silverwitch a écrit:BARMANOU a écrit:C’est amusant. J’aime beaucoup l’affirmation prudente de Daney concernant Besson ou Jeuney. Pour les personnages, c’est une autre histoire. Savons-nous exactement ce qu’ils aiment et ce qu’ils n’aiment pas ? En ce qui me concerne, non. Et ce n’est pas de la fausse modestie. Pour m’en persuader,
il me suffit de discuter avec mes homologues spectateurs qui ont vu le même film que moi. A de rares exceptions, il est très difficile de trouver un consensus sur les sentiments ressentis à partir du jeu de scène des personnages. Pour Amélie Poulain, l’intention de l’auteur m’échappe totalement. Et n’est absolument pas une obsession. Tout comme le sens réel présumé du film, tout simplement parce que je ne suis pas certain de l’adéquation entre mon propre ressenti à partir des personnages et ce que l’auteur aurait voulu laisser percevoir de ses prétendues intentions derrière le paravent du jeu d’acteurs. Il est vrai que jouer les devins dans ce cas précis est un exercice de très haute voltige.
silverwitch a écrit:Je souligne cette phrase de ta réponse Barmanou, car elle illustre assez bien à mes yeux la ligne de partage qui nous sépare. Devant le film tu es plus dans la réflexion ou la comparaison sociologique (et ce n'est pas péjoratif) que dans la critique esthétique. Je crois à la critique, et cela aussi parce que je crois qu'on peut chercher à comprendre ce qu'a voulu dire le film (et non l'auteur). On peut aimer ou ne pas aimer Amélie Poulain pour de nombreuses raisons, cela je te l'accorde, mais l'évaluation du film de Jeunet qui se fonderait sur une mésinterprétation (un contresens) n'est pas une évaluation d'Amélie Poulain, mais d'une autre oeuvre, l'Amélie rêvée par Barmanou.
Diable ! Je ne savais point que mon analyse s’inscrivait dans une comparaison(sic) sociologique du film ! Je me surprends moi-même…

Tu sais flatter lorsque tu le veux hein ?

Mai j’ai suffisamment de recul pour savoir qu’elle n’ est qu’un simulacre… Dans la même lignée de réflexion, que tu revendiques "seulement" une critique esthétique du film m’étonne grandement… C’est effectivement un des points qui nous différencie. Tu as les éléments en mains pour t’accorder une évaluation du film de Jeunet. C’est même un truisme que de le préciser. A partir de là, connaissant par avance les grandes lignes directrices de l’auteur, tu en critiques plus le sens que la forme. A la limite, c’est l’hominidé du Chitral qui se place plus dans l’approche esthétique faute… de plus amples informations en amont. Logique.
silverwitch a écrit: Il y a deux places de spectateur critique et nous n'occupons à l'évidence pas le même fauteuil. Le premier qui est ému par la signification que le film a pour lui, et le second qui est curieux du sens de ce film et éventuellement de ce que l'auteur a voulu exprimer en faisant oeuvre de création. D'où la dichotomie entre sens et signification. Tu es clairement du côté de la signification quand je me place du côté du sens. C'est un point d'importance. Il n'y a pas de règle de comportement du spectateur, qui est libre de voir un film comme il l'entend ou comme il le ressent. Cependant, au moment de formuler un avis critique, qui s'offre au dialogue et à la controverse, il importe au moins de dialoguer du même film. Si tu m'entretiens d'une Amélie qui n'existe que dans ton imagination, nous ne nous comprendrons pas. Ce constat est aussi lié à la définition que fait Eco du lecteur et que je transpose à la place du spectateur, ici le spectateur modèle et le spectateur empirique. Rien n'empêche le spectateur empirique de voir le film de mille manières, et souvent ce spectateur utilise le film comme projection ou réceptacle de ses propres passions, qui proviennent de l'extérieur du film ou que le film suscite fortuitement en lui. Cette relation esthétique singulière qui se crée entre le spectateur et le film peut être passionnante, elle est en tout cas unique, intime et difficilement communicable. Le critique (professionnel ou non peu importe puisqu'il s'agit avant tout d'activité critique) se doit d'être un spectateur modèle, parce qu'il existe des règles du jeu et qu'il faut les respecter. C'est la promenade dans les bois dans la fiction. Nos bois sont des forêts de films. Le film construit un monde narratif cohérent à l'intérieur duquel nous pouvons évoluer plus ou moins librement; le bois étant un jardin dont les sentiers bifurquent. Quand spectatrice, je me promène dans ce bois, chaque découverte, chaque expérience peut être un enrichissement sur la vie, sur le monde, sur le passé. Il est louable de s'enrichir ainsi. Mais comme le bois n'a pas été crée n'importe comment et pour tout le monde, je ne dois pas y chercher des faits ou des sentiments qui me sont propres et d'ailleurs ne regardent que moi. Sinon en effet ce n'est plus interpréter un film, mais l'utiliser. Il n'est pas interdit d'utiliser un film pour rêver les "yeux grand ouverts". Mais ce n'est pas une activité publique, cela revient à confondre le bois avec notre jardin privé.
Au risque de me répéter, tu as le privilège de pouvoir te placer, dans l’exemple qui nous occupe, dans le siège de l’initié. Je me contente quant à moi d’être ému par la signification que le film a pour moi. Comme des millions d’individus qui vont au cinéma pour regarder une œuvre de fiction. A partir de là, je ne critique ni l’initié ni le profane. Je suis même content de constater, à ce stade de la discussion, que tu intègres enfin la réalité et l’existence de mon fauteuil… Mieux vaut tard que jamais en effet…

