Stéphane a écrit:Perso, je trouve pas ça important, ce qu'est la comète. C'est la réaction qui compte.
Alors je vais dire la même chose, mais en 100 fois plus long !
Il y a deux manières d’aborder un film (ou un livre…) :
- Ce qu’il nous donne, ou prétend nous donner, quitte à ne pas répondre à nos attentes
- Ce que nous pensons qu’il devrait nous donner pour obtenir (mériter ?) notre satisfaction.
Les deux attitudes peuvent être soumises au débat. Ca c’est fait…
Perso, comme Manu, je précise (comme à chaque fois) que je n’ai aucune prétention en expertise cinématographique, et que donc, je perçois l’œuvre comme un spectateur lambda, ni expert, ni complètement abruti (je l’espère
).
Cela précisé, d’abord, qu’est ce que ce film, d’un simple point de vue « basique » ? Une comédie. Bien ciselée (elle nous fait rire et grincer des dents…), comme savent le faire les Américains. Servie par des acteurs doués, haut de gamme.
C’est déjà une chose. Suffisante en soi, d’ailleurs… Nul n’est tenu constamment à l’exceptionnel. La vie est aussi faite de petites choses parfois humbles et modestes, mais satisfaisantes…
Alors oui, ce film ne pousse pas le principe de comédie dans ses derniers retranchements, à la manière de « Ya t il un pilote… ». Parce que, je pense, qu’il a opté pour un autre choix : La comédie n’est en fait là que pour porter et propager « le message » au maximum, et pour cela, le film, au lieu d’aller droit dans la totale déconne flamboyante et magnifique, bifurque en quelque sorte, pour véhiculer (porté par l’effet comédie), ce fameux message. Un message éminemment politique, tout de même, mais aussi anthropologique, culturel…
De quoi s’agit-il ?
D’abord, de ce fameux concept qui dit : « l’humanité (l’humain) est ainsi faite qu’elle peut réagir vite et fort devant un danger immédiat, mais à contrario, si ce danger est relativement lointain, bah, on attendra pour y faire face… ».
Et d’évidence, on est en plein dans ce concept, avec ses 3 piliers :
- 1 - Une démographie galopante, pour des ressources limitées, et tout le monde exige (qui peut nier ce droit !) d’avoir sa part de ressources au même titre que l’Occident, qui, de fait a placé la barre très très haut, et en se servant à fond dans le monde entier. Qui peut raisonnablement dire aux Chinois ou aux Indiens que ce n’est pas bien d’essayer d’atteindre le niveau de vie des USA, etc ? C’est. Impossible ! Donc, démographie grave, avec un back ground, un système économique capitaliste porté au rouge, et qui est de fait LA NORME mondiale. L’Occident a propagé ce système, et le retour du boomerang est terrible ! 7 ou 8 milliards de types veulent leur part du gâteau en se fondant dans ce système ! Au secours !!!!…
- 2 - Le pétrole (et le gaz) a, en un peu plus d’un siècle fait plus pour changer la vie de l’humanité que 5000 ans de civilisations diverses. Le pétrole est partout ! Dans nos tee-shirt, dans le goudron des routes, dans les usines, dans les machines, dans la chimie, … DANS PRATIQUEMENT TOUT ! Or, on a oublié un petit détail : il va se tarir à très moyen terme. On pense qu’en 2008, le pic-oil a été franchi. Et nous n’avons strictement rien préparé pour faire face aux problèmes terribles qui vont nous tomber sur le nez, dans quelques années, ou dizaines d’année au mieux. Rien ! (Oui bon, les éoliennes et les jouets en bois…
)
- 3 - Ce même pétrole miraculeux, est aussi une malédiction, du fait que nous nous en sommes gavés (au début que l’Occident, mais maintenant, donc, tout le monde veut sa part) comme des porcs ! Sans limite, sans conscience. Et du coup, si nous avons fait avancer la civilisation d’une manière exponentielle, nous avons aussi salopé la planète tout aussi exponentiellement. Et nous voilà devant ce paradoxe extraordinaire : ce qui détruit la planète, c’est aussi ce dont l’absence nous détruira ! Si quelqu’un peut proposer un paradoxe plus sinistre, je suis preneur !
