La séquence du spectateur - TOPIC CINEMA

Le salon francophone est dédié aux sujets n'ayant pas de lien avec la F1 ni autres sports mécaniques. C'est un salon pour se détendre en refaisant le monde.

Modérateurs: Garion, Silverwitch

Messagede cétérouge le 22 Fév 2004, 18:12

et puis ils ont oublié Kiarostami, sans doute le plus intéressant des cinéastes actuels (ce serait lui que j'aurais confronté à Hou Hsiao Hsen)...

entre parenthèse son interview dans le dernier livre de Michel Ciment est vraiment très intéressante
Dernière édition par cétérouge le 22 Fév 2004, 18:14, édité 1 fois.
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Messagede Silverwitch le 22 Fév 2004, 18:13

cétérouge a écrit:et puis ils ont oublié Kiarostami, sans doute le plus intéressant des cinéastes actuels (ce serait lui que j'aurais confronté à Hou Hsiao Hsen)...


:o

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Messagede Cortese le 22 Fév 2004, 18:43

silverwitch a écrit:Nan Fellini, il écrivait ça:

"Ce qu'on appelle la "civilisation de l'image" est un désastre. L'oeil a
été assailli, vicié, violenté. Les clips nous ont tout fait voir, toute
l'histoire des arts figuratifs, toute la série possible des images. Ce
tourbillon infernal nous a fait exploser l'oeil, il n'est plus en mesure de
saisir et d'apprécier l'image qu'un cinéaste lui propose. L'image
cinématographique a été privée de sens le plus profond, qui est magique,
onirique, mystérieux ; elle a été privée de sa fascination secrète, qui se
nourissait du rapport obscur que chacun de nous entretient avec son
inconscient, avec la part inconnue et insondable de lui-même. (...)
Quelques films s'en sortent, bien sûr, mais le succès de L'empire
contre-attaque n'est pas dû au film. C'est un phénomène de délire visuel,
comme le délire acoustique que provoquent les guitares électriques.C'est un
délire psychédélique, un étourdissement qui empeche de penser, qui réduit
les individus à des mécanismes purement sensoriels, animaux comme les types
qui se baladent dans les rues avec leur casque, dans le martèlement de
rythmes meurtriers. Nous n'avons plus le temps de penser. L'affaire de la
Basilique de Maxence est un phénomène du même ordre : des gens qui se
regroupent ou s'agglomèrent chaotiquement sous d'énormes écrans délabrés,
où se succèdent des images provenant de machines croassantes. C'est le
délire généralisé. (...) Nous vivons dans l'irréalité la plus délirante,
dans une déréalisation absolue, dans un monde monstrueux."



Silverwitch


C'est le genre de truc qu'on n'entend que sur une certaine radio d'extrême droite ou chez les intégristes religieux, la fonction critique semblant avoir définitivement déserté les partis politiques et mass-medias "progressistes".

J'ai l'impression que Fellini n'a jamais du lire un bon bouquin de science-fiction de sa vie. S'il en avait lu, il aurait su depuis longtemps vers quoi nous allions (certains auteurs comme P.K. Dick ont été quasiment prophétiques) et il aurait pu utiliser sa notoriété pour alerter les gens sur le problème.
C'est étonnant de constater que le monde moderne est transformé en profondeur à une allure ahurissante depuis une génération, par les techno-sciences, que la combinaison infernale entre ces dernières et des pouvoirs mondialisés qui échappent de plus en plus au contrôle démocratique, n'interesse, à ma connaissance strictement aucun auteur et que les bons cinéastes continuent à nous infliger prioritairement des histoires de couple vaguement psychologisantes (qui personnellement me font un effet profondément disuasif).

Y a t-il un pilote dans l'avion ?
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Messagede cétérouge le 22 Fév 2004, 19:13

Tiens, justement, cela me fait penser à "La conversation " de Coppola que le questionnaire m'a remis en tête, qui est un film assez prophétique sur l'idéal sécuritaire de contrôle et de surveillance absolue des sociétés modernes, qui se substitue à toute confrontation politique. Le film raconte, de façon assez austère et froide (le climat visuel du film fait presque penser à Playtime de Tati ou même à un film comme "l'Argent" de Bresson) l'histoire d'un agent secret (Gene Hackman) qui, avant de s'enfoncer lui-même dans un délire kafkaïen, filtre et surveille des gens apparemment normaux et anonymes, mais qui apparaissent comme "subversifs" par le seul fait d'exprimer la crainte abstraite d'être physiquement anéantis, sans que cette crainte ne s'appuie sur une raison politique bien précise.
En fait cette crainte devient quasiment le seul objet explicite de la vie sociale et du rapport à autrui, et une forme de substitut historique à l'idée d'opinion politique (qui dans une société de surveillance absolue, est disqualifiée parce qu'étant elle-même une représentation, elle est finalement rivale avec l'idée de surveillance, et ne laisse pas de trace directe).
Mais le film date déjà d'il y a 32 ans (et ceci dit c'est parce que le personnage de l'espion est confronté lui-même dans sa vie privée à une histoire de couple vaguement psychologisante, qu'il commence à prendre du recul sur sa fonction d'espion à qui on demande absurdement d'attester le vide existentiel des autres)...
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Messagede Silverwitch le 22 Fév 2004, 19:51

Cortese a écrit:C'est le genre de truc qu'on n'entend que sur une certaine radio d'extrême droite ou chez les intégristes religieux, la fonction critique semblant avoir définitivement déserté les partis politiques et mass-medias "progressistes".

J'ai l'impression que Fellini n'a jamais du lire un bon bouquin de science-fiction de sa vie. S'il en avait lu, il aurait su depuis longtemps vers quoi nous allions (certains auteurs comme P.K. Dick ont été quasiment prophétiques) et il aurait pu utiliser sa notoriété pour alerter les gens sur le problème.
C'est étonnant de constater que le monde moderne est transformé en profondeur à une allure ahurissante depuis une génération, par les techno-sciences, que la combinaison infernale entre ces dernières et des pouvoirs mondialisés qui échappent de plus en plus au contrôle démocratique, n'interesse, à ma connaissance strictement aucun auteur et que les bons cinéastes continuent à nous infliger prioritairement des histoires de couple vaguement psychologisantes (qui personnellement me font un effet profondément disuasif).

Y a t-il un pilote dans l'avion ?


Cortese,

Je crois que des cinéastes comme Kubrick, Fellini, ou bien encore Bresson, Tati, voire Malick ne font pas autre chose dans leur oeuvre.

Ensuite il m'importe peu que la matière d'aborder le monde, soit un récit aussi vaste que celui de 2001 ou intime que celui d'Eyes Wide Shut. C'est simplement une manière de regarder. Parce que sous des dehors infinis, Kubrick en revient au plus singulier, au plus intime et EWS procède d'une démarche similaire bien que renversée.

Bon nous vivons aujourd'hui pleinement le "fondamentalisme démocratique" (expression utilisée par un romancier, Garcia Marquez). Aux USA, Bush Jr a été nommé président cependant meme qu'il avait perdu les élections. En novembre 2000, pour la première fois, prévaut l'interdiction de compter les voix. Nous avons vécu un véritable coup d'état démocratique. Alors qui a écrit sur cette vérité hallucinante? Partout dans le monde, des procédés néo-libéraux fabriquent une illusion de démocratie, une véritable comédie électorale. Moi je rejoins bien la vision de Fellini, nous vivons dans un monde totalement déréalisé.

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Messagede Cortese le 22 Fév 2004, 20:37

cétérouge a écrit: Mais le film date déjà d'il y a 32 ans (et ceci dit c'est parce que le personnage de l'espion est confronté lui-même dans sa vie privée à une histoire de couple vaguement psychologisante, qu'il commence à prendre du recul sur sa fonction d'espion à qui on demande absurdement d'attester le vide existentiel des autres)...


Je n'ai rien contre les histoires de couple, je dis juste qu'il y en a trop, au détriment de sujets nettement plus vastes. De plus, je ne pense pas que Darwin ou Newton aient eu besoin d'histoires de cul pour se poser les bonnes questions.

Comme tu le précises justement, le film que tu cites est vieux de 30 ans, comme 2001.
Il y a 30 ans, la liberté de penser était autrement plus valorisée qu'aujourd'hui, où cette revendication fondamentale commence à être présentée comme carrément suspecte par les pouvoirs qui nous dominent.

"2001" aborde le sujet qui m'interesse, mais par un biais mythique : les extra-terrestres, des surhommes venus du futur, Dieu (bon, nous les musulmans, on a déjà un parallélépipède noir ! :lol: ), ce n'est pas précisé.
Or le thème du film de Kubrick (curieusement personne n'en parle, alors qu'il est évident, c'est sans doute un puissant tabou qu'a violé "2001") c'est bien celui de l'apparition d'une forme d'humanité supérieure (et même parallèlement, d'une intelligence artificielle supérieure, avec la schizophrénie de Hal).
Il est clair que l'Homme est sur le point d'entrer dans une ère au cours de laquelle il va être capable de modifier son organisation physiologique. Alors la question c'est de savoir dans quelle forme d'organisation politique va se situer cet évènement capital.
Les enjeux sont sans précédents dans l'histoire de l'humanité, et la restriction progressive des libertés, le matraquage des esprits, la mise à l'index des esprits libres à laquelle nous assistons si passivement aujourd'hui devrait glacer les sangs de toute personne encore assez audacieuse pour penser un petit peu par elle même.
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Messagede Shoemaker le 22 Fév 2004, 22:04

Je suis d'accord avec Fellini et Cortese. Voila pour les accords.

Je pense que ma copie suite a la correction, valait un bon 7 sur 20. Normal, pour quelqu'un qui ne suit le cinema qu'a la marge. Je precise que j'ai repondu sans Google, pour justement faire le point quant a mes pietres connaissances, et voir combien ma memoire est defaillante !! O rage, O desespoir etc... Encore que je n'ai jamais trop cultive l'art de la precision, mon cote oriental, surement...

Le coup du Cube noir, excellent !!
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Messagede Shoemaker le 22 Fév 2004, 22:12

Euh, pour Fellini, je mettrai un bemol, pour ce qui est de la guitare electrique. Ca m'enerve toujours de voir un grand mec (comme lui) sortir un cliche si ecule. Et ce n'est pas innocent. Mais bon, le reste est tellement vrai ...
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Messagede Cortese le 22 Fév 2004, 22:37

silverwitch a écrit:Cortese,

Je crois que des cinéastes comme Kubrick, Fellini, ou bien encore Bresson, Tati, voire Malick ne font pas autre chose dans leur oeuvre.

Ensuite il m'importe peu que la matière d'aborder le monde, soit un récit aussi vaste que celui de 2001 ou intime que celui d'Eyes Wide Shut. C'est simplement une manière de regarder. Parce que sous des dehors infinis, Kubrick en revient au plus singulier, au plus intime et EWS procède d'une démarche similaire bien que renversée.

Bon nous vivons aujourd'hui pleinement le "fondamentalisme démocratique" (expression utilisée par un romancier, Garcia Marquez). Aux USA, Bush Jr a été nommé président cependant meme qu'il avait perdu les élections. En novembre 2000, pour la première fois, prévaut l'interdiction de compter les voix. Nous avons vécu un véritable coup d'état démocratique. Alors qui a écrit sur cette vérité hallucinante? Partout dans le monde, des procédés néo-libéraux fabriquent une illusion de démocratie, une véritable comédie électorale. Moi je rejoins bien la vision de Fellini, nous vivons dans un monde totalement déréalisé.