Qui de nous deux est le plus autoriser à formuler un avis critique ? Bah les deux ou personne n’est ce pas ? Tu parles de jardin privé ou de bois dormant. J’aime beaucoup cette référence bucolique. Je l’adore même.

Disons qu’en tant qu’initié, tu as eu le loisir de regarder ce film avec des yeux qui avaient déjà explorer le petit potager de l’auteur. En ce qui me concerne, j’ai eu l’avantage de flâner dans les grandes étendues forestières que ce film a créé en moi. Les frontières ne sont plus les mêmes. Les dimensions du film non plus. Ce n’est plus le même loisir. Ni les mêmes envies ou les mêmes attentes. Tu cultives pour te nourrir. Je suis un promeneur appréciant l’ambiance des feuillus et des conifères. Tout simplement. LA vérité est ailleurs.
BARMANOU a écrit:Mais bien entendu que je revendique haut et fort que ma vision d’Amélie Poulain soit issue de ma propre rêverie.

Si tu n’as pas saisi ce point fondamentale dans ce que j’ai développé un peu plus tôt sur ce film, je comprends aisément que tu puisses passer à coté du concept de la libre interprétation sur un tel film qui n’a rien de transcendant à la base d’un point de vue "profane". Maintenant, tu me parles d’une mouche qui aurait donc une signification hautement symbolique.

Je te le dis clairement que ce clin d’œil m’a totalement échappé. Pire, cet insecte possédant donc un pouvoir présumé imprévisible et attractif pour l’héroïne, m’a laissé de marbre. Ce qui ne m’a pas empêché d’avoir eu mes cinq minutes de totale évasion à la sortie du film. Ce qui ne m’a pas empêché d’apprécier ce film derrière une cohérence qui n’est peut être pas celle que l’auteur a réellement voulu donner à son œuvre. Est-ce vraiment la pierre angulaire d’Amélie Poulain ? Je ne le crois pas. Car combien de spectateurs, dans son succès planétaire, ont perçu dans ce film le clin d’œil de cette Musca domestica ? Je ne crois pas beaucoup me tromper en avançant très peu. Ce qui, de toute évidence, n’a pas constitué un blocage fondamental à l’appréciation d’Amélie Poulain. Par conséquent, la "magie" du film se trouve certainement ailleurs.
silverwitch a écrit:C'était un exemple. Je ne te refuse évidemment pas une libre interprétation du film de Jean-Pierre Jeunet, ce que je conteste à la rigueur c'est que ton appréciation du film soit juste. Pour moi critiquer un film c'est ne pas écrire une phrase comme: "Pour moi Amélie Poulain est un bon film, parce que...". Les plus extravagantes raisons d'aimer, à l'abri derrière cette précaution "pour moi" que les linguistes nomment un "embrayeur" seront entendues. Le cinéma d'ailleurs est devenu un médium si répandu, un art si populaire que bien peu rechignent à exposer leurs préférences en la matière, comme le dit la phrase de François Truffaut: "Les français ont deux métiers, le leur et critique de cinéma". Utiliser un embrayeur ("pour moi") revient moins à expertiser un film qu'à parler de soi, à rendre public le plaisir que l'on ressent, bref à raconter sa vie. Hors la précaution de l'embrayeur, les rangs s'éclaircissent; donner son avis ne va plus de soi. L'inconfort social menace: écrire d'un film sur F1-Express qu'il est "mauvais" ou le qualifier de "chef d'oeuvre", c'est afficher une prétention, une volonté de dominer. D'où tire-t-il demanderont les participants, ce pouvoir de dire la vérité?
Heureusement que tu ne contestes pas la libre interprétation d’un film chez le sujet Lambda !

