Modérateurs: Garion, Silverwitch
Cortese a écrit:99% des productions actuelles (je ne dis pas 100% pour ne pas polémiquer)
Cortese a écrit:Moi hier j'ai été voir "Cigognes et Compagnie" avec la petite famille de cinq ans et plus. Au début je me demandais ce que je foutais là, cette impression de revoir pour la 150e fois les mêmes effets archi-usés des DA en long-métrage américains, et puis finalement j'ai bien aimé, pas mal de trouvailles de narration, le travail assez épatant sur les expressions des visages, la virtuosité de l'animation, le côté débridé de l'anecdote... Finalement malgré la modestie des ambitions, je me suis beaucoup moins fait chier que devant 99% des productions actuelles (je ne dis pas 100% pour ne pas polémiquer). Ce qui compte dans une production artistique c'est ce que ça suggère dans l'esprit du spectateur, comme émotions, comme réflexion... Ça peut paraitre curieux mais j'en suis arrivé à me dire que les films pour enfants ont plus de profondeur philosophique que les films pour adultes (si le spectacle de l'étendue infinie du vide est un sujet de réflexion philosophique, oui c'est le seul cas où les films pour adultes semblent encore avoir une raison d'être).
sheon a écrit:Pour en revenir aux Sept Mercenaires : j'ai revu le film de John Sturges, et je revois du coup totalement mon avis sur la reprise. Je ne m'explique pas pourquoi mon souvenir de la version d'origine était si peu flatteur, en tous cas il est maintenant clair dans mon esprit qu'elle est supérieure en tous points au film d'Antoine Fuqua. Si elle fait quand même l'apologie de l'interventionisme américain contre les méchants Russes, elle est très réussie cinématographiquement et bien plus aboutie que le film de 2016, qui lui se contente d'être un divertissement assez banal.
Bon et puis Steve McQueen est inégalable.
TOURBILLON DE LA VIE
Dès les premiers plans d'Une vie, il y a quelque chose de proprement saisissant. Est-ce le format non-conventionnel de l'image, presque carrée? Ces scènes quotidiennes de la bourgeoisie du XIXe siècle, on a ici l'impression de les voir pour la toute première fois, de les voir de manière radicalement différente. Radical, on avoue que ce n'est pas un adjectif que l'on s'attendait à utiliser pour décrire l'adaptation du classique de Maupassant par Stéphane Brizé, cinéaste qu'on pensait trop sage. Le récit des désillusions domestiques de Jeanne est certes familier, les décors impressionnistes de falaises normandes également, mais la mise en scène de Brizé se révèle d'emblée d'une grande modernité.
Des plans qui paraissent ne jamais vouloir cadrer les personnages en entier, les filmant toujours de très près ou de loin (allant jusqu’à de brefs et improbables zooms nerveux)... un montage très saccadé, qui accélère comme un cœur qui s'emballe, et qui fait défiler des années entières en quelques vertigineuses secondes... un art de l'ellipse répétée qui fait que les scènes ne commencent ni ne s'arrêtent jamais quand on s'y attend (le son d'une scène se termine souvent à cheval sur les images de la suivante, isolant les pensées intérieures des personnages sans tomber dans les pièges de la voix off). La vie de Jeanne n'est pas (qu')un calvaire, mais Brizé en fait un véritable tourbillon, deux heures qui passent en un souffle.
Une vie n'est pourtant pas un über-mélo. Filmé a vif, comme un très gros plan permanent, le film ne fait pas naitre l'émotion de la manière attendue. Pas de larmes recouvertes de violons, ici. Ceux qui attendent du cinéma classique risquent même de trouver le film étonnamment distant, froid. Pourtant Une vie bouleverse, mais il le fait en s'appuyant moins sur son récit que sa mise en images, choisissant de rester fidèle à l'esprit du roman tout se libérant audacieusement de l'obligation d'illustrer trop fidèlement chaque page. Toute proportion gardée, on est moins proche de la série télé Au siècle de Maupassant que de l'adaptation des Hauts de Hurlevent par Andrea Arnold. C'est d'ailleurs aux sœurs Brontë que l'on pense devant l'un des plans les plus fulgurants du film: en pleine nuit, deux silhouettes fantômes hurlant à la mort dans la campagne déserte.
