles, mais j'essayais d'expliquer pourquoi la droite (et ses économistes) ment aux français sur la question de la dette nationale et de son origine.

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Messagede B.Verkiler le 13 Déc 2004, 18:14

Si on fait tourner la planche à billets sans arret, ça va pas porter préjudice à la confiance mise dans cette monnaie, et donc la valeur de la monnaie?
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Messagede Solal le 13 Déc 2004, 18:18

silverwitch a écrit:
von Rauffenstein a écrit:En gros, tu préconises de ne pas honorer nos dettes ?


Mais non. Payons les: en euros. Faisons tourner la planche à billets.

Ou bien ne les honorons pas. Ce n'est pas un problème en effet. Les deux voies sont possibles, mais j'essayais d'expliquer pourquoi la droite (et ses économistes) ment aux français sur la question de la dette nationale et de son origine.

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si c'était si simple ...
la creation monetaire c'est la BCE et non les gouvernements européens.
Et creer de la monaie a tout va c'est la dévaluer fortement et lui faire perdre toute credibilité -> plus personne n'achetra de l'euro et plus personne n'en voudra, il faudra donc payer en $ qui couteront beaucoup plus cher par rapport a l'€.
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Messagede von Rauffenstein le 13 Déc 2004, 18:19

Dans l'optique d'une révolution mondiale que l'on vise, effectivement, ou encore de torpiller l'union européenne qui se fait sur une monnaie unique et non plus par les canons, y'a pas mieux. Il ne s'agit pas de Francs, mais bien d'Euros dont on parle.
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Messagede Silverwitch le 13 Déc 2004, 18:44

SoLaL a écrit:si c'était si simple ...
la creation monetaire c'est la BCE et non les gouvernements européens.
Et creer de la monaie a tout va c'est la dévaluer fortement et lui faire perdre toute credibilité -> plus personne n'achetra de l'euro et plus personne n'en voudra, il faudra donc payer en $ qui couteront beaucoup plus cher par rapport a l'€.


C'est faux. La BCE c'est une création politique: l'indépendance donnée (de manière catastrophique) peut se reprendre. Pour le reste, tu montres bien comment fonctionne l'économie moderne. De 45 à 76, en France (et ailleurs), l'État a fabriqué de l'argent au profit de la reconstruction et de la croissance.

Aujourd'hui avec l'Europe les données sont différentes. D'abord en France les revenus des rentes représentent une part jamais vue depuis 1914 (plus de 10% du revenu des français), soit le capital financier à l'encontre du capital industriel. Alors on entend les politiques de tous bords se plaindre de la "désindustrialisation" de l'Europe? Mais ils en sont responsables! Ce sont leurs choix qui conduisent à cette situation. Si l'on revient en arrière pourtant, on voit que ton analyse est fausse encore historiquement. Après la première guerre mondiale justement, toutes les monnaies deviennent des monnaies-crédits (et non plus des monnaies métalliques): la livre, le franc et le dollar sont à égalité. Qu'est-ce qui change ce rapport? Le système de Bretton-Woods qui enracine la supériorité américaine au sortir de la deuxième guerre mondiale et qui fait des USA les "banquiers du monde". Jusqu'en 69, tout se passe pour le mieux, le système de change fixe fonctionne, les américains fabriquent du dollar et celui-ci alimente la croissance mondiale. Mais en même temps les économies européennes et japonaises se développent et concurrencent l'économie américaine. Face à cela, le président Nixon fera lui le bon choix: il choisit l'industrie contre la finance (exactement le contraire de ce que fait l'Europe). Il fait exploser le système de Bretton-Woods et laisse flotter le dollar. Le pari est gagné. Les USA peuvent à nouveau émettre la quantité de monnaie qu'ils veulent et financer leur industrie.

L'Euro est fort? Les exportations américaines s'envolent! L'euro est faible? Les capitaux affluent aux USA. Bref, à qui profite cette situation? À ceux qui ont la force. Alors nous avons le choix: ou bien nous continions d'épouser les catégories mentales de nos adversaires et nous sommes condamnés à subir ou bien nous cessons. Heureusement, le système "parfait" est dangereusement instable: on l'a vu en Asie récemment, et on le verra certainement bientôt aux USA. La gigantesque bulle monétaire (après la bulle boursière) finira par exploser.

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Messagede Silverwitch le 13 Déc 2004, 18:47

B.Verkiler a écrit:Si on fait tourner la planche à billets sans arret, ça va pas porter préjudice à la confiance mise dans cette monnaie, et donc la valeur de la monnaie?


C'est le mode de pensée qu'il faut refuser. Peu importe la confiance dans une monnaie, ce qui compte c'est la production. Une monnaie faible qui permet la croissance est une bonne chose, parce qu'elle rend l'économie à sa vraie logique: la production et la création de biens. Cela permettra aussi de faire primer une logique active à une logique rentière qui paralyse les économies: les dettes que nous avons sont totalement artificielles et nuisent à la créativité. Faisons en sorte de les détruire.

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Messagede Shunt le 13 Déc 2004, 19:43

silverwitch a écrit:Oui et non. Raisonnons en deux étapes. Si j'admets avec toi que la dette, les cours de la bourse ou le déficit public a bien un sens dans une réalité virtuelle, cela ne change pas un point important: il n'y a pas de corrélation entre la "santé" d'un pays et son déficit public ou le cours de la bourse.


Tout dépend du contexte et de la durée du phénomène et de la capicité du pays à y faire face. Tu peux bien vivre en étant à découvert et en ayant des crédits. Tout dépend de ton habileté à amadouer ou à faire patienter des créditeurs. Et de l'importance que t'accorde les créditeurs en question. Avec l'adage toujours valable qui veut que l'on consent toujours facilement à prêter aux riches.

Il s'agit simplement d'une compatibilité, or toute compatibilité est une sorte de "langage", ni vrai ni faux donc.


Je comprends pas ce que tu veux dire par compatibilité.

Pour préciser quelques termes:

-Le flux (un salaire par exemple) mesure une valeur économique entre deux dates et non à un moment précis.
-Le stock (un capital) est une valeur instantanée.

Notre compatibilité nationale est fondée sur le flux. Un stock est une addition de flux, et un flux est une variation de stocks. Ainsi le PIB mesure l'augmentation de la "richesse" en un an, et non la richesse elle-même.


Oui. Mais ce n'est parce que c'est un flux qu'il ne veut rien dire et qu'il est virtuel. Ca mesure une dynamique, la capacité d'une économie à générer non pas de la richesse mais de nouvelles richesses. Un indicateur important au moment de définir une politique budgétaire (car il te permet d'évaluer d'éventuelles nouvelles recettes) ou d'investissement.

Pour le reste tout est choix politique et pour répondre à ton objection sur la dette, tout dépend quel point de vue le pouvoir adopte,celui du débiteur ou celui du créancier.

En 1976, le (criminel) premier ministre Raymond Barre décide que l'État paiera les intérêts de sa dette au-delà du taux d'inflation, et il déclare:

"Je place l'État au service des créanciers, des épargnants. Finie l'inflation qui érode le capital. Vive les rentiers!". Fin donc de l'ordre des salariés et des entrepreneurs, fin des Trente Glorieuses: la monnaie se renchérit, le chômage augmente, les salaires stagnent et les rentiers s'enrichissent.

Or une créance pour qu'elle soit productive doit être investie dans les hommes et les machines. L'épagne contrairement à la légende, ne rapporte rien.


Oui, c'est encore une évidence. Mais encore une fois, il n'y a pas de bonne politique économique en soi. Tout dépend de l'objectif que tu te fixes. Celui de Barre à l'époque était de réduire l'inflation à la suite des deux chocs pétroliers. Et effectivement, l'inflation se combat en relevant les taux d'intérêt, donc en favorisant l'épargne... mais cette politique ne peut perdurer car des taux d'intérêt élevés sont un frein à la croissance, elle-même génératrice d'inflation.Tout est une question de dosage. C'est pour cela que la mesure des flux est indispensable.

Deuxième étape: qui "historiquement" bat monnaie? L'état. Donc nous sommes finalement d'accord, la dette publique ce n'est rien. Il suffit comme le font les USA de l'ignorer. Si notre déficit est libellé en francs, il suffit d'imprimer de nouveaux billets pour payer cette dette, puisque la monnaie est une création politique dont nous fixons arbitrairement la valeur et la quantité émise.


Tu peux fixer effectivement la valeur d'une monnaie, mais une fois que cette monnaie est mise en circulation, sa valeur est celle que les marchés lui accordent en fonction de différents critères (croissance, inflation, endettement, balance commerciale, balance des paiements, etc...), ce qui fait que ta monnaie en tant T n'aura pas la même valeur qu'à T+1 ou T+2. Le cours de ta monnaie dépend ensuite des achats et des ventes de devise. D'ailleurs les banques centrales ne se privent pas d'intervenir sur le marché monétaire pour influer elles-mêmes sur les cours, selon le contexte et les besoins de l'économie (politique de monnaie forte pour juguler l'inflation, attirer les investisseurs et faire baisser le prix des importations ; politique de monnaie faible pour doper le commerce extérieur, les exportations et la compétitivité des produits).

Si les marchés pensent que tu surévalues ta monnaie, son cours finira par baisser si la banque centrale ne le défend pas. A contrario, si elle est jugée trop faible, le cours peut remonter, sauf si la banque centrale fait baisser les taux d'intérêt.

S'il suffisait de faire tourner la planche à billet pour annuler une dette, ce serait grandiose. Seulement ce que les Etats-Unis peuvent se permettre, pas beaucoup d'autres pays le peuvent. Pour la simple et bonne raison que le dollar reste la monnaie d'échange international, un étalon lié à un marché intérieur de 250 millions de consommateurs dont dépend une grande partie du globe, et qu'un dollar qui ne vaudrait plus rien ne serait dans l'intérêt de personne. Pour l'instant.

La politique monétaire des USA serait difficilement transposable pour l'euro, car le rapport de confiance des marchés envers cette monnaie, n'est pas encore établi. Mais cette crédibilité se construit, petit à petit. Le jour où les banques centrales asiatiques en auront marre de se faire niquer avec le dollar, elles négocieront leurs créances en euros.

En 1945, on nationalisait la Banque de France et le crédit est placé sous la tutelle publique. L'équilibre est rompu en deux temps (1976 comme on l'a vu) et surtout 1983 où la France (de gauche!) décide de relier le franc au mark et de laisser le contrôle du crédit et de l'émission monétaire à la Banque de France. Si la dette de la France explose c'est pour cette raison et cette raison uniquement: une décision malheureuse du franc fort.


La France est une économie très dépendante de l'extérieur et qui n'a pas le coffre des Etats-Unis. Laisser filer l'inflation, c'était se résigner à surpayer les produits pétroliers libellés en dollars (un dollar fort à l'époque).

Il est interdit dès lors à la Banque de France de finançer le déficit public. Ce qui renvoie la fameuse phrase de Keynes (lors de la première période du franc fort dans les années 20: "Les français sont des paysans assis sur leur tas d'or".


Les dévaluations successives effectuées en France n'ont jamais marché. Pour la simple et bonne raison que d'autres pays (Grande-Bretagne, Italie) ont eux aussi dévalué. Tant et si bien que l'effet était proche du zéro. Ensuite quelle crédibilité peut-on accorder à un pays de la taille de la France qui dévalue en permanence. Nous ne sommes pas les Etats-Unis avec un marche de 250 millions de consommateurs. Les créditeurs auraient fini par demander que la dette française soit libellée en dollar ou en deutschemark, où on voue un culte à la monnaie forte depuis la crise de 1929.

On imagine le mensonge de la Droite française qui a beau jeu d'accuser la gauche de creuser le déficit quand la gauche n'a fait qu'appliquer la politique de la droite, une droite qui auparavant fonctionnait elle selon une logique "de gauche", puisque la Banque de France finançait le déficit sous De Gaulle et ce jusqu'à la fin des années 70.


Oui mais à l'époque, le marché monétaire fonctionnait à parité fixe, selon les accords de Bretton Woods. Des accords qui ont volé en éclat au début des années 70 quand Nixon a décidé de mettre fin à la parité or/dollar. Aujourd'hui une telle politique n'est plus possible dans un système à taux flottants. Sauf à être les Etats-Unis, première puissance mondiale, avec une monnaie nationale utilisée partout dans le monde et un marché intérieur de 250 millions de consommateurs, capable en "théorie" de s'autosuffire.