Il ne manquerait plus que cela !

Pour la simple raison que tu ne le peux pas. Le contraire reviendrait à affirmer que, sous le prétexte fallacieux de connaître les véritables motivations de l’auteur en amont, tu aurais le pouvoir d’abolir la liberté imaginative du profane devant un spectacle flattant son domaine personnel du sensible. Et donc d’en castrer son interprétation artistique par une négation de ses sentiments. Non seulement ce n’est pas possible, mais en plus, par rapport au plaisir procuré par l’art, c’est antinomique. La pierre angulaire de tout ce qui touche le sensible, c’est l’émotion d’abord et avant tout. Nous sommes tous des êtres de sentiments. Tu devrais le savoir… ou à défaut le ressentir.
BARMANOU a écrit:Tu as rencontré Jeunet ? Diable. Veinarde !

C’est à la fois une grande chance mais cela t’a aussi sans doute couper tes élans lorsque tu as visionné le film, puisque la révélation de ce que devait être le scénario t’avait été faite auparavant. Dommage. L’œil conditionné provoque sans doute des réflexes critiques qui bannissent la forme (conte de fée) au profit d’un fond dont tu aurais été en quelque sorte la victime principale d’un délit d’initié. Adieu la rêverie. Bonjour l’ironie et le relief sombre du film. Tiens, cela me rappel, toute proportions gardées, les nombreux critiques de cinéma qui se plantent lamentablement dans leurs jugements empiriques en ne prenant pas assez de recul par rapport aux profanes qui représente 80% du spectateur "moyen". Combien de films jugés catastrophiques suivant des critères d’initiés ont fait des millions d’entrées? Combien de films jugés fabuleux suivant les mêmes critères ont fait des "bides" monstrueux ? Il y a matière à s’interroger…
silverwitch a écrit:Il ne s'agit pas de chance ou de conditionnement. C'est simplement mon travail puisque je vis du cinéma. Comme il est aussi de mon travail de savoir appréhender la forme et le fond, en tant qu'éléments indissociables. Tu poses ensuite l'écart entre une certaine critique de cinéma et les goûts du public. Mais tu ne réponds pas à la question de savoir ce qu'un succès ou un insuccès public nous apprendrait sur le film en question. Pourquoi serait-ce le critique qui se plante plus que le public? À cause du nombre? Il y a souvent un point commun me diras-tu, pas plus la critique que le public n'exposent les critères dont il se servent pour juger un film. Mais succès ou l'insuccès public n'est en rien un critère. Il est certain qu'un film érotique comme Emmanuelle a attiré plus de spectateurs sur Paris que 2001 de Stanley Kubrick. Un spectateur critique n'en aura évidemment pas cure: on ne va pas forcément voir un film avec le dessein de le critiquer ni avec celui de l'officialiser, par le sacrement du ticket, une valeur qu'on lui prête à priori sur la foi du bouche à oreille, de la campagne publicitaire et marketing et des précédents films de son auteur. On peut y aller pour la plastique d'un acteur, pour se changer les idées, tuer le temps, se réchauffer, rester assis sans bouger à côté de quelqu'un qu'on aime ou pour pouvoir en parler samedi soir puisque tout le monde l'aura vu. C'est ce qui se passe la plupart du temps et toutes ces raisons sont d'ailleurs légitimes. Il ne faut donc pas oublier Barmanou que le spectateur qui achète son ticket, le fait généralement sans avoir vu le film. Une entrée ne donne donc pas un avis, ni même une addition d'avis.
Tu connais sans doute la formule toute faite de la fameuse "déformation professionnelle". Elle est très exagérée dans certains cas. Mais elle est légitime dans l’ensemble. Si c’est une chance de pouvoir la revendiquer au royaume du chômage galopant, elle peut être aussi un handicap. Le public n’est qu’un critère parmis tant d’autres, certes. Mais de poids. Pour cette tautologie, nous sommes donc d’accord. En revanche, j’ai peur que tu n’ais pas comprise ce que j’ai voulu signifier en abordant le rôle du professionnel du cinéma. Peut être parce que tu t’es senti visée ce qui, je te prie de croire, n’était pas mon objectif premier. 8) Heureusement et bien entendu que le critique, dans le fond et eu égard à la panoplie des critères objectifs( ?) qu’ils peut manipuler, n’est pas toujours celui qui se "plante" le plus lorsqu’il réalise un papier sur un film. Mais il n’est pas rare qu’il soit incapable (défaut de volonté ou véritable impuissance ?) de prendre du recul sur ce qui lui permet d’exercer son métier et de se mettre momentanément à la place du fauteuil du profane. Cela éviterait plus souvent des critiques dithyrambique sur des "bides" commerciaux retentissants. Ce qui rejoint parfaitement ton "on ne va pas forcément voir un film avec le dessein de le critiquer". C’est en gros, mon sentiment de profane. A mon sens, le ticket ne valide rien du tout qualitativement. Je me doute bien que des succès commerciaux ne sont que de médiocres films suivant des critères d’initiés. Pourtant, il faut intégrer que le ticket donne une reconnaissance publique du film. C’est peu, à l’évidence, à tes yeux. Mais c’est énorme dans l’absolu. L’anonymat est la pire chose pour l’art.
BARMANOU a écrit:silverwitch a écrit:Qu'est-ce qui est original dans Amélie Poulain? Qu'est-ce qui est léger et tendre? Je commence à croire que tu n'as pas vu correctement le film de Jeunet dont pourtant la charge n'est justement pas tendre: la révélation d'Amélie qui entend l'accident mortel de Lady Diana à la télévision est un moment particulièrement méchant et surtout le film corrige cette rêverie: le couple que fait se rencontrer Amélie (la buraliste et le client bougon) après une brève idylle se séparent, et surtout Barmanou le film pour faire sens prend bien garde de mettre en garde Amélie et le spectateur. Souviens toi du discours que lui tient le peintre! Pour le reste, si tu parles d'interprétation idéologique, le plus simple serait bien évidemment que tu montres ce qui dans le film contredit telle ou telle vision.
Qu’est-ce voir correctement un film ? Est-ce être privilégié comme Silverwitch et rencontrer un des co-auteurs avant la sortie qui nous explique le synopsis avant tout le monde, ce qui nous conditionne pour regarder le film ? Est-ce cela regarder correctement un film ? Diable… Alors oui, je préfère être un profane et passer totalement à coté de la signification d’une mouche ou de la méchanceté présumée de la révélation de l’accident de Lady Diana.

