Shunt a écrit:Parce que le fantasme ne réside dans la chair. Le fantasme, c'est la puissance, le pouvoir, la domination. C'est ce que ces scènes expriment. L'aspect "défouloir" dans la scène de sexe entre Theon et Ros, la prostituée, exprime la frustration du personnage, élevé par les Stark, traité comme un fils, mais otage dans les faits, car enlevé à son peuple après une défaite militaire. Elle exprime aussi son besoin presque désespéré d'être reconnu et aimé. D'autant que Ros incarne "la fille du Nord". C'est dans cette scène qu'il exprime pour la première fois sa défiance, son amertume qui le conduira plus tard à une véritable vendetta meurtrière. Le personnage apparaît dans toute son immaturité affective.
C'est bien une représentation d'un stéréotype. Et ça fonctionne d'autant mieux en raison de cet aspect
sidérant du spectacle du sexe ou de la violence, et mieux encore du sexe comme l'expression d'un combat ou d'une lutte. Tu comprends bien l'enjeu: la représentation décomplexée et objectivée a pour fonction de défaire la construction esthétique et morale d'un regard, d'un point de vue.
Le détour par le sexe ou la violence, c'est une manière symbolique d'éviter la représentation. À cet égard, c'est pire que les séquences musicales des productions classiques.
Encore une fois, le sexe ici n'est pas l'objet du fantasme. Les scènes sont d'ailleurs "brutes" de décoffrage. On est pas dans des scènes chorégraphiées, ultra-esthétisantes, comme le cinéma US a su nous en livrer pendant des décennies dans les productions hollywoodiennes. En revanche, le sexe, ici, est objectivé, ramené à une fonction de révélateur. Il annonce ou accompagne les points de bascule ou de rupture du récit. C'est même assez systématique. Eros et Thanatos.
Et c'est pire. J'y reviendrai dans le paragraphe suivant, mais il y a deux points intéressants (problématiques) dans ton approche: tu ne te penches pas sur les conséquences esthétiques de cette
objectivation (ou neutralisation) du spectacle du sexe ou de la violence (et mieux encore quand ce sont les deux ensemble) et tu ne fais pas non plus de relation
esthétique entre ce que tu décris, par exemple,
"la scène de sexe entre Theon et Ros, la prostituée, exprime la frustration du personnage" et la manière dont ce fantasme (car il s'agit bien de la description d'un fantasme, de l'irréel dans le réel) est montrée.
Ce ne sont pas nécessairement des stéréotypes. Tu connais les histoires d'Aliénor d'Aquitaine et de son premier époux Louis VII, d'Isabelle de France (fille de Philippe Le Bel et épouse d'Edouard II d'Angleterre), d'Henry VIII, de Marguerite Tudor ou de sa petite-fille Marie Stuart... Il fut un temps où les alliances entre seigneurs et rois se nouaient ou se défaisaient à travers les mariages (le sexe) et les guerres (la violence). C'est dans ces récits historiques - bien réels - que l'auteur de GoT George RR Martin a puisé son inspiration.
Ce sont des stéréotypes ! Tu fais un raccourci en oubliant que le stéréotype n'est pas tant une catégorie concrète qu'une catégorie esthétique. Le stéréotype, c'est une réduction de la représentation à une figure esthétique déjà mille fois vue et revue. Or s'il y a une morale de la représentation ou de la création artistique, c'est l'originalité, non pas tant dans la forme pour elle-même (dérive de l'art contemporain), mais dans la relation, dans
l'articulation entre ce qui est dit et ce qui est montré. Le passé est avant tout une excuse pour justifier un syndrome
Guerre du feu, c'est-à-dire utiliser l'effet de sidération de la représentation du sexe et de la violence pour faire l'économie de la construction d'un regard. D'ailleurs, personne n'en doute: toutes les séries américaines (pour adultes) se vautrent dans une représentation décomplexée du sexe et de la violence, ou dans la surenchère de corps dénudés. Il n'est aujourd'hui presque aucune série qui y échappe.
Certes "Joker" aborde la guerre - donc la question de la violence - non pas en tant que soldat mais en tant que spectateur. Certes, il est par deux fois contraint de se compromettre (une première fois au camp lors du "lynchage" de Gomer Pyle, une seconde fois sur le champ de bataille face à la sniper viet). Mais les scènes de violence et de combats dans "Full Metal Jacket" sont pour le moins explicites et crues. Davantage que dans "Orange Mécanique" où le dispositif de distanciation critique est clairement établi et posé.
D'accord avec ton analyse (et tu as bien vu que l'essentiel est dans cette thématique du regard, du spectateur à l'acteur), pas avec ta conclusion. Regarde la mise en scène, la construction du point de vue dans quatre séquences essentielles: