Modérateurs: Garion, Silverwitch
Ambrose a écrit:Je suis impatient de lire les commentaires de Shunt et de Silver.
Ambrose a écrit:Je viens de voir le dernier Malick, et je suis très mitigé.
Mitigé parce que finalement, Malick fait du Malick (avec des séquences absolument sublimes), et surtout donne parfois l'impression de s'auto-parodier. Là où le questionnement sur Dieu était amené par petites touches et avec une grace infinie dans ses précédents films, ici, il a sorti le stabilo boss, notamment dans un final new-age complétement loupé.
Loupée également, la partie "création". Certains osent la comparaison avec "2001" de Kubrick, moi, j'avais le sentiment d'être devant un docu de France 3, style "La Terre des Dinosaures".
Rainier a écrit:Plus je lis les critiques, moins j'ai envie d'aller voir ce film![]()
Hugues a écrit:Rainier a écrit:Plus je lis les critiques, moins j'ai envie d'aller voir ce film![]()
Je ne crois pas qu'il faille lire les critiques et particulièrement celles (plutôt minoritaires) qui le démonte car je ne suis pas certain que ces gens y aient vu la profondeur qui y réside.
Hugues a écrit:Rainier a écrit:Plus je lis les critiques, moins j'ai envie d'aller voir ce film![]()
Je ne crois pas qu'il faille lire les critiques et particulièrement celles (plutôt minoritaires) qui le démonte car je ne suis pas certain que ces gens y aient vu la profondeur qui y réside.
C'est un film qui se décante en soi longtemps après l'avoir vu. Tant il est d'une richesse insoupçonnée. Pour moi cela commence à peine. Derrière la symphonie visuelle et sonore, lorsque le tourbillon d'émotion retombe (car jamais le déluge des sens n'a été tel chez Malick, je crois), même si l'on pensait l'avoir en partie compris, on découvre peu à peu des strates insoupçonnée.
Je vais essayer de résumer cet après-midi ce que j'ai pu répondre jusque là à Waddle dans une discussion que nous avons en privé, Waddle dont je crois l'opinion n'est pas négative au contraire.
Hugues
Ambrose a écrit:Hugues a écrit:Rainier a écrit:Plus je lis les critiques, moins j'ai envie d'aller voir ce film![]()
Je ne crois pas qu'il faille lire les critiques et particulièrement celles (plutôt minoritaires) qui le démonte car je ne suis pas certain que ces gens y aient vu la profondeur qui y réside.
En lisant une compile des critiques, j'ai quand même l'impression que mon opinion n'est pas minoritaire et que beaucoup ont vu comme moi des moments d'une beauté extrème, gachés par une sorte de gloubi boulga philosophico-théologique.
Cela dit, moi je conseille quand même d'aller voir ce film, justement pour ces instants de magie qu'on ne retrouve que chez Mallick (même si comme dit Cortese, ça confine au maniériste et que l'effet de surprise ne joue plus).
Neoflo a écrit:C'est là que tu vois que les élites politico-journalistico-culturelle ont encore de belles années devant elle.
Pareil...Ouais_supère a écrit:Ouais, ben n'empêche que je me tape un gros complexe d'infériorité intellectuelle, là, et du coup je ne sais même pas si je vais aller le voir tellement j'ai peur de ne rien saisir de tout ça.
Maverick a écrit:Pareil...Ouais_supère a écrit:Ouais, ben n'empêche que je me tape un gros complexe d'infériorité intellectuelle, là, et du coup je ne sais même pas si je vais aller le voir tellement j'ai peur de ne rien saisir de tout ça.
Ambrose a écrit:Neoflo a écrit:C'est là que tu vois que les élites politico-journalistico-culturelle ont encore de belles années devant elle.
Et c'est quoi le rapport ?
Je compte aller le voir, je verrai bien.Ambrose a écrit:Maverick a écrit:Pareil...Ouais_supère a écrit:Ouais, ben n'empêche que je me tape un gros complexe d'infériorité intellectuelle, là, et du coup je ne sais même pas si je vais aller le voir tellement j'ai peur de ne rien saisir de tout ça.
C'est des conneries ça. Le cinéma de Mallick, c'est pas du cinéma "intello", c'est au contraire quelque chose d'extrèmement sensoriel.
Ambrose a écrit:Maverick a écrit:Pareil...Ouais_supère a écrit:Ouais, ben n'empêche que je me tape un gros complexe d'infériorité intellectuelle, là, et du coup je ne sais même pas si je vais aller le voir tellement j'ai peur de ne rien saisir de tout ça.