Silverwitch


Quel pince sans rire ce Garcia Marquez... "Fondamentalisme démocratique" ! Fallait le trouver celui là ! Je suis sur qu'il connait les mots qui conviennent, mais il se la boucle comme tout le monde.
Je n'ai pas vu Eyes Wide Shut, ni les films de Mallick, mais tu as sans doute remarqué qu'en dehors de ce dernier, tous les cinéastes que tu as cités sont morts, ce qui tend à confirmer la tendance au refus de la réalité du cinéma contemporain.
Ce que dit Fellini au sujet de "La Guerre des Etoiles", cette dé-réalité, je la ressens depuis un bout de temps dans le cinéma (c'est d'ailleurs pour ça que je n'y vais plus, je ne me sens pas concerné par l'espèce de monde virtuel de sentiments ou de conflits qu'on y dépeint et je n'y trouve pas non plus la part de rêve).
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Messagede Nelson le 22 Fév 2004, 22:42

silverwitch a écrit:
Nelson a écrit:- Fellini e Antonioni
C'est pas Fellini qui aurait eu l'idée de mettre du Pink Floyd ou du Grateful Dead dans ses films. Antonioni alors


Nan Fellini, il écrivait ça:

C'est un phénomène de délire visuel, comme le délire acoustique que provoquent les guitares électriques.C'est un délire psychédélique, un étourdissement qui empeche de penser, qui réduit les individus à des mécanismes purement sensoriels, animaux comme les types qui se baladent dans les rues avec leur casque, dans le martèlement de rythmes meurtriers. Nous n'avons plus le temps de penser.


Ouais bah c'est pas Dieu le Père non plus ce vieux crabe de Fellini. Il lui arrive de raconter des conneries aussi. La preuve.

Un p'tit effort Silverwitch, je sais que tu peux nous trouver une citation de Kundera faisant l'apologie de Deep Purple.
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Messagede Shoemaker le 22 Fév 2004, 22:43

He Cortese, c'est quoi ce Camillien sous ton pseudo ?
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Messagede Cortese le 22 Fév 2004, 22:51

Shoemaker a écrit:He Cortese, c'est quoi ce Camillien sous ton pseudo ?


C'est une tradition qui remonte au temps de Daily F1. ça veut dire que j'ai quitté la cité de Trois Mille posts, pour celle plus huppée des Quatre Mille.
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Messagede Cortese le 22 Fév 2004, 23:05

Nelson a écrit:
silverwitch a écrit:
Nelson a écrit:- Fellini e Antonioni
C'est pas Fellini qui aurait eu l'idée de mettre du Pink Floyd ou du Grateful Dead dans ses films. Antonioni alors


Nan Fellini, il écrivait ça:

C'est un phénomène de délire visuel, comme le délire acoustique que provoquent les guitares électriques.C'est un délire psychédélique, un étourdissement qui empeche de penser, qui réduit les individus à des mécanismes purement sensoriels, animaux comme les types qui se baladent dans les rues avec leur casque, dans le martèlement de rythmes meurtriers. Nous n'avons plus le temps de penser.


Ouais bah c'est pas Dieu le Père non plus ce vieux crabe de Fellini. Il lui arrive de raconter des conneries aussi. La preuve.

Un p'tit effort Silverwitch, je sais que tu peux nous trouver une citation de Kundera faisant l'apologie de Deep Purple.


Quand Adolphe Sax a inventé le saxophone, au 19eme siècle, il y a eu carrément des bagarres quand certains rares compositeurs ont eu l'audace de l'utiliser. Le saxophone a été pratiquement rejeté par la musique savante européenne. Heureusement pour lui que le jazz s'en est emparé, sinon il aurait fini au musée.
Alors la guitare electrique !
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Messagede Garion le 23 Fév 2004, 00:29

fox a écrit:
ayrtonforever a écrit:
Yo a écrit:
ayrtonforever a écrit:bon et Blueberry c'est bien ou pas alors ?


Je ne l'ai pas vu ( et n'irai pas le voir ). Tout ce que je sais, c'est que le démarrage au box office est très poussif ( c'est peut-être un chef d'oeuvre incompris mais j'ai des doutes ).


c'est une genre a part aussi le western


ah, parce que tu considères que c'est un Western toi!. :mad: :evil: Moi vu la bande annonce je considère que c'est une super daube oui!


Bon, je l'ai vu. Belles images, mais il n'y a que ça, le scénario est téléphoné et les personnages sans profondeurs.
C'est quand même un western.
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Messagede ayrtonforever le 23 Fév 2004, 00:32

Garion a écrit:
fox a écrit:
ayrtonforever a écrit:
Yo a écrit:
ayrtonforever a écrit:bon et Blueberry c'est bien ou pas alors ?


Je ne l'ai pas vu ( et n'irai pas le voir ). Tout ce que je sais, c'est que le démarrage au box office est très poussif ( c'est peut-être un chef d'oeuvre incompris mais j'ai des doutes ).


c'est une genre a part aussi le western


ah, parce que tu considères que c'est un Western toi!. :mad: :evil: Moi vu la bande annonce je considère que c'est une super daube oui!


Bon, je l'ai vu. Belles images, mais il n'y a que ça, le scénario est téléphoné et les personnages sans profondeurs.
C'est quand même un western.


tu l'as vu au ciné ou bien ..... ? :D
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Messagede Garion le 23 Fév 2004, 00:37

ayrtonforever a écrit:
Garion a écrit:
fox a écrit:
ayrtonforever a écrit:
Yo a écrit:
ayrtonforever a écrit:bon et Blueberry c'est bien ou pas alors ?


Je ne l'ai pas vu ( et n'irai pas le voir ). Tout ce que je sais, c'est que le démarrage au box office est très poussif ( c'est peut-être un chef d'oeuvre incompris mais j'ai des doutes ).


c'est une genre a part aussi le western


ah, parce que tu considères que c'est un Western toi!. :mad: :evil: Moi vu la bande annonce je considère que c'est une super daube oui!


Bon, je l'ai vu. Belles images, mais il n'y a que ça, le scénario est téléphoné et les personnages sans profondeurs.
C'est quand même un western.


tu l'as vu au ciné ou bien ..... ? :D


"ou bien ..." :oops:
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Messagede Silverwitch le 23 Fév 2004, 07:06

Cortese a écrit:Quel pince sans rire ce Garcia Marquez... "Fondamentalisme démocratique" ! Fallait le trouver celui là ! Je suis sur qu'il connait les mots qui conviennent, mais il se la boucle comme tout le monde.
Je n'ai pas vu Eyes Wide Shut, ni les films de Mallick, mais tu as sans doute remarqué qu'en dehors de ce dernier, tous les cinéastes que tu as cités sont morts, ce qui tend à confirmer la tendance au refus de la réalité du cinéma contemporain.
Ce que dit Fellini au sujet de "La Guerre des Etoiles", cette dé-réalité, je la ressens depuis un bout de temps dans le cinéma (c'est d'ailleurs pour ça que je n'y vais plus, je ne me sens pas concerné par l'espèce de monde virtuel de sentiments ou de conflits qu'on y dépeint et je n'y trouve pas non plus la part de rêve).


Cortese,

Je suis évidemment d'accord. Paul Valéry disait à propos de l'écriture: "Il faut être léger comme l'oiseau, et non comme la plume". Si la matière dont sont faits nos songes est sans doute la plume, le cinéma a besoin d'une matière plus concrète pour nous faire accéder à ce rêve, celui de l'oiseau en vol. Le cinéma commence par une observation attentive et méticuleuse du monde réel. Cela fournit éventuellement la matière aux rêves, ces voyages par la fenêtre de l'écran.

Tu vois, tout cela n'est qu'une question de gravitation. Nous échappons à l'intérieur d'un film plus ou moins aux lois de la gravité (la réalité du monde) en fonction des règles du jeu établies par le récit (le film) que nous regardons. Aujourd'hui les cinéastes fuient la réalité, la maquillent outrageusement parce qu'ils ne savent d'abord pas la voir. Leurs films n'existent pas. Ils ne sont que pure virtualité. Tu parlais de science-fiction: as-tu lu Cyrano de Bergerac? C'était une période où l'étude attentive de l'astronomie, de la réalité permettait une connaissance du monde par le biais de la fantaisie et de l'imagination. Avec Cyrano, on rêve de voyage dans la Lune, avec les aventures du baron de Munchausen, qui s'envole en chevauchant un boulet de canon, les tapis volants...

Si tout est virtuel, que le réel n'a plus de sens, alors le rêve perd à son tour sa signification. Je me console alors en me disant que le libéralisme n'aura qu'un temps, qu'il est compté et qu'il tombera. Spartacus fut vaincu, mais plus tard, Rome tomba. Il faut simplement souhaiter que le rêve n'ait pas sombré déjà.

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Messagede Silverwitch le 23 Fév 2004, 07:21

Nelson a écrit:
silverwitch a écrit:C'est un phénomène de délire visuel, comme le délire acoustique que provoquent les guitares électriques.C'est un délire psychédélique, un étourdissement qui empeche de penser, qui réduit les individus à des mécanismes purement sensoriels, animaux comme les types qui se baladent dans les rues avec leur casque, dans le martèlement de rythmes meurtriers. Nous n'avons plus le temps de penser.


Ouais bah c'est pas Dieu le Père non plus ce vieux crabe de Fellini. Il lui arrive de raconter des conneries aussi. La preuve.

Un p'tit effort Silverwitch, je sais que tu peux nous trouver une citation de Kundera faisant l'apologie de Deep Purple.


Nelson,

Tu critiques la comparaison qu'emploie Fellini (la guitare électrique), mais cela ne remet pas en cause la justesse de son observation, je crois.

Quant à Kundera, ce n'est pas vraiment un grand amateur de rock. Pour résumer son opinion, il fait de la musique rock une extase. L'extase, c'est exemplairement le moment de l'orgasme. Quand la pilule n'existait pas, il arrivait souvent que l'homme au moment de jouir oubliât de se retirer à temps et la rendit mère. Pourtant un instant avant encore, il avait l'intention d'être extrèmement prudent. La seconde d'extase lui a donc fait oublier et sa décision (son passé immédiat) et ses intérêts (son avenir). L'extase aura donc pesé plus que l'enfant non désiré, et comme l'enfant non-désiré remplira par sa présence toute sa vie future, on peut dire que cette extase d'une seconde a pesé plus que toute une vie.

Pour Kundera, le rock c'est ça: un désir d'éternité (et donc d'oubli) mais qui ne peut avoir de l'éternité et de l'infini que son ersatz: l'extase. Ainsi le romancier définit aussi l'extase comme un aveuglement et d'assourdissement: l'extase c'est le moment ultime de l'émotion et simultanément sa négation. L'extase, c'est l'oubli de l'être. Comme l'extase signifie littéralement être hors de soi, c'est dangereux. Non pas que l'on soit comme dans un rêve (vers le passé, vers l'avenir), mais l'oubli total du passé et de l'avenir.

J'avoue à la fois mon ignorance à l'égard du rock (que je tente de combler grâce à d'amicaux efforts) et le sentiment de justesse que me renvoie parfois l'analyse faite ici. Ce qui me gêne souvent dans le rock, c'est le sentiment qu'il s'agit d'une musique qui veut abolir la distance entre celui qui joue et celui qui écoute. Et quand une musique produit un sentiment analogue à l'extase, cela m'inquiète un peu. Mais je découvre de très belles choses, alors je me demande quelle est la part superficielle de cette analyse (bien que là aussi, le fait que les instrument soient tous électriques me dérange aussi). C'est auditivement une perte de repères. Tout ce que j'entends est déjà retranscrit par une électronique (et donc simplifié).

Tout ça pour dire que ce n'est pas chez Kundera que tu trouveras un adorateur de hard rock!

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Messagede Silverwitch le 23 Fév 2004, 07:29

Bon pour embêter Cortese qui pense que le cinéma est mort il y a trente ans, voici une liste. On avait demandé fin 99 une liste de cinquante films des années 90 (les meilleurs). Voici les films que je choisissais (et que je recommande aussi absolument). D'ailleurs si vous avez à l'esprit une dizaine de films que vous considérez comme des grands films qui datent de cette période, n'hésitez pas!

EYES WIDE SHUT de Stanley KUBRICK (USA)

ALOUETTES UN FIL A LA PATTE de Jiri MENZEL (Tchéquie)

GOOD BYE SOUTH GOOD BYE de Hou Hsiao HSIEN (Taïwan)

LE GOUT DE LA CERISE de Abbas KIAROSTAMI (Iran)

BRIGANDS CHAPITRE VII de Otar IOSSELIANI (Géorgie/France)

FUNNY GAMES de Michael HANEKE (Autriche/France)

LA LANTERNE DU SEIGNEUR de Miklos JANCSO (Hongrie)

UNDERGROUND de Emir KUSTURICA (Yougoslavie)

L’ETERNITE ET UN JOUR de Theo ANGELOPOULOS (France/Grèce)

A BRIGHTER SUMMER DAY de Edward YANG (Taïwan)

LA LIGNE ROUGE de Terrence MALICK (USA)

MARIS ET FEMMES de Woody ALLEN (USA)

LA CHASSE AUX PAPILLONS de Otar IOSSELIANI (Géorgie/France)

LE VAL ABRAHAM de Manoel DE OLIVEIRA (Portugal)

PAGES CACHEES de Alexander SOKOUROV (Russie)

LES FLEURS DE SHANGAI de Hou Hsiao HSIEN (Taïwan)

SATAN’S TANGO de Belà TARR (Hongrie)

CRIMES ET DELITS de Woody ALLEN (USA)

SHORT CUTS de Robert ALTMAN (USA)

LE REGARD D’ULYSSE de Theo ANGELOPOULOS (Grèce/France)

LA DOUBLE VIE DE VERONIQUE de Kristof KIESLOWSKI (Pologne/France)

LE VENT NOUS EMPORTERA de Abbas KIAROSTAMI (Iran)

LE MAITRE DE MARIONNETTES de Hou Hsiao HSIEN (Taïwan)

LEVEL FIVE de Chris MARKER (France)

KHROUSTALIOV MA VOITURE ! de Alexeï GUERMAN (Russie)

LA COMEDIE DE DIEU de Joao Cesar MONTEIRO (Portugal)

FIORILE de Paolo et Vittorio TAVIANI (Italie)

UN CŒUR EN HIVER de Claude SAUTET (France)

LOOKING FOR RICHARD de Al PACINO (USA)

CLAIRE DOLAN de Lodge KERRIGAN (USA)

FERDYDURKE de Jerzy SKOLIMOWSKI (Pologne/GB)

CLOSE UP de Abbas KIAROSTAMI (Iran)

ERREUR DE JEUNESSE de Radovan TADIC (France/Yougolsavie)

CELEBRITY de Woody ALLEN (USA)

LE JARDIN de Martin SULIK (Slovaquie)

THE BABY OF MACON de Peter GREENAWAY (GB)

EN PRESENCE D'UN CLOWN de Ingmar BERGMAN (Suède)

LE SOLEIL MEME LA NUIT de Paolo et Vittorio TAVIANI (Italie)

CONTE D’ETE de Eric ROHMER (France)

ADIEU PLANCHER DES VACHES de Otar IOSSELIANI (Géorgie/France)

71 FRAGMENTS D’UNE CHRONOLOGIE DU HASARD de Michael HANEKE (Autriche/France)

L’HUMANITE de Bruno DUMONT (France)

NEW ROSE HOTEL de Abel FERRARA (USA)

MERCI LA VIE de Bertrand BLIER (France)

DECONSTRUCTING HARRY de Woody ALLEN (USA)

TOUT CE QUE J’AIME de Martin SULIK (Slovaquie)

CALENDAR de Atom EGOYAN (Canada)

KANZO SENSEI de Shoei IMAMURA (Japon)

POUR UN OUI OU POUR UN NON de Jacques DOILLON (France)

LE VOYAGE de Fernando SOLANAS (Argentine)

THE LONG DAY CLOSES de Terence DAVIES (GB)

BLANC de Kieslowski (Pologne/France)

LE PAS SUSPENDU DE LA CIGOGNE de Theo ANGELOPOULOS (Grèce)

URGA de Nikita MIKHLAKOV (Russie)

FIN et VIE de Artavazd PELECHIAN (Arménie)

PARAJANOV : THE LAST SPRING de Mikhail VARTANOV (Géorgie)

LA VOCE DELLA LUNA de Federico FELLINI (Italie)



Silverwitch (désolée pour l'aspect indigeste et stupide d'une liste best-of)
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Messagede Cortese le 23 Fév 2004, 09:50

C'est vrai que je suis impressionné par le nombre de films que je n'i pas vu dans cette liste !
En fait j'en ai vu deux, et encore parce que j'ai été trainé par des copains :
Short Cuts et Underground. J'ai bien aimé Underground, j'aime bien Kusturica. En plus il m'a beaucoup fait rire quand, dans une interview, il a attribué son retour à la réalisation à Bernard Henri Levy.
Je me demande si je n'ai pas vu "Conte d'été" d'Eric Rohmer ? L'histoire d'un etudiant en bord de mer qui commence des histoires sentimentales qui n'aboutissent pas. J'ai bien aimé.
A part ça, il y a deux films que j'ai aimé, deux films de Tim Burton : Mars Attacks et Ed Wood.
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Messagede Cortese le 23 Fév 2004, 10:07

silverwitch a écrit:
Nelson,

Tu critiques la comparaison qu'emploie Fellini (la guitare électrique), mais cela ne remet pas en cause la justesse de son observation, je crois.

Quant à Kundera, ce n'est pas vraiment un grand amateur de rock. Pour résumer son opinion, il fait de la musique rock une extase. L'extase, c'est exemplairement le moment de l'orgasme. Quand la pilule n'existait pas, il arrivait souvent que l'homme au moment de jouir oubliât de se retirer à temps et la rendit mère. Pourtant un instant avant encore, il avait l'intention d'être extrèmement prudent. La seconde d'extase lui a donc fait oublier et sa décision (son passé immédiat) et ses intérêts (son avenir). L'extase aura donc pesé plus que l'enfant non désiré, et comme l'enfant non-désiré remplira par sa présence toute sa vie future, on peut dire que cette extase d'une seconde a pesé plus que toute une vie.

Pour Kundera, le rock c'est ça: un désir d'éternité (et donc d'oubli) mais qui ne peut avoir de l'éternité et de l'infini que son ersatz: l'extase. Ainsi le romancier définit aussi l'extase comme un aveuglement et d'assourdissement: l'extase c'est le moment ultime de l'émotion et simultanément sa négation. L'extase, c'est l'oubli de l'être. Comme l'extase signifie littéralement être hors de soi, c'est dangereux. Non pas que l'on soit comme dans un rêve (vers le passé, vers l'avenir), mais l'oubli total du passé et de l'avenir.

J'avoue à la fois mon ignorance à l'égard du rock (que je tente de combler grâce à d'amicaux efforts) et le sentiment de justesse que me renvoie parfois l'analyse faite ici. Ce qui me gêne souvent dans le rock, c'est le sentiment qu'il s'agit d'une musique qui veut abolir la distance entre celui qui joue et celui qui écoute. Et quand une musique produit un sentiment analogue à l'extase, cela m'inquiète un peu. Mais je découvre de très belles choses, alors je me demande quelle est la part superficielle de cette analyse (bien que là aussi, le fait que les instrument soient tous électriques me dérange aussi). C'est auditivement une perte de repères. Tout ce que j'entends est déjà retranscrit par une électronique (et donc simplifié).

Tout ça pour dire que ce n'est pas chez Kundera que tu trouveras un adorateur de hard rock!

Silverwitch


Ce que dit Kundera est la chose la moins conne que j'ai jamais lu sur le rock. Je le trouve juste "européocentriste", car l'extase (ou la transe) obtenue par la musique, c'est tout à fait banal en Afrique ou dans certains aspect de la culture islamique (le soufisme). Or le hard rock est bien rattaché en filiation directe à l'Afrique et même peut être à la culture islamique (les historiens du jazz situent l'origine africaine du blues dans la région du Sénégal, région depuis longtemps très marquée par l'influence des confréries nord africaines).
Le problème c'est peut être que le rock prend un aspect nevrotique en Occident parce qu'il est apparu dans une culture qui n'intègre ni la transe ni l'extase (encore que "La Chevauchée des Walkyries", c'est pas très loin du Hard Rock !).
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Messagede Cortese le 23 Fév 2004, 10:25

silverwitch a écrit:
Cortese a écrit:Quel pince sans rire ce Garcia Marquez... "Fondamentalisme démocratique" ! Fallait le trouver celui là ! Je suis sur qu'il connait les mots qui conviennent, mais il se la boucle comme tout le monde.
Je n'ai pas vu Eyes Wide Shut, ni les films de Mallick, mais tu as sans doute remarqué qu'en dehors de ce dernier, tous les cinéastes que tu as cités sont morts, ce qui tend à confirmer la tendance au refus de la réalité du cinéma contemporain.
Ce que dit Fellini au sujet de "La Guerre des Etoiles", cette dé-réalité, je la ressens depuis un bout de temps dans le cinéma (c'est d'ailleurs pour ça que je n'y vais plus, je ne me sens pas concerné par l'espèce de monde virtuel de sentiments ou de conflits qu'on y dépeint et je n'y trouve pas non plus la part de rêve).


Cortese,

Je suis évidemment d'accord. Paul Valéry disait à propos de l'écriture: "Il faut être léger comme l'oiseau, et non comme la plume". Si la matière dont sont faits nos songes est sans doute la plume, le cinéma a besoin d'une matière plus concrète pour nous faire accéder à ce rêve, celui de l'oiseau en vol. Le cinéma commence par une observation attentive et méticuleuse du monde réel. Cela fournit éventuellement la matière aux rêves, ces voyages par la fenêtre de l'écran.

Tu vois, tout cela n'est qu'une question de gravitation. Nous échappons à l'intérieur d'un film plus ou moins aux lois de la gravité (la réalité du monde) en fonction des règles du jeu établies par le récit (le film) que nous regardons. Aujourd'hui les cinéastes fuient la réalité, la maquillent outrageusement parce qu'ils ne savent d'abord pas la voir. Leurs films n'existent pas. Ils ne sont que pure virtualité. Tu parlais de science-fiction: as-tu lu Cyrano de Bergerac? C'était une période où l'étude attentive de l'astronomie, de la réalité permettait une connaissance du monde par le biais de la fantaisie et de l'imagination. Avec Cyrano, on rêve de voyage dans la Lune, avec les aventures du baron de Munchausen, qui s'envole en chevauchant un boulet de canon, les tapis volants...

Si tout est virtuel, que le réel n'a plus de sens, alors le rêve perd à son tour sa signification. Je me console alors en me disant que le libéralisme n'aura qu'un temps, qu'il est compté et qu'il tombera. Spartacus fut vaincu, mais plus tard, Rome tomba. Il faut simplement souhaiter que le rêve n'ait pas sombré déjà.