Rêverie. Humour. Légèreté. Tendresse. Originalité. Ah, que cela sonne bien à mes oreilles et que cela sied bien à mon Amélie Poulain !
silverwitch a écrit:Que sais-tu d'un éventuel conditionnement? D'une conversation deux ans et demi avant la sortie du film? Ce serait plus une forme de discrédit jeté non pas sur mon discours mais sur la personne qui l'émet. Alors évidemment chaque spectateur occidental de In the Mood for Love peut trouver furieusement poétique de descendre acheter une soupe de nouilles à la gargote la plus proche dans un pot de camp, l'image aidant évidemment, quasi onirisme, le ralenti et la jolie valse...Alors qu'il s'agit du geste le plus ordinaire qui soit dans le contexte spatio-temporel du récit. On voit ici le tue-l'amour cinéphilique s'il se fût agi d'aller chercher un jambon-beurre au zinc du coin. La force du film de Jeunet ici c'est l'enrobage poético-romantique de la banalité la plus consternante. Nul poésie, nul rêve, nulle originalité mais un bel emballage. Je laisse également ma précédente réponse qui pose des questions directes sur le film ou plus exactement sur ton appréciation du film et qui appellent une réponse.
Je n’ai pas vu "In the mood for Love". Désolé.

Par contre, j’ai vu la guerre des étoiles. Heureusement que je l’ai vu avant que de grands "penseurs" cinéphiles n’arrivent à démontrer que Lucas a voulu mettre en relief le triomphe du bien sur le mal dans un affrontement idéologique de l’Empire (représentant le Nazisme triomphant, du moins au début) avec les rebelles (représentants la résistance durant la seconde guerre mondiale). En imaginant une seconde que j’eusse pu rencontrer Lucas en me confirmant cette théorie explosive, je me demande, au pire, si j’aurais été voir la trilogie ou au mieux, si j’aurais pris autant de plaisir à la regarder. Cela vaut pour toutes les critiques moins explosives. Cela vaut pour Amélie Poulain aussi. Dieu que je suis content d’avoir pu en profiter sans avoir eu la malchance de connaître les secrets intimes de Jeunet !