C'est des conneries ça. Le cinéma de Mallick, c'est pas du cinéma "intello", c'est au contraire quelque chose d'extrèmement sensoriel.
sccc a écrit:J'ai sans doute pas percuté mais pourquoi mettre des textes cachés partout Hugues??
Ambrose a écrit:"Dieu est partout, dans le sourire d'une mère comme dans le big bang", c'est un peu short.
Hugues a écrit:Ambrose a écrit:"Dieu est partout, dans le sourire d'une mère comme dans le big bang", c'est un peu short.
Et même si ce n'était que ça, n'est-ce pas beaucoup, de percevoir de nouveau le miracle présent en chaque seconde au delà de l'urgence de nos vies. Après tout c'était déjà la chose à laquelle nous incitait Pocahontas dans le Nouveau Monde, voir à chaque regard le monde comme recommencé.
Ambrose a écrit:Non, je trouve que c'est trop peu car le propos du film se limite à ça. Alors que dans "Le Nouveau Monde" et aussi dans le "La Ligne Rouge" où on retrouvait déjà cet émerveillement dans les voix off ("Qui es-tu pour vivre sous des formes aussi diverses ?"), il y avait tant d'autres choses.
Ce qui dans ses films précédents n'était qu'un thème parmi d'autres, est devenu dans "The Tree of Life" son unique propos. Je trouve ça décevant. Tout comme je trouve décevant (limite inquiétant même) que cette question de la foi, abordée de manière si subtile dans ses films précédents, vire désormais au prosélytisme.
Hugues a écrit:Ambrose a écrit:Ce qui dans ses films précédents n'était qu'un thème parmi d'autres, est devenu dans "The Tree of Life" son unique propos. Je trouve ça décevant. Tout comme je trouve décevant (limite inquiétant même) que cette question de la foi, abordée de manière si subtile dans ses films précédents, vire désormais au prosélytisme.
Quant au fait que tu parles de prosélytisme... A nouveau Pocahontas est-elle moins habitée par sa spiritualité? Tu n'as pas vu de prosélytisme devant un panthéisme disparu, me semble-t-il. Peut-être justement parce qu'il est disparu. En tout cas tu l'as vu en spectateur. La foi chrétienne des personnages de ce récit peut être vu de ce même regard de spectateur. En fait même le vocabulaire est très oecuménique et ne s'identifie au vocabulaire chrétien, ou plus largement des trois religions d'Abraham que bien rarement. Ce récit, Malick aurait pu le faire en Virginie au XVIe siècle dans la société Powhatan cela n'aurait rien changé.
Lo a écrit:Ça a l'air chiant comme la pluie, ce film. Rien que le titre, on dirait un téléfilm pour troisième âge avec Richard Chamberlain. Le genre de truc que regardait ma grand-mère en sirotant une verveine.
Ambrose a écrit:Lo a écrit:Ça a l'air chiant comme la pluie, ce film. Rien que le titre, on dirait un téléfilm pour troisième âge avec Richard Chamberlain. Le genre de truc que regardait ma grand-mère en sirotant une verveine.
Ca vaut pas un bon Fast & Furious, c clèr.
Ambrose a écrit:Palme d'Or pour "The Tree of Life".
Mais Terrence Mallick aurait été vu en train de diner avec Luc Besson ces derniers jours (c'est le gars de Canal+ qui le dit). C'est le début de la déchéance.
Lo a écrit:Ambrose a écrit:Lo a écrit:Ça a l'air chiant comme la pluie, ce film. Rien que le titre, on dirait un téléfilm pour troisième âge avec Richard Chamberlain. Le genre de truc que regardait ma grand-mère en sirotant une verveine.
Ca vaut pas un bon Fast & Furious, c clèr.
GnaGnaGna...
Catéchisme + Brad Pitt c'est le repoussoir.
Le Figaro a écrit:Terrence Malick, la palme de sa vie
Par Eric Neuhoff
22/05/2011 | Mise à jour : 20:54 Réagir
Le réalisateur américain est couronné pour son merveilleux film The Tree of Life.
La beauté remonte à la plus haute antiquité. Comment protéger ses enfants ? Apparemment, les dinosaures se posaient déjà la question.
Terrence Malick filme le big bang, des étoiles, des cascades, des volcans. La création du monde mène au drame d'une famille texane dans les années 50. D'emblée, domine une sensation tenace : Malick n'exerce pas le même métier que ses collègues. Ils veulent des oscars ; il peint les âmes.