Silverwitch


Je suis très impressionné par la clarté de cette analyse. Je n'aurais pas su la formaliser avec cette concision. Je me souviens d'avoir un peu abordé le sujet avec un ami qui dessinait des paysages fantastiques et qui commettait des erreurs de perspective qui justement privaient de "pesanteur" les constructions herculéennes qu'il y figurait. J'avais essayé de lui expliquer en quoi il faisait fausse route, mais sans grand succès.
Quant à ton souhait final, je le partage, évidemment, mais je crois que Rome est en pleine forme. On vient juste de passer de la République à l'Empire.
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Messagede B.Verkiler le 23 Fév 2004, 10:37

silverwitch a écrit:
Tout ça pour dire que ce n'est pas chez Kundera que tu trouveras un adorateur de hard rock!

Silverwitch


C'est le moins que l'on puisse dire. Ce qui est dommage personnellement, c'est que je comprends bien ce qu'il dit à propos du rock, mais qd il parle de musique, je ne vois pas de quoi il parle, je ne le comprends pas. Je n'arrive pas à entendre dans ce que je connais (peu il est vrai) les théories musicales qu'il développe.

Mais il donne envie de s'y interresser.
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Messagede Shoemaker le 23 Fév 2004, 12:38

Hola ! tu vas vite en besogne, Silver.
Le terme Rock est deja tellement vague en soit, qu'il serait bien maladroit de mettre dans la meme besace Hendrix et Placebo, ce que beaucoup justement s'empressent de faire. Ca serait, pour que tu me comprennes bien, mettre cote a cote Le Dictateur et les bronzes font du ski, sous pretexte que les deux se pretendent etre des films comiques.
Les simplifications sont la porte ouverte a toutes les imprecisions, donc a toutes les erreurs. En Occident, pendant un court moment d'histoire, des musiciens ont effectivement touche de pres la chose, l'extase, peut etre a la suite du grand mouvement dit "hippie" et a la prise en charge du blues par les Anglais, deux choses chargees "d'exotisme" (le mouvement hippie par ses liens avec l'hindouisme et le blues par son origine africaine (voir ce qu'en dit Cortese)).
L'extase, hors de "la petite mort" que tu decris si malicieusement, est etrangere a la cultrure occidentale, a part des experiences chez quelques Chretiens mystiques (experiences d'ailleurs sur fond d'une religion orientale...). Alors oui, pendant un temps, le Rock a ete impregne de tout cela. Il est vrai que les guitaristes, qui ont toujours ete a l'avant garde de cette musique, ont systematiquement recherche cette note, cette combinaison de notes qui provoque la rupture avec le reel. Santana disait qu'il lui arrivait, dans de rares et fabuleux moments, au cours d'une improvisation (l'improvisatrion musicale, si etrangere et contraire a l'esprit de la musique et la culture occidentale), de baver. Oui, baver. Baver, c'est l'oubli, c'est, pardon pour ma trivialite, l'ejaculation finale, c'est donc effectivement ce moment d'extase, dont tu parles. Oui, un desir d'eternite, un ersatz d'eternite. Mais l'eternite, c'est Dieu. C'est le seul concept que nous possedons et que meme nous utilisons en mathematiques, et qui decrive avec le plus de satisfaction possible, ce qu'est Dieu. meme si ca reste encore (l'eternite) bien au dela de notre logique. Si on considere que l'art, c'est entre autre l'expression de notre part de divin, tout s'eclaire. l'art est creation, la creation est l'attribut principal de la divinite. L'extase, ersatz de notre part de divinite... Tout cela peut faire peur pour qui n'a pas ete eleve dans la quotidiennete de ces tourbillons magiques... C'est peut etre pour cela que les choses se sont reequilibrees en Occident, et que le Rock a perdu tout son "exotisme extatique", car il l'a perdu ! Il ne reste qu'une vaine agitation "grand-guignolesque"... Ici, on n'aime pas trop fricoter du cote du religieux... Non pas que les Occidentaux en soient fondamentalement incapables, mais la culture officielle, celle inculquee des le berceau, n'aime pas trop les arabesques. Systematiquement, les embellissements dans la musique savante europeenne ont ete historiquement ecartes (des sortes d'arabesques sonores qui faisaient trop arabe, comme dans la musique baroque...) , et ce n'est pas moi qui le dit, mais les grands faiseurs de cette musique). (Au passage, la musique arabe elle meme est une synthese de la persanne, de l'indienne et de l'africaine...).

J'espere que tout cela n'est pas trop confus...

Mais pour la guitare electrique, en quoi l'electricite serait moins legitime que le bois seul ? N'oublie pas que le manche, lui reste en bois, et que les doigts s'y frottent, aux cordes, ils les tordent jusqu'a la rupture !... Le contact visceral, violent et sensuel, est la, bien present. Je pourrai te parler de cette extraordinaire puissance qu'on a alors sous les doigts, une puissance que la plupart des guitaristes ne maitrisent q'en se cantonnant dans l'academisme le plus ennuyant. MAis si tu as le bonheur d'entrer en phase avec cette puissance, alors, c'est comme conduire une 800 chevaux, comme lorsqu'on devient UN avec la voiture, en extirper de la force, de la douceur, de la douleur, de la poesie, de l'emotion, de la gloire, du sublime, de la bave, bref... de l'extase. Rappelle toi, et c'est toi qui le disait, que ce qui est important, c'est le talent.
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Messagede oz.1 le 27 Fév 2004, 15:01

J'ai viré les comparaisons dont je ne connaissais aucun des 2



Qui préfères-tu entre:

- Tarantino e P. T. Anderson

PT Anderson sans hésitation depuis Kill Bill. Et j'adore Magnolia.


- Scorsese e Coppola

vu mais pas fait attention


- De Palma e Spielberg

Spielberg. ET, Duel, Indiana Jones, il a une sacrée filmo.

- Kubrick e Altman

Kubrick quand même, mais je connais rien d'Altman.


- Peckinpah e Leone

Leone comme nelson parce que j'ai rien vu de Peckinpah


- Romero e Carpenter

Carpenter, ne serait-ce que pour Christine


- Hitchcock e Lang

Hitchcock


- Jackson e Rodriguez

Je ne vois pas le rapport entre les 2 mais je dirais Jackson pour Bad taste et créatures célestes.


- Landis e Dante

Je crois que j'aime bien Landis


- Craven e Hooper

Craven. Scream, c'était sympa. Au début.

- Raimi e Coen

Coen

- Lynch e Cronenberg

Lynch bien-sûr. Cronenberg, c'est de la daube.



- Lyne e Verhoeven

Verhoeven

- Truffaut e Godard

J'ai pas vu mais Godard est marrant en interview à la TV

- Chaplin e Keaton

Keaton parce que ça fait plus classe que charlot...quoique, avec les coffrets DVD, Chaplin a un côté revival. :D

- Lucas e Milius

Ne connaissant pas Milius et connaissant Lucas, le choix est dur, disons Milius en espérant pas tomber sur un tocard.



- Zemeckis e Cameron

Retour vers le futur ou Terminator ? va pour Cameron mais Zemeckis a produit des trucs sympa.


- Amenabar e Shyamalan

disons Shyamalan parce que j'ai rien vu d'Amenabar à ma connaissance


- Besson e Kounen

Kounen


- Kassovitz e Jeunet

Difficile. Je dirais Jeunet.

- Stone e Cimino

Stone sans connaitre Cimino


- Aronofsky e Natali

Aronofsky


- W. Allen e Brooks

Brooks parce que Woody Allen, c'est nul.


- Haneke e Von Trier

Von Trier, connais pas l'autre
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Messagede B.Verkiler le 27 Fév 2004, 15:59

Bon, seulement qd je connais les deux :

- Fellini e Antonioni
Fellini, même si j'ai du mal avec 8 1/2

- Tarantino e P. T. Anderson
Tarantino

- Scorsese e Coppola
Scorsese, rien que pour Taxi driver

- De Sica e Rossellini

- De Palma e Spielberg

Bof, Spielberg

- Kubrick e Altman
Kubrick

- Peckinpah e Leone

- Romero e Carpenter

Carpenter

- Hitchcock e Lang

J'aime pas des masses HItchkok et de Lang je n'ai vu que les contrebandiers de Moonfleet, en esperant que c'est bien lui. Lang

- Jackson e Rodriguez

- Landis e Dante

- Craven e Hooper

- Raimi e Coen

- Lynch e Cronenberg

Cronenberg pour le festin nu et Dead Zone

- Pasolini e Ferreri

- Lyne e Verhoeven

Bon, Sharon avait eu son petit effet sur moi, mais verhoeven, c'est de la merde.
Lyne aussi, mais j'ai bien aimé l'échelle de Jacob. Lyne donc


- Zemeckis e Cameron
Cameron

- Herzog e Wenders
Herzog, rien que pour Aguirre

- Welles e Huston

Welles

- Amenabar e Shyamalan

- Polanski e Argento

Polanski vu que je connais pas Argento, mais là je reponds parce que Polanski ca commence à me plaire beaucoup

- R. Scott e T. Scott

R Scott

- Kassovitz e Jeunet

J'ai bien aimé La Haine, j'ai bien aimé Delicatessen. Jeunet parce que Kassovitz tourne mal

- Stone e Cimino
Cimino

- Benigni e Troisi

- Aronofsky e Natali

- Bellocchio e Bertolucci

- W. Allen e Brooks

W Allen

- Richtie e Boyle

- Rohmer e Chabrol

- Rosi e Petri

- Haneke e Von Trier

- Brass e Zeffirelli

- Wong Kar Wai e Hou Hsiao Hsien

-Kurosawa e Ozu

-Angelopoulos e Tarkovski
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Messagede Silverwitch le 27 Fév 2004, 23:44

Cortese a écrit:C'est vrai que je suis impressionné par le nombre de films que je n'i pas vu dans cette liste !
En fait j'en ai vu deux, et encore parce que j'ai été trainé par des copains :
Short Cuts et Underground. J'ai bien aimé Underground, j'aime bien Kusturica. En plus il m'a beaucoup fait rire quand, dans une interview, il a attribué son retour à la réalisation à Bernard Henri Levy.
Je me demande si je n'ai pas vu "Conte d'été" d'Eric Rohmer ? L'histoire d'un etudiant en bord de mer qui commence des histoires sentimentales qui n'aboutissent pas. J'ai bien aimé.
A part ça, il y a deux films que j'ai aimé, deux films de Tim Burton : Mars Attacks et Ed Wood.


Cortese,

Underground c'est un film absolument génial. Je me souviens que l'année où le film de Kusturica obtint la palme d'or à Cannes, le Regard d'Ulysse d'Angelopoulos était aussi en compétition et repartit avec un prix de "consolation" au grand dam du cinéaste grec. C'était terrible devant deux aussi beaux films pour un jury de ne devoir en choisir qu'un. Les deux films ont des résonances similaires: l'exploration des balkans, les origines du cinéma dans les deux pays que sont la Grèce et la Yougoslavie...C'était il y a moins de dix ans et je croyais encore fermement au réveil du cinéma de l'europe centrale.

Le film de Rohmer que tu décris est en effet "Conte d'été". C'est le seul film de la série des quatre contes que j'apprécie. Quand aux deux films de Burton que tu cites je les apprécie aussi (avec Pee-Wee et Beetlejuice), autrement Tim Burton est un cinéaste que je goûte assez peu.

