Shunt a écrit:C'est en banalisant les différences qu'on lutte le plus efficacement contre les discriminations. Je ne pense pas que le mariage gay soit une forme de discrimination positive puisqu'il ne confère aucun droit supérieur à ceux qui le contractent.
Peut-être suis mal exprimée.
- L'institution du mariage ne crée pas de discrimination, mais une distinction sociale.
- Le mariage n'est ni un droit, ni un acquis, ni une conquête sociale.
- La seule justification d'une distinction sociale est son utilité publique.
- La lutte contre les discriminations se fait au nom du principe républicain d'égalité entre les citoyens.
- L'orientation sexuelle est une affaire intime et privée qui ne concerne pas le législateur, tant que les droits du citoyen et de l'homme sont garantis.
- Si l'orientation sexuelle est une affaire privée, c'est bien au nom du principe de liberté.
Un couple homosexuel n'est pas discriminé par l'impossibilité d'accéder au mariage, pas plus qu'un célibataire n'est discriminé par rapport à un couple marié. En revanche, créer une distinction sociale en faveur du couple homosexuel est contraire au principe républicain d'égalité entre les citoyens puisque cela crée une distinction sociale qui n'est pas justifiée par une utilité publique (j'y reviens après). Il n'y a aucune raison publique de distinguer les citoyens selon leur orientation sexuelle ou sur leur statut conjugal, n'était la fin de procréation (que l'on peut juger dépassée, mais c'est un autre débat).
J'ajoute, pour être plus claire, que cette histoire est du même ordre que ceux qui encouragent l'État à "aménager" la laïcité en construisant des lieux de culte pour les Français de confession musulmane. Sous le prétexte d'une discrimination, ou bien au nom d'un objectif d'intégration (qui n'a aucun sens), que tu le nommes banalisation, c'est toujours le même enjeu, demander à l'État d'abandonner sa neutralité et le principe d'égalité, en l'obligeant à distinguer entre les citoyens, nommant des communautés, des appartenances ou des identités que la République ne devrait pas connaître. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que la République trahit ses propres principes, je pense notamment aux très dommageables lois sur la parité. Ce sujet me tient particulièrement à coeur, et je regrette d'insister, mais c'est le présent qui ne voit pas le brouillard dans lequel il se trouve. Ce que nous vivons, avec la confusion entre le privé et le public est une régression ! La France trahit l'égalité, et si elle reconnaît le "mariage" homosexuel, elle foule aux pieds la liberté. On peut enrober cette réalité avec toute l'idéologie compassionnelle et victimaire que l'on voudra, ça n'en sera pas moins une trahison. Ce ne sera donc pas un progrès dans la marche vers l'égalité, mais un pas vers l'indifférenciation. Et c'est cela qui affaiblit la citoyenneté et favorise les revendications identitaires.
La religion, le sexe, la couleur de peau, l'orientation sexuelle ou le statut conjugal sont des affaires privées et intimes. Mon sexe ne me définit pas, pas plus qu'il ne m'enferme et il n'entre en rien dans la sphère publique. En tant que citoyenne, seul le souci du bien commun doit me guider et ma liberté de citoyenne repose sur le fait que la puissance publique ne me considère que comme citoyenne, et non pas selon mon sexe, mon origine, ma couleur de peau, ma religion ou mon orientation sexuelle.
Si je suis une femme, si tu es chrétien ou athée, si tel individu est homosexuel, ce n'est même pas véritablement une appartenance car notre façon d'être femme, homme, croyant n'est semblable à aucune autre personne.
Shunt a écrit: Au-delà de l'objectif de procréation - qui à mon sens date un peu (fut un temps effectivement où un mari pouvait répudier sa femme si elle ne lui donnait pas d'enfant / par ailleurs, nos moeurs chrétiennes considéraient d'un très mauvais oeil l'idée même de la procréation hors mariage... un enfant hors mariage, c'était un bâtard après tout...) - on peut penser que l'union maritale de deux personnes est socialement positive, vu les engagements de mutuelle assistance qu'elle sous-tend. Le mariage, c'est aussi la promotion d'une forme de solidarité, de stabilité sociale. L'un des deux mariés peut tomber malade, perdre son emploi, son conjoint sera là pour subvenir à ses besoins. On peut donc trouver une utilité sociale au mariage indépendante de la procréation.
L'utilité commune, c'est autre chose qu'une vague utilité sociale. L'utilité commune, c'est le bien public. Or il est impossible d'écrire que le couple présente une valeur supérieure au célibat, au concubinage, au veuvage, ou même à la vie en communauté ! Ça n'a tout simplement aucun sens, à moins de vivre dans une société totalitaire qui dicte les aspects privés de notre existence. La République ne peut donc déterminer la supériorité d'un mode de vie sur un autre, pas plus qu'elle ne peut ou doit encourager l'athéisme ou promouvoir une religion. Car enfin, pardon pour l'analogie un peu massive, mais si tu remplaces l'union maritale, par la "foi communautaire", la contradiction te saute aux yeux. On peut moralement penser que l'intégration à une communauté religieuse favorise et encourage la charité, la fraternité, ça n'est pas pour autant que le législateur doit faire la promotion de la foi religieuse.
Ca n'a pas duré longtemps, puisque Bonaparte a rétabli l'esclavage dans les colonies en 1802.
Et c'était une trahison des principes républicains.
Tout à fait. Mais on peut très bien penser que le mariage gay est d'utilité publique. Au nom de la non-discrimination, du vivre ensemble et de l'harmonie sociale. On pourrait même - en poussant le bouchon un peu plus loin - invoquer des raisons de santé publique. Car en refusant le mariage aux homos, on cantonne leur sexualité aux marges de la société, on encourage donc leur marginalisation, les pratiques déviantes et à risques. La "normalisation" de la relation homosexuelle les ramène dans le giron de la société.
C'est un argument à double tranchant. L'État n'a pas à se préoccuper des identités ou des communautés, il est le garant d'un pacte civique qui repose sur la distinction entre la personne et le citoyen, entre les affaires publiques et le domaine privé. Ce que le législateur fait pour les homosexuels en tant qu'identité collective, il le défait pour tous les citoyens, qu'ils soient homosexuels ou hétérosexuels.
Il me semble que tu fais donc toujours une confusion entre distinction sociale et discrimination. Exclure les femmes du suffrage universel constitue une rupture de l'esprit de l'égalité républicaine, ce qui n'est pas le cas de l'accès au mariage qui n'est en rien un droit de l'homme ou du citoyen.
Le vote des femmes non plus. Après tout, les distinctions sociales fondées sur l'utilité publique pouvaient tout à fait justifier qu'on les privât du droit de vote. C'est tout simplement l'évolution des mentalités, des moeurs et de la société - les caprices du temps comme tu dis - qui nous a conduit à revoir ces considérations.
C'est exactement ce qui se passait. Et c'était une trahison de l'esprit des principes républicains. Or l'institution républicaine du mariage crée une distinction sociale qui n'est pas contraire aux principes républicains. Il y a là une différence de nature qu'il est impératif d'appréhender.








