1991 : Xavier-Philippe m'emmène avec lui aux essais qualifs des 24 Heures. Lorsque la nuit commence à tomber, nous nous postons au freinage des chicanes Ford pour voir les freins carbone de la toute nouvelle et révolutionnaire Jaguar XJR-14 monter au rouge.
1997 : Le bac approche et le stress monte. Le soir, j'écoute le "Live at the Roxy" de Polnareff et je relis mes BD. Gaston bien sûr, mais aussi Michel Vaillant. J'adore l'album "Une histoire de fous" où Steve Warson signe chez Leader pour courir au Mans. C'est l'époque du championnat 3.5L. Guillaume Lopez signe trois dessins de la XJR-14, dont un de nuit.
La nuit suivante, je rêve de la Jaguar, sous la pluie, de nuit, crachant des flammes en passant le virage de Mulsanne. Les phares avant et arrière se reflètent sur la piste détrempée. Le pilote enclenche les vitesses et le V8 Ford-Coswoth HB de F1 envoie du son.
La XJR-14 ré-accélère et s'enfonce dans la forêt en direction d'Indianapolis.
XJR-14 V8 FordElle me trottera dans la tête les jours d'après.
Il reste un kit Starter de la XJR-14 dans les casiers de "Manou". Il traine là depuis 6 ans. Il n'est pas monté. A chaque fois que je passe à la boutique du "passage du commerce", je regarde s'il est toujours là.
Je décroche le bac avec 10.1 de moyenne. Bravo le gars ! Dieu sait pourquoi, une légende m'attribuera je ne sais quel niveau scolaire "si j'avais bossé".
Maman m'offre cette miniature. Elle va la commander elle-même, avec les détails que je lui ai donnés : voiture n°3 du duo Brundle-Warwick, version "full tobacco" (c'est à dire avec les stickers "Silk Cut King Size"), gagnante à Monza en 1991.
Je confectionne un petit fond spécial pour la boite en plastique dans laquelle je l'expose. Elle rejoint mes miniatures de Senna et de Coulthard.
2002 : Je crée mon site encyclopédique sur la Jaguar XJR-14. Aujourd'hui, il a 15 ans. Un vrai adolescent ! Il m'a permis de me créer un réseau de dingue autour de ce sport-proto. Allez lire l'histoire de ma quête, j'y balance tout sans détour, tant pis si on me colle un procès. De toute façon, les anglais sont nuls en français.
2004 : Ayant fait l'acquisition chez RallyMans de deux kits Provence-Moulage de la XJR-14, je trouve tout à coup le kit Starter moins fidèle à la réalité que la Provence. Je décide donc de le vendre par l'intermédiaire de Patrick Lepage (une connaissance de l'association d'Allonnes APSM), qui tient un stand à la bourse d'Angers.
J'y suis avec mon copain Eric Busson. Nous sommes tout à coup rejoint par son chef, qui est aussi devenu un ami : Eric Lambert. Il nous montre tout fier sa dernière acquisition : une Jaguar XJR-14... qui n'est autre que la mienne ! Il vient de l'acheter sur le stand de Patrick. On "hallucine" et on éclate de rire (sans bédo !).
Près de dix années passent.
2013 : Je me retrouve avec plusieurs XJR-14 dans ma vitrine. Des Provence Moulage, des Spark et un modèle de prestige de la marque Marsh. Je me dis que c'est tout de même dommage de ne plus avoir une version Starter, qui après tout était une interprétation de la XJR-14.
Je regarde sur eBay : il y en a une en vente en France. Elle est bien montée.
Mais les enchères montent trop, je ne suis pas assez décidé, je la laisse filer.
Le vendeur vend également une Peugeot 905 non-montée à petit prix, je lui achète et le rencontre : il est de la Sarthe. Arrivé au lieu de la transaction : c'est Eric Lambert ! Surprise énorme.
Avec trois enfants, moins de place, il recentre sa collection et liquide ses 1/24e et une partie de ses 1/43e.
La Jaguar XJR-14 qu'il vendait était en fait la mienne.
Je viens de laisser passer une occasion en or.
Je tente de lui racheter : trop tard, l'acheteur anglais a payé, elle vient de partir par la poste.
Depuis, je repensais régulièrement à cette occasion manquée.
2017 : Il y a deux mois, je marche rue Albert Maignan. Va savoir pourquoi, cette affaire me revient une fois encore... Cette première miniature, ce cadeau de maman, la connerie de l'avoir vendue, la chance de connaitre le premier acquéreur, avoir raté d'un souffle le rachat... et l'anglais qui la possède.
S'il y a une seule chance de la retrouver, il faut la tenter !
Je demande à mon ami Eric s'il est encore en contact avec Eric Lambert. "Non" me dit-il, ils se sont perdus de vue avec les déménagements dus aux opportunités professionnelles et les gosses. Mais il a sa dernière adresse pro connue, chez Souriau, route de Paris à Champagné.
J'envoie un mail où je lui explique la situation : la perte de maman, l'envie de retrouver son cadeau. Eric Lambert me répond assez vite : il me donne son pseudo sur eBay et je retrouve la transaction. Mais je ne peux pas lire le pseudo de l’acquéreur. Eric me le transmet. On constate que l'anglais en question est toujours actif sur eBay et semble un fan des produits Jaguar.
Je contacte l'anglais sur eBay et j'obtiens une réponse en 24h ! Il comprend l'attachement sentimental à cette miniature. Il connait mon site, qu'il adore. Il est d'accord pour un rachat ou un échange. Martin Lamb est un investisseur anglais qui bosse pour la boîte familiale. Il a quatre Jaguar, toutes les miniatures des Jaguar Groupe C, toutes les gagnantes du Mans depuis 1923, vingts combinaisons de pilote, des modèles de soufflerie au 1/6e, des pièces divers (ailerons etc...).
Je lui propose de lui envoyer l'un de mes deux kits Provence Moulage. Il accepte et veut la n°3.
Il prépare l'envoie mais n'a pas la boite d'origine. Je lui dis de bien l'emballer si possible, c'est fragile.
Jeudi 14 (tiens tiens) septembre, le colis est au Mans. Instant d'émotion au moment de l'ouverture. Un peu douché parce que malgré mes conseils, la voiture arrive endommagée. Essuie-glace plié, aileron arrière complètement détruit, plan central plié en V. Vu l'état, ça a du cogner fort !
Mais la voiture est là ! Petite séance de nettoyage, j'ai un peu de mal a réaliser que c'était ma voiture et qu'après toutes ces péripéties, elle est finalement de retour chez moi !
Martin me présente ses excuses. Ce n'est pas grave : ça fera partie de l'histoire déjà bien longue de ce kit.
L'aileron est très vite recollé après avoir détordu le plan central. La peinture, c'est autre chose. Le noir presque mate, c'est délicat à manier si je veux éviter les pâtés et le contraste avec les zones intactes. Je vais prendre le temps.