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Messagede Silverwitch le 27 Fév 2004, 23:48

Cortese a écrit:Ce que dit Kundera est la chose la moins conne que j'ai jamais lu sur le rock. Je le trouve juste "européocentriste", car l'extase (ou la transe) obtenue par la musique, c'est tout à fait banal en Afrique ou dans certains aspect de la culture islamique (le soufisme). Or le hard rock est bien rattaché en filiation directe à l'Afrique et même peut être à la culture islamique (les historiens du jazz situent l'origine africaine du blues dans la région du Sénégal, région depuis longtemps très marquée par l'influence des confréries nord africaines).
Le problème c'est peut être que le rock prend un aspect nevrotique en Occident parce qu'il est apparu dans une culture qui n'intègre ni la transe ni l'extase (encore que "La Chevauchée des Walkyries", c'est pas très loin du Hard Rock !).


Cortese,

Oui c'est vrai. En fait il me semble que l'on devrait aussi discuter de la valeur de ce qui se produit cette extase. Je vais essayer d'y revenir en répondant au message de Shoemaker.

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Messagede Silverwitch le 28 Fév 2004, 02:19

Shoemaker a écrit:Hola ! tu vas vite en besogne, Silver.
Le terme Rock est deja tellement vague en soit, qu'il serait bien maladroit de mettre dans la meme besace Hendrix et Placebo, ce que beaucoup justement s'empressent de faire. Ca serait, pour que tu me comprennes bien, mettre cote a cote Le Dictateur et les bronzes font du ski, sous pretexte que les deux se pretendent etre des films comiques.
Les simplifications sont la porte ouverte a toutes les imprecisions, donc a toutes les erreurs.


Oui je suis d'accord sur le principe. Dans les faits, notre intelligence pour s'exprimer a besoin de deux notions: le détail et la généralité. Parler de musique pour caractériser à la fois une fugue de Bach et une reprise des Pixies par Placebo est un peu trop généraliste pour que le langage ait une utilité.

J'entends bien que la musique d'Hendrix et celle de Placebo n'est pas la même. J'entends également que Led Zeppelin ne faisait pas la même chose que les Stones. Pour autant, je ressens au moins autant de différence (sinon plus!) entre Bach et Haendel, qu'entre les Stones et Hendrix. Les deux compositeurs étaient pourtant d'exacts contemporains et avaient la même origine géographique. Que s'est-il passé pour que nous assistions à ce phénomène de réduction? Réduction à une langue ou presque, l'anglais, réduction des instruments et de leur diversité, simplification musicale. Sans doute est-ce aussi une conséquence d'une idéologie libérale à l'oeuvre dans la musique même.


Shoemaker a écrit: En Occident, pendant un court moment d'histoire, des musiciens ont effectivement touche de pres la chose, l'extase, peut etre a la suite du grand mouvement dit "hippie" et a la prise en charge du blues par les Anglais, deux choses chargees "d'exotisme" (le mouvement hippie par ses liens avec l'hindouisme et le blues par son origine africaine (voir ce qu'en dit Cortese)).


Oui c'est une précision utile.

Shoemaker a écrit:L'extase, hors de "la petite mort" que tu decris si malicieusement, est etrangere a la cultrure occidentale, a part des experiences chez quelques Chretiens mystiques (experiences d'ailleurs sur fond d'une religion orientale...). Alors oui, pendant un temps, le Rock a ete impregne de tout cela. Il est vrai que les guitaristes, qui ont toujours ete a l'avant garde de cette musique, ont systematiquement recherche cette note, cette combinaison de notes qui provoque la rupture avec le reel. Santana disait qu'il lui arrivait, dans de rares et fabuleux moments, au cours d'une improvisation (l'improvisatrion musicale, si etrangere et contraire a l'esprit de la musique et la culture occidentale), de baver. Oui, baver. Baver, c'est l'oubli, c'est, pardon pour ma trivialite, l'ejaculation finale, c'est donc effectivement ce moment d'extase, dont tu parles.


Voilà où je diverge. Je ne partage pas forcément la critique de Kundera sur tous ses points. Cependant je pense que plus que l'effet produit par une musique, la transe ou l'extase, c'est de la valeur de la musique qu'il importe aussi de se préoccuper. Par quels moyens musicaux conduit-on un auditeur à l'extase? À mon tour je prends le risque de l'excès de détail...Mais Hendrix comme le pire "rock" clichetonneux peut provoquer une même émotion, une même extase.

Alors n'est-ce pas toi maintenant que est trop vague en rassemblant la musique soufiste et le rock, parce qu'ils peuvent produire un effet identique? Moi je ne doute pas une seconde qu'une lectrice de Barbara Cartland puisse être sincèrement émue par sa lecture, autant qu'on peut l'être avec Balzac. Mais la valeur de Balzac est elle pour autant identique à celle de Cartland?


Shoemaker a écrit:Oui, un desir d'eternite, un ersatz d'eternite. Mais l'eternite, c'est Dieu. C'est le seul concept que nous possedons et que meme nous utilisons en mathematiques, et qui decrive avec le plus de satisfaction possible, ce qu'est Dieu. meme si ca reste encore (l'eternite) bien au dela de notre logique. Si on considere que l'art, c'est entre autre l'expression de notre part de divin, tout s'eclaire. l'art est creation, la creation est l'attribut principal de la divinite. L'extase, ersatz de notre part de divinite...


L'explication que tu proposes est séduisante mais un peu simpliste. On peut effectivement faire de la jouissance un moment d'éternité et donc une rencontre avec le divin...Mais est-ce vrai? Pour en revenir à la musique, je conçois évidemment qu'elle est capable d'éveiller puissamment des sentiments, mais je crains qu'elle n'y parvienne d'autant mieux sans aucun art musical. Deux accords (ex: un accord au piano en ut mineur et la sous-dominante en fa mineur), le tout joué le plus fort possible et répété...Le tour est joué. Parce que parler du divin ou de la mystique est évidemment séduisant Shoemaker, je le reconnais. Mais ce serait oublier qu'il y a d'autres extases que mystiques, certaines sont quotidiennes, banales voire vulgaires: l'extase de la colère qui fait se lever une main, ou une voix se déformer en un cri, l'extase de la vitesse au volant, l'extase de la foule. En fait moi je n'associe pas l'extase au divin (parce que le divin représente une idée de la douceur), mais à la mort. L'extase c'est très près de la mort.

Et cela me gêne parfois à l'écoute de certains morceaux de rock c'est cette volonté d'expurger tout ce qui n'est pas l'extase. Dans la musique classique ou le jazz, l'émotion peut être présente de manière également très forte, mais la composition par sa longueur contient cette émotion, la développe...Or l'extase ne peut fonctionner dans une mélodie, car l'extase étouffe la mémoire et empêche de maintenir ensemble les notes d'une phrase mélodique un peu longue. D'ailleurs on le sait bien, l'image acoustique de l'extase c'est le cri et non le chant. Si ce n'est le cri, ce sera un très très court motif mélodique qui imite le cri. On en revient à l'analogie de l'orgasme. Et je crois que la musique est liée au chant, à l'harmonie ou à la polyphonie...Pas au cri.

Shoemaker a écrit:Tout cela peut faire peur pour qui n'a pas ete eleve dans la quotidiennete de ces tourbillons magiques... C'est peut etre pour cela que les choses se sont reequilibrees en Occident, et que le Rock a perdu tout son "exotisme extatique", car il l'a perdu ! Il ne reste qu'une vaine agitation "grand-guignolesque"... Ici, on n'aime pas trop fricoter du cote du religieux... Non pas que les Occidentaux en soient fondamentalement incapables, mais la culture officielle, celle inculquee des le berceau, n'aime pas trop les arabesques. Systematiquement, les embellissements dans la musique savante europeenne ont ete historiquement ecartes (des sortes d'arabesques sonores qui faisaient trop arabe, comme dans la musique baroque...) , et ce n'est pas moi qui le dit, mais les grands faiseurs de cette musique). (Au passage, la musique arabe elle meme est une synthese de la persanne, de l'indienne et de l'africaine...).

J'espere que tout cela n'est pas trop confus...


Non ce n'est pas confus, au contraire c'est très percutant. Je suis d'accord avec toi et je ne peux rebondir plus par ignorance que par manque d'intérêt. Je découvre en effet des improvisations à la guitare qui me renvoient directement à une musique classique abandonnée par l'occident, d'un temps où la mélodie ne primait pas. Ce n'est pas que l'occident ne connaisse pas ces formes musicales c'est qu'elles ont été trop longtemps oubliées. Au XXè siècle des compositeurs comme Bartòk ont compris ce besoin fondamental de l'être humain: redéfinir ce qui sépare le bruit de la musique? Le compositeur hongrois (ou Messiaen avec les oiseaux) intègrent le cri, le bruit dans une forme plus vaste. Peut-être en est-il de même dans le rock. Je manque de culture pour le savoir.

Sans doute aussi, nos attentes divergent devant la musique. Je ne recherche ni extase ni effusion, ni identification, ni extase ou jouissance, mais plutôt plaisir, bonheur, écoute, mémoire...Tout cela je le retrouve souvent dans le jazz comme dans la musique classique, j'imagine également que c'est le cas pour le blues: il y a une distance entre celui qui joue et celui qui écoute. Je ne veux surtout pas m'identifier à la musique. Je te rejoins sur ta conclusion. Tu as raison, le talent importe seul. Il est dommage que la plupart du temps, la différence entre la médiocrité et le talent soit masqué. Peu de gens aiment je crois la musique, la littérature ou le cinéma. Peu leur importe la musique elle-même, tout produit stupéfiant, une drogue ferait l'affaire. Pour cesser d'aller au cinéma, il leur suffirait de vivre: ne plus avoir le temps ou le besoin d'imaginer une autre vie. Si l'art n'est qu'un opium de la vie, la vie supprime l'art dès que l'opium devient inutile: dès que l'individu rencontre un métier qui le comble, un être qui le comble. Or l'art ce n'est pas ça, la musique c'est autre chose qu'un stupéfiant ou un ersatz d'éternité.

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Messagede cétérouge le 28 Fév 2004, 11:30

(de toute manière, comparé à Hermann Broch, Musil ou Gombrowicz, Kundera est un assez piètre écrivain, sans doute parce qu'il a une formation philosophique bien moins solide que ces derniers, sa dénonciation de la crise des valeurs du monde moderne à l'instar d'un Malraux par exemple est plus idéologique que vraiment éthique, et farcie d'un tas d'a-priori esthétiques (qu'il emprunte à d'autre par exemple son concept de Kitsch comme comem uen forme de lyrisme falsifiée, qui sert d'intermédiaire entre le produit de consommation et le poncif culturel, est tout entier repris d'Adorno, que je ne l'ai jamais lu citer une fois...)
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Messagede Silverwitch le 28 Fév 2004, 19:49

cétérouge a écrit:(de toute manière, comparé à Hermann Broch, Musil ou Gombrowicz, Kundera est un assez piètre écrivain,


Je ne demande qu'à te croire...Manque l'argument pour étayer ton affirmation.

cétérouge a écrit: sans doute parce qu'il a une formation philosophique bien moins solide que ces derniers,


Allons, un peu de sérieux Cétérouge. Milan Kundera serait un moins grand écrivain que Broch ou Musil, parce que "sa formation philosophique serait moins solide"? Pourtant sa formation intellectuelle est autrement plus poussée en philosophie que les auteurs que tu cites (et que Kundera admire). Cette affirmation est donc fausse.