Aujourd'hui, jouer au yo-yo avec l'euro serait signer son arrêt de mort. La monnaie européenne a 50 ans de retard à rattrapper sur le dollar pour s'imposer comme la nouvelle monnaie d'échange internationale. Et elle ne pourra le devenir qu'au terme d'une relative stabilité.
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Messagede von Rauffenstein le 13 Déc 2004, 19:50

Science po, option éco-fi mon Shunty ? :lol: :lol: :lol:
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Messagede Shunt le 13 Déc 2004, 20:12

von Rauffenstein a écrit:Science po, option éco-fi mon Shunty ? :lol: :lol: :lol:


Non, CRH... ;)

Cette discussion me rappelle les heures d'amphi interminables à écouter l'inénarable Fitoussi gueuler contre les critères de convergence de Maastricht... :roll:
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Messagede Silverwitch le 13 Déc 2004, 20:19

Shunt a écrit:Tout dépend du contexte et de la durée du phénomène et de la capicité du pays à y faire face. Tu peux bien vivre en étant à découvert et en ayant des crédits.


Oui et non. Oui si on joue le jeu de la monnaie. Non si on estime que ce système ne fonctionne pas pour créer de la richesse (voir l'exemple de la Russie et les conseils catastrophiques du FMI, ou bien de l'Argentine, ou de l'Afrique). Combien de catastrophes pour changer notre rapport àa cette question?

Shunt a écrit: Tout dépend de ton habileté à amadouer ou à faire patienter des créditeurs. Et de l'importance que t'accorde les créditeurs en question. Avec l'adage toujours valable qui veut que l'on consent toujours facilement à prêter aux riches.


Absolument. Le crédit ici repose sur la confiance ou sur la force (plus que sur la richesse).

Shunt a écrit:Je comprends pas ce que tu veux dire par compatibilité.


La comptabilité voulais-je dire, pardon. Soit la tentative de représenter une vue globale et détaillée des économies nationales dans un cadre précis. La comptabilité nationale repose sur le même principe que la comptabilité privée (la double écriture).


Shunt a écrit:Oui. Mais ce n'est parce que c'est un flux qu'il ne veut rien dire et qu'il est virtuel. Ca mesure une dynamique, la capacité d'une économie à générer non pas de la richesse mais de nouvelles richesses. Un indicateur important au moment de définir une politique budgétaire (car il te permet d'évaluer d'éventuelles nouvelles recettes) ou d'investissement.


Oui je suis d'accord avec ta précision, et je n'opposais stock et flux. Simplement je précise qu'il me semble que la vraie richesse d'une Nation en termes économiques est son "patrimoine".

Shunt a écrit:Oui, c'est encore une évidence. Mais encore une fois, il n'y a pas de bonne politique économique en soi. Tout dépend de l'objectif que tu te fixes. Celui de Barre à l'époque était de réduire l'inflation à la suite des deux chocs pétroliers. Et effectivement, l'inflation se combat en relevant les taux d'intérêt, donc en favorisant l'épargne... mais cette politique ne peut perdurer car des taux d'intérêt élevés sont un frein à la croissance, elle-même génératrice d'inflation.Tout est une question de dosage. C'est pour cela que la mesure des flux est indispensable.


Suivons cette logique. L'argent est rare et cher, et le taux d'intérêt élevé. Il faut choisir: consommer ou épargner, chanter ou thésoriser. Voilà la séquence que nous obtenons: investissement faible implique activité faible, qui implique pessimisme et besoin de garantir la valeur de l'argent, qui implique un taux d'intérêt élevé, qui implique un investissement faible. La rareté monétaire et budgétaire est une erreur économique permanente. Donc je suis en désaccord sur ta vision économique, moi je crois que la valeur de la monnaie n'a aucune importance en elle-même. Cette valeur dérivera de la puissance économique du pays.

Regarde ce qui a été fait en France (dans les années 80). On rompt avec le système des grandes banques de crédit qui financent les entreprises en trouvant de l'argent bon marché auprès de la banque centrale. Il est décidé que l'épargne financera les entreprises, ce qui veut dire que l'on ne prête que ce que l'on a et non plus que l'on aura demain. L'inflation s'effondre. L'investissement se réduit. Le chômage explose. La rareté de l'argent s'impose. Au lieu de s'en inquiéter, les économistes se disent que l'épargne est rare, et qu'il faut une politique encourageant l'épargne. Vive l'argent rare et cher. Voilà comment on passe des Trente Glorieuses à une économie d'épargne et de chômage. C'est absolument scandaleux et improductif.

Il est plus logique de socialiser le risque pris par l'investisseur par une institution collective (banques, état). À l'opposée la conception de Keynes par exemple était optimiste et présentait une séquence opposée: investissement fort implique activité élevée, qui implique confiance et lie la valeur de l'argent à l'activité économique, ce qui implique un taux d'intérêt bas, et un investissement élevé. Cette relation est essentielle: la valeur de l'argent est liée à l'activité économique, et non au "marché" de la monnaie et de la spéculation.


Shunt a écrit:
S'il suffisait de faire tourner la planche à billet pour annuler une dette, ce serait grandiose. Seulement ce que les Etats-Unis peuvent se permettre, pas beaucoup d'autres pays le peuvent. Pour la simple et bonne raison que le dollar reste la monnaie d'échange international, un étalon lié à un marché intérieur de 250 millions de consommateurs dont dépend une grande partie du globe, et qu'un dollar qui ne vaudrait plus rien ne serait dans l'intérêt de personne. Pour l'instant.


Non pas du tout. La France l'a fait jusqu'en 1976 sans aucun problème.

Shunt a écrit:La politique monétaire des USA serait difficilement transposable pour l'euro, car le rapport de confiance des marchés envers cette monnaie, n'est pas encore établi. Mais cette crédibilité se construit, petit à petit. Le jour où les banques centrales asiatiques en auront marre de se faire niquer avec le dollar, elles négocieront leurs créances en euros.


C'est prendre le problème à l'envers en épousant la pensée libérale et en croyant que le marché est fondé et rationnel, ce qui n'est pas vrai.

Shunt a écrit:La France est une économie très dépendante de l'extérieur et qui n'a pas le coffre des Etats-Unis. Laisser filer l'inflation, c'était se résigner à surpayer les produits pétroliers libellés en dollars (un dollar fort à l'époque).


Toutes les économies en suivant de mauvais modèles ont organisé cette dépendance plus monétaire qu'économique (tu le montres toi-même en parlant du pétrole qui se négocie en dollars). Or suite à cette politique, l'argent est fou aujourd'hui. Nos banques participent aux marchés financiers "off-shore", financés par des fonds spéculatifs. Une grande partie de ces mouvements est hors bilan et échappe au contrôle public des nations. Le crédit (sauf aux USA) a donc échappé aux états.

Shunt a écrit:Les dévaluations successives effectuées en France n'ont jamais marché. Pour la simple et bonne raison que d'autres pays (Grande-Bretagne, Italie) ont eux aussi dévalué. Tant et si bien que l'effet était proche du zéro. Ensuite quelle crédibilité peut-on accorder à un pays de la taille de la France qui dévalue en permanence. Nous ne sommes pas les Etats-Unis avec un marche de 250 millions de consommateurs. Les créditeurs auraient fini par demander que la dette française soit libellée en dollar ou en deutschemark, où on voue un culte à la monnaie forte depuis la crise de 1929.


C'est faux. La politique de contrôle du crédit (beaucoup plus importante que la question d'un franc ou d'un euro dévalué ou non, puisque la relation n'est pas aussi évidente que tu l'affirmes) a produit des résultats spectaculaires. À contrario, la désinflation, la stabilité monétaire est un dogme qui produit des effets désastreux. Une monnaie stable serait gage de croissance forte nous disait-on au début des années 80. C'est une contre-vérité historique. La relation positive entre taux de croissance et taux d'inflation se vérifie constamment dans l'histoire des pays capitalistes, que ce soit sur période courte ou sur période longue.

Shunt a écrit:Oui mais à l'époque, le marché monétaire fonctionnait à parité fixe, selon les accords de Bretton Woods. Des accords qui ont volé en éclat au début des années 70 quand Nixon a décidé de mettre fin à la parité or/dollar. Aujourd'hui une telle politique n'est plus possible dans un système à taux flottants. Sauf à être les Etats-Unis, première puissance mondiale, avec une monnaie nationale utilisée partout dans le monde et un marché intérieur de 250 millions de consommateurs, capable en "théorie" de s'autosuffire.


Parce que le systèm est fondé sur des croyances délirantes et fausses.

Shunt a écrit:Aujourd'hui, jouer au yo-yo avec l'euro serait signer son arrêt de mort. La monnaie européenne a 50 ans de retard à rattrapper sur le dollar pour s'imposer comme la nouvelle monnaie d'échange internationale. Et elle ne pourra le devenir qu'au terme d'une relative stabilité.


Je ne crois pas du tout, pour les raisons que j'explique plus haut. Cette politique est toujours un échec et le sera encore dans l'avenir. En attendant cette position renforce les USA. Quand un pays comme la France atteint un taux d'épargne global de 17%, contre 3% aux USA, on va droit dans le mur. C'est financer à jamais le déficit budgétaire et la dette, qui résisteront à toute alternance politique, sauf à diminuer massivement tout l'investissement et donc l'activité économique, ce qui renforce encore l'épargne. C'est exactement la séquence que je proposais plus avant dans mon message. C'est presque risible, si ce n'est que les conséquences sont dramatiques.

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Messagede Shunt le 13 Déc 2004, 22:05

silverwitch a écrit:Suivons cette logique. L'argent est rare et cher, et le taux d'intérêt élevé. Il faut choisir: consommer ou épargner, chanter ou thésoriser. Voilà la séquence que nous obtenons: investissement faible implique activité faible, qui implique pessimisme et besoin de garantir la valeur de l'argent, qui implique un taux d'intérêt élevé, qui implique un investissement faible. La rareté monétaire et budgétaire est une erreur économique permanente. Donc je suis en désaccord sur ta vision économique, moi je crois que la valeur de la monnaie n'a aucune importance en elle-même. Cette valeur dérivera de la puissance économique du pays.


Ce n'est pas MA vision économique. C'est l'économie telle qu'elle fonctionne aujourd'hui en 2004 dans un système mondialisé de changes fluctuants.

Regarde ce qui a été fait en France (dans les années 80). On rompt avec le système des grandes banques de crédit qui financent les entreprises en trouvant de l'argent bon marché auprès de la banque centrale. Il est décidé que l'épargne financera les entreprises, ce qui veut dire que l'on ne prête que ce que l'on a et non plus que l'on aura demain. L'inflation s'effondre. L'investissement se réduit. Le chômage explose.


Oui, mais l'objectif de cette politique économique a été atteint, à savoir juguler l'inflation. La fin du système de Bretton Woods ajouté aux deux chocs pétroliers a créé une situation économique inédite. Les politiques de l'époque ont jugé que la lutte contre l'inflation était prioritaire par rapport à la croissance et au plein emploi, pour stabiliser une économie qui partait en toupie. Ils ont peut-être eu tort, mais la politique de dévaluation compétitive du franc avait déjà montré ses limites dans un système de change fluctuant... notamment parce que d'autres pays ont eux aussi dévalué en même temps.

La rareté de l'argent s'impose. Au lieu de s'en inquiéter, les économistes se disent que l'épargne est rare, et qu'il faut une politique encourageant l'épargne. Vive l'argent rare et cher. Voilà comment on passe des Trente Glorieuses à une économie d'épargne et de chômage. C'est absolument scandaleux et improductif.


Dans l'absolu, oui. Dans le contexte de l'après choc pétrolier, non.

Il est plus logique de socialiser le risque pris par l'investisseur par une institution collective (banques, état). À l'opposée la conception de Keynes par exemple était optimiste et présentait une séquence opposée: investissement fort implique activité élevée, qui implique confiance et lie la valeur de l'argent à l'activité économique, ce qui implique un taux d'intérêt bas, et un investissement élevé. Cette relation est essentielle: la valeur de l'argent est liée à l'activité économique, et non au "marché" de la monnaie et de la spéculation.


Il n'empêche que ce marché spéculatif autour de la monnaie existe et qu'il faut composer avec.

Toutes les économies en suivant de mauvais modèles ont organisé cette dépendance plus monétaire qu'économique (tu le montres toi-même en parlant du pétrole qui se négocie en dollars). Or suite à cette politique, l'argent est fou aujourd'hui. Nos banques participent aux marchés financiers "off-shore", financés par des fonds spéculatifs. Une grande partie de ces mouvements est hors bilan et échappe au contrôle public des nations. Le crédit (sauf aux USA) a donc échappé aux états.


La banque centrale américaine est indépendante elle aussi.

