Dans les révélations de Varoufakis qui bruissent aussi via d'autres medias et canaux, il y a aussi une explication de l'erreur stratégique grecque: Tsipras a douté qu'il avait le meilleur jeu (alors qu'il l'avait ! ).
Le fait que comme je l'avais écrit, les dirigeants européens, craignaient par dessus tout une sortie de l'euro de la Grèce..
Par conséquent, comme je l'avais écrit, là encore, la stratégie la meilleure pour la Grèce (et celle qui a été appliquée jusqu'au départ de Varoufakis) était donc d'aller le plus loin possible dans la réalisation de cette sortie de l'euro pour ou bien imposer les conditions les plus favorables aux créanciers, ou bien en cas d'échec vraiment sortir de l'euro (sortie qui serait de toute façon bien plus favorable que les plans subis jusque là et qu'un mauvais accord)
Varoufakis envisageait donc que le lendemain du référendum, la Grèce annonce qu'elle paierait "en attendant la résolution de la crise" ses fonctionnaires, comme ses factures avec des reconnaissances de dette (je sais pas pourquoi on aime bien l'angliscisme suivant) des "I owe you".
Ce qui était un début d'introduction d'une nouvelle monnaie finalement..
Ca aurait fait très peur aux dirigeants européens, puisque selon la loi de Gresham, la mauvaise monnaie chasse la bonne... (si on peut appeler l'Euro une "bonne" monnaie)
En effet la plus sûre est thésaurisée, la moins sûre est celle qu'on ose utiliser pour les échanges.. et finalement la plus sûre se fait de plus en plus rare dans les flux de liquidités.
Pour ouvrir une parenthèse, c'est d'ailleurs déjà ce qui se passait depuis deux semaines depuis que la BCE fait illégalement pression sur le peuple et gouvernement grec en:
- faisant d'abord courir des bruits d'une raréfaction de la liquidité afin de déclencher le mouvement de thésaurisation
- puis effectivement en raréfiant la liquidité
A ce propos et pour fermer la parenthèse, j'aurais apprécié (et pourquoi n'ont-ils pas osé aller jusque là, au lieu d'envisager des "I owe you") que la Banque de Grèce fasse imprimer et mette en circulation des Euros sans l'accord de la BCE. Après tout, les billets de la Banque de Grèce sont des Euros totalement identiques (au code de l'imprimeur près.. mais à la limite, la Grèce n'avait qu'à contrefaire le code d'un autre pays)à ceux des autres banques nationales des membres de la zone euro. De préférence sans communiquer exactement le nombre de billets mis en circulation.
Cela aurait eu un effet encore plus fort que l'introduction de "I owe you" et aurait destabilisé quelques jours ou semaines la monnaie européenne du fait de la dilution incontrolée de la monnaie..
Fin de la parenthèse donc.
Mais Tsipras dans la nuit de dimanche à lundi s'est mis à redouter cette stratégie (pourtant la bonne) d'une réalisation le plus loin possible, jusqu'à un bon accord, d'une sortie de la Grèce de l'euro.
C'est pour cela que Varoufakis démissionne le lundi matin, et non pour une question de meilleurs rapports personnels avec les créanciers.
Dès lors tout est perdu: le premier qui dévoile son jeu, le premier qui dévoile jusqu'où il est prêt à ne pas aller a perdu... Tsipras a montré le premier, entre lui et ses "partenaires", qu'il craignait la sortie de l'euro, alors qu'il n'avait pourtant rien à craindre (les conséquences d'une sortie de l'Euro était beaucoup plus bénéfiques à la Grèce qu'à l'Union Européenne, puisque ça aurait déclenché des doutes des marchés financiers sur le maintien d'autres pays ["ils sont prêts à la sortie d'un état ? qui dit pas un autre?"] )
A partir du moment où il a dévoilé sa faiblesse, ils l'ont exploité jusqu'à lui faire manger non seulement son chapeau, mais ses vêtements avec..
En résumé, Varoufakis aurait certainement pu emmener la Grèce vers un meilleur avenir quel qu'il soit (dans l'Euro ou hors de l'Euro), mais Tsipras a douté et ça n'est pas arrivé.
Hugues