Marlaga a écrit:Non. Simplement, il reste encore des gens avec un certain talent et une certaine idée du cinéma pour créer des films de valeur, dont on saura qu'ils auront du succès par les noms prestigieux qu'on associera au projet.
Mais si tu regardes l'histoire du cinéma dans son ensemble, tu vois bien que la tendance est d'aller vers le profit le plus grand et le plus immédiat avec des films débiles aux scénarios minimalistes et redondants et non pas d'aller vers des films de plus en plus audacieux, créatifs, instructifs et qui ouvrent les esprits.
Oui, tu décris une tendance qui est plutôt vraie, bien que limitée au cinéma hollywoodien. Demande à Shunt qu'il te parle de l'explosion du cinéma coréen, ou parlons du cinéma taïwanais, iranien...
Marlaga a écrit:Est-ce qu'il t'arrive de regarder le monde du cinéma d'un oeil critique parfois ? Parce que je parlais des personnes qui se sont enrichis sur cette industrie. Prenons quelques exemples comme Clovis Cornillac, Samy Nacéri, Vincent Elbaz...je pourrais en citer des dizaines. Ces gens là ont un certain talent d'acteur, mais on ne peut pas dire qu'ils aient participé à des grandes oeuvres d'art. Méritent-ils des salaires aussi élevés ? Ces salaires sont-ils justifiés ? C'est le même principe pour les producteurs et réalisateurs. Le ticket de cinéma atteint des prix délirants pour financer ce star-system.
Je ne vois pas bien le rapport avec le cinéma en tant qu'art. Je ne dis pas que je ne suis pas d'accord quant à l'absurdité des rémunérations. Prenons un exemple: le salaire de Michael Schumacher est beaucoup plus important que ce que gagnait Prost. Tout cela n'a rien à voir avec le talent respectif de l'un et de l'autre. Ce sont des critères extrinsèques. On peut avoir un débat, mais il convient de l'encadrer: il n'a rien à voir avec la valeur des productions artistiques et tout à voir avec une certaine idée morale de la société dans laquelle nous voulons vivre. D'ailleurs, il gagne combien par an Vincent Elbaz (ça m'intéresse) ?
Après je suis prête à entendre en théorie l'argument intrinsèque, à savoir que la production (principalement hollywoodien) a atteint un degré de standardisation jamais égalé... Mais cela reste trop général, parce que la vérité c'est qu'une oeuvre d'art est toujours une exception, un accident. La médiocrité est la norme.
Ensuite tu as tort sur la corrélation que tu établis entre le salaire des acteurs et la hausse du prix des places de cinéma, cela n'a rien à voir. Le prix d'une copie pour un exploitant de salles n'a pas augmenté de manière importante depuis trente ans.
Marlaga a écrit:Mais bon, de toutes façons, ton argument de départ comme quoi "on paye très cher le téléchargement" est absurde : 2009 a battu les records de fréquentation en salles de cinéma. Et je dirais même que c'est peut-être parce que le téléchargement a permis au plus grand nombre de garder un lien gratuit avec ce média qu'est le cinéma que les fréquentations en salle sont élevées. Sans le téléchargement, l'intérêt que beaucoup de gens portent au cinéma se serait probablement émoussé car non stimulé. Il ne faut pas croire que les gens achèteraient les DVDs de tous les films qu'ils téléchargent, loin très loin de là. En les téléchargeant, ils montrent leur intérêt. C'est un signal à interpréter au lieu de vouloir le combattre.
Il te paraît absurde parce que tu n'as aucune idée de la réalité économique du monde du cinéma. Moi je sais d'où vient l'excès de standardisation, et il vient bien plus de la vidéo (sous toutes ses formes) qui encourage à faire des produits sur mesure, à la manière des rayonnages.
Comme tu n'y connais rien (c'est normal, ce n'est pas ton métier), tu ne fais que reprendre des poncifs: tu as lu quelque part que 2009 est un record de fréquentation en salles. Bien évidemment, ce n'est pas vrai, il y a moins de spectateurs dans les salles de cinéma en France qu'il y a cinquante ans (avec pourtant une population qui ne cesse d'augmenter). Et sur les chiffres que tu as lu, as-tu été regarder de près les statistiques ? Non, évidemment. Combien de cinémas (et non combien d'écrans) ? Combien de films à l'affiche et pendant combien de temps en moyenne ? Quelle est l'évolution de la distribution ? Pourquoi la disparition progressive et quasi totale des exploitants indépendants, des distributeurs indépendants ? Quel est le lien entre le piratage et la baisse des ventes de vidéo ?
Or la responsabilité du téléchargement est massive. Le piratage a un double effet: il tire vers le bas et vers le haut les budgets. D'où un gouffre qui se crée, d'un côté des budgets toujours plus faibles (avec toutes les conséquences esthétiques) et des productions segmentées pour la vidéo, et de l'autre quelques superproductions à grand spectacle qui ont toujours besoin du prestige d'une sortie en salles.
Il ne s'agit pas de faire croire que le piratage est responsable de tous les maux, mais de dire la vérité. C'est ce que j'essaye de faire. Peut-être préfères-tu ne pas l'entendre et continuer à rêver d'un monde parfait. Rêver c'est bien, cependant il est nécessaire de connaître la réalité pour imaginer quelque chose de mieux. Et c'est valable dans tous les domaines.
Silverwitch