Brad Pitt était un père peut-être un peu trop autoritaire, mais on n'oubliera pas la séquence où il essaie d'apprendre à boxer à ses fils. Marquera aussi le regard plein d'amertume et de regret qu'il jette sur son gamin jouant de la guitare. Lui voulait devenir pianiste : il est représentant de commerce. Surgit, au fil des images, la certitude que Dieu se réfugie dans un gazon humide de rosée, la cheville d'une épouse aspergée par un jet d'eau, un rideau blanc soulevé par le vent. On se croirait souvent dans des toiles d'Andrew Wyeth. La vie, la vie entière, se concentre dans ces 138 minutes. The tree of life est de la lave en fusion. La grâce habite cette mère quasi muette. C'est Jessica Chastain, de la très fine dentelle rousse.
Les acteurs sont comme illuminés de l'intérieur. Le film est un essai, un poème, une lettre d'amour, une prière. On ne sait pas si on en sort meilleur. En tout cas, on se sent différent. A marée basse, sur le sable mouillé, les vivants et les morts se retrouvent. Ils n'ont pas besoin de mots pour se dire tout ce qu'ils ont à se dire. Les mots, justement : il n'y en a pas assez pour exprimer tout le bien qu'on pense de ce chef d'œuvre.
Valeurs Actuelles a écrit:La folie Malick
“The Tree of Life”, le cinquième film du plus rare et du plus génial des cinéastes en exercice, vient de recevoir la palme d'or au 64ième festival de Cannes. Un film fou, qui est un peu le “2001” mystique de ce créateur atypique.
Ils ne sont pas légion, les cinéastes capables sans ridicule de débuter un film par une paraphrase de l’Imitation de Jésus-Christ, au chapitre sur la nature et la grâce, juste après une citation du Livre de Job : « Où étais-tu quand je posais les fondements de la Terre ? » Terrence Malick, avec l’assurance sans faille qu’ont en partage les génies et les imbéciles, ose tout ; et c’est ainsi que The Tree of Life, le seulement cinquième film de ce cinéaste de 67 ans, s’ouvre sur la voix de Jessica Chastain, qui nous confie avoir appris chez les sœurs qu’« il y a deux voies dans l’existence : la voie de la nature et la voie de la grâce. Il vous faut choisir celle que vous suivrez ». Quiconque connaît l’œuvre de Terrence Malick, colossale malgré son petit nombre de films (la Balade sauvage en 1973, les Moissons du ciel en 1979, la Ligne rouge en 1999 et le Nouveau Monde en 2006), ne s’étonnera pas pourtant de cette introduction chez un cinéaste au tempérament contemplatif, obsédé par la nature et sachant la filmer comme personne – mais une nature animée par l’esprit, comme un reflet d’une réalité invisible qui en est le principe et le soutien. Malick, dont le style mouvant semble perpétuellement frémissant d’un souffle léger qui donne à ce qu’il filme la lumière et la vie, exalte tout au long de son oeuvre la nature, mais en cinéaste habité par la grâce.
La voie de la nature, poursuit la narratrice, sur de tranquilles et magnifiques images de bonheur familial dans l’Amérique provinciale des années 1950, c’est la voie de l’égoïsme, de la satisfaction des appétits personnels, c’est celle qui cherche à imposer sa façon de voir et de faire, quand la voie de la grâce est oubli de soi et générosité gratuite. « La nature est avare et aime mieux recevoir que donner ; elle cherche son bien particulier et personnel. La grâce est généreuse et universelle ; elle ignore son in térêt propre, se contente de peu et croit qu’il y a plus de bon heur à donner qu’à re cevoir », lit-on dans l’Imitation. Et sachant donner, elle sait aussi recevoir et goûter et chérir les beautés de l’existence, tandis que « la voie de la nature trouve des rai sons d’être malheureux quand bien même l’amour rayonne alentour », poursuit la narratrice.