De plus Milan Kundera n'est pas philosophe, mais romancier. Son génie spécifique n'est pas la philosophie, mais le roman, plus exactement la pensée romanesque. Chez un auteur aussi précis que Kundera, je te renvoie à la définition que Kundera fait de l'esprit du roman dans son essai "L'Art du roman" (au cas où Kundera précise: "Dois-je souligner que j'ai pas la moindre ambition théorique et que tout ce livre n'est que la confession d'un praticien"?).


cétérouge a écrit: sa dénonciation de la crise des valeurs du monde moderne à l'instar d'un Malraux par exemple est plus idéologique que vraiment éthique, et farcie d'un tas d'a-priori esthétiques (qu'il emprunte à d'autre par exemple son concept de Kitsch comme comem uen forme de lyrisme falsifiée, qui sert d'intermédiaire entre le produit de consommation et le poncif culturel, est tout entier repris d'Adorno, que je ne l'ai jamais lu citer une fois...)


Peux tu préciser ton affirmation? Que serait sa dénonciation de la crise des valeurs du monde moderne? Chez Kundera la pensée est mise en perspective dans l'espace du roman. Voilà ce qu'en dit Kundera lui-même dans un entretien:

"Novelistic meditation--let's avoid any misunderstanding here: I'm not thinking of the so-called "philosophical novel" that really means a subordination of the novel to philosophy, the novelistic illustration of ideas. This is Sartre. And even more so Camus. La Peste. This moralizing novel is almost the model of what I don't like. The intent of a Musil or a Broch is entirely different: it is not to serve philosophy but, on the contrary, to get hold of a domain that, until then, philosophy had kept for itself There are metaphysical problems, problems of human existence, that philosophy has never known how to grasp in all their concreteness and that only the novel can seize. This said, these novelists (particularly Broch and Musil) made of the novel a supreme poetic and intellectual synthesis and accorded it a preeminent place in the cultural totality."

En ce sens, la pensée de Kundera est l'exacte antithèse de celle de Malraux. Guy Scarpetta a consacré un article pénétrant à la pensée romanesque dans "Le Monde Diplomatique", il écrit notamment:

"la fonction capitale du roman moderne, ce n’est pas d’« illustrer » par un récit une conception du monde ou de l’histoire déjà élaborée ; mais plutôt de révéler, par ses voies spécifiques, « ce que seul le roman peut dire » (selon la formule de Hermann Broch dans La Mort de Virgile, reprise et développée par Carlos Fuentes ou Milan Kundera). Il s’agit de dégager le non-dit de l’histoire officielle, les zones de l’expérience humaine que les historiens négligent ; de déstabiliser les certitudes, les orthodoxies, les visions du monde constituées ; d’explorer l’envers ou le négatif de l’image que nos sociétés donnent d’elles-mêmes."

"Qui nous montre comment certains aspects de l’univers communiste (le kitsch officiel, l’illusion lyrique entretenue, le culte de l’enfance, la surveillance et l’indiscrétion généralisées) se retrouvent aussi dans le monde occidental - là où la tyrannie du spectacle s’est substituée à celle de l’idéologie ? Un romancier, Milan Kundera, pour qui le roman a une tout autre vocation que celle de fournir une peinture « réaliste » de la société, et se doit d’« inventer des formes »... "

"Il ne faudrait pas oublier non plus que le roman, au sens moderne, est né d’une rupture franche avec l’épopée : aussi bien chez Rabelais, qui parodie et caricature le genre épique, le détruit rieusement du dedans (l’épisode des guerres picrocholines) que chez Cervantès, qui confronte ironiquement le genre chevaleresque (devenu dérisoire, halluciné) à la trivialité du réel. Or tout se passe comme si cette lutte entre l’esprit de l’épopée (centrée sur des exploits héroïques et l’exaltation de valeurs collectives) et l’esprit du roman (désacralisateur, désidéalisant) était, en quelque sorte, toujours à relancer ; comme si c’était tout au long de l’histoire du roman qu’on la voyait se rejouer, se réactiver. C’est ce qui oppose, par exemple, à propos des guerres du XXe siècle, les visions épiques (d’André Malraux à Ernst Jünger) à celles strictement romanesques, antiépiques (de Hemingway à Claude Simon)."


En ce qui concerne le kitsch, je ne peux que t'inviter à relire Milan Kundera, puisqu'il cite Adorno dans divers textes...Oui Broch ou Adorno ont abordé la question du kitsch avant Milan Kundera, et? Cependant Kundera est le premier à faire réellement du kitch une véritable catégorie existentielle et qu'il faut avant tout l'envisager comme une attitude du "kitschmensch", comme l'expression de cette étrange faculté humaine de substituer les rêves d'un monde meilleur à notre réalité, bref de travestir le réel en une vision idyllique. De la réflexion initiale de Broch sur le kitsch dans "Connaissance et Création littéraire" qu'il définit comme "la traduction de la bêtise et des idées reçues dans le langage de la beauté et de l'émotion", Kundera fait un phénomène consubstantiel à l'être, qui loin d'être rattaché à une époque déterminée devient l'expression esthétique de tout "accord catégorique avec l'être". Adorno lui a parlé de l'art comme de la promesse d'un bonheur qui se brise et et qui aboutit dans le kitsch à la parodie de la catharsis.

Je ne peux m'empecher de citer encore Kundera:

"L'érudition de Rabelais, si grande soit-elle, a donc un autre sens que celle de Descartes. La sagesse du roman est différente de celle de la philosophie. Le roman est né non pas de l'esprit théorique mais de l'esprit de l'humour. Un des échecs de l'Europe est de n'avoir jamais compris l'art le plus européen-le roman; ni son esprit, ni ses immenses connaissances et découvertes, ni l'autonomie de son histoire. L'art inspiré par le rire de Dieu est, par son essence, non pas tributaire mais contradicteur des certitudes idéologiques. À l'instar de Pénélope, il défait pendant la nuit la tapisserie que des théologiens, des philosophes, des savants ont ourdie la veille".

Et puis pour finir un extrait (court) de son prochain essai, à paraitre dans un avenir proche et indéterminé:

ET SI LE TRAGIQUE NOUS AVAIT ABANDONNÉS ?

Après des expériences douloureuses, Créon a compris que les passions personnelles qu’on ne maîtrise pas sont un danger mortel pour la cité ; avec cette conviction, il affronte Antigone, qui défend contre lui les droits non moins légitimes de l’individu. Elle meurt, et lui, écrasé par sa culpabilité, désire « ne jamais plus revoir un lendemain ». Antigone a inspiré à Hegel sa méditation magistrale sur le tragique : deux antagonistes s’affrontent, chacun inséparablement lié à une vérité qui est partielle, relative, mais, considérée en elle-même, entièrement justifiée. Chacun est prêt à sacrifier sa vie pour elle, mais ne peut la faire triompher qu’au prix de la ruine totale de l’adversaire. Ainsi tous les deux sont à la fois justes et coupables. C’est à l’honneur des grands personnages tragiques que d’être coupables, dit Hegel. Et, en effet, seule la conscience profonde de la culpabilité peut rendre possible une réconciliation future.

Affranchir les grands conflits humains de l’interprétation naïve du combat entre le bien et le mal, les comprendre sous l’éclairage de la tragédie, fut une immense performance de l’esprit ; elle fit apparaître la relativité fatale des vérités humaines ; elle fit ressentir le besoin de rendre justice à l’ennemi. Mais la vitalité du manichéisme moral est invincible : je me souviens d’une adaptation d’Antigone que j’ai vue à Prague aussitôt après la guerre ; tuant le tragique dans la tragédie, son auteur a fait de Créon un méchant fasciste confronté à une jeune héroïne de la liberté.

De telles actualisations politiques d’Antigone ont été très en vogue après la seconde guerre mondiale. Hitler apporta non seulement d’indicibles horreurs à l’Europe, mais il la spolia de son sens du tragique. A l’instar du combat contre le nazisme, toute l’histoire politique contemporaine sera dès lors vue et vécue comme un combat du bien contre le mal. Les guerres, les guerres civiles, les révolutions, les contre-révolutions, les luttes nationales, les révoltes et leur répression ont été chassées du territoire du tragique et expédiées sous l’autorité de juges avides de châtiment. Est-ce une régression ? Une rechute au stade pré-tragique de l’humanité ? Mais, en ce cas, qui a régressé ? L’Histoire elle-même, usurpée par des criminels ? Ou notre façon de comprendre l’Histoire ? Je me dis souvent : le tragique nous a abandonnés ; et là est, peut-être, le vrai châtiment.


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Messagede cétérouge le 28 Fév 2004, 20:36

silverwitch a écrit:En ce qui concerne le kitsch, je ne peux que t'inviter à relire Milan Kundera, puisqu'il cite Adorno dans divers textes...Oui Broch ou Adorno ont abordé la question du kitsch avant Milan Kundera, et? Cependant Kundera est le premier à faire réellement du kitch une véritable catégorie existentielle et qu'il faut avant tout l'envisager comme une attitude du "kitschmensch", comme l'expression de cette étrange faculté humaine de substituer les rêves d'un monde meilleur à notre réalité, bref de travestir le réel en une vision idyllique. De la réflexion initiale de Broch sur le kitsch dans "Connaissance et Création littéraire" qu'il définit comme "la traduction de la bêtise et des idées reçues dans le langage de la beauté et de l'émotion", Kundera fait un phénomène consubstantiel à l'être, qui loin d'être rattaché à une époque déterminée devient l'expression esthétique de tout "accord catégorique avec l'être


Philosophiquement cela s'appelle la dilution d'un concept, et esthétiquement c'est une façon de retourner la notion de "vision du monde" en poncif qui permet de générer mécaniquement tout un tas de roman.
En fait c'est l'inverse de Baudelaire, Kundera ne lie pas l'activité littéraire à l'idée que l'artiste puisse créér lui-même des poncifs, mais emprunte à la philosophie (Adorno, Benjamin etc...) ses poncifs sur le monde moderne, et retire une intrigue du seul fait de les illustrer par la psychologie d'unseul personnage dans ses romans (je pourrait mettre en couper-coller le chapître 5 de l'Immortalité).
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Messagede Silverwitch le 28 Fév 2004, 20:40

cétérouge a écrit:
Philosophiquement cela s'appelle la dilution d'un concept


Cétérouge,

Tu comptes développer ou tu vas t'arreter là? Bon ce n'est pas très sérieux tout ça. Alors examine un peu le kitsch comme catégorie existentielle chez Kundera, avant d'affirmer qu'il aurait tout pris à Adorno (en oubliant Broch?). Bref...Au moins tu ne dilues pas là!

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Messagede cétérouge le 28 Fév 2004, 20:46

De Broch, j'ai lu Haguenau ou le Realisme, et j'ai bien l'impression qu'il ne lui a pas " repris" que le concept de kitsch, mais également la structure tout entière du roman, qui mèle en une digression apparente plusieurs intrigues parallèles à des fragments d'essais philosophique (sauf que chez Broch on trouve encore une forme de concept dialectique de l'histoire, c'est à dire une manière de rendre rationnelllement raison de la différence entre les raisons individuelles des acteurs historique et le sens de l'histoire elle-même - alors que chez Kundera l'histoire exprime plutôt une forme de fatalité et la politique est raillée comme une forme de mensonge sur le carractère impersonel de cette fatalité, pour ma part je trouv que c'est une représentation de l'histoire singulièrment proche de celle de Malraux dans des livres comme "Lazare") :D
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Messagede Silverwitch le 28 Fév 2004, 20:58

cétérouge a écrit:De Broch, j'ai lu Haguenau ou l'Opportunisme, et j'ai bien l'impression qu'il ne lui a pas volé que le concept de kitsch, mais également la structure tout entière du roman, qui mèle en une digression apparente plusieurs intrigues parallèles à des fragments d'essais philosophique :D


Cétérouge,

Je ne peux que t'inviter à relire Kundera (tu sais celui qui ne cite pas Adorno à qui il a piqué son concept). D'ouvrir par exemple l'Art du Roman et de t'intéresser aux chapitres consacrés à Broch et à Musil pour vérifier les différences entre ces romanciers dans leur forme romanesque meme.