C'est faux. La politique de contrôle du crédit (beaucoup plus importante que la question d'un franc ou d'un euro dévalué ou non, puisque la relation n'est pas aussi évidente que tu l'affirmes) a produit des résultats spectaculaires. À contrario, la désinflation, la stabilité monétaire est un dogme qui produit des effets désastreux. Une monnaie stable serait gage de croissance forte nous disait-on au début des années 80. C'est une contre-vérité historique. La relation positive entre taux de croissance et taux d'inflation se vérifie constamment dans l'histoire des pays capitalistes, que ce soit sur période courte ou sur période longue.


L'Allemagne de l'Ouest s'est hissée au rang de 2e puissance économique mondiale avec une politique monétaire forte. Lorsque j'étais étudiant on ne cessait de nous vanter les bienfaits du modèle rhénan, la politique du cercle vertueux (monnaie forte et stable => faibles coûts d'importation => stabilité des coûts de revient => compétitivité => exportation => excédent de devise => monnaie forte et stable => etc, etc...). L'Allemagne avait un taux de chômage de 7-8% là où la France flirtait avec les 13%. Mais le choc structurel qu'a constitué la réunification allemande en 1990 a fait voler en éclat ce modèle.

L'Allemagne a donc prouvé sur près de 50 ans qu'une monnaie forte n'était pas incompatible avec une économie relativement prospère.

Shunt a écrit:Parce que le système est fondé sur des croyances délirantes et fausses.


C'est ton point de vue. Il n'en demeure pas moins que ces superstitions commandent l'économie à l'échelle mondiale. Tant qu'elles prévalent, il faut s'adapter. Tu proposes quoi concrètrement pour les combattre ? Quelle politique économique aujourd'hui est capable de passer au-dessus des manoeuvres spéculatives ? C'est là que ça devient plus compliqué.

Shunt a écrit:Je ne crois pas du tout, pour les raisons que j'explique plus haut. Cette politique est toujours un échec et le sera encore dans l'avenir. En attendant cette position renforce les USA. Quand un pays comme la France atteint un taux d'épargne global de 17%, contre 3% aux USA, on va droit dans le mur. C'est financer à jamais le déficit budgétaire et la dette, qui résisteront à toute alternance politique, sauf à diminuer massivement tout l'investissement et donc l'activité économique, ce qui renforce encore l'épargne. C'est exactement la séquence que je proposais plus avant dans mon message. C'est presque risible, si ce n'est que les conséquences sont dramatiques.


Cette politique est un handicap dans l'immédiat, mais je pense qu'elle peut se révéler payante à long terme. La mise en circulation de l'
euro est un évènement historique inédit. De mon point de vue, une monnaie commune se construit à la confiance, et seule la force et la stabilité de cette monnaie peuvent assurer cette confiance. Dévaluer l'euro, laisser sa valeur glisser après tout jute trois ans d'existence serait une erreur monumentale. La politique américaine de dévaluation du dollar est une impasse de toute façon. C'est un pansement sur la jambe de bois d'une Amérique qui ne s'est toujours pas remise de l'explosion de la bulle spéculative d'Internet et qui sauve sa compétitivité et sa croissance par cet artifice.
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Messagede Silverwitch le 13 Déc 2004, 22:50

Shunt a écrit:Ce n'est pas MA vision économique. C'est l'économie telle qu'elle fonctionne aujourd'hui en 2004 dans un système mondialisé de changes fluctuants.


Cette réponse ne me satisfait pas. Non pas que tes précisions ne soient pas intéressantes puisqu'elles ouvrent une autre perspective par rapport à ma vision disons un peu engagée, mais parce que je ne te retrouve pas là en fait. Moi parler d'économie pour l'économie, ça ne m'intéresse pas. Ce n'est pas mon domaine de compétence, et je crois que nous devons lier morale, politique et économie. Où est ton jugement sur les choses?

Shunt a écrit:Oui, mais l'objectif de cette politique économique a été atteint, à savoir juguler l'inflation. La fin du système de Bretton Woods ajouté aux deux chocs pétroliers a créé une situation économique inédite. Les politiques de l'époque ont jugé que la lutte contre l'inflation était prioritaire par rapport à la croissance et au plein emploi, pour stabiliser une économie qui partait en toupie. Ils ont peut-être eu tort, mais la politique de dévaluation compétitive du franc avait déjà montré ses limites dans un système de change fluctuant... notamment parce que d'autres pays ont eux aussi dévalué en même temps.


Plusieurs points dans ta réponse.

-Juguler l'inflation? Oui et alors? L'inflation n'est ni un mal ni un bien en soi. Une politique économique ne vaut que par ses conséquences sur la vie de la Nation, pas de son impact sur une statistique.

-"Ils ont peut-être eu tort" écris-tu? C'est là que se cache l'essentiel. S'ils ont eu tort, il faut tirer des leçons de cette erreur et non s'obstiner à appliquer des modèles et des prédictions économiques manifestement fausses.

-Quel est le principe qui fonde l'émission de monnaie? Je fais une émission d'un crédit papier de 100, et comme je sais qu'une grande partie de ce crédit reviendra, je peux multiplier le crédit au-delà du stock (d'or par exemple) dont je dispose. Le mécanisme repose sur un adage: "les prêts font les dépôts". D'accord? Le crédit fait l'argent, et non l'inverse. Ta réflexion sur la "dévaluation compétitive" est doublement fausse. D'abord le principe du crédit n'est pas compris. Le crédit monétaire est une mise en mouvement de forces économiques, du travail, de la production, de la consommation, une anticipation de l'activité économique. La vraie garantie de la création monétaire, ce n'est pas l'or mais l'anticipation de l'activité économique, le cycle production-consommation. La monnaie donc, qu'est-ce que c'est Shunt? Des dettes. Des dettes qui normalement doivent par l'activité économique provoquer leur remboursement. D'où le principe: argent crée-argent détruit=opération saine.

Enfin tu reproduis dans ta description une analyse toute aussi fausse: la monnaie serait neutre (puisque tu prends l'exemples des dévaluations qui s'annulent). À quoi sert l'argent? À faciliter les échanges. Concrètement sur quoi repose cette équation et en quoi la théorie libérale qui en découle est fausse:

Prenons une pièce de 1 euro. Cette pièce circule 10 fois en une journée entre les consommateurs. 10 est la vitesse de rotation de la monnaie, soit V. Si P, le prix des objets échangés, est de 2 et que 500 objets sont échangés (Quantité Q). La valeur des échanges de la journée est donc de 2X500=1000. Combien faut il de pièces de 1 euro, M (Monnaie), pour permettre les échanges? La réponse est 100, car cent pièces qui circulent 10 fois permettent de réaliser 1000 euros d'échanges. On obtient alors une relation comptable, une tautologie, "l'équation monétaire":

MV=PQ

Cette équation résume la question monétaire. Elle dit: la monnaie, multipliée par sa vitesse de circulation, est égale au niveau général des prix multiplié par le volume des transactions. La monnaie fixe le niveau général des prix. Plus il y a de monnaie, plus les prix augmentent. Mais l'économie réelle elle ne bouge pas. La monnaie détermine simplement l'inflation: 10% de monnaie en plus=10% d'inflation mécanique. Mais ce n'est qu'une équation. Pourquoi en avoir fait une théorie économique? Pourquoi faut-il l'argent soit rare et qu'est-ce que cela engendre? Pas besoin de continuer, puisque c'est le centre de mon précédent message.


Shunt a écrit:Il n'empêche que ce marché spéculatif autour de la monnaie existe et qu'il faut composer avec.


Non. Rien n'oblige à faire avec un système qui produit la ruine. Tu as lu Marx comme moi.

Shunt a écrit:La banque centrale américaine est indépendante elle aussi.


Non. La Banque Fédérale de Réserve est reponsable devant le Congrès.


Shunt a écrit:L'Allemagne de l'Ouest s'est hissée au rang de 2e puissance économique mondiale avec une politique monétaire forte. Lorsque j'étais étudiant on ne cessait de nous vanter les bienfaits du modèle rhénan, la politique du cercle vertueux (monnaie forte et stable => faibles coûts d'importation => stabilité des coûts de revient => compétitivité => exportation => excédent de devise => monnaie forte et stable => etc, etc...). L'Allemagne avait un taux de chômage de 7-8% là où la France flirtait avec les 13%. Mais le choc structurel qu'a constitué la réunification allemande en 1990 a fait voler en éclat ce modèle.


Parce que pendant dix ans, le dollar et le mark étaient à égalité en Allemange pour les échanges de la reconstruction (et que le dollar était quasiment une seconde monnaie nationale). Que le plan de reconstruction n'a pas été financé par l'Allemagne, mais sur une forme d'échange complexe avec la puissance américaine. Bref...


Shunt a écrit:C'est ton point de vue. Il n'en demeure pas moins que ces superstitions commandent l'économie à l'échelle mondiale. Tant qu'elles prévalent, il faut s'adapter. Tu proposes quoi concrètrement pour les combattre ? Quelle politique économique aujourd'hui est capable de passer au-dessus des manoeuvres spéculatives ? C'est là que ça devient plus compliqué.


Non il ne faut pas s'adapter. Faire de la politique, c'est défendre la primauté du politique sur l'économique. Quant à ta question, tout dépend de l'objectif fixé.

Shunt a écrit:Cette politique est un handicap dans l'immédiat, mais je pense qu'elle peut se révéler payante à long terme. La mise en circulation de l'
euro est un évènement historique inédit. De mon point de vue, une monnaie commune se construit à la confiance, et seule la force et la stabilité de cette monnaie peuvent assurer cette confiance. Dévaluer l'euro, laisser sa valeur glisser après tout jute trois ans d'existence serait une erreur monumentale.


Tu n'en sais strictement rien. C'est la réponse toute faite du dogme libéral. Notons à cet égard que sur ce point, l'Europe est nettement plus libérale que les USA.

Shunt a écrit: La politique américaine de dévaluation du dollar est une impasse de toute façon. C'est un pansement sur la jambe de bois d'une Amérique qui ne s'est toujours pas remise de l'explosion de la bulle spéculative d'Internet et qui sauve sa compétitivité et sa croissance par cet artifice.


C'est plus complexe que ça. La richesse d'un pays ce n'est pas la Bourse ou la Monnaie. Les USA ont des secteurs en crise, mais une richesse suffisante pour compenser. Simplement cette richesse est inférieure à celle des pays européens. Je le dis et le répète: la valeur de l'argent est liée à l'activité économique, et non au "marché" de la monnaie et de la spéculation. Il n'y a absolument rien à craindre d'une dévaluation de l'Euro sur le court et moyen terme, puisque l'Europe a une richesse suffisante. Ce qui importe à court terme c'est de rompre le cycle infernal de l'épargne, baisse de l'investissement de l'activité économique. Bref renoncer au dogme de l'épargne. Une fois pour toutes.

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Messagede Maverick le 13 Déc 2004, 23:23

Silverwtich est aussi économiste ! :eek: :eek: :good
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Messagede Cortese le 14 Déc 2004, 00:53

Mais, Silverwitch, comment expliques tu alors que la quasi totalité des économistes du monde, à l'exception de ceux travaillant avec Chavez ou Mahatir peut être, soient devenus des monétaristes ? Comment une doctrine très marginale, apparue au moment du New Deal (dans les années 30, "La route de la servitude" de Friedrich von Hayek), complètement à contre courant du keynesisme triomphant, ait pu parvenir à une aussi écrasante domination intellectuelle ? Si c'est une pure stratégie politique de la droite dure pour mettre en place une politique visant à capter le fruit du labeur de milliards d'individus au profit d'une infime minorité visant à s'enrichir sans travailler (ce que je crois), comment un pouvoir aussi arrogant et injuste a t-il pu se mettre en place sans rencontrer de vraie résistance, après l'effondrement du communisme ? Les socio-travaillisto-démocrates sont ils des idiots, des capitulards ou des traîtres au monde du travail ?
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Messagede Shunt le 14 Déc 2004, 01:08

silverwitch a écrit:Cette réponse ne me satisfait pas. Non pas que tes précisions ne soient pas intéressantes puisqu'elles ouvrent une autre perspective par rapport à ma vision disons un peu engagée, mais parce que je ne te retrouve pas là en fait. Moi parler d'économie pour l'économie, ça ne m'intéresse pas. Ce n'est pas mon domaine de compétence, et je crois que nous devons lier morale, politique et économie. Où est ton jugement sur les choses?