Il faut saluer bien fort le talent de Judith Chemla, qui excelle avec subtilité à donner à son personnage tous les âges de la vie (adolescente vieillie avant l'heure puis vieille femme têtue comme une enfant) sans jamais donner l'impression de se livrer à un grand numéro d'actrice. Sa simple diction, curieusement ralentie, suffit à traduire des états d'âmes complexes. Maupassant n'avait certes pas besoin d'être dépoussiéré: Une vie traduit non seulement la modernité de son écriture, mais se révèle un film plus moderne que bien d'autres contemporains. Ça c'est du cinéma.
par Gregory Coutaut
5 étoiles/6
sheon a écrit:Pour en revenir aux Sept Mercenaires : j'ai revu le film de John Sturges, et je revois du coup totalement mon avis sur la reprise. Je ne m'explique pas pourquoi mon souvenir de la version d'origine était si peu flatteur, en tous cas il est maintenant clair dans mon esprit qu'elle est supérieure en tous points au film d'Antoine Fuqua. Si elle fait quand même l'apologie de l'interventionisme américain contre les méchants Russes, elle est très réussie cinématographiquement et bien plus aboutie que le film de 2016, qui lui se contente d'être un divertissement assez banal.
Bon et puis Steve McQueen est inégalable.
Shoemaker a écrit:En tout cas, tout cela donne grande envie de se faire une bonne série de grands Western de l'âge d'or US !
De temps en temps, ça fait pas de mal !
Hugues a écrit:Hugues a écrit:Un nouvel épisode, dans notre série involontaire en cours "Passons chaque saison de l'année avec notre Grande Gigue"
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Juste pour l'arrivée de l'été outre-atlantique, mais seulement pour l'automne chez nous..
Le nouveau film de Todd Solondz
Le Teckel (Wiener-Dog)
(littéralement, "Le chien-saucisse"*)
avec Julie Delpy, Greta Gerwig, Ellen Burstyn, Danny DeVito, Nigel Cooke, Tracy Letts et Kieran Culkin.
Le portrait d’un teckel et de tous ceux auxquels il apportera un bref instant de bonheur.
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La bande-annonce sous-titrée en français cette fois!
Bande annonce VOSTF
Ah, sinon, parfois il y a quelques gaffes: une nouvelle version de l'affiche française affiche déjà Deauville 2016 alors que ça n'a même pas été annoncé par le festival et ne le sera que dans un mois et demi..
Hugues a écrit:A signaler aussi, à partir de vendredi au cinéma... en même temps que sa présentation en compétition à Cannes..
Même si on peut avoir, déjà, dès la bande-annonce une relative méfiance (qui nous fera peut-être mentir, heureusement), d'autant plus que son cinéaste semble s'être un peu perdu depuis 3 ans qu'il explore différentes contrées auxquelles ils ne s'était jamais essayé..
Ma Loute de Bruno Dumont
Avec Fabrice Lucchini, Juliette Binoche et Valérie Bruni-Tedeschi.
Eté 1910, Baie de la Slack* dans le Nord de la France. De mystérieuses disparitions mettent en émoi la région. L'improbable inspecteur Machin et son sagace Malfoy (mal)mènent l'enquête. Ils se retrouvent bien malgré eux, au coeur d'une étrange et dévorante histoire d'amour entre Ma Loute, fils ainé d'une famille de pêcheurs aux moeurs bien particulières et Billie de la famille Van Peteghem, riches bourgeois lillois décadents.
* Le film s'appellera d'ailleurs Slack Bay à l'étranger.
Hugues
sheon a écrit:On peut toujours trouver pire.
Hugues a écrit:Même si on peut avoir, déjà, dès la bande-annonce une relative méfiance (qui nous fera peut-être mentir, heureusement), d'autant plus que son cinéaste semble s'être un peu perdu depuis 3 ans qu'il explore différentes contrées auxquelles ils ne s'était jamais essayé..