Comme je suis gentille je t'aide:

"Christian Salmon: Vous parlez en deuxième lieu du "nouvel art du contrepoint romanesque". Chez Broch il ne vous satisfait pas entièrement.

Milan Kundera: Prenez le troisième roman des Somnambules. ll est composé de cinq éléments, de cinq "lignes", intentionnellement hétérogènes: 1.le récit romanesque fondé sur les trois principaux personnages de la trilogie: Pasenow, Esch, Huguenau; 2.la nouvelle intimiste sur Hann Wendling; 3.le reportage sur un hôpital militaire; 4. le récit poétique (en partie en vers) sur une jeune fille de l'Armée du Salut; 5. l'essai philosophique (écrit dans un langage scientifique) sur la dégradation des valeurs. Chacune de ces cinq lignes est elle-meme magnifique. Pourtant ces cinq lignes, bien qu'elles soient traitéees simultanément, dans une alternance perpétuelle (c'est à dire avec une claire intention "polyphonique"), ne sont pas unies, ne forment pas un ensemble indivisible; autrement dit, l'intention polyphonique reste artistiquement inaccomplie. "


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Messagede cétérouge le 28 Fév 2004, 21:09

Merci mais ça fait 10 ans que je connais l'art du roman[ et aussi "La Vie est Ailleurs", "L'Immortalité", "L'insoutenable Légéreté" en passant] ( je dois reconnaître ce livre a eu au moins le mérite de ma faire découvrir Hermann Broch, mais pour le reste...)
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Messagede Silverwitch le 28 Fév 2004, 21:23

cétérouge a écrit:Merci mais ça fait 10 ans que je connais l'art du roman[ et aussi "La Vie est Ailleurs", "L'Immortalité", "L'insoutenable Légéreté" en passant] ( je dois reconnaître ce livre a eu au moins le mérite de ma faire découvrir Hermann Broch, mais pour le reste...)


Cétérouge,

Je t'en prie. À l'évidence, une relecture s'impose. Je te l'avoue, j'ai un problème pour discuter avec toi et ton petit paragraphe l'illustre exemplairement.

Tu as lu L'Art du Roman. D'accord...En quoi est-ce une réponse à la précision que je t'apporte? Tu ne réponds pas sur la forme romanesque comparée de Kundera et Broch alors qu'un instant auparavant tu t'orientais sur ce point. Tu émets un avis sur le romancier qui est plus que lapidaire et se rapproche du règlement de comptes.

Pour le reste? Oui j'aimerais que tu développes. Je vais être abrupte, mais je m'en fous que tu connaisses tel ou tel ouvrage. Je m'en fous que tu aimes ou pas Kundera. Par contre si tu échaffaudes des hypothèses que je m'emploie à sinon corriger du moins tenter de les infirmer, il serait souhaitable (ou louable) que tu acceptes au moins un dialogue.

Envolée la médiocrité du romancier Kundera qui serait due à un moindre bagage philosophique que celui de Broch ou Musil...Ici c'est toi qui opère une réduction de la pensée d'un auteur, c'est gênant.

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Messagede cétérouge le 28 Fév 2004, 21:50

Mon petit paragraphe était une réponse à ton injonction - très aimablement formulée je dois dire- à me référer pour continuer al discussion à un texte que je connais déjà, et qui par ailleurs formule un jugemement pour le moins très adrupt sur Broch, dans lequel Kundera se présente implictement comme ayant lui-même surmonté les maladresses esthétiques de Broch; ce que pour ma part, mais cela n'engage que moi, je ne partage pas vraiment, ayant éprouvé beaucoup plus de plaisir et d'intérêt à la lecture du dernier tome des Somnanbules qu'à celles des livres de Kundera...

Sinon, sur le fon de la discussion, j'ai l'impression que les deux écrivains ont en commun un certain scepticisme lucide vis-à-vis des catastrophes historiques qu'on provoqué les grandes idéologies du siècle dernier, qu'ils essayent de critiquer, de façon plutôt psychologique, en illustrant le fait que derrière l'illusion d'un progrés social et historique collectif, elles masquent de façon historiquement négative la réalité de changements successifs de représentation du réel individuelle.
Mais j'ai l'impression que chez Broch (et chez Musil d'après ce que j'ai pu lire de l'Homem sans qualité) la dénonciation de cette négativité est liée à une discussion sur le statut du concept d'histoire lui-même, et sur les ambiguïté des théories philosophiques pour lesquelles le cours de l'histoire répond au dévelloppement d'une finalité rationelle.
Ces écrivains "illustrent" (je sais que c'est un mauvais terme) des situation où des personnages se revendiquent de façon paradoxale d'une telle conception, pour justifier ce qui pratiquement, dans leur action, est conformisme moral et politique individuel. Il y a une critique de l'illusion du positivisme historique considérée en tant que discours.

J'ai par contre l'impression que chez Kundera cette critique de cette idéologie à travers ce l'apparente à un discours est complètement absente, et qu'il l'évite délibérèment en considèrant que d'une certaine façon c'est la psychologie individuelle de ses personnages qui est l'incarnation directe d'une forme individuelle de l'illusion historique (ce qui coïncidebien avec tes propos sur le concept de kitsch élargi en catégorie existentielle).
C'est une représentation que pour ma part je trouve assez confuse et floue; qui se justifie peut-être développée dans le cadre d'une fiction romanesque, que l'on peut difficilement extrapoler pour faire la critique de situation historique réelle, tandis que chez Broch et Musil, qui envisagent la critique de l'illusion du positivisme historique avant tout comme la critique d'un discours, elle se trouve considérée sous un angle plus universel qui me semble intellectuellement plus riche .
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Messagede Silverwitch le 28 Fév 2004, 23:08

cétérouge a écrit:Mon petit paragraphe était une réponse à ton injonction - très aimablement formulée je dois dire- à me référer pour continuer al discussion à un texte que je connais déjà, et qui par ailleurs formule un jugemement pour le moins très adrupt sur Broch, dans lequel Kundera se présente implictement comme ayant lui-même surmonté les maladresses esthétiques de Broch; ce que pour ma part, mais cela n'engage que moi, je ne partage pas vraiment, ayant éprouvé beaucoup plus de plaisir et d'intérêt à la lecture du dernier tome des Somnanbules qu'à celles des livres de Kundera...


Ton plaisir (ou ton intérêt) pour l'oeuvre de l'un plutôt que de l'autre est un critère trop flou pour que je le retienne. Il est également dommage que tu reproches à demi-mot à Milan Kundera de formuler un jugement "pour le moins très abrupt" et que tu t'autorises à faire subir le meme sort à l'oeuvre romanesque de ce dernier.

Je reprends l'Art du Roman et je lis (à propos des cinq lignes des Somnambules)

"Elles ne sont liées que par un thème commun. Mais cette union thématique, je la trouve parfaitement suffisante. Le problème de désunion est ailleurs. Récapitulons: chez Broch, les cinq lignes du roman évoluent simultanément, sans se rencontrer, unies par un ou quelques thèmes. J'ai désigné cette sorte de composition par un mot emprunté à la musicologie: polyphonie. Vous allez voir qu'il n'est pas si inutile de comparer le roman à la musique. En effet, l'un des principes fondamentaux des grands polyphonistes était l'égalité des voix: aucune voix ne doit dominer, aucune ne doit servir de simple accompagnement. Or, ce qui me semble être un défaut du troisième roman des Somnambules, c'est que les cinq "voix" ne sont pas égales. La ligne numéro un (le récit "romanesque" sur Esch et Huguenau) occupe quantitativement beaucoup plus de place que les autres lignes et, surtout, elle est privilégiée qualitativement dans la mesure où, par l'intermédiaire de Esch et de Pasenow, elle est liée aux deux romans précédents. Elle attire donc plus d'attention et risque de réduire le rôle des quatre autres lignes à un simple "accompagnement". Une deuxième chose: si une fugue de Bach ne peut se passer d'aucune de ses voix, en revanche, on peut imaginer la nouvelle sur Hanna Wendling ou l'essai sur la dégradation des valeurs comme des textes indépendants dont l'absence ne ferait pas perdre au roman ni son sens ni son intelligibilité. Or, pour moi, les conditions sine qua non du contrepoint romanesque sont: 1. l'égalité des "lignes" respectives; 2. l'indivisibilité de l'ensemble. Je me souviens du jour où j'ai fini la troisième partie du Livre du rire et de l'oubli, intitulée Les anges. J'avoue que j'étais terriblement fier, persuadé d'avoir découvert une nouvelle façon de construire un récit. Ce texte est composé des éléments suivants: 1. l'anecdote sur deux étudiantes et leur lévitation; 2. le récit autobiographique; 3. l'essai critique sur un livre féministe; 4. la fable sur l'ange et le diable; 5. le récit sur Eluard qui vole au-dessus de Prague. Ces éléments ne peuvent exister l'un sans l'autre, ils s'éclairent et s'expliquent mutuellement en examinant un seul thème, une seule interrogation: "qu'est-ce qu'un ange?". Seule cette interrogation les unit. "

Kundera à travers l'art de l'ellipse cherche en quelque sorte la note essentielle pour saisir la complexité de l'existence dans le monde moderne. Dans son écriture, cette note se transforme en en quelques mots clés récurrents qui révèlent le "code existentiel" de ses personnages et qui constitue le fondement de l'unité thématique de sa composition. Chacun de ses romans repose sur très peu de mots clés. Or, paradoxalement, ils investissent l'oeuvre de Kundera d'une polysémie et d'une diversité formelle exceptionnelles, et cela justement grâce aux transformations que leur font subir simultanément la variation et la polyphonie.

Broch parlait de polyhistorisme, Kundera utilise lui le terme de polyphonie. Je pense à la structure si géniale de La Plaisanterie, où aucun des quatre narrateurs ne sait rien des discours des trois autres, de sorte qu'aucun d'eux ne connaîtra jamais toute la vérité sur l'histoire de Ludvik. Le lecteur, par contre, peut déduire la vérité de la confrontation ironique de ces discours et découvrir ainsi que la vérité de tout un chacun ne représente qu'un fragment dans une vaste mosaïque de connaissances et de vérités relatives, agencées justement par la polyphonie. Autre génie propre à Kundera, la place du narrateur. Il abandonne toute notion d'autorité et réclame seulement d'être une voix parmi tant d'autres dans la gamme romanesque. Cela fait une différence très sensible par rapport notamment à Mann ou à Musil, non?


cétérouge a écrit:Sinon, sur le fon de la discussion, j'ai l'impression que les deux écrivains ont en commun un certain scepticisme lucide vis-à-vis des catastrophes historiques qu'on provoqué les grandes idéologies du siècle dernier, qu'ils essayent de critiquer, de façon plutôt psychologique, en illustrant le fait que derrière l'illusion d'un progrés social et historique collectif, elles masquent de façon historiquement négative la réalité de changements successifs de représentation du réel individuelle.
Mais j'ai l'impression que chez Broch (et chez Musil d'après ce que j'ai pu lire de l'Homem sans qualité) la dénonciation de cette négativité est liée à une discussion sur le statut du concept d'histoire lui-même, et sur les ambiguïté des théories philosophiques pour qui le cours de l'histoire répond au dévelloppement d'une finalité rationelle.
Ces écrivains "illustrent" (je sais que c'est un mauvais terme) des situation où des personnages se revendiquent de façon paradoxale d'une telle conception, pour justifier ce qui pratiquement, dans leur action, est conformisme moral et politique individuel. Il y a une critique de l'illusion du positivisme historique considérée en tant que discours.