L'économie n'a pas à être morale ou non. L'économie, c'est l'interaction de millions d'êtres humains dont le travail vise à vendre le plus grand nombre de produits et de services. La morale, c'est le travail du politique qui doit réguler l'ensemble et poser des garde-fous (ce qui est le maximum que le politique puisse accomplir dans une économie non dirigiste), car l'économie a besoin de règles pour fonctionner.

Placer l'économie sur le terrain de la morale, c'est justement ce que font les idéologues libéraux pour déréguler les marchés. Pour eux, une politique protectionniste est immorale car elle empêche les pays émergeants d'écouler leurs produits et donc d'accéder au niveau de richesse des pays développés. De même, on peut juger une politique de dévaluation compétitive "immorale", car il s'agit ni plus ni moins d'un dumping monétaire qui vise à niquer tes partenaires commerciaux. Laisser filer le déficit est également "immoral" à l'égard de tes créanciers.

Vouloir affronter le libéralisme économique sur le terrain de la morale est un combat perdu d'avance. C'est sur la démonstration de son inefficacité économique qu'il doit être combattu.

-Juguler l'inflation? Oui et alors? L'inflation n'est ni un mal ni un bien en soi.


Tout dépend de l'importance de cette inflation. Au-dessus de 2%, il faut quand même s'inquiéter, au risque d'asphyxier la consommation.

Une politique économique ne vaut que par ses conséquences sur la vie de la Nation, pas de son impact sur une statistique.


Tout à fait. Mais quand une politique monétaire entraîne de l'inflation cela se traduit concrètement par une perte de pouvoir d'achat. Si ce n'est pas une conséquence directe sur la vie de la Nation, qu'est-ce que c'est ?

"Ils ont peut-être eu tort" écris-tu? C'est là que se cache l'essentiel. S'ils ont eu tort, il faut tirer des leçons de cette erreur et non s'obstiner à appliquer des modèles et des prédictions économiques manifestement fausses.


Quand je dis "peut-être ont-ils eu tort", c'est qu'honnêtement je n'en sais rien. Ce que je constate seulement, c'est que la politique du franc fort n'est pas sortie du chapeau comme ça du jour au lendemain. Cette politique de rigueur introduite en 1983 en France est venue sanctionner l'échec de la politiquepratiquée par le gouvernement Mauroy à partir de 1981. La politique de relance par le déficit budgétaire et la double dévaluation du franc opérée en octobre 1981 puis en août 1982 a été un fiasco total. Les déficits se sont creusés et le chômage a continué à augmenter. Là, on n'est plus dans la théorie mais dans des faits avérés. Que se serait-il passé si on avait persévéré dans cette voie, aurait-ce été pire ou mieux qu'avec la politique de rigueur ? Je ne le sais pas. Je vois juste que cette politique tentée de 1981 à 1983 n'a pas marché.

-Quel est le principe qui fonde l'émission de monnaie? Je fais une émission d'un crédit papier de 100, et comme je sais qu'une grande partie de ce crédit reviendra, je peux multiplier le crédit au-delà du stock (d'or par exemple) dont je dispose. Le mécanisme repose sur un adage: "les prêts font les dépôts". D'accord? Le crédit fait l'argent, et non l'inverse. Ta réflexion sur la "dévaluation compétitive" est doublement fausse. D'abord le principe du crédit n'est pas compris. Le crédit monétaire est une mise en mouvement de forces économiques, du travail, de la production, de la consommation, une anticipation de l'activité économique. La vraie garantie de la création monétaire, ce n'est pas l'or mais l'anticipation de l'activité économique, le cycle production-consommation. La monnaie donc, qu'est-ce que c'est Shunt? Des dettes. Des dettes qui normalement doivent par l'activité économique provoquer leur remboursement. D'où le principe: argent crée-argent détruit=opération saine.

Enfin tu reproduis dans ta description une analyse toute aussi fausse: la monnaie serait neutre (puisque tu prends l'exemples des dévaluations qui s'annulent). À quoi sert l'argent? À faciliter les échanges. Concrètement sur quoi repose cette équation et en quoi la théorie libérale qui en découle est fausse:

Prenons une pièce de 1 euro. Cette pièce circule 10 fois en une journée entre les consommateurs. 10 est la vitesse de rotation de la monnaie, soit V. Si P, le prix des objets échangés, est de 2 et que 500 objets sont échangés (Quantité Q). La valeur des échanges de la journée est donc de 2X500=1000. Combien faut il de pièces de 1 euro, M (Monnaie), pour permettre les échanges? La réponse est 100, car cent pièces qui circulent 10 fois permettent de réaliser 1000 euros d'échanges. On obtient alors une relation comptable, une tautologie, "l'équation monétaire":

MV=PQ

Cette équation résume la question monétaire. Elle dit: la monnaie, multipliée par sa vitesse de circulation, est égale au niveau général des prix multiplié par le volume des transactions. La monnaie fixe le niveau général des prix. Plus il y a de monnaie, plus les prix augmentent. Mais l'économie réelle elle ne bouge pas. La monnaie détermine simplement l'inflation: 10% de monnaie en plus=10% d'inflation mécanique. Mais ce n'est qu'une équation. Pourquoi en avoir fait une théorie économique? Pourquoi faut-il l'argent soit rare et qu'est-ce que cela engendre? Pas besoin de continuer, puisque c'est le centre de mon précédent message.


Je ne vois pas très bien en quoi la théorie quantitative de la monnaie contredit l'inefficacité des dévualations compétitives quand d'autres pays partenaires y ont recours simultanément ?

Je reprends ma démonstration. Tu prends trois pays partenaires commerciaux : X, Y et Z. Si X dévalue sa monnaie x de 0.5% par rapport aux monnaies y de Y et z de Z, il peut espérer doper ses exportations chez Y et Z car ses produits libellés en monnaie x seront moins chers. Mais si Y et Z dévaluent à leur tour de 0.5%, cet effet bénéfique sur les exportations finit par s'annuler, vu qu'on reviendra au mieux à la situation pré-dévaluation.

Aujourd'hui, si la zone euro et le Japon dévaluent, les effets de la dévaluation du dollar sur le commerce extérieur américain seront loin d'être aussi vertueux.

Shunt a écrit:Non. Rien n'oblige à faire avec un système qui produit la ruine. Tu as lu Marx comme moi.


Mais avant de mettre fin à un système, mieux vaut savoir par quoi on le remplace. Or c'est là le gros point faible du marxisme, qui apporte des réponses peu satisfaisantes aux questions du comment et du quoi.

Non. La Banque Fédérale de Réserve est reponsable devant le Congrès.


Exact. Comme les responsables de la BCE sont nommés par les gouvernements des pays membres (mais ils ne rendent pas de comptes c'est vrai).

Parce que pendant dix ans, le dollar et le mark étaient à égalité en Allemange pour les échanges de la reconstruction (et que le dollar était quasiment une seconde monnaie nationale). Que le plan de reconstruction n'a pas été financé par l'Allemagne, mais sur une forme d'échange complexe avec la puissance américaine. Bref...


Oui mais la politique du mark fort a perduré bien au-delà des années 50 avec la réussite que l'on sait. Notamment dans les années 80.

Non il ne faut pas s'adapter. Faire de la politique, c'est défendre la primauté du politique sur l'économique.


Certes mais si l'économie tourne mal, la crédibilité du politique en pâtit. Or dans une économie mondialisée, régie par l'OMC et les accords du GATT, la marge de créativité est réduite. Sauf à penser que la France est capable de vivre en complète autarcie en maintenant le même niveau de vie.

Tu n'en sais strictement rien. C'est la réponse toute faite du dogme libéral. Notons à cet égard que sur ce point, l'Europe est nettement plus libérale que les USA.


Parce que les USA sont le seul pays capable s'assumer une politique d'inspiration keynésienne aujourd'hui. Grâce à la position centrale qu'occupe le dollar dans l'économie mondiale.

Faire une politique keynésienne pour la beauté du geste, c'est sympathique, mais on risque de se faire un petit remake de 1981-1982. Aujourd'hui, le keynésianisme n'est envisageable qu'au niveau européen et par une Europe économiquement forte, dotée d'un important marché unifié et d'une monnaie référence dans les échanges mondiaux. Aujourd'hui une politique de relance budgétaire unilatérale de la part d'un pays membre serait un coup fatal porté contre l'euro. Une relance concertée en revanche serait théoriquement séduisante mais difficile à coordonner dans l'état actuel des institutions européennes.

Shunt a écrit:C'est plus complexe que ça. La richesse d'un pays ce n'est pas la Bourse ou la Monnaie. Les USA ont des secteurs en crise, mais une richesse suffisante pour compenser.


Il n'en demeure pas moins que le chômage grimpe comme on l'avait rarement vu là-bas.

Il n'y a absolument rien à craindre d'une dévaluation de l'Euro sur le court et moyen terme, puisque l'Europe a une richesse suffisante.


Je pense que dévaluer l'euro à ce stade de son existence, c'est noyer le bébé dans l'eau du bain. La confiance accordée à une monnaie est une donnée très importante pour l'avenir.

Ce qui importe à court terme c'est de rompre le cycle infernal de l'épargne, baisse de l'investissement de l'activité économique. Bref renoncer au dogme de l'épargne. Une fois pour toutes.


C'est souhaitable effectivement. Le tout est de savoir décider du bon moment. Une dévaluation ratée de l'euro pourrait lui être fatal, ce qui à mon sens n'est pas souhaitable. A ce niveau là, il faut peut-être patienter. Quand on n'est pas le plus fort, on se doit d'être le plus sage.
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Messagede Shunt le 14 Déc 2004, 01:38

Cortese a écrit:Mais, Silverwitch, comment expliques tu alors que la quasi totalité des économistes du monde, à l'exception de ceux travaillant avec Chavez ou Mahatir peut être, soient devenus des monétaristes ? Comment une doctrine très marginale, apparue au moment du New Deal (dans les années 30, "La route de la servitude" de Friedrich von Hayek), complètement à contre courant du keynesisme triomphant, ait pu parvenir à une aussi écrasante domination intellectuelle ? Si c'est une pure stratégie politique de la droite dure pour mettre en place une politique visant à capter le fruit du labeur de milliards d'individus au profit d'une infime minorité visant à s'enrichir sans travailler (ce que je crois), comment un pouvoir aussi arrogant et injuste a t-il pu se mettre en place sans rencontrer de vraie résistance, après l'effondrement du communisme ? Les socio-travaillisto-démocrates sont ils des idiots, des capitulards ou des traîtres au monde du travail ?


Les monétaristes ont tout simplement surfé sur l'échec des politiques keynésiennes, notamment en Europe de l'Ouest, après les deux chocs pétroliers. Le keynésianisme reposait sur un système monétaire à parité fixe. Les Etats-Unis l'ont maintenu pour aider l'Europe à se reconstruire, ce qui était nécessaire à la bonne santé de leur économie. A partir du moment où ils n'en tiraient plus de bénéfice, ils en sont sortis et ont opté pour un système de changes fluctuants "régulés" par les marchés. Ajoute à cela les deux chocs pétroliers qui ont contribué à faire grimper les prix en Europe de l'Ouest, plombant de fait les politiques keynésiennes de relance (a priori inflationniste).

Il y a un deuxième facteur qui est le processus même de construction européenne et de création de la monnaie européenne. A la base de l'euro, il y a eu le fameux SME qui encadrait les fluctuations des monnaies des pays membres, comme réponse justement à la fin de Bretton Woods et à la volatilité des devises. Puis les fameux critères de convergence de Maastricht qui s'appuyaient sur un déficit budgétaire et une inflation contrôlée, pour donner un socle à l'euro. Un euro voulu fort par les Allemands qui avaient érigé en dogme le mark fort, en raison des douloureux souvenirs de la crise économique des années 20/30.

Voilà en gros comment on en est arrivé là. Ce qui est fait étant fait, tout le problème est de savoir ce que l'on fait maintenant dans ce contexte : est-ce qu'on pousse encore plus loin l'intégration européenne et est-ce qu'on maintient le cap sur l'euro pour se donner les moyens à terme d'appliquer efficacement une politique de type keynésienne (c'est je le pense la position aujourd'hui majoritairement défendue par les Socialistes Français) ? Ou est-ce qu'on fait tout péter tout de suite pour faire machine arrière ?
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Messagede Cortese le 14 Déc 2004, 02:47

Merci Shunt, mais a priori, la stagflation existait aussi aux Etats Unis dans les années pré-Reagan et il me semble que la tendance s'était amorcée avant les chocs pétroliers (dont les Etats Unis ont été plutôt bénéficiaires).