Hugues a écrit:NQP, ça n'est pas faute d'avoir mis en garde...Hugues a écrit:Même si on peut avoir, déjà, dès la bande-annonce une relative méfiance (qui nous fera peut-être mentir, heureusement), d'autant plus que son cinéaste semble s'être un peu perdu depuis 3 ans qu'il explore différentes contrées auxquelles ils ne s'était jamais essayé..
Maintenant, même si le film est raté on pouvait s'y attendre, (c'est pour cela que je n'en ai plus du tout parlé ensuite, après l'avoir vu), tu es quand même très sévère.. Donc ces prochaines heures, même si j'en pense pas vraiment du bien, je le défendrai un peu ce film. Dumont est un très grand cinéaste, même raté, le film n'est pas si mauvais.
Paradoxalement, et un peu tristement, du fait de Binoche et Lucchini, c'est le film de Dumont qui a fait le plus d'entrée, 560 000 quand même, quand ses chefs d'oeuvre ont été peu vu.
Hugues
Hugues a écrit:Toujours pareilJuste pour être gentil avec Sir Ouais_supère de l'Espace Infini tout ça quoi.
Arrival - Bande-annonce (pas teaser hein)
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Hugues
Hugues a écrit:Bah oui y en a une autre, parce que chacun dans sa partie du monde a voulu faire la bande-annonce à sa manière...
Premier Contact* - Bande-annonce internationale (VOSTF)tutorielsHugues (*Parce que oui le film s'appelle comme ça par chez nous - ce qui fait quand même apparemment le 3e titre)
Hugues a écrit:Ouais_supère a écrit:Il s'échauffe pour Blade Runner 2 (*vomi*), Denis Villo.
Merci encore, mais tutoriels sais, je suis plus "film dans l'espace" que film d'extra-terrestre !
Là, on sent bien que tout est dans la bande-annonce, je suis presque persuadé que le film a pas grand-chose dans le ventre passé ce petit suspense.
Mais j'espère me tromper.
Eh bien c'est en fait une excellente surprise..!
Bon ce n'est pas un grand ou très grand film il manque un supplément de grâce et peut-être un peu de curiosité chez le metteur en scène d'aller explorer au delà du plan délimité du scénario...
Mais...
C'est un film sur le temps retrouvé, la temporalité de l'être et sur la nature être-été de l'être humain.
Le film reste malheureusement un peu en surface (si on peut appeler ça la surface). Mais le récit devient donc un prétexte surprenant à plonger le spectateur dans ces questions.
Il invite sortir de la quotidienneté pour revoir pour un temps bref le présent comme une éternité.
Comme ça débute comme un mélange de Spielberg et Nolan.. (à ceci près qu'un bref instant on entrevoit par deux ou trois plans que le film peut être bien plus, ce qu'il va confirmer) je dirais que c'est en quelque sorte un Interstellar qui n'aurait pas raté, mais mieux qui aurait réussi.
Hugues (oui, Silverwitch, il y a tout ça dans le film, si, si! T'aurais pas cru? Moi non plus)
Hugues a écrit:Hugues a écrit:Hugues a écrit:Un nouvel épisode, dans notre série involontaire en cours "Passons chaque saison de l'année avec notre Grande Gigue"
Ouais_supère a écrit:Non mais ce qui est grand chez Greta, c'est que ce ne sont pas des mimiques actors studio, elle semble réellement traversée à un instant t par mille sentiments différents voire contradictoires.
C'est un joyau.
Ouais_supère a écrit:Non mais ce qui est grand chez Greta, c'est que ce ne sont pas des mimiques actors studio, elle semble réellement traversée à un instant t par mille sentiments différents voire contradictoires.
C'est un joyau.
Hugues a écrit:
Mais certains cinéastes arrivent quand même à la neutraliser complètement. Et pire, des cinéastes plutôt talentueux...