J'ai par contre l'impression que chez Kundera cette critique de cette idéologie à travers ce l'apparente à un discours est complètement absente, et qu'il l'évite délibérèment en considèrant que d'une certaine façon c'est la psychologie individuelle de ses personnages qui est l'incarnation directe d'une forme individuelle de l'illusion historique (ce qui coïncidebien avec tes propos sur le concept de kitsch élargi en catégorie existentielle).
C'est une représentation que pour ma part je trouve assez confuse et floue (qui se justifie peut-être développée dans le cadre d'une fiction romanesque, mais que l'on peut difficilement extrapoler pour faire la critique de situation historique réelle).


Cétérouge, voyons les choses ainsi: un même évènement, une seule action peut s'avérer d'une totale banalité pour une personne, mais chargée de signification pour une autre. Cet espace miné de paradoxes est celui que Terry Eagleton nomme celui d'une paranoïa sémiotique. Grace à la tension polysémique dont Kundera investit chacun des signes (chaque mot, thème ou situation), la frontière devient le centre ironique de toute son esthétique romanesque. C'est à partir d'elle seule que le rire peut surgir et, avec lui, l'écho de sa caricature grotesque. Or, ce double rire révélé par les traversées de l'espace qui sépare les pôles contraires désigne la réversibilité du sens et de la valeur de notre existence, de toute chose humaine, qu'elle soit individuelle ou collective.

Chez Kundera, les éléments de sa structure semblent se mettre en place afin que toute rhétorique de conviction soit remplacée par une rhétorique de dérision. On dirait entendre l'écho de Nietzsche: "Allons, tuons l'esprit de pesanteur!". Une telle pratique porte en elle une des critiques les plus redoutables de notre communication moderne: critique acerbe de toutes les impostures et illusions sémantiques de notre langage, de nos pensées et discours. Mais elle nous fait participer au dévoilement des manipulations idéologiques (et imagologiques) dont nous sommes tous des acteurs plus ou moins consentants.

Ainsi, à la suite de Musil ou Broch, si Kundera affirme que la connaissance est la seule morale du roman, son unique passion en est le rire et l'ironie qui en jaillissent. Dans son Docteur Faustus, Mann écrivait ceci: "la vraie passion n'existe que dans l'ambiguïté et sous forme d'ironie". Je disais que chez Kundera la pensée devait être envisagée en tant que pensée romanesque. Dans une fiction, il me semble que l'aspect ludique et l'aspect cognitif ne doivent jamais être séparés, mais vus simultanément, comme s'ils faisaient partie intégrante d'une double exposition. La légèreté formelle de Kundera sur des thèmes comme l'amour, la mort, l'histoire, le hasard et d'autres révèle en fait une passion du concret typique de la culture de l'Europe Centrale: ces thèmes sont toujours incarnés dans une possibilité existentielle singulière et particulière, et jamais développés de façon purement abstraite. La pensée romanesque de Kundera n'affirme pas mais interroge. Toute réflexion philosophique (ou historique) change de signification, devient hésitation et hypothèse dès qu'elle est soumise au jeu romanesque.

Ce qui était à l'origine réflexion philosophique s'affranchit de ses velléités définitionnelles, et elle participe ainsi au vertige de l'imaginaire et du hasard de la forme qu'est le roman. Il y a une définition de Musil qui caractérise très bien ce qu'est Kundera (et surtout ce qu'il n'est pas) dans L'homme sans qualités: "Il n'était pas philosophe. Les philosophes sont des violents qui, faute d'armée à leur disposition, se soumettent le monde en l'enfermant dans un système".

La vision de l'Histoire chez Kundera est complexe. Le romancier interroge l'homme pris dans le piège de l'Histoire contemporaine. Il ne s'agit nullement d'un portrait de l'époque puisque l'Histoire elle-même se voit examinée dans ses romans comme une situation existentielle parmi d'autres. D'ailleurs dans la vision centre-européenne de l'Histoire, l'homme figure comme un objet de l'Histoire et non pas comme un sujet (au sens sartrien). L'Histoire elle-même devient à son tour cible du jeu romanesque et de son ironie. Les héros kundériens savent bien qu'ils ne sont que des exécutants de textes écrits d'avance (cf Thomas Mann et le "puit du passé") et que même ces textes peuvent être peuvent être réécrits et modifiés à postériori (situation de Kafka). La vision de l'Histoire est ici loin d'être tragique. Réfractaire à tout psychologisme, destructrice de toute linéarité digne d'un grand récit historique, voilà les caractéristiques du regard "d'en bas" qu'on porte ici sur "la grande, la divine, la rationnelle". Ce regard particulier devient la base de ce qu'on nomme le "grotesque".

Si tu penses à Kafka qui tourne le dos à l'Histoire le jour même de la déclaration de la Première guerre mondiale en notant dans son Journal "après-midi piscine", chez Hasek les aventures de ses personnages à travers cette même guerre ne sont plus que de simples excursions dans l'Histoire. L'Avenir n'aura pas lieu, on le sait, ni pour Kraus ni pour les personnages de Musil, et, pour Broch comme pour Kundera, l'Histoire est tout simplement dépourvue de valeur axiologique. Je pense à Ludvik dans La Plaisanterie de Kundera pour qui elle n'edt plus qu'un grand système d'erreurs: et si l'Histoire plaisantait, se demande-t-il finalement.

Comment se tenir alors devant l'Histoire, si elle plaisante, si elle a le mauvais goût de se répéter? En lui faisant un pied de nez ou en se mettant au garde à vous? Voilà une nouvelle frontière Cétérouge. Si tu envisages la spécificité de l'art romanesque de l'Europe Centrale comme une réflexion sur l'absurde effort d'engoncer toutes les énergies vitales anarchiques dans un uniforme (au sens littéral comme métaphorique du terme), donc d'y cacher tout ce qui est nocturne et autre que la loi, les romans de Kafka ou de Kundera peuvent apparaître comme un défilé d'hommes en caleçon ou en chemise de nuit, avec un irrespect évident.

Ce refus du roman de voir l'Histoire se pavaner dans ses oripeaux d'apparat, le refus de cacher le désordre de la vie sous l'uniforme, se signale par un désir de faire entrevoir, ne serait-ce qu'un instant, le grotesque de ce qui se cache en dessous. Les scènes grotesques dans lesquelles l'Histoire entre en scène en sous-vêtements sont multiples: dans le Procès, Joseph K. se fait arrêter en chemise de nuit et c'est dans le lit d'un fonctionnaire du Château que K. va discuter de l'issue de sa quête existentielle; c'est en chemise de nuit que le brave soldat Chweïk écoute la messe officielle pour les combattants qui doivent partir à la Grande Guerre (qui n'est pas la leur!) pendant que Pasenow des Somnambules de Broch veille encore jalousement à ce que rien ne déborde de son manteau d'apparat car, pour lui, l'uniforme est comme sa véritable seconde peau et sa véritable fonction "est assurément rienautre, sinon de manifester et de statuer l'ordre du monde"...

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Messagede Cortese le 28 Fév 2004, 23:52

Merci à cétérouge et à Silverwitch pour cet agréable soirée littéraire (je ne sais pas s'il faut en être plus reconnaissant à cétérouge pour sa persévérance courageuse ou à Silverwitch pour la clarté et l'élégance de son érudition).
En tout cas j'ai été enchanté par ton dernier post, Silverwitch.

J'ai adoré la phrase (plus haut) "Le roman est né non pas de l'esprit théorique mais de l'esprit de l'humour".
Dernière édition par Cortese le 28 Fév 2004, 23:57, édité 1 fois.
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Messagede cétérouge le 28 Fév 2004, 23:53

Merci pour cette mise en perspective de ces écrivains dans le contexte du roman d'Europe orientale, vraiment intéressante, mais justement tu pointes quelque chose qui m'a séduit chez Broch: dans le dernier tome des somnanbules, je crois que l'idée "d'histoire en chemise de nuit", qui si j'ai bien compris sert à souligne une forme la trivialité du comportement individuel d'un sujet impliqué dans l'histoire, n'est pas forcément traité sur mode de la dérision et du grotesque, le personnage d'Huguenau sert aussi de support à une réflexion sur le caractère tragique de l'effacement de l'idée de soldarité polittique, mais cette réflexion ne s'appuye pas sur l'idée d'éclatement sémantique puis de confrontation de différentes perception possible de l'histoire.
C'est justement cette tension qui m'avait séduit chez Broch, une dérision du grotesque et du pathétique psychologique qui se retouve absurdement dans la tragédie de la première guerre mondiale, mais qui est menée sans pour autant amener la contestation immédiate du caractère "unitaire" du concept d'histoire tel qu'il est issu de la tradition historique antérieure, et cette position (qui mer appelle le point de vue que défend Hanna Arendt dans la "Crise de la Culture") imprime une forme de tension philosophique au livre que je trouvais très stimulante, mais dont j'ai l'impression qu'elle n'est plus vraiment relayée dans le roman moderne.

Par ailleurs je trouve Kundera étonnément sévère avec les Somnanbules, dont la structure m'apparaît à mon beaucoup moins disparates que ne le suggère Kundera (par exemple le plupart des intrigues parallèles, la mort d'Anna Wendling, le motif du soldat aphasique qui essaye de retrouver la parole et tout ce qui tourne autour de l'hôpital militaire, l'intrigue avec uens alutiste auquel est confronté le narrateur parle, me semblent lié par des thèmes communs, mêlant l'idée d'une forme de contrainte physique qui soustrait les individus au champs de l'histoire à celle de convalescence, et ces situations forment un thème introspectif qui s'opposenettement à celles qui concernent dans le roman Haguenau et Esch, qui eux sont pris dans un activisme politique et un jeu de manipulation psychologie tout à fait univoque et irréfléchi, qui déclenche l'incendie du village...j'ai l'impression que cette opposition dans l'intrigue du roman répond assez finement à la tension philosophique que j'ai cru déceler dans la parti du roman qui essaye de traiter sous le mode de l'essai d'un processus de despéritualisation de la notion de valeur qui s'est produit dans un processus historique qui, paradoxalement, englobait l'histoire dans une fin téléologique bien déterminée et unique ( dans lequel l'homme essayait de se ménager paradoxalement un rapport plus immédiat avec la spiritualité religieuse -je crois qu'il met cela en perspective avec une discussion sur le protestantisme qui 'm'a semblé assez proche des certains textes de Max Weber).
Je ne dis pas cela pour approuver inconditionnelement le propos d'Hermann Broch, mais pour défendre l'iodée d'une cohérence assez forte entre les différentes parties du livre, ce que Kundera semble nier avec un peu de mauvaise foi, ce qui ne me semble pas sans rapport avec une forme de vanité d'écrivain .
Dernière édition par cétérouge le 29 Fév 2004, 00:10, édité 2 fois.
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