J'aimerais bien rappeler aussi que le choc pétrolier en sens inverse (celui de 1986) a ruiné les pays pétroliers à population importante et déclenché des conséquences autrement plus dramatiques que l'accroissement des inégalités en Europe.
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Messagede Silverwitch le 14 Déc 2004, 02:55

Cortese a écrit:Mais, Silverwitch, comment expliques tu alors que la quasi totalité des économistes du monde, à l'exception de ceux travaillant avec Chavez ou Mahatir peut être, soient devenus des monétaristes ? Comment une doctrine très marginale, apparue au moment du New Deal (dans les années 30, "La route de la servitude" de Friedrich von Hayek), complètement à contre courant du keynesisme triomphant, ait pu parvenir à une aussi écrasante domination intellectuelle ? Si c'est une pure stratégie politique de la droite dure pour mettre en place une politique visant à capter le fruit du labeur de milliards d'individus au profit d'une infime minorité visant à s'enrichir sans travailler (ce que je crois), comment un pouvoir aussi arrogant et injuste a t-il pu se mettre en place sans rencontrer de vraie résistance, après l'effondrement du communisme ? Les socio-travaillisto-démocrates sont ils des idiots, des capitulards ou des traîtres au monde du travail ?


Cortese,

Je crois qu'ils sont les trois à la fois (idiots, capitulards et traîtres), mais que parmi ces trois tares gravissimes, la trahison est la pire. Encore faut-il s'entendre sur la trahison en question.

D'abord il est utile de faire souvenir je crois que la classe politique (dans un système parlementaire) représente au fond la bourgeoisie, les possédants. Deuxièmement, au lieu de dénoncer ce mécanisme, la gauche est sous l'emprise de la culture de ses adversaires (ce qui a provoqué l'effondrement du communisme). Et si un vrai programme de gauche perd le plus souvent les élections (sauf l'exception en France de 81), cela signifie tout simplement qu'elle ne plaît pas aux électeurs. Dans les conditions normales d'un pays riche, la "majorité" préfère, voire idolatre, les comportements et les modèles que représentent les détenteurs de la richesse. Sur le plan public comme sur le plan privé, les puissants sont l'objet privilégié du discours. Ce qui importe, c'est de "changer de place" dans l'échelle sociale. Les moments où la majorité se déplacent à gauche sont exceptionnels: ainsi la première guerre mondiale accouche de la révolution communiste, puis du soulèvement de l'Asie et des autres mondes colonisés.

Peut-être d'ailleurs, la raison de cette trahison est-elle plus profonde. On peut penser qu'il n'existe qu'une seule façon d'appliquer la philosophie des Lumières: c'est l'individualisme libéral. La traduction politique la plus aboutie étant le discours d'Adam Smith. Cela revient donc à estimer aujourd'hui que la gauche s'abreuve à la même source philosophique que le libéralisme. Ce qui expliquerait pourquoi la gauche "progressiste" ne fonde plus aujourd'hui de programme que sur les moeurs et sur une éventuelle "régulation" du capitalisme. Il n'y a rien à espérer de cette gauche progressiste dont la collusion avec les arcanes du pouvoir parlemntaire, oligarchique et technocratique est évidente.

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Messagede Silverwitch le 14 Déc 2004, 04:20

Shunt a écrit:L'économie n'a pas à être morale ou non. L'économie, c'est l'interaction de millions d'êtres humains dont le travail vise à vendre le plus grand nombre de produits et de services. La morale, c'est le travail du politique qui doit réguler l'ensemble et poser des garde-fous (ce qui est le maximum que le politique puisse accomplir dans une économie non dirigiste), car l'économie a besoin de règles pour fonctionner.


Alors nous sommes d'accord puisque tu reconnais avec moi la primauté de la politique. L'économie ce n'est rien par elle-meme.

Shunt a écrit:Placer l'économie sur le terrain de la morale, c'est justement ce que font les idéologues libéraux pour déréguler les marchés. Pour eux, une politique protectionniste est immorale car elle empêche les pays émergeants d'écouler leurs produits et donc d'accéder au niveau de richesse des pays développés. De même, on peut juger une politique de dévaluation compétitive "immorale", car il s'agit ni plus ni moins d'un dumping monétaire qui vise à niquer tes partenaires commerciaux. Laisser filer le déficit est également "immoral" à l'égard de tes créanciers.


Cela ne change rien. L'évaluation d'une politique (économique ou non) se fait aussi avec une morale: pourquoi parle-t-on de justice, d'égalité ou de progrès social? Le fondement de l'économie repose sur la morale. Tu as raison par contre de souligner que le libéralisme est aussi une posture morale. Simplement c'en est une autre qui est tout aussi critiquable que ses effets et modèles économiques.

Shunt a écrit:Vouloir affronter le libéralisme économique sur le terrain de la morale est un combat perdu d'avance. C'est sur la démonstration de son inefficacité économique qu'il doit être combattu.


L'un n'empêche ni n'affaiblit l'autre. Quant à montrer l'inefficacité du libéralisme, rien du simple. Elle est montrée depuis longtemps. En voici une démonstration en quelques points.

Le dilemme du prisonnier de John Nash (mathématicien, prix Nobel 94)

John Nash a démontré un résultat qui ruine le concept central du libéralisme: la concurrence. Deux prisonniers sont enfermés dans une tour. L'un des deux a commis un crime horrible, mais on ne sait pas lequel. Ils sont totalement coupés l'un de l'autre, sans aucune possibilité de communication. Le directeur de la prison va les voir l'un après l'autre et fait à chacun la proposition suivante "Tu avoues le crime, et l'autre, que je vais aller voir après, n'avoue pas. Dans ce cas, tu prendras la perpétuité incompressible, et l'autre sera libre. Ou bien tu n'avoues pas, tu jures être innocent, et l'autre que je vais aller voir après toi, n'avoue pas non plus. Dans ce cas, vous prenez tous les deux vingt ans incompressibles. Ou alors tu avoues, mais l'autre aussi avoue! De sorte que, moi, directeur de la prison, je ne sais toujours pas qui est le coupable. Mais, dans ce cas, bien entendu, comme le coupable a avoué, je suis obligé d'être plus clément, et vous écopez chacun de dix ans fermes. Alors?

Résumons:

1. Tu avoues, l'autre pas, tu es en prison à vie, l'autre s'en va.
2. Tu n'avoues pas, l'autre non plus, vingt ans chacun.
3. Vous avouez tous les deux, dix ans chacun.

Dilemme.

Avouer, ne pas avouer? Si j'avoue et que l'autre n'avoue pas, je suis en prison à vie. Si je n'avoue pas et que l'autre en fait autant, je prends vingt ans: mais s'il avoue je sors! Et si nous avons tous les deux, nous ne prenons que dix ans...

Solution?

Ne pas avouer. Car dans tou les cas, la solution 0 ou 20 ans est meilleure que la solution 10 ans ou prison à vie. J'ai choisi de jouer perso, chacun pour soi. Voilà ce qu'est la concurrence. Comme l'autre va faire comme moi, nous prendrons tous les deux 20 ans. Si au lieu de jouer seul, j'avais cru en la collectivité et si j'avais été sûr que l'autre en ferait de meme, nous aurions pris chacun 10 ans. C'était la solution de "coopération". Encore aurait-il fallu avoir une immense confiance en l'autre: penser que notre bonheur venait non pas de l'égoïsme de l'autre, mais de sa bienveillance!

Voilà le dilemme du prisonnier qu'expose Nash dans son livre "Non cooperative games". Le dilemme ne remet pas en cause une des hypothèses clés de la concurrence parfaite, qui est l'indépendance des décisions. La solitude absolue des individus, leur autonomie totale, le fait que leur décision soit prise de leur faitt, demeure. Mais le fait est que la décision de l'un dépend de ce qu'il pense que va faire l'autre. Dans une bataille (et l'économie serait une bataille nous fait-on croire), on cherche à deviner ce que va faire l'adversaire: j'anticipe les actions des autres.

Exemple de la crise de surproduction: j'anticipe que mes voisins vont produire beaucoup plus de vodka pour l'écouler sur le marché. Je décide alors d'anticiper et de produire plus de vodka qu'eux. Et en avant les machines! Mais mon voisin anticipe que je vais surproduire et décide lui aussi d'augmenter la taille de sa production. Résultat: nous innondons tout le marché de notre vodka, le prix de la vodka s'effondre, et nous sommes tous ruinés.

Exemple du commerce mondial: Je me dis en tant qu'européenne que les USA vont inonder le marché mondial de produits agro-alimentaires subventionnés. Que fais-je? J'augmente les subventions dont bénéficient mes agriculteurs. Les USA anticipent mon anticipation et surenchérissent. Résultat: surproduction, disparition des agricultres locales, migration des campagnes vers la ville, apparition des bidonvilles. Toute la théorie de la main invisible est ruinée. La concurrence donne la mauvaise solution, alors que la coopération au contraire, donne la bonne solution. Le dilemme du prisonnier est catastrophique pour la pensée libérale, pour la notion de marché autorégulateur. Il faut bien comprendre qu'il ne s'agit pas que d'un simple petit modèle, mais bien de la matrice fondamentale de l'économie politique.

Le jeu de cartes

Pour rendre ce modèle plus concret, ont été organisés des jeux entre individus "perso" et "collectif". Les premiers sont des élèves d'école de commerce, formatés à la concurrence et au chacun pour soi, rationnels et égoïstes, maximisant chacun sa propre utilité; les autres une équipe de basket, plutôt solidaire. Les premiers n'ont pas confiance les uns dans les autres, contrairement aux seconds. On leur fait jouer de l'argent. Ils sont huit dans chaque équipe. On distribue à chacun 4 cartes d'un jeu de 32. À chaque tour, ils gardent deux cartes et en jettent deux dans le pot. Ils gagnent: 4 euros par carte rouge conservée (chaque carte rouge a la même valeur, roi de carreau ou sept de coeur, peu importe), plus 1 euro par carte dans le pot. Soit je mets mes rouges dans le pot (je joue collectif), soit je les garde. Exemple: si j'ai deux rouges et que je les garde, j'ai gagné 8 euros. Si je les ai mises dans le pot, et que tout le monde a fait pareil, nous avons gagné chacun 8X2=16 euros. Dilemme...Faut il jouer perso ou collectif?

Le résultat est frappant. L'école de commerce joue perso. Les basketteurs jouent collectif. Et bien entendu...Les basketteurs gagnent. Mais voilà. Les tours passent, et passent. Certains basketteurs commencent à jouer perso en se disant: je joue pour moi, mais comme les autres seront assez bêtes pour jouer collectif, j'empocherai les cartes que je garde en mai, plus celles que les autres mettent au pot. Exemple, toujours sur une distribution de deux rouges, deux noires: je garde mes deux cartes rouges (8 euros) et les autres mettent leurs cartes dans le pot (14 euros). Total pour moi: 22 euros. Encore mieux que dans le cas où tout le monde joue collectif.

Les autres alors s'en rendent compte. Que font-ils au tour suivant? Ils trahissent aussi. Et petit à petit, on se retrouve dans la situation de concurrence. Tout se passe comme si l'idée concurrentielle, selfishness, polluait petit à petit le jeu, jusqu'à ce qu'on se trouve dans la même situation que celle des gestionnaires. C'est une idée clé de l'économie contemporaine: l'anticipation rationnelle, qui débouche sur un mauvais équilibre. J'anticipe que les autres vont être égoïstes. Et les autres pensent de même. On joue donc tous égoïstes, on perd tous.

La deuxième idée qui permet d'expliquer comment fonctionne l'économie est l'auto-réalisation. Si je commence à dire: chacun pour soi, c'est bon! C'est bien!, que va-t-il se passer dans la tête des basketteurs? Ils vont me croire et se dire: oui, la concurrence a du bon. Et voilà que cette concurrence qui n'existait pas chez eux se réalise. Ma prophétie s'est bien auto-réalisée: je prévois la concurrence, je chante ses vertus, je mets quelques secteurs en concurrence et la concurrence arrive.

L'économie ne fonctionne quasiment aujourd'hui que de ces prophéties: "il faut un franc fort, le franc doit devenir fort" (prophétie auto-réalisée). "Il faut de la flexibilité du travail", "vive la Bourse", et tout le monde va en bourse. Toutes les décisions économiques sont des décisions "stratégiques", prises dans un univers où ce que fait autrui a une incidence sur ce que je fais. Une chaîne de télévision fait "Loft Story"? Toute se lancent aussitot dans la télé-réalité et le niveau global des émissions baisse. La concurrence conduit toujours à la mauvaise solution. La concurrence est inefficace.

À l'attention de nos libéraux de gauche: le théorème ou "paradoxe de Lipsey-Lancaster".