Hugues a écrit:Comme l'horrible prochain ratage Jackie où on en fait un faire valoir de Portman (et donc pour qu'on ait l'impression que Portman est une plus grande actrice, imaginez comment il faut saucissonner le plus possible les présences de Gerwig, la transformer en ombre et j'en passe... à se demander pourquoi elle a été castée dans le rôle en fait ... d'ailleurs le rôle est presque doublement ironique, comme on le voit dans la BA, c'est le chaperon qui apprend à Jacqueline Portman à figer son visage, comme si Portman avait besoin de leçon en la matière.. et comme si Gerwig était l'exemple d'un être figé..![]()
)
sheon a écrit:Y en aura toujours pour te dire que Kristen Stewart, si elle fait la gueule tout le temps, c'est pour se donner un style![]()
Ou que Ryan Gosling a une palette étendue d'expressions.
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La société sans pères ou le règne de narcisse
« La société a adopté, sans la moindre limite et sans le moindre contre-pouvoir, l’intégralité des valeurs féminines », estimait récemment le pédiatre Aldo Naouri. De cette féminisation témoignent déjà le primat de l’économie sur la politique, le primat de la consommation sur la production, le primat de la discussion sur la décision, le déclin de l’autorité au profit du « dialogue », mais aussi l’obsession de la protection de l’enfant (et la survalorisation de la parole de l’enfant), la mise sur la place publique de l’intimité et les confessions intimes de la « télé-réalité », la vogue de l’« humanitaire » et de la charité médiatique, l’accent mis constamment sur les problèmes de sexualité, de procréation et de santé, l’obsession du paraître, du vouloir-plaire et du soin de soi (mais aussi l’assimilation de la séduction masculine à la manipulation et au « harcèlement »), la féminisation de certaines professions (école, magistrature, psychologues, travailleurs sociaux), l’importance des métiers de la communication et des services, la diffusion des formes rondes dans l’industrie, la sacralisation du mariage d’amour (un oxymore), la vogue de l’idéologie victimaire, la multiplication des « cellules de soutien psychologique », le développement du marché de l’émotionnel et de l’apitoiement, la nouvelle conception de la justice qui fait d’elle un moyen, non plus de juger en toute équité, mais de faire droit à la douleur des victimes (pour leur permettre de « faire leur deuil » et de « se reconstruire »), la vogue de l’écologie et des « médecines douces », la généralisation des valeurs du marché, la déification du « couple » et des « problèmes de couple », le goût de la « transparence » et de la « mixité », sans oublier le téléphone portable comme substitut du cordon ombilical, la disparition progressive du mode impératif dans le langage courant, et enfin la globalisation elle-même, qui tend à instaurer un monde de flux et de reflux, sans frontières ni repères stables, un monde liquide et amniotique (la logique de la Mer est aussi celle de la Mère).
Après la pénible « culture raide » des années trente, tout n’a certes pas été négatif dans cette féminisation. Mais celle-ci verse désormais dans l’excès inverse. Plus encore qu’elle n’est synonyme de dévirilisation, elle débouche sur l’effacement symbolique du rôle du Père et sur l’indistinction des rôles sociaux masculin/féminin.
La généralisation du salariat et l’évolution de la société industrielle font aujourd’hui que les hommes n’ont tout simplement plus de temps à consacrer à leurs enfants. Le père a peu à peu été réduit à un rôle économique et administratif. Transformé en « papa », il tend à devenir un simple soutien affectif et sentimental, fournisseur de biens de consommation et exécuteur des volontés maternelles, en même temps qu’une assistante socialo-ménagère, aide-marmiton, changeur de couches et pousseur de caddies.
Or, le père symbolise la Loi, référent objectif qui s’élève au-dessus des subjectivités familiales. Alors que la mère exprime avant tout le monde des affects et des besoins, le père a pour rôle de couper le lien fusionnel entre l’enfant et sa mère. Instance tierce qui fait sortir l’enfant de la toute-puissance infantile et narcissique, il permet la rencontre de celui-ci avec son contexte social-historique, et lui permet de s’inscrire dans un monde et dans une durée. Il assure « la transmission de l’origine, du nom, de l’identité, de l’héritage culturel et de la tâche à poursuivre » (Philippe Forget). Faisant le pont entre la sphère familiale privée et la sphère publique, limitant le désir par la Loi, il s’avère par là indispensable à la construction de soi. Mais de nos jours, les pères tendent à devenir « des mères comme les autres ». « Ils veulent eux aussi être porteurs de l’Amour et non plus seulement de la Loi » (Eric Zemmour). Or, l’enfant sans père a le plus grand mal à accéder au monde symbolique. En quête d’un bien-être immédiat qui n’a pas à affronter la Loi, l’addiction à la marchandise devient tout naturellement son mode d’être.