Cette voix qui chante la louange de la grâce, c’est celle de Mme O’Brien (Jessica Chastain, donc, qui réussit à faire exister un personnage passif). Son mari (Brad Pitt, impressionnant de force inquiète), lui, est empêtré dans la nature : Américain archétypal, amoureux de la réussite et méprisant l’échec, croyant fermement que le succès est à la portée de quiconque saura le mériter à force de travail sur son caractère, de dépassement de soi et de déni de ses faiblesses, convaincu qu’il n’y a pas d’obstacle dont une volonté farouche et une absolue rigueur – qu’il confond avec la raideur – ne viennent à bout. On ne s’étonnera donc pas que cet homme ombrageux fasse pour ses trois fils un père tyrannique, de ceux qui ne conçoivent l’éducation que sous la forme du dressage et qui ne réussissent qu’à humilier leurs enfants au prétexte de les rendre plus forts. Jusqu’à ce que l’un d’eux, écœuré, fuie avant l’âge le domicile familial et que l’on apprenne quelque temps plus tard son décès prématuré…
Un délire créatif ordonné par une vision métaphysique
Film sans réel scénario au sens propre du terme, sans progression dramatique linéaire en tout cas, The Tree of Life alterne scènes de la vie familiale, visions de l’adulte qu’est devenu l’aîné des trois frères, Jack (Sean Penn), et plans fascinants, d’une hallucinante beauté, sortis de nulle part, qui évoquent la place de l’homme dans l’ordre du cosmos et le bouillonnement de la vie, de l’infiniment grand à l’infiniment petit : météores s’écrasant sur des planètes lointaines, micro-organismes qui grouillent, supernovas qui évoquent tantôt un gouffre, tantôt une origine matricielle, images d’espaces infinis qui sem blent is sues de quelque aventure futuriste, mais aussi créatures préhistoriques qui font renaître l’aube du monde… Images fulgurantes et folles, oscillant entre sublime et emphase, lyrisme et grandiloquence, qui confinent à la poésie abstraite et font irrésistiblement penser au 2001, l’Odyssée de l’espace de Kubrick, autre cinéaste démiurge et parfois abscons.
La différence est que cette folie créatrice de Malick est ordonnée, comme toujours chez lui, par le recours à la voix off, qui nous donne à entendre les méditations intérieures de Jack et de ses parents et la façon dont ils essaient, tant bien que mal, d’inscrire la disparition du frère et du fils défunt dans l’ordre éternel de la Création : espérance en la survie du fils, qui est aussi une interrogation lancée au Père ; réflexion sur la présence persistante du disparu, dans une autre sphère de réalité, qui est aussi une quête de sa propre immortalité. Malick donne ici libre cours à un mysticisme jusqu’alors plus souterrain dans son oeuvre, mais qui éclate au grand jour dans un finale en forme de profession de foi qu’on pourra, selon son humeur, juger follement audacieux ou basculant dans une naïveté malvenue. Lundi, à Cannes, l’accueil a été mitigé, entre huées et dithyrambes, certains louant l’ambition métaphysique, d’autres dénonçant un prêchi-prêcha simpliste.
Malgré des longueurs, des redites, malgré l’irritation qui peut naître parfois du sentiment d’avoir ici affaire à un cinéaste trop indépendant pour éviter toujours une certaine autocomplaisance, domine pourtant la sublime beauté d’images proprement inouïes d’un film qui ne ressemble à rien de ce que vous avez pu voir auparavant. Qu’il s’agisse d’évoquer des mondes inconnus, la profusion vitale qui anime le monde ou la complicité bienheureuse d’une mère avec son enfant, Malick possède comme personne l’art de renouveler notre regard et, à la manière de Vermeer, de fixer les choses banales avec une intensité telle qu’elles semblent soudain ouvrir une fenêtre sur l’éternité. Le tout au service d’une vision qui possède la simplicité biblique de la biblique vérité : « Sans amour, votre vie passera comme l’éclair.
Laurent Dandrieu
Liberation a écrit:Malick, symphonie n°5
Par DIDIER PÉRON
Très attendu, «The Tree of Life» navigue entre trip cosmique new-age et prière élégiaque. Grandiose.
Cannes, c’est chaque année une extension du domaine de la vulgarité, du luxe autosatisfait, des vigiles veillant à la bonne séparation des riches oisifs et des badauds du tiers état, de la mentalité open bar et des zombis enterrés sous des tonnes de capsules Nespresso. Mais tout ce merdier peut soudain se mettre à graviter comme une déchetterie cosmique en orbite autour d’un astre pur, filant sa trajectoire dans la cathédrale brisée du Palais du festival.
Au bout de dix minutes de projection matinale de The Tree of Life, les pupilles dilatées, on sait qu’on s’en souviendra toute sa vie. Ce n’est évidemment pas un film comme les autres, et Terrence Malick est devenu, depuis la mort de Kubrick, le seul cinéaste ayant fondé son royaume altier et solitaire, farouchement mutique et inaccessible aux médias. Nul mieux que lui ne peut occuper la place de l’artiste barbu et ténébreux capable d’arracher aux studios la plus totale liberté d’action, et les moyens considérables pour parvenir à ses fins. Un an de recherche sur les effets spéciaux, 10 000 garçons auditionnés pour trouver le trio des frères occupant la partie fifties du récit, deux ans de montage (avec cinq chefs monteurs !), annoncé à Cannes en 2010 puis retiré à la dernière minute parce que pas prêt, The Tree of Life transporte avec lui sa légende de fresque poétique grandiose mais aussi de casse-tête maudit et de prière impossible à écrire ou proférer.