Nash a montré que nous étions dans l'inefficacité. Peut-on aller vers l'efficacité, peu à peu? C'est toute la politique de Bruxelles qui est en cause là (ainsi que celle du pompier pyromane le FMI). Une autre façon de poser la question serait: faut-il décentraliser au nom de l'efficacité? Bien sûr que non.

Imaginons disent Lipsey et Lancaster qu'un marché parfait existe et qu'on veuille aller vers lui. On peut souhaiter petit à petit, libéraliser les marchés, celui du travail, des capitaux, puis privatiser, flexibiliser, supprimer les monopoles, mettre des péages là où il n'y en avait pas, bref on peut souhaiter faire ce que fait l'Europe mais il y a toujours des ilots de non-concurrence, par exemple des monopoles publics. Je ne suis donc pas tout à fait en concurrence, par conséquent mon économie n'est pas tout à fait efficace. Que faire? En tant que commissaire européen à la concurrence (sic!), je constate que le monople des postes, des transports aériens, de l'alcool, du tabac, l'exclusivité du service public de l'éducation, représentent autant d'entraves à la concurrence. Alors, démantelons. Que se passe-t-il?

La logique voudrait que plus on s'approche de la concurrence, plus le système devienne efficace. Si dans un pays, il y a trois marchés, dont deux contrôlés par un monopole et le troisième concurrentiel, l'évidence, le bon sens, tout ce qui dégouline du cerveau malade des économistes, veulent que ce que pays soit plus "efficace" que celui où sont présents trois marchés et trois monopoles. Et que le pays qui n'a plus qu'un monopole soit encore plus efficace. Eh bien non...

Le théorème de Lispey-Lancaster démontre que c'est faux: si l'on touche à un aspect anticoncurrentionel d'une économie, quelque part, alors on se retrouve automatiquement dans une situation pire que celle du départ. Autrement dit, on ne peut aller pas à pas vers la concurrence, ou ce n'est pas la peine d'avoir une politique des "petits pas" à l'européenne. C'est un résultat destructeur. Privatiser, par exemple, n'a aucune justification économique. Politique sans doute, mais pas économique. Ce théorème démontre le primat absolu du politique sur l'économique.

Si, par exemple, il y a deux monopoles et que j'en suppriime un, en attendant de supprimer l'autre, suis-je pour autant dans une meilleure situation qu'auparavant? "Oui!" disent tous les gens du café du commerce de l'économie, tous les libéraux, tous les technocrates de Bruxelles. Si vous supprimez un monopole et laissez l'autre, la situation sera sans doute pire et vous ne serez pas rapprochés de la solution concurrentielle. Pire, vous en serez éloignés. Tel est le paradoxe de Lipsey-Lancaster: ou tout est concurrence, tout, absolument tout, pas d'impôts, de taxes, de droits de douane, de monopoles, d'effets de mode, de synergies, de rendements croissants, de pollution, d'entente, de collusion, de mométisme, tout est partout en concurrence, de l'école du village à la production pétrolière mondiale, ou...rien. Il est donc vain de cheminer petit à petit vers la concurrence, on n'y va pas peu à peu.

Le paradoxe de Lipsey-Lancaster est donc très important philosophiquement et politiquement. La "libéralisation progressive" est une utopie, une pure volonté idéologique, un rêve du bureaucrate ou de fanatique, le calcul du renard libre dans le poulailler libre, et n'a par la même aucun intérêt pour l'efficacité économique. Mais alors, la politique de Bruxelles? Elle est stupide car supprimer un à un les monopoles publics conduit à des situations globalement pires. Vous avez "rationalisé" la Poste? Plus de bureaux dans les petits villages, parce que trop couteux? Bienvenue à l'émigration vers les villes, à la violence, à la perte d'efficacité. Vous avez supprimé les petits trains de banlieue, déficitaires pour ne conservers que les grandes lignes rentables, concurrence avec le transport aérien oblige? Bienvenue à la ruine des économies locales, à l'émigration, à l'entassement, à l'utilisation excessive de la voiture, à la pollution et ainsi de suite. Le théorème de Lispey-Lancaster ne dit pas autre chose que: "tout se tient, et si vous coupez un fil social, tout risque d'être pire, voire de tomber". La privatisaiton de la Russie après la chute du mur en est un bel exemple: on est allé petit à petit vers la concurrence, et on a tout détruit.

Dernier théorème enfin: le théorème (ou paradoxe) de Grossman-Stiglitz.

En substance, un mécanisme de marché ne peut jamais améliorer le fonctionnement du marché. Spontanément, le marché ne crée jamais plus de marché. Il existe une autre manière de le dire, plus politique; le marché n'est jamais spontané, il est toujours une construction extra-économique. Ce qui laisse entendre comme en avait eu l'intuition Marx que le marché crée de l'anti-concurrence.

Pourquoi alors me dira-t-on, avons nous un "équilibre", une "harmonie sociale"? Pourquoi? Parce que subsistent d'autres liens, non économiques, évidemment, car les liens économiques livrés à eux-memes sont purement destructeurs. On trouve ainsi du lien social, de l'affection, de l'amitié, du lien féodal, de la soumission, de l'altruisme, de la solidarité, de la confiance, du don, de la gratuité, de la coutume, de la loi...Mais surtout il y a énormément de gratuité pure dans les acitons humaines.

En conclusion, l'Europe telle qu'elle se construit est un échec. Elle se fonde sur des théories libérales fausses (et démontrées fausses), notamment sur un principe, celui d'un marché à la concurrence libre et non faussée qui comme on le voit est inefficace et dangereux. Elle produit une organisation non-démocratique qui renforce encore la collusion entre les hommes politiques et leur permet d'échapper à la sanction du vote, à confier les clés de son Union à des "spécialistes" de la monnaie (théorie bidon) et paradoxalement est plus libérale que les USA, tout en se condamnant à rester toujours et à jamais avec un déficit public élevé, des dettes, du chômage, une croissance médiocre et une absence totale de pouvoir et de volonté politique. La concurrence n'est pas efficace. Combien de temps encore devrons-nous accepter un tel dogme sans réagir et subir des incompétences, des mensonges, des crimes organisés à l'égard de l'humanité toute entière ainsi que de notre planète? Il y a un moment où il faut que le monde arrête d'avoir la tête à l'envers.

Voilà, si besoin je répondrai dans la journée au reste de ton message. Mais l'essentiel est montré ici, je crois.

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Messagede Nuvo le 14 Déc 2004, 11:04

Je ne sais pas ce que tu fumes Silver, mais la phrase "faison tourner la planche à billet" m'a fait hurlé de rire. Nous avions une génie politique et économique sur ce forum et la France l'ignorait.
Au bout d'un mois tu iras acheter ta baguette de pain avec une brouette remplie de billet.

Barre le criminel et Delors, l'homme du franc fort, sont donc tes pires ennemis. Je te le confirme : tu es chevenemenetiste mais jusqu'au bout ! Si le programme commun existait tu le soutiendrait toujours, en 1983 tu aurais été hostile au plan de rigueur. Et en 1991, tu aurais demitionné en pleine guerre du Golf ?

Merci Shunt pour ces précisions. J'avais lu un édito de Le boucher sur la Chine et les USA. pour l'instant c'est toujours "je te tiens tu me tiens par la barbichette..." mais dans 15 ans ?
A la limite on peut faire des analyses croisés : Garion parlait de la possibilité que la grippe avière fasse jusqu'à 1 milliard de mort... si c'est en Asie, l'éco US sombre et c'est de nouveau la crise.
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Messagede von Rauffenstein le 14 Déc 2004, 11:20

Nuvolari a écrit:A la limite on peut faire des analyses croisés : Garion parlait de la possibilité que la grippe avière fasse jusqu'à 1 milliard de mort...
[mode Général Patton on] Ca en laisse quand même encore 300 millions vivant. [/mode Général Patton off]
Le fascisme au fait, c'était pas déjà l'histoire d'un mec en marche qui fascinait les foules avec son culte de la personnalité ?
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Messagede B.Verkiler le 14 Déc 2004, 15:29

silverwitch a écrit:Le jeu de cartes

Le résultat est frappant. L'école de commerce joue perso. Les basketteurs jouent collectif. Et bien entendu...Les basketteurs gagnent. Mais voilà. Les tours passent, et passent. Certains basketteurs commencent à jouer perso en se disant: je joue pour moi, mais comme les autres seront assez bêtes pour jouer collectif, j'empocherai les cartes que je garde en mai, plus celles que les autres mettent au pot.

Silverwitch


Exactement. Et s'ensuit ce que tu décris. On voit bien que dans un système stable, qui permet à la collectivité d'être efficace (et donc d'assurer la subsitance de chacun, et plus), vient le moment où l'individu agira pour lui et au détriment de la collectivité.

Cette facette de l'homme est réelle, comme le sont l'amitié, la solidarité, la soumission, le désir de justice etc. Et contrairement aux autres, cette facette là agit comme un cancer et se répand, à partir d'une seule cellule, et pervertit tout le système.

J'en tire comme conclusion qu'un système, aussi efficace soit-il pour la collectivité, ne peut durer sans l'apparition d'une concurrence, bien que celle-ci soit destructrice.

Et si je pense que la concurrence est inévitable parce qu'anthropologique, alors le "meilleur modèle" est bien un modèle qui s'appuie sur le marché, qui est pour moi une construction "civilisée" des rapports humains, rapports de force plus ou moins diffuse.
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Messagede Shunt le 14 Déc 2004, 15:34

silverwitch a écrit:L'un n'empêche ni n'affaiblit l'autre. Quant à montrer l'inefficacité du libéralisme, rien du simple. Elle est montrée depuis longtemps.


Ouf. Ce me rassure. Pas de danger donc. On n'a plus qu'à attendre que le système s'écroule dans ce cas... sauf que c'est un peu léger comme programme politique. Démolir un système, c'est bien (encore que ce seront les plus faibles qui en pâtiront comme c'est le cas dans toutes les crises), préparer l'alternative, c'est encore mieux... sauf qu'aujourd'hui une alternative ne se prépare pas seul dans son coin. Toute la question, c'est de savoir si le repli national est la voix du salut et de préservation de notre niveau de vie, ou si au contraire, il faut persévérer dans la constitution de "solidarités de fait" (le principe fondateur des pères de l'Europe) qui puissent conduire à la naissance du conscience commune européenne, nécessaire à l'élaboration d'une alternative crédible et durable au libéralisme économique. Ce ne sont pas les "idées nobles" de fraternité et de partage qui conduiront à un changement, mais la prise de conscience d'intérêts matériels communs à la nécessité du changement. Ceux notamment qu'il faut convaincre de l'innanité du libéralisme économique, ce ne sont les petits, mais les gros, ceux qui détiennent le capital... c'est lorsqu'Henry Ford a compris que ses salariés pouvaient aussi être ses clients qu'il a consenti à les payer plus. De même que le plan Marshall de redressement de l'Europe a été motivé par la nécessité pour les USA de maintenir ses débouchés commerciaux, tout en contenant l'influence soviétique.

Sans l'aval des détenteurs du capital, il n'y a malheureusement pas de réforme sociale possible. C'est injuste, mais c'est comme ça. On l'a vu en 1982 lorsque la fuite des capitaux a totalement plombé la politique keynésienne voulue par le gouvernement Mauroy. Comme la politique des 35 heures a été plombée par le Medef. Aujourd'hui, les puissants n'en sont plus à devoir cacher leur or. Le capital est devenu totalement immatériel, il traverse les frontières d'un simple clic, par Internet, pour être planqué à l'autre bout du monde ou investir des places plus confortables et bienveillantes. Et ce sont les politiques qui servent de fusibles.

Alors c'est quoi la solution ?

Contraindre par la force, avec réquisitions de force, couper toutes les communications pour éviter que des consignes soient données et mettre en place la dictature du prolétariat (mais sous quelle forme ?) ? Mouais... c'est plus que compliqué quand même que le "y a qu'à, il faut".

On a beaucoup parlé de la politique monétaire, et on est d'accord pour dire qu'elle ne fait pas tout. Il faut bien entendu s'interroger sur la politique industrielle à mener (quelle offre attrayante de produits sommes-nous capables de proposer ?), sur la façon de développer et d'encourager la demande intérieure (qui est à mon avis un facteur de prospérité économique bien plus fiable que la vitalité des exportations qui est une course au moins disant social).