Une autre caractéristique de la modernité tardive est l’indistinction des fonctions masculine et féminine, qui fait des parents des sujets flottants, égarés dans la confusion des rôles et le brouillage des repères. Les sexes sont des complémentaires antagonistes, ce qui veut dire qu’ils s’attirent et se combattent en même temps. L’indifférenciation sexuelle, recherchée dans l’espoir de pacifier les relations entre les sexes, aboutit à faire disparaître ces relations. Confondant identités sexuelles (il n’y en a que deux) et orientations sexuelles (il peut y en avoir une multitude), la revendication d’homoparentalité (qui enlève à l’enfant les moyens de nommer sa parentèle et nie l’importance de la filiation dans sa construction psychique) revient à demander à l’Etat qu’il fabrique des lois pour valider des moeurs, légaliser une pulsion ou donner une garantie institutionnelle au désir, ce qui n’est pas son rôle.
Paradoxalement, la privatisation de la famille est allée de pair avec son invasion par l’« appareil thérapeutique » des techniciens et des experts, conseillers et psychologues. Cette « colonisation du monde vécu » sous prétexte de rationalisation de la vie quotidienne a renforcé tout à la fois la médicalisation de l’existence, la déresponsabilisation des parents, et les capacités de surveillance et de contrôle disciplinaire de l’Etat. Dans une société considérée comme en dette perpétuelle vis-à-vis des individus, dans une république oscillant entre le mémoriel et le compassionnel, l’Etat-Providence, affairé à la gestion lacrymale des misères sociales par le biais d’une cléricature sanitaire et sécuritaire, s’est transformé en Etat maternel et maternant, hygiéniste, distributeur de messages de « soutien » à une société placée sous serre. C’est cette société dominée par le matriarcat marchand qui s’indigne aujourd’hui du virilisme « archaïque » des banlieues et s’étonne de se voir méprisée par lui.
Mais tout cela n’est évidemment que la forme extérieure du fait social, derrière lequel se dissimule la réalité des inégalités salariales et des femmes battues. La dureté, évacuée du discours public, revient avec d’autant plus de forces en coulisses, et la violence sociale se déchaîne sous l’horizon de l’empire du Bien. La féminisation des élites et la place prise par les femmes dans le monde du travail ne l’a pas rendu plus affectueux, plus tolérant, plus attentif à l’autre, mais seulement plus hypocrite.
La sphère du travail salarié obéit plus que jamais aux seules lois du marché, dont le but est d’accumuler à l’infini de lucratifs retours sur investissements. Le capitalisme, on le sait, a constamment encouragé les femmes à travailler afin d’exercer une pression à la baisse sur le salaire des hommes. A l’heure actuelle, 80 % des 3, 4 millions de personnes qui travaillent en France pour un salaire inférieur au Smic sont des femmes.
Toute société tend à manifester des dynamiques psychologiques qu’on peut aussi observer au niveau personnel. Au la fin du XIXe siècle régnait fréquemment l’hystérie, au début du XXe siècle la paranoïa. Dans les pays occidentaux, la pathologie la plus courante aujourd’hui semble être un narcissisme civilisationnel, qui se traduit notamment par l’infantilisation des agents, une existence immature, une anxiété conduisant souvent à la dépression. Chaque individu se prend pour l’objet et la fin de tout, la recherche du Même prime sur le sens de la différence sexuelle, le rapport au temps se limite à l’immédiat. Le narcissisme engendre un fantasme d’auto-engendrement, dans un monde sans souvenirs ni promesses, où passé et futur sont pareillement rabattus sur un perpétuel présent et où chacun se prend soi-même pour l’objet de son désir, en prétendant échapper aux conséquences de ses actes. Société sans pères, société sans repères !