Donc, 3 extrêmes urgences : la démographie (si nous n’étions qu’1 milliard, ça baignerait à donf !), la pénurie du pétrole (dont nous somme total addicts), et le réchauffement climatique.
3 trucs qui préparent notre fin, aussi surement qu’une comète de 10 Kms qui fonce sur nous. C’est bien entendu cela, la « comète » du film, mais chacun y mettra ce qu’il voudra. C’est le concept, qui compte.
Retour au film : Au-delà donc d’une comédie croustillante et bien ficelée, il y a le message : la fin du monde approche, mais comme elle n’est pas pour demain, on s’en fout, et on fait comme si de rien n’était. Oh, on en cause, on en rigole, en fait du buzz, mais bah, 6 mois (ou 50 ans…), c’est long, on verra bien.
C’est cela la thèse du film : notre incapacité à réagir devant la catastrophe annoncée, du fait qu’elle n’est pas pour demain … mais pour après demain !
Et ça, le film sert ce concept d’une manière magistrale : l’effet comédie bien ficelée, pourrait être d’une redoutable efficacité, pour faire rentrer dans la caboche des foules devenues fainéantes du bulbe, ce p… de concept qui nous guette comme le vautour guette la bête blessée !
En ce sens, de ce point de vue, le film est d’une rare efficacité, me semble-t-il.
Cela dit, le film va encore plus loin, et en profite pour mettre a nu ce qui nous rend encore plus victime du fameux concept (non réactivité devant un danger existentiel). Alors oui, ce n’est pas un film produit par des marxistes, qui vont mettre le doigt là où ça brûle : le mot CAPITALISME n’est jamais prononcé. Et vaut mieux. Vu la sale réputation qu’ont les idées marxistes, le meilleur moyen de faire fuir les foules, c’est de leur faire un cours, aussi puissant et vrai soit-il, sur la nature historique et scientifique du capitalisme, qui est LA cause ultime du tout, certes du meilleur mais du pire surtout : pollution, exploitation démente de la terre et des Hommes, anarchie socio démographique incontrôlée, recherche fanatique du profit au prix s’il le faut d’une destruction totale, guerres impérialistes, remise des clefs du pouvoir entre les mains d’oligarques plus ou moins mafieux ou plus ou moins gourous transhumanistes illuminés, etc.
Le film n’essaye pas de faire une thèse académique sur les causes profondes, hyper politiques, etc, du merdier qui risque de nous engloutir. Mais il biaise intelligemment.
Et que nous montre-t-il donc : le pouvoir politique issu du peuple, aux mains de « politiques » foldingos, ravagés par la com, les éléments de langage et les sondages, etc., des h/f politiques tellement pourris qu’ils ont dévié la souveraineté du peuple pour la remettre aux mains d’oligarques dingos, des médias qui mettent tout ça en scène, etc. C’est aussi du marxisme, mais sans le dire… Et c’est certainement de la politique !
Ce film, c’est une histoire, une fiction ; alors bien sûr, pour servir le récit, on suppose que la fusée sino-russe, d’habitude si sûre, par malchance, ce jour-là elle se casse la gueule (humour, bien sûr, mais humour très noir !) ; tout se passe comme si le monde n’est là que pour regarder l’Amérique « faire », en priant ou en regardant les écrans : satyre de dizaines d’années de cinéma hollywoodien où on avait l’impression que le moindre extra terrestre ou la moindre soucoupe volante arrivant sur terre, par une sorte d’évidence transcendantale, ne traitait qu’AVEC les USA sous l’attente et le regard suppliant du reste du monde, etc. Combien de fois n’avons-nous pas vu ces scènes ! Tout cela est montré, oui, telle une claire satyre… Et bien entendu, last but no least, la main mise des GAFA sur le monde, incarnation d’un capitalisme démentiel en bout de parcours, devenant caricature de lui-même. FB et Tweeter qui ont été capable de faire taire l’homme le plus puissant du monde et faire passer cela pour quelque chose d’éminemment humaniste et démocratique, c’est la réalité qui dépasse la fiction !…
Etc etc etc….
C’est déjà très très beaucoup, pour une simple bonne comédie, non ?