Shunt a écrit:
Ergoter, parce que le SDA reste malgré tout un bon film... alors, OK, ç'aurait pu être un chef d'oeuvre, mais au bout du compte, l'important pour moi, c'est qu'il m'ait donné accès à l'univers de Tolkien (l'écriture de Tolkien épouvantablement chiante et lourde a toujous été un barrage insurmontable). J'ai passé un bon moment, sans m'ennuyer et sans non plus me décérébrer... j'y ai vu des choses visuellement intéressantes, touchantes et spectaculaires. Je me suis laissé emporter dans l'histoire, j'ai trouvé cet univers imaginaire crédible et envoutant, les personnages vivants (contrairement aux personnages "poseurs" et sans relief de la nouvelle trilogie Starwars)
Alors, oui, on pouvait sans doute faire mieux. Mais on pouvait aussi largement faire pire (voir la nouvelle trilogie Starwars encore une fois). Malgré les remarques que j'ai fait certaines faiblesses de la réalisation de Peter Jackson, je pense qu'il s'en est globalement bien sorti, car les contraintes étaient importantes (ne pas décevoir les millions de lecteurs de Tolkien ; transiger avec les studios soucieux de rentabilité ; utiliser des effets spéciaux dernier cri, des images de synthèse sans écraser l'histoire ni les personnages).
Shunt,
J'enrage. Je venais de terminer une longue (trop longue) réponse à ton message quand par un caprice de l'informatique (enfin non je dis ça pour me dédouaner) mon message s'est égaré dans le vide intersidéral du web. Je vais donc reprendre de manière plus schématique les bribes de cette réponse.
Je suis d'accord avec toi Shunt, LSDA n'est pas un mauvais film. Pour les raisons que tu énumères plus haut notamment, Jackson n'est pas un mauvais cinéaste il a un certain talent et son film le reflète aisément. Ce qui me gêne c'est cette confusion de la place de l'auteur ou plus exactement d'un point de vue singulier au sein du cinéma hollywoodien. Parce que je ne crois pas que ce soit le cas pour ce cinéma. Peter Jackson représente à mes yeux le dernier avatar de l'auteur hollywoodien (avec si tu veux des gens comme Sam Raimi, Tarantino, Fincher ou Kassovitz). Certes quand tu vois le film, ce n'est pas mauvais pour autant, mais quelle est la forme employée celle qui traduit son point de vue cinématographique? Elle est parfaitement anodine. En cela, l'esthétique de Jackson ne diffère pas beaucoup de l'uniformité marchande du cinéma hollywoodien. Si tu n'es pas d'accord, je t'écoute: quel est le style de Peter Jackson? Ce qui fait qu'on pourrait le scinder radicalement de Michael Bay (cinéaste auquel il est infiniment supérieur)? Je ne vois pas vraiment.
Sans remonter bien loin, tu connais le cinéma américain des années 70 Shunt, et le bouleversement qu'il pouvait représenter pour Hollywood. Malgré leurs points communs, la forme de Taxi Driver de Martin Scorsese est radicalement différente de celle d'Apocalypse Now de Coppola, Chinatown de Roman Polanski n'a rien à voir avec Ragtime de Milos Forman, le naturalisme de Schatzberg n'a rien à voir avec celui de Robert Mulligan, le fantastique de Brian De Palma dans Carrie est formidablement différent de celui de Kaufman dans l'Invasion des Profanateurs, le lyrisme de Cimino n'a rien à voir avec celui de Malick, t les films de Spielberg peu à voir formellement avec ceux de Lucas. Cette génération de cinéastes qui prenait le pouvoir, faisait trembler Hollywood, qu'est-elle devenue? Elle a été absorbée puis résorbée par l'idéologie et l'esthétique hollywoodienne au sein de laquelle ils se sont fondus plus ou moins à leur corps défendant. Résultat tous ces cinéastes ont disparu ou sont en crise profonde. Seuls ont survécu les cinéastes qui sont parvenus à rester plus ou moins en marge du système comme Kubrick, Altman, Woody Allen ou Malick. Tu comprends donc mon inquiétude devant cette génération de cinéastes dont l'enjeu esthétique est déjà le même que le cinéma en place, dans lequel ils se nichent avec une délectation non-dissimulée.
Voilà pourquoi je serais curieuse de voir ce qui ferait du cinéma de Peter Jackson un cinéma seulement prometteur. Je ne vois rien que l'ultime abaissement dans l'uniformisation du cinéma hollywoodien, quand on se rend bien compte aujourd'hui que celui des années 70 était déjà moins riche que la génération précédente des Lubitsch, Ford, Kazan, Manckiewicz ou Billy Wilder! Comprends moi, je n'accuse pas Jackson d'être le responsable de cet état de fait, mais j'estime qu'il y particpe largement au lieu de contribuer à y résister (dans ou en dehors d'Hollywood, peu importe).
Tu cites la nouvelle trilogie Star Wars. Sur ce point, je serai moins sévère que toi. Certes Lucas n'est pas un grand cinéaste, mais je trouve le deuxième épisode de cette trilogie finalement plus honnete et plus modeste que LSDA. Les enjeux sont clairs, la narration précise, et la modestie de la mise en scène ne me gêne pas du tout. Lucas poursuit en artisan méticuleux un travail de cinéma à l'ancienne avec ses qualités et ses défauts. Rien que pour ça son film est plus estimable, du moins je le crois.
Silverwitch (désolée du ton décousu du message)