Alain de Benoist
Ouais_supère a écrit:Je croyais que c'était de la chiasse, la psychanalyse.
Cortese a écrit:Je mets ce "point de vue" ici (oui c'est un affreux bonhomme d'extrême droite, c'est triste, hein ?) parce que cette critique de l'idéologie dominante recoupe exactement les reproches que je fais habituellement et qui me font trouver le cinéma d'auteur actuel insupportable.La société sans pères ou le règne de narcisse
« La société a adopté, sans la moindre limite et sans le moindre contre-pouvoir, l’intégralité des valeurs féminines », estimait récemment le pédiatre Aldo Naouri. De cette féminisation témoignent déjà le primat de l’économie sur la politique, le primat de la consommation sur la production, le primat de la discussion sur la décision, le déclin de l’autorité au profit du « dialogue », mais aussi l’obsession de la protection de l’enfant (et la survalorisation de la parole de l’enfant), la mise sur la place publique de l’intimité et les confessions intimes de la « télé-réalité », la vogue de l’« humanitaire » et de la charité médiatique, l’accent mis constamment sur les problèmes de sexualité, de procréation et de santé, l’obsession du paraître, du vouloir-plaire et du soin de soi (mais aussi l’assimilation de la séduction masculine à la manipulation et au « harcèlement »), la féminisation de certaines professions (école, magistrature, psychologues, travailleurs sociaux), l’importance des métiers de la communication et des services, la diffusion des formes rondes dans l’industrie, la sacralisation du mariage d’amour (un oxymore), la vogue de l’idéologie victimaire, la multiplication des « cellules de soutien psychologique », le développement du marché de l’émotionnel et de l’apitoiement, la nouvelle conception de la justice qui fait d’elle un moyen, non plus de juger en toute équité, mais de faire droit à la douleur des victimes (pour leur permettre de « faire leur deuil » et de « se reconstruire »), la vogue de l’écologie et des « médecines douces », la généralisation des valeurs du marché, la déification du « couple » et des « problèmes de couple », le goût de la « transparence » et de la « mixité », sans oublier le téléphone portable comme substitut du cordon ombilical, la disparition progressive du mode impératif dans le langage courant, et enfin la globalisation elle-même, qui tend à instaurer un monde de flux et de reflux, sans frontières ni repères stables, un monde liquide et amniotique (la logique de la Mer est aussi celle de la Mère).
Après la pénible « culture raide » des années trente, tout n’a certes pas été négatif dans cette féminisation. Mais celle-ci verse désormais dans l’excès inverse. Plus encore qu’elle n’est synonyme de dévirilisation, elle débouche sur l’effacement symbolique du rôle du Père et sur l’indistinction des rôles sociaux masculin/féminin.
La généralisation du salariat et l’évolution de la société industrielle font aujourd’hui que les hommes n’ont tout simplement plus de temps à consacrer à leurs enfants. Le père a peu à peu été réduit à un rôle économique et administratif. Transformé en « papa », il tend à devenir un simple soutien affectif et sentimental, fournisseur de biens de consommation et exécuteur des volontés maternelles, en même temps qu’une assistante socialo-ménagère, aide-marmiton, changeur de couches et pousseur de caddies.
Or, le père symbolise la Loi, référent objectif qui s’élève au-dessus des subjectivités familiales. Alors que la mère exprime avant tout le monde des affects et des besoins, le père a pour rôle de couper le lien fusionnel entre l’enfant et sa mère. Instance tierce qui fait sortir l’enfant de la toute-puissance infantile et narcissique, il permet la rencontre de celui-ci avec son contexte social-historique, et lui permet de s’inscrire dans un monde et dans une durée. Il assure « la transmission de l’origine, du nom, de l’identité, de l’héritage culturel et de la tâche à poursuivre » (Philippe Forget). Faisant le pont entre la sphère familiale privée et la sphère publique, limitant le désir par la Loi, il s’avère par là indispensable à la construction de soi. Mais de nos jours, les pères tendent à devenir « des mères comme les autres ». « Ils veulent eux aussi être porteurs de l’Amour et non plus seulement de la Loi » (Eric Zemmour). Or, l’enfant sans père a le plus grand mal à accéder au monde symbolique. En quête d’un bien-être immédiat qui n’a pas à affronter la Loi, l’addiction à la marchandise devient tout naturellement son mode d’être.
