Hugues a écrit:Comme un proche m'a demandé un résumé de l'essentiel l'argumentaire, autant le poster aussi ici:
L'article 34 de la Constitution dit notammentLa loi fixe les règles concernant :
-les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ; la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias ; les sujétions imposées par la Défense nationale aux citoyens en leur personne et en leurs biens ;
[...]
qui doit se comprendre à travers l'article 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789:La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée.
Autrement dit, il y a aussi une exigence envers le législateur de dire exactement en quel cas les gens sont interdits de manifestation. Ce que l'article 3 ne précise pas.
Mais aussi à travers l'article 4 de la DDHC de 1789:La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi.
Par ailleurs, l'article 2 de la DDHC de 1789 dit:Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression.
L'article 11 de la DDHC de 1789 dit enfin:La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi.
Or l'article 3 modifiait le code de la sécurité intérieure en lui ajoutant un article débutant ainsi:Lorsque, par ses agissements à l’occasion de manifestations sur la voie publique ayant donné lieu à des atteintes graves à l’intégrité physique des personnes ainsi qu’à des dommages importants aux biens ou par la commission d’un acte violent à l’occasion de l’une de ces manifestations, une personne constitue une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public, le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, le préfet de police peut, par arrêté motivé, lui interdire de participer à une manifestation sur la voie publique ayant fait l’objet d’une déclaration ou dont il a connaissance.
Se basant sur tout cela, le Conseil Constitutionnel juge quele législateur n'a pas imposé que le comportement en cause présente nécessairement un lien avec les atteintes graves à l'intégrité physique ou les dommages importants aux biens ayant eu lieu à l'occasion de cette manifestation. Il n'a pas davantage imposé que la manifestation visée par l'interdiction soit susceptible de donner lieu à de tels atteintes ou dommages. En outre, l'interdiction peut être prononcée sur le fondement de tout agissement, que celui-ci ait ou non un lien avec la commission de violences. Enfin, tout comportement, quelle que soit son ancienneté, peut justifier le prononcé d'une interdiction de manifester. Dès lors, les dispositions contestées laissent à l'autorité administrative une latitude excessive dans l'appréciation des motifs susceptibles de justifier l'interdiction.
Et pour cette raison, l'article 3 est censuré.
On remarque notamment la formulation du début de l'article 3 que j'ai soulignée: on parle d'agissements (il n'est pas précisé violents ou donnant lieu à des dégradations, bref un "agissement" ça peut être n'importe quoi, chanter, lever le petit doigt, faire coucou, ou juste être présent) lors des manifestations où il y a eu des dégradations. Autrement dit telle que la phrase était tourné, il suffit d'être dans une manifestation où il y a des dégradations par ailleurs (exemple la très pacifique manifestation du 1er mai), pour tomber sur le coup de cette loi. Mais même en enlevant les termes soulignés les autres termes restent abusifs selon le Conseil Constitutionnel.
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À noter que si Macron avait déféré la loi au Conseil Constitutionnel, en sus de la requête déjà des 60 députés et 60 sénateurs, c'était pour accélérer la mise en oeuvre de la loi. Quand c'est le Président qui saisit le Conseil Constitutionnel, le Conseil a un mois, au lieu de (je crois, il faut que je vérifie) trois quand il s'agit seulement des 60 députés et 60 sénateurs. C'était aussi pour montrer combien lui qu'on avait accusé de régime autoritaire il était au contraire garant des institutions (tout en poussant en sous main à l'existence d'une telle loi), et parce qu'il était certain qu'elle passerait. Perdu. Trop de certitude, trop d'orgueil, trop d'hubris... Il comptait aussi sans doute sur le fait que en juste un mois, la décision du Conseil Constitutionnel soit plus difficile à motiver, et donc qu'ils auraient du mal à la censurer, la loi, perdu là encore.
Hugues
Au moins nous ne sommes pas dans une dictature. En France contrairement à d autres pays totalitaires on peut obtenir la censure d une loi contre l avis du Président. Ce n est pas à Cuba en Russie en Chine ou au Venezuela que l on verrait cela. Ne parlons pas de l Iran ou de l Arabie-Saoudite