C'est ça la vraie question aujourd'hui : quel est le cadre le mieux adapté à une politique économique volontariste favorisant la demande intérieure ? La France ou l'Europe ? Si on pense que c'est l'Europe, où 25 pays doivent se mettre d'accord sur une seule et même politique, il faut alors accepter certains compromis.
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Messagede f1pronostics le 14 Déc 2004, 16:01

silverwitch a écrit:Mais non. Payons les: en euros. Faisons tourner la planche à billets.
Juste, attendez quelques temps que j'ai signé pour mon prêt de maison. Après, on rigolera ensemble ;)
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Messagede Nuvo le 14 Déc 2004, 16:27

B.Verkiler a écrit:
silverwitch a écrit:Le jeu de cartes

Le résultat est frappant. L'école de commerce joue perso. Les basketteurs jouent collectif. Et bien entendu...Les basketteurs gagnent. Mais voilà. Les tours passent, et passent. Certains basketteurs commencent à jouer perso en se disant: je joue pour moi, mais comme les autres seront assez bêtes pour jouer collectif, j'empocherai les cartes que je garde en mai, plus celles que les autres mettent au pot.

Silverwitch


Exactement. Et s'ensuit ce que tu décris. On voit bien que dans un système stable, qui permet à la collectivité d'être efficace (et donc d'assurer la subsitance de chacun, et plus), vient le moment où l'individu agira pour lui et au détriment de la collectivité.

Cette facette de l'homme est réelle, comme le sont l'amitié, la solidarité, la soumission, le désir de justice etc. Et contrairement aux autres, cette facette là agit comme un cancer et se répand, à partir d'une seule cellule, et pervertit tout le système.

J'en tire comme conclusion qu'un système, aussi efficace soit-il pour la collectivité, ne peut durer sans l'apparition d'une concurrence, bien que celle-ci soit destructrice.

Et si je pense que la concurrence est inévitable parce qu'anthropologique, alors le "meilleur modèle" est bien un modèle qui s'appuie sur le marché, qui est pour moi une construction "civilisée" des rapports humains, rapports de force plus ou moins diffuse.


:eek: Bah on est plutot d'accord pour le coup. J'ai failli avalé ma chique ! :D
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Messagede B.Verkiler le 14 Déc 2004, 16:44

Nuvolari a écrit: :eek: Bah on est plutot d'accord pour le coup. J'ai failli avalé ma chique ! :D


Je ne sais pas. Moi je ne suis pas de droite pourtant.
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Messagede Silverwitch le 14 Déc 2004, 16:52

Nuvolari a écrit:Je ne sais pas ce que tu fumes Silver, mais la phrase "faison tourner la planche à billet" m'a fait hurlé de rire. Nous avions une génie politique et économique sur ce forum et la France l'ignorait.
Au bout d'un mois tu iras acheter ta baguette de pain avec une brouette remplie de billet.


Manque d'arguments critiques? Parce que le seul argument que je vois c'est:

contrôle du crédit par l'état=comparaison avec l'Allemagne de Weimar. C'est un peu faible.

Nuvolari a écrit: Si le programme commun existait tu le soutiendrait toujours,


Oui évidemment.

Nuvolari a écrit: en 1983 tu aurais été hostile au plan de rigueur.


Oui toujours. À raison d'ailleurs.

Nuvolari a écrit: Et en 1991, tu aurais demitionné en pleine guerre du Golf ?


Oui. À moins que tu ne trouves formidable ce à quoi nous assistons avec l'Irak depuis 1990?

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Messagede Nuvo le 14 Déc 2004, 17:05

B.Verkiler a écrit:
Nuvolari a écrit: :eek: Bah on est plutot d'accord pour le coup. J'ai failli avalé ma chique ! :D


Je ne sais pas. Moi je ne suis pas de droite pourtant.


Toujours avec votre frontière et vos petis drapeaux droite-gauche. Qu'est ce qu'on s'en fout. C'est bon pour Sarko et Fabius. Moi je suis plus à gauche que toi nia nia nia et si tu portes mon cartable je te ferai la courte echelle...
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Messagede Silverwitch le 14 Déc 2004, 17:09

B.Verkiler a écrit:Exactement. Et s'ensuit ce que tu décris. On voit bien que dans un système stable, qui permet à la collectivité d'être efficace (et donc d'assurer la subsitance de chacun, et plus), vient le moment où l'individu agira pour lui et au détriment de la collectivité.


Oui et non. N'oublie pas que la concurrence naît aussi d'une prophétie auto-réalisatrice (décrite dans mon message). Sans cette prédiction, l'effet mimétique (que l'on voit pour la Bourse et tous les autres domaines) est beaucoup plus diffus.

B.Verkiler a écrit:Cette facette de l'homme est réelle, comme le sont l'amitié, la solidarité, la soumission, le désir de justice etc. Et contrairement aux autres, cette facette là agit comme un cancer et se répand, à partir d'une seule cellule, et pervertit tout le système.


Non pas du tout. L'envie, la volonté de pouvoir ou la rapine ne sont pas plus ou moins fortes que le don, la solidarité, le désir d'égalité et de justice. C'est simplement une myopie que tu entretiens. En gros, tu reproduis toujours la même erreur d'analyse: envisager l'homme indépendamment de son milieu (la société, la civilisation). Souviens-toi de la pensée d'Heidegger et de sa formule: "In der Welt sein", être dans le monde. Le monde et l'homme sont indissociablement liés, et si le monde change ou adopte une forme particulière, l'homme également.

B.Verkiler a écrit:J'en tire comme conclusion qu'un système, aussi efficace soit-il pour la collectivité, ne peut durer sans l'apparition d'une concurrence, bien que celle-ci soit destructrice.

Et si je pense que la concurrence est inévitable parce qu'anthropologique, alors le "meilleur modèle" est bien un modèle qui s'appuie sur le marché, qui est pour moi une construction "civilisée" des rapports humains, rapports de force plus ou moins diffuse.


Bienvenue dans le libéralisme BV! Tu viens d'adopter ici complètement le système de pensée libéral.

-L'homme est mauvais, puisque l'envie et l'égoïsme priment chez lui
-Le meilleur modèle politique et économique est celui qui comprend ce fonctionnement.
-Mettons l'intérêt de chacun au service de tous (théorie de la main invisible d'Adam Smith)
-Un marché "construit et domestiqué" civilisera les passions humaines destructrices (utopie des Lumières).

Rien à ajouter, puisque je montrais hier à quel point cela ne peut conduire qu'à un libéralisme total détruisant les civilisations, la pensée, la culture, la planète, la démocratie le tout sans espoir de "régulation". Bravo...

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Messagede Nuvo le 14 Déc 2004, 17:21

Emma
Contacte n'importe quel prof d'économie. Je trouve que Shunt et Panzer sont déjà patient avec toi.
L'expression "faire tourner la planche à billet" est au mieux une bonne blague au second degrès. Quand on imprime de la monnaie mais que cela ne correspond à rien, la monnaie ne vaut rapidement plus rien. Puisque ce n'est que du papier.

A te lire, et bien que je vois l'étendue de ta culture, je me dis qu'une partie de la gauche n'a toujours pas compris que le progrès social d'une certaine rigueur économique. Avec ton discours a deux balles, c'est vraiment des hommes comme Mendès France que tu insultes. Lui qui a essayé de faire que le mot économie ne soit plus une insulte dans la bouches des socialistes. et jusqu'à Mitterrand qui n'y connaissait rien.

Barre était peut-être un criminel. Pourtantcontrairement à ce que tu dis, les salaires n'ont jamais autant augmenté de 76 à 80, je veux dire bien au dela de l'inflation qui était galopante. Rien que pour toi j'aurais aimé que Mitterrand gagne en 74 et applique le programme commun en pleine crise pétrolière. çà pour se marrer on se serait marrer. Ils n'auraient plus été beaucoup en 80 à dire que l'URSS de Brejnev serait bientot le modèle qui allait s'imposer.

Vu l'histoire de la gauche française, trop longtemps et encore un peu aujourd'hui, marqué par le marxisme, on comprend mieux pourquoi la social-démocratie n'a jamais été au pouvoir en France. Et que dernièrement Jospin n'empechait pas les assurances de faire du dumping contre les mutuelles non lucratives.

C'est pour çà que çà me fait doucement marrer cette histore de frontière droite gauche. A droite les conservateurs nationalistes cotoient les libéraux et les chretien démocrates pro-européens. A gauche les sociaux-démocrates doivent composer avec les nostalgiques de la planification d'état.

Plus un seul de tes propos ne me surprend. Pour le coup tu es vraiment fidèle aux idées de la gauche du PS symbolisé par Chevenement voir Poperen dans les années 70.
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Messagede Silverwitch le 14 Déc 2004, 17:29

Shunt a écrit:Ouf. Ce me rassure. Pas de danger donc. On n'a plus qu'à attendre que le système s'écroule dans ce cas... sauf que c'est un peu léger comme programme politique. Démolir un système, c'est bien (encore que ce seront les plus faibles qui en pâtiront comme c'est le cas dans toutes les crises), préparer l'alternative, c'est encore mieux...


Je ne dis pas le contraire.

Shunt a écrit: sauf qu'aujourd'hui une alternative ne se prépare pas seul dans son coin. Toute la question, c'est de savoir si le repli national est la voix du salut et de préservation de notre niveau de vie, ou si au contraire, il faut persévérer dans la constitution de "solidarités de fait" (le principe fondateur des pères de l'Europe) qui puissent conduire à la naissance du conscience commune européenne, nécessaire à l'élaboration d'une alternative crédible et durable au libéralisme économique.


Tu essayes de me faire croire qu'en soutenant la construction de l'Europe telle qu'elle se fait depuis des décennies et qui est une politique libérale et mortifère, nous préparons une alternative?

Shunt a écrit: Ce ne sont pas les "idées nobles" de fraternité et de partage qui conduiront à un changement, mais la prise de conscience d'intérêts matériels communs à la nécessité du changement. Ceux notamment qu'il faut convaincre de l'innanité du libéralisme économique, ce ne sont les petits, mais les gros, ceux qui détiennent le capital... c'est lorsqu'Henry Ford a compris que ses salariés pouvaient aussi être ses clients qu'il a consenti à les payer plus. De même que le plan Marshall de redressement de l'Europe a été motivé par la nécessité pour les USA de maintenir ses débouchés commerciaux, tout en contenant l'influence soviétique.


Ou comment convaincre le requin de lâcher sa proie? Ce sont justement les idées vertueuses qui peuvent conduire au changement et pas la reconduction de l'emprise du libéralisme (même sous couvert d'inefficacité). Marx en 1844 disait:

"Un point de vue critique radical exige à la fois un peu de compréhension scientifique et un peu d'amour des hommes"

Je ne pourrais mieux dire. Tu te trompes de cible avec les possédants. Le possédant est toujours contre ce qui peut attenter à son pouvoir, à sa possession justement. Et il compte sur l'aliénation et la division des classes plus laborieuses pour asseoir sa domination. La solution passera comme toujours dans toute l'histoire par les classes les moins favorisées. Si elles cessent de soutenir le système, celui-ci s'effondre.

Shunt a écrit:Sans l'aval des détenteurs du capital, il n'y a malheureusement pas de réforme sociale possible. C'est injuste, mais c'est comme ça. On l'a vu en 1982 lorsque la fuite des capitaux a totalement plombé la politique keynésienne voulue par le gouvernement Mauroy. Comme la politique des 35 heures a été plombée par le Medef. Aujourd'hui, les puissants n'en sont plus à devoir cacher leur or. Le capital est devenu totalement immatériel, il traverse les frontières d'un simple clic, par Internet, pour être planqué à l'autre bout du monde ou investir des places plus confortables et bienveillantes. Et ce sont les politiques qui servent de fusibles.


Si tu as bien lu mon message précédent, il explique en quoi la "régulation" du libéralisme est une illusion des plus dangereuses et inefficaces. Il va falloir ouvrir un peu les yeux.

Shunt a écrit:Alors c'est quoi la solution ?

Contraindre par la force, avec réquisitions de force, couper toutes les communications pour éviter que des consignes soient données et mettre en place la dictature du prolétariat (mais sous quelle forme ?) ? Mouais... c'est plus que compliqué quand même que le "y a qu'à, il faut".


J'en ai déjà parlé plus avant dans le sujet. Quand on voit la condition de l'humanité dans sa très grande majorité, il est plus qu'urgent d'agir. Je crois rêver parfois, on dirait lire le discours des possédants justement. Bien entendu qu'il faut contraindre! La loi est là pour ça, la justice aussi. Réquisitionner, prélever, imposer, nationaliser. Et alors une partie de l'argent pourra toujours s'envoler: si l'état récupère le contrôle du crédit, il récupère celui de la monnaie et donc peut couper les ailes du libéralisme en deux ou trois mouvements (j'en décrivais le mécanisme hier). Ton réalisme n'est pas réaliste.

