Mufasa a écrit:Hotel Rwanda. Pfou...
J'ai du mal à m'exprimer sur ce film. C'est un sujet vraiment, mais alors vraiment casse-gueule .. Pourtant mon impression est qu'il s'en sort mieux que Blood Diamond. Il est relativement pudique (il n'essaie pas de montrer l'inmontrable), il laisse l'horreur actuelle de la violence hors écran, mais on la "sent" autour de l'hôtel qui est cette sorte de refuge (mais sous tension constante, sous risque d'être englobée à tout moment dans la violence qu'il y a dehors l'hôtel).
Je réfléchis et ne sais pas quoi exprimer en fait. Il y a trop de questions. Est-ce qu'un film sur un génocide peut se permettre d'éluder les réalités constitutives du génocide pour simplement raconter l'histoire du film (en l'occurrence, celle de cet hôtel qui tentait de protéger des réfugiés) ? Je dis ça parce que je ne parviens pas à saisir ce que le film voulait montrer à propos du génocide (à part que des hutu tuaient des tutsi). J'en ressort avec l'impression que celui-ci s'est accompli par un mouvement spontané de haine et de violence (alors qu'il était planifié et organisé, c'est une des raisons pour laquelle il était si incroyablement rapide et efficace), par une foule armée qui appelait au lynchage. Est-ce que le film tentait de montrer ou d'insinuer une réalité sociologique de ce génocide (le protagoniste qui dirige l'hotel est riche, bien habillé, a sa propre voiture, veille à ce que tout soit "propre" dans son hôtel, reçoit des bourgeois et des diplomates, alors que les milices génocidaires sont des hordes prolétaires assoiffées de sang) ? (Sachant que les Hutu et les Tutsi ne sont pas des ethnies, mais des anciennes castes tagguées et nommées comme telles par les Belges.) Le problème c'est que dans le film, les mots "hutu" et "tutsi" sont prononcés sans cesse, sans qu'on sache vraiment ce qu'ils signifient. On sait juste que c'est une identité, d'ailleurs inscrite sur la carte d'identité (à un moment le protagoniste doit montrer sa carte à un officier de l'armée et c'est tamponnée en gros "hutu"). La seule chose claire qui ressort du film, c'est que il s'agissait bien, incontestablement (selon le film), d'un génocide, et peut-être du génocide le plus rapide et le plus "réussi" de l'histoire (les milices, incroyablement nombreuses, attendent les ordres à la radio, et traquent très rapidement toute personne tutsie, pour les tuer tous sans exception, ainsi que les hutu qui ne soutiennent pas le génocide). L'autre chose que le film montre clairement, c'est que la "communauté internationale" n'a rien fait. D'accord, mais d'un certain point de vue, on enfonce des portes ouvertes en ce qui concerne ces deux points.
En fait ma question principale, c'est de savoir comment on peut faire un film sur un génocide. La filmographie sur la Shoah par exemple semble d'ailleurs assez inégale, parmi les plus connus en tout cas (Amen, La Liste de Schindler, La Vie est belle ..) .. C'est pour cette raison que je dis que c'est un sujet casse-gueule, extrêmement difficile à appréhender (pour l'équipe qui fait le film - celle d'Hotel Rwanda a d'ailleurs tourné en Afrique du Sud et non au Rwanda -, tout comme pour le spectateur).
Je me demande aussi ce qu'en pensent les intellos (journalistes, historiens etc) du génocide, y compris les "non-orthodoxes" (ceux genre Pierre Péan pour qui c'était une guerre civile complètement interne avec comme d'hab des morts des 2 côtés, et un génocide complètement provoqué par les rebelles tutsi dans le but de prendre le pouvoir, etc.)
Je retombe sur cette vieille analyse Mufasa.
Moi j'ai beaucoup aimé ce film. Déjà en effet, parce qu'il n'essaye pas de montrer l'immontrable, et que sa pudeur est plus puissante qu'une recherche artificielle d'émotion. Il a évité beaucoup de caricatures (même s'il y en a tout de même).
Et pour répondre à ta question sur l'intention du film, mon idée et qu'il ne s'agit pas d'un film SUR le génocide. Il s'agit d'un film humain, d'un film montrant comment l'humanité peut surgir avec beauté, avec force, dans un décor pourtant violent et détruit. En gros, le génocide n'était que le cadre.
Et puis l'acteur principal (j'oublie toujours son nom...), je le trouve tout simplement excellent dans ce film.