Une autre caractéristique de la modernité tardive est l’indistinction des fonctions masculine et féminine, qui fait des parents des sujets flottants, égarés dans la confusion des rôles et le brouillage des repères. Les sexes sont des complémentaires antagonistes, ce qui veut dire qu’ils s’attirent et se combattent en même temps. L’indifférenciation sexuelle, recherchée dans l’espoir de pacifier les relations entre les sexes, aboutit à faire disparaître ces relations. Confondant identités sexuelles (il n’y en a que deux) et orientations sexuelles (il peut y en avoir une multitude), la revendication d’homoparentalité (qui enlève à l’enfant les moyens de nommer sa parentèle et nie l’importance de la filiation dans sa construction psychique) revient à demander à l’Etat qu’il fabrique des lois pour valider des moeurs, légaliser une pulsion ou donner une garantie institutionnelle au désir, ce qui n’est pas son rôle.
Paradoxalement, la privatisation de la famille est allée de pair avec son invasion par l’« appareil thérapeutique » des techniciens et des experts, conseillers et psychologues. Cette « colonisation du monde vécu » sous prétexte de rationalisation de la vie quotidienne a renforcé tout à la fois la médicalisation de l’existence, la déresponsabilisation des parents, et les capacités de surveillance et de contrôle disciplinaire de l’Etat. Dans une société considérée comme en dette perpétuelle vis-à-vis des individus, dans une république oscillant entre le mémoriel et le compassionnel, l’Etat-Providence, affairé à la gestion lacrymale des misères sociales par le biais d’une cléricature sanitaire et sécuritaire, s’est transformé en Etat maternel et maternant, hygiéniste, distributeur de messages de « soutien » à une société placée sous serre. C’est cette société dominée par le matriarcat marchand qui s’indigne aujourd’hui du virilisme « archaïque » des banlieues et s’étonne de se voir méprisée par lui.
Mais tout cela n’est évidemment que la forme extérieure du fait social, derrière lequel se dissimule la réalité des inégalités salariales et des femmes battues. La dureté, évacuée du discours public, revient avec d’autant plus de forces en coulisses, et la violence sociale se déchaîne sous l’horizon de l’empire du Bien. La féminisation des élites et la place prise par les femmes dans le monde du travail ne l’a pas rendu plus affectueux, plus tolérant, plus attentif à l’autre, mais seulement plus hypocrite.
La sphère du travail salarié obéit plus que jamais aux seules lois du marché, dont le but est d’accumuler à l’infini de lucratifs retours sur investissements. Le capitalisme, on le sait, a constamment encouragé les femmes à travailler afin d’exercer une pression à la baisse sur le salaire des hommes. A l’heure actuelle, 80 % des 3, 4 millions de personnes qui travaillent en France pour un salaire inférieur au Smic sont des femmes.
Toute société tend à manifester des dynamiques psychologiques qu’on peut aussi observer au niveau personnel. Au la fin du XIXe siècle régnait fréquemment l’hystérie, au début du XXe siècle la paranoïa. Dans les pays occidentaux, la pathologie la plus courante aujourd’hui semble être un narcissisme civilisationnel, qui se traduit notamment par l’infantilisation des agents, une existence immature, une anxiété conduisant souvent à la dépression. Chaque individu se prend pour l’objet et la fin de tout, la recherche du Même prime sur le sens de la différence sexuelle, le rapport au temps se limite à l’immédiat. Le narcissisme engendre un fantasme d’auto-engendrement, dans un monde sans souvenirs ni promesses, où passé et futur sont pareillement rabattus sur un perpétuel présent et où chacun se prend soi-même pour l’objet de son désir, en prétendant échapper aux conséquences de ses actes. Société sans pères, société sans repères !
Alain de Benoist
Cortese a écrit:Ouais_supère a écrit:Je croyais que c'était de la chiasse, la psychanalyse.
La psychanalyse, pas la psychologie.
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