Shunt a écrit:On a beaucoup parlé de la politique monétaire, et on est d'accord pour dire qu'elle ne fait pas tout. Il faut bien entendu s'interroger sur la politique industrielle à mener (quelle offre attrayante de produits sommes-nous capables de proposer ?), sur la façon de développer et d'encourager la demande intérieure (qui est à mon avis un facteur de prospérité économique bien plus fiable que la vitalité des exportations qui est une course au moins disant social).


On en revient à ce que je te montrais hier. Contrairement à la théorie, la monnaie n'est pas neutre. Si l'argent est rare et cher (ce qui est le cas avec l'euro), on entretient une chaine de causalité avec des taux d'intérêt élevés, des investissements faibles, une incapacité de financer un projet commun viable, etc...Ce sont les séquences que je montrais hier.

Tu noteras que cela répond à une des objections de ton message selon lequel, la dévaluation commune des monnaies supprimait son effet. Tu as oublié qu'en économie, il y a une loi d'interdépendance: monnaie moins forte=taux d'intérêt plus faibles=investissements plus forts, etc...Tu vas donc bien dans mon sens puisque tu montres que la demande intérieure prime et jouera elle-même sur la santé des relations économiques entre pays.

Dernière précision enfin puisque je n'y répondais hier: une inflation de 5% par an n'a rien de plus embêtant qu'une inflation de 1%. Dans un cas les salaires augmenteront de 1% (au minimum et souvent au maximum) et dans l'autre de 5% (et souvent plus). Pas de perte de pouvoir d'achat lié à l'inflation, c'est une erreur.

Shunt a écrit:C'est ça la vraie question aujourd'hui : quel est le cadre le mieux adapté à une politique économique volontariste favorisant la demande intérieure ? La France ou l'Europe ? Si on pense que c'est l'Europe, où 25 pays doivent se mettre d'accord sur une seule et même politique, il faut alors accepter certains compromis.


Certains compromis. Ta prudence t'honore. Quand le compromis est la négation de toutes les valeurs que nous prétendons vouloir sauvegarder, on continue à les accepter? Quand nous encourageons une politique inefficace et génératrice de misère, nous faisons des compromis? La vraie question ce n'est pas le cadre Shunt, désolée...

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Messagede Fatcap le 14 Déc 2004, 18:21

Silverwitch, comment peux-tu opposer au libéralisme une démocratie, même directe ? La démocratie est quand même le régime qui permet par excellence au libéralisme de s'épanouir sans contrôle : Son apparition a coïncidé avec la prise du pouvoir par la bourgoisie en Europe... Et les USA, modèle du libéralisme, sont également une démocratie modèle. Alors ? Si on considère que les USA sont partis d'un principe fondamentalement bon, comment en sont-ils arrivés à être ce qu'ils sont maintenant ? Pourquoi associent-ils si "efficacement" deux principes qui selon toi sont contradictoires ?

La démocratie directe, cela ne veut pas dire grand-chose. Une démocratie est quelque chose d'instable, c'est un déséquilibre qui tent à se résorber en le pire résidu qui soit : une oligarchie. Partant de ton modèle on en reviendra fatalement à une concentration du pouvoir aux mains de possédants sans aucuns scrupules... Puisque c'est la conséquence directe d'une démocratie ! A moins de faire intervenir des moyens non "démocratiques" pour contrer cette évolution.

J'aimerais que le contraire soit possible remarque. Je trouve par exemple l'expérience d'Hugo Chavez au Venezuela passionnante. Mais ce que Chavez a fait, un autre pourra le défaire, si on s'en remet au jeu démocratique. Comme le libéralisme en économie, je pense que la démocratie en politique suit toujours la ligne de plus grande pente.
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Messagede Nuvo le 14 Déc 2004, 18:26

silverwitch a écrit:Marx en 1844 disait:

"Un point de vue critique radical exige à la fois un peu de compréhension scientifique et un peu d'amour des hommes"



Ouep. Et il faut voir comment les marxistes les ont aimé les hommes... M'enfin tu me diras que le communisme a fait moitié moins de mort que les européens en Amérique du 16ème au 19ème. Encore que le communisme a fait çà en un siècle. C'est déjà une belle performance.
Je ne doute pas que beaucoup de communiste cherchaient à faire le bien. Mais à l'arrivée on a eu les goulags et les fosses communes. Et un systéme qui s'écroule partout ou il est appliqué; Enfin juste à cause de cette salope de Gorby. Qui a juste essayé de faire du communisme à visage humain. Tu craches aussi sur Dubcek tant que j'y pense ?
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Messagede B.Verkiler le 14 Déc 2004, 18:34

silverwitch a écrit:
Oui et non. N'oublie pas que la concurrence naît aussi d'une prophétie auto-réalisatrice (décrite dans mon message). Sans cette prédiction, l'effet mimétique (que l'on voit pour la Bourse et tous les autres domaines) est beaucoup plus diffus.


Mais il existe, non?

Non pas du tout. L'envie, la volonté de pouvoir ou la rapine ne sont pas plus ou moins fortes que le don, la solidarité, le désir d'égalité et de justice. C'est simplement une myopie que tu entretiens.


Elles ne sont pas plus ou moins fortes, mais elle brisent à elles seules la confiance sur laquelle repose l'efficacité supérieure de la coopération.

En gros, tu reproduis toujours la même erreur d'analyse: envisager l'homme indépendamment de son milieu (la société, la civilisation). Souviens-toi de la pensée d'Heidegger et de sa formule: "In der Welt sein", être dans le monde. Le monde et l'homme sont indissociablement liés, et si le monde change ou adopte une forme particulière, l'homme également.


Je suis d'accord, dans une certaine mesure.

Bienvenue dans le libéralisme BV! Tu viens d'adopter ici complètement le système de pensée libéral
-L'homme est mauvais, puisque l'envie et l'égoïsme priment chez lui
-Le meilleur modèle politique et économique est celui qui comprend ce fonctionnement.
-Mettons l'intérêt de chacun au service de tous (théorie de la main invisible d'Adam Smith)
-Un marché "construit et domestiqué" civilisera les passions humaines destructrices (utopie des Lumières).


Ce n'est pas ce que je dis.

Rien à ajouter, puisque je montrais hier à quel point cela ne peut conduire qu'à un libéralisme total détruisant les civilisations, la pensée, la culture, la planète, la démocratie le tout sans espoir de "régulation". Bravo...
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Je ne comprends pas comment le politique pourrait ne pas pouvoir prélever, imposer, redistribuer, et donc remettre le marché à sa place, qui est celle d'un instrument, mais pourrait, par les mêmes moyens -loi, justice, force du nombre et force publique si besoin- éradiquer ce même marché.
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Messagede Silverwitch le 14 Déc 2004, 19:04

Fatcap a écrit:Silverwitch, comment peux-tu opposer au libéralisme une démocratie, même directe ? La démocratie est quand même le régime qui permet par excellence au libéralisme de s'épanouir sans contrôle : Son apparition a coïncidé avec la prise du pouvoir par la bourgoisie en Europe... Et les USA, modèle du libéralisme, sont également une démocratie modèle. Alors ? Si on considère que les USA sont partis d'un principe fondamentalement bon, comment en sont-ils arrivés à être ce qu'ils sont maintenant ? Pourquoi associent-ils si "efficacement" deux principes qui selon toi sont contradictoires ?


C'est toujour le même dilemme Fatcap: la démocratie parie sur la vertu, le libéralisme sur le vice. Je suis en désaccord avec ton principe initial, la démocratie est un système avec des limites et des failles qui peut-être perverti, mais dans son esprit, elle n'a rien à voir avec le libéralisme.

Ce sont deux traditions politiques différentes. Pour le libéralisme, la formation d'une société civilisée (pacifique, prospère) suppose une seule chose: que les pouvoirs existants ne perturbent pas par leurs interventions irrationnelles les "lois naturelles" de l'économie, et laissent libre cours au pouvoir des experts. c'est un mode de substitution au gouvernement des hommes. L'originalité de la vision libérale, c'est que pour la première fois dans l'histoire, on dissocie l'idée d'une société bonne et celle des citoyens vertueux.

Au sein de l'idéal démocratique, le souci éthique est la clé fondamentale de la réflexion politique. Cela n'immunise pas pour autant la démocratie de tout reproche ou de toute dérive.

-La majorité peut se tromper (et se trompe effectivement souvent). Le fait d'être beaucoup ne signifie pas qu'on a la raison de son côté.

-Il faut donc que la démocratie pense le lien entre principe majoritaire et principe d'égalité. Simplement, trouver un correctif au critère du nombre, comme je le disais en parlant de la démocratie directe: "l'humain prime sur le nombre".

-La démocratie ce n'est pas seulement le droit de vote, c'est aussi et avant tout l'éducation politique et intellectuelle du citoyen, point que tu oublies en ne voyant qu'un exemple moderne de démocratie (en réalité oligarchie parlementaire européenne).

-Les USA (contrairement à ton affirmation) ne sont pas une démocratie.

-Il est impropre de qualifier de "démocratie" un système politique dans lequel le vote se négocie sur le marché politique et l'entrée au parlement oblige le candidat à engager des "dépenses" électorales considérables.

-Selon Raymond Aron, on ne peut pas concevoir de régime qui ne soit en un sens oligarchique. Il l'explique ainsi: "L'essence même de la politique est que des décisions soient prises pour, et non par la collectivité".

-Toujours selon Aron, la démocratie est néanmoins le meilleur système oligarchique;

a) Les gouvernés bénéficient d'un maximum de garanties.
b) Les minorités qui détiennent le contrôle de l'économie n'ont pas pu faire obstacle à l'extension des lois sociales.

-La plupart des "démocraties" sont en réalité des systèmes mixtes: une once de démocratie, beaucoup d'oligarchie. Cela s'exerce à travers le choix par exemple d'un scrutin majoritaire, et surtout en limitant l'éventail des options, donc en évitant que la volonté populaire s'exerce à l'état pur. L'électeur doit choisir entre telle ou telle option "déterminée".

-Il y a alors confusion entre le principe électoral (instance démocratique) et la réalité opportunément garantie de la domination d'une classe des possédants.

-La démocratie est donc l'inverse des systèmes actuels qui penchent vers la domination des élites. D'où la réaction de celles-ci:

a) Naissance de partis de masse "modérés" (précieux pour le maintien des équilibres sociaux)
b) Déplacement progressif des instances de décision hors du Parlement.


Fatcap a écrit:La démocratie directe, cela ne veut pas dire grand-chose. Une démocratie est quelque chose d'instable, c'est un déséquilibre qui tent à se résorber en le pire résidu qui soit : une oligarchie. Partant de ton modèle on en reviendra fatalement à une concentration du pouvoir aux mains de possédants sans aucuns scrupules... Puisque c'est la conséquence directe d'une démocratie ! A moins de faire intervenir des moyens non "démocratiques" pour contrer cette évolution.


C'est une simplification. La démocratie fonctionne tant que l'on parie et l'on tient vivants un certain nombre de principes:

-Egalité
-Justice
-Fraternité
-Liberté

Cela n'exige pas des vertus surhumaines, mais ce qu'Orwell appelait "common decency", une vertu à la portée de tous.

Fatcap a écrit:J'aimerais que le contraire soit possible remarque. Je trouve par exemple l'expérience d'Hugo Chavez au Venezuela passionnante. Mais ce que Chavez a fait, un autre pourra le défaire, si on s'en remet au jeu démocratique. Comme le libéralisme en économie, je pense que la démocratie en politique suit toujours la ligne de plus grande pente.


Je suis bien d'accord avec toi. La démocratie dans son sens le plus prudent, c'est un mécanisme médiocre. Je pense en lisant le nom de Chavez à un début de livre sur l'histoire de Zapata et de la révolution mexicaine, incipit que je trouve absolument limpide:

"Ce livre raconte l'histoire de campagnards qui ne voulaient pas bouger, et qui se trouvèrent ainsi amenés à faire une révolution. Jamais ils ne s'étaient imaginés pareil destin. L'enfer, le déluge, les agitateurs étrangers, l'annonce qu'il existait quelque part des prés plus verts que les leurs, tout leur était égal; ce qu'ils voulaient, c'était rester dans les villages et les petites villes où ils avaient grandi, où, avant eux, depuis des siècles, leurs ancêtres avaient vécu et étaient morts, dans le petit état de Morelos, au centre du Mexique méridional.
Au début de ce siècles, d'autres gens, les puissants entrepreneurs des grandes villes, eurent besoin pour leurs affaires de déplacer les villageois."


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