Amplitude des pôles. Malick a des ambitions pour le cinéma qui ne coïncident pas forcément avec l’idée que l’on s’en fait aujourd’hui, où des formes plus simplement rêveuses d’un Apichatpong Weerasethakul ou expérimentales brutes du dernier Lynch suffisent à étancher notre soif de sublime (la vodka-pomme ne faisant plus aucun effet). Chez lui, l’amplitude des pôles entre lesquels son inspiration entend naviguer n’a cessé d’augmenter de film en film : les voix les plus intérieures et l’œil le plus transcendant, l’hypersensibilité perceptive aux moindres nuances du monde ambiant, le plus charnel, le plus lumineux, et des poussées de delirium tremens métaphysique où le cinéaste semble entrer en contact direct avec le big-bang et/ou dieu en personne.
Les informations indiscrètes qui avaient filtré des premières projections à Hollywood se sont révélées exactes. Le film se situe bien sur deux époques, les années 50, avec Brad Pitt, et les années 2000, avec Sean Penn. Ce dernier n’était pas à la conférence de presse, il est difficile de savoir si son personnage a été raboté au fil des remontages successifs, mais le fait est que sa partie est réduite à la portion congrue tandis que le film s’attarde sur les relations conflictuelles dans une petite ville du Texas entre O’Brien (Pitt) et ses trois fils dont l’un meurt bientôt, noyé. Ex-officier aux méthodes d’éducations rigides, O’Brien entend endurcir ses rejetons sous l’œil timoré de son épouse (Jessica Chastain). Il ambitionnait une carrière de grand musicien et a fini simple cadre. Son volontarisme carriériste dans l’Amérique conquérante de l’époque est contrebalancé par le jugement négatif de son ainé, Jack. On voit monter la haine dans le regard bleu-sombre de l’enfant, qui découvre avec ses amis le plaisir de la destruction et la désobéissance.
Rhapsodie. Comme toujours chez l’auteur des Moissons du ciel et du Nouveau Monde, le style de la chronique est entièrement retravaillé pour lui donner une inflexion élégiaque. Les événements anodins, les cris, la joie des jeux, le tragique de l’accident, la répétition des repas, les échappées frondeuses : tout advient et disparaît comme une récapitulation éternisée. On pense aux techniques narratives de Tolstoï, avec lequel Malick partage un certain mysticisme et une aura de gourou. Comme dans Anna Karénine, les personnages sont plongés dans un clair-obscur vibrant, chaleureux et menaçant. Nous entendons, à la faveur de l’omniscience du créateur, leurs questionnements intérieurs (et ici, la rhapsodie des voix off est somptueuse), mais nous touchons aussi du doigt le mystère profond de leur destin guidé par quelque chose de plus grand qu’eux. Le regard se porte au cœur des entrailles vives, file hagard à travers les grottes du temps et s’échoue aux bords d’un abîme pulvérulent, où images et sons n’ont plus lieu d’être.
Depuis toujours, chaque plan de Malick est un capteur branché sur des forces telluriques, divines, verticales. Mais jamais il n’avait encore franchi le pas d’une représentation littérale de cet au-delà inhumain. Aidé par Douglas Trumbull, auteur des effets spéciaux de 2001, il plonge le spectateur dans un long bain sidéral, mélangeant prises de vue réelles (cascades, volcans, vues sous-marines…) et bidouillage de peintres post-Dali de l’ère iMac : «On a utilisé des produits chimiques, de la peinture, des teintures fluorescentes, de la fumée, des liquides, du dioxyde de carbone…» explique Trumbull dans le dossier de presse. On a parfois le sentiment qu’ils ont aussi sniffés de la colle et mangé un space cake, surtout à la fin où le sublime s’épuise en gaga new-age inquiétant.
Peu importe, la tambouille philosophique phosphorescente de Malick n’a jamais été ce qu’il y avait de bouleversant chez lui. Non, c’est bien une fois encore la confiance totale, intransigeante et jupitérienne dans l’acte de filmer à perdre haleine, versant l’un dans l’autre tels deux philtres noirs les univers visibles et invisibles jusqu’au point d’éblouissement final.
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