Mais je respecte celles et ceux qui sont allés voir la guerre des étoiles avec un à priori proche du KKK et qui n’ont donc pas aimé le déroulement pas très avantageux pour l’Empire de la trilogie de Lucas. Rêverie. Humour. Légèreté. Tendresse. Originalité. Je les revendique, ne t’en déplaise, Silverwitch. Tu parles ce bel emballage. Et les réponses, tu les as sous les yeux. A moins que l’inepte « déformation professionnelle » ne te rende partiellement aveugle sous le joug d’un prisme trop exclusif. J’ose espérer que ce n’est pas ton cas.
BARMANOU a écrit:Tu crois ou tu en es certaine ? Plutôt la deuxième solution hein ? Quel est le bon jugement de ce film ? Celui qui appartient au savoir de l’initié ? Ou celui qui appartient à la sensibilité du spectateur lambda ? Qui est visé dans ce film ? Le privilégié ou l’homo "cinéphillus" (attention pas phallus hein !

) vierge de tout préjugés et qui découvre avec des yeux émerveillés l’univers particulier de ce film ? Le jugement de goût est-il l’esclave du savoir "objectif" concernant une œuvre cinématographique ? Je te pose la question. Combien de personnes ont vu Amélie Poulain avec une interprétation totalement différente de ma modeste personne et située à des années lumières de la tienne, puisque elles n’avaient pas eu la chance insigne d’en connaître les arcanes ? Finalement, ce que l’on peut dire pour Jeunet et dans la mécanique du succès d’Amélie Poulain, jouer sur une gamme infinie d’interprétations superficielles aura été de très bon aloi. 8)
silverwitch a écrit:Non Barmanou, je n'en suis pas certaine. Je ne vais pas commencer un long discours sur ce qu'est la critique et le jugement esthétique. Attention aux confusions, un film ne se critique pas uniquement s'il touche une éventuelle cible visée. Le jugement critique tend vers l'objectivité, la seule question qui vaut la peine d'être posée est: "comment prouver qu'un film est bon".
Tu n’es pas certaine. C’est bien de le reconnaître.

A partir de là, la question "Comment prouver qu'un film est bon" garde tout son sens. Pour moi, la réponse n’a aucune importance. Lorsque je vais voir un film, je ne me fixe pas un objectif qui consisterait à pouvoir démontrer qu’il est bon ou mauvais par ce qu’il correspondrait ou pas à une interprétation personnelle qui coïnciderait avec une grille de critères empiriques ou non. Je vais voir un film. Il me plait ou non. Un point c’est tout. "Est beau ce qui me plait " prend ici tout sons sens. Et effectivement, se passe d’un cours magistral sur le jugement esthétique. Dieu Merci pour la liberté de la spontanéité.
BARMANOU a écrit:silverwitch a écrit:Je pense à Nietzsche pour conclure. En 1879, lorsqu'il se rend compte que certaines musiques italiennes faciles et sentimentales lui font de l'effet, Nietzsche met cet effet sur le compte d'une sorte de nostalgie préoedipienne: "Quand nous étions encore enfants, nous avons pour la première fois goûté au miel vierge de bien des choses; jamais plus le miel ne fut aussi bon qu'alors, où il nous conviait aux séductions de la vie."
Ah, Friedrich ! Tu me gâtes dis ! C’est Noël !

Cela explique tout ou partie de ta vision et donc de ton interprétation déçue de privilégiée du film de Jeunet. Pour ma part, je suis sans doute encore au stade ou je goûte le miel vierge d’Amélie Poulain.

Attention, je ne suis pas une abeille pour autant . Je devance ici déjà ta prochaine relation bourdonnante avec une mouche envoûtante.
silverwitch a écrit:
Je ne considère pas être privilégiée, sinon dans le sens que je connais le médium cinéma puisqu'il s'agit de mon domaine d'activité professionnel. J'apprécie beaucoup l'élégance avec laquelle tu réponds à la citation de Nietzsche (qui était bien un petit cadeau que je te faisais), mais conserve là tout de même à l'esprit. Je ne crois pas que tu sois un enfant devant Amélie Poulain. Que tu en aies la nostalgie me paraît déjà plus probable. Mais je n'imposerai pas cette hypothèse, puisque je ne te connais pas. Tu as peut-être réellement douze ans!
Joyeux Noël,
Veinarde va ! C’est un beau métier tout de même que le tien.

Et merci pour ta citation, un peu de Friedrich, cela fait du bien. Même pour Noël !

Et oui, j’ai encore les yeux d’un enfant de douze ans. Je crois que c’est un privilège pour beaucoup de choses. A mon tour de te faire un cadeau :
Lorsque Copernic était presque seul de son opinion, elle était toujours incomparablement plus vraisemblable que celle de tout le reste du genre humain. Or, je ne sais pas si l’établissement de l’art d’estimer les vérisimilitudes ne serait plus utile qu’une bonne partie de nos sciences démonstratives, et j’y ai pensé plus d’une